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Les élections présidentielles sont déjà
dans toutes les têtes.
Le refus de Sarko le fascho nourrit les inquiétudes et va certainement
favoriser l'élection de la première femme présidente
de la république. Parmi les raisons, qui vont mener Ségolène
Royal au trône présidentiel, une mérite d'être
développée, elle n'est évoquée presque
nulle part. Cette argumentation s'appuie sur les analyses de Pierre
Legendre (1) reprises et développées par Christian Geffray
(2).
L'hypothèse principale de cette approche est la suivante :
Dès leur enfance, les humains échangent leur soumission
contre une place et un discours, qui donne sens à leur existence.
Ce processus est inconscient et recouvert par les croyances élaborées
par les humains pour parler de l'origine des sociétés.
La soumission sans contrainte est la règle générale
et non l'exception. C'est un postulat indémontrable à
priori, mais a posteriori l'étude de ses conséquences
prouve la justesse et la pertinence de cette hypothèse.
Ce constat, c'est un invariant anthropologique, le juger mauvais sur
le plan moral ou politique ne mène à rien. Il est scandaleux,
si on pense que les humains sont libres par nature. Il signifie simplement
que la liberté est une conquête, très souvent
partielle et éphémère. La liberté est
un résultat, pas un attribut de l'être, seule la possibilité
de liberté existe. Ce n'est pas une propriété
hors le temps et l’espace, elle existe toujours dans une situation
précise.
La soumission sans contraintes est un dispositif que l'on peut analyser
après-coup. Il fonctionne avec le regard, les images, l'émotion
et les affects, le désir comme le note Dominique Quessada dans
son livre sur la politique de la publicité (3).
On peut comprendre, de ce point de vue, l'importance du discours et
des pratiques discursives relevées par Michel Foucault. Les
discours sont liés à des agencements relationnels entre
les humains. Le pouvoir asymétrique n'est pas spécialement
lié aux qualités des personnes en situation de pouvoir.
Il fonctionne avec des dispositifs précis. Le pouvoir se dissémine
partout dans la société. Même parmi les personnes
victimes de l'apartheid social, les situations de pouvoir se développent
et se reproduisent. C'est notamment la base du féminisme et
de l'anticolonialisme depuis assez longtemps.
La soumission sans contrainte fonctionne donc avec des maîtres,
petits ou grands. Le maître se trouve au sommet du dispositif,
il distribue les places et énonce un discours sur la vie. Ce
maître peut être le père de famille, le président
d'un pays, le chef religieux, le roi, le leader politique, le capitaine
ou le coach de l'équipe sportive, etc.
Les maîtres changent, les discours sociaux, qui les accompagnent
aussi. Dany Robert Dufour appelle cela les "Grands sujets"
(4).
Dans ce fonctionnement, les dominés/ées et les maîtres
sont liés les uns aux autres par un attachement en rapport
avec le désir. Les maîtres sont obligés à
l'amour des dominés/es. Cet amour, les dominés/ées
en ont besoin pour être reconnus/es et supporter la domination.
Au travers des évolutions des sociétés, la structure
perdure.
Avec le capitalisme, un changement se produit. Les dominants ne s'intéressent
qu'au pouvoir pour l'argent (le capital). L'amour des dominés/ées
n'est plus à l'ordre du jour. Nous sommes passés/ées
de la valeur des humains à la valeur des biens. Jacques Lacan
constate que le capitalisme évacue le sexe comme production
du désir. Dans cette nouvelle situation, nous avons des dominants
et plus de maîtres. L'amour des dominés/ées est
en panne et c'est devenu une source de problèmes. La reconnaissance
ne fonctionne plus selon le mode ancien.
La production de discours (Michel Foucault) n'a plus de consistance,
la post modernité développe une pensée molle,
ce que relève Jean-Pierre Le Goff à propos de la pensée
"chewing gum" des managers (5).
Le ciel est vide, toutes les théories qui légitimaient
les maîtres ont fait faillite. La position en extériorité
de Dieu, des rois, des pères morts ne peut plus justifier l'ordre
social fondé sur l'inégalité.
La quête d'amour des dominés/ées est une errance
douloureuse, dont se foutent complètement les dominants actuels.
Pourtant, il est maintenant clair que le bonheur humain est lié
au désir et pas seulement à la distribution des biens
(l'exploitation de la plus value du marxisme, des syndicalistes révolutionnaires
et autres radicaux anti-capitalistes), ni uniquement à l'émancipation
(la domination de l'individu par l'institution collective des anarchistes,
des libertaires et autres anarcho-syndicalistes). Le bonheur humain
a une exigence désirante. Comme les capitalistes ne sont plus
des maîtres au sens ancien du terme, on ne sait plus ce qu'être
humain veut dire.
Le rapport à l'autre devient un problème récurent,
l'être ensemble on ne sait plus trop ce que c'est, l'existentiel
est très souvent lié au désarroi et à
la détresse, le désir est en panne pour beaucoup de
gens.
C'est ce contexte, qui explique pourquoi Ségolène Royal
a de fortes chances d'être élue présidente de
la république, elle sera élue parce qu'elle promet de
l'amour. Elle écoute et elle prône l'empathie …
Sarko, lui, promet la schlague, la punition. Cela peut convenir à
des personnalités autoritaires en demande de surmoi social,
en quête de pureté. A ce jeu là, Le Pen reste
toujours le plus fort.
Nous, nous ne voulons plus de la domination, nous refusons d'être
dominés/ées ou d'être des dominants. Ce souhait
est à nuancer, puisque l'idée libertaire continue d'abriter
des dominants et des dominés/es. Notre désir est incertain,
peu sécurisé, obligé de se recomposer régulièrement,
le doute est souvent présent.
L'avenir semble plus ouvert aux femmes. Elles représentent
la modernité et une solution à des démocraties
en voie d'épuisement. Les femmes accèdent aux hautes
fonctions en Allemagne, au Chili, au Libéria, au Medef …
François Hollande a redonné vie au PS moribond en soutenant
Ségolène. C'est une énarque, elle a été
ministre et pourtant on ne la voit pas comme telle, alors qu'elle
est bien intégrée à la classe dominante. Elle
reçoit l'espoir des dominés/es, elle l'accepte et ça
marche. Elle désamorce les critiques avec calme et son sourire
est là pour nous et visiblement beaucoup de gens aiment cela.
C'est une femme moderne, une mère qui assure, suffisamment
bon chic bon genre pour faire rêver.
De plus, une femme élue à l'Elysée, c'est symboliquement
fort.
Voilà pourquoi, il est fortement probable que Ségolène
Royal soit élue présidente en France. En ce qui concerne
l'écart avec ses prédécesseurs, il n'y a pas
photo.
Pour ma part, je tiens à préciser que je ne suis pas
ségoléniste, ni royaliste. Mon but n'est pas de faire
voter ou pas pour Ségolène Royal, mais d'essayer de
comprendre ce qui nous arrive, aussi bien localement qu'au niveau
hexagonal, pour ensuite construire collectivement des réponses
adaptées.
Philippe Coutant, Nantes le 3 Janvier 2007
Notes
1 / Pierre Legendre est aujourd'hui plutôt du côté
de l'ordre, il appuie les thèses de la droite sur la nécessité
de l'autorité, sur le pacs, le mariage homosexuel ou l'adoption
par les couples gays et lesbiens. Il n'en a pas toujours été
ainsi. En 1974, il a publié un livre intitulé "L'amour
du censeur". Son œuvre essaie de construire une anthropologie
basée sur l'analyse du droit et la psychanalyse. Son travail
porte sur ce qui institue l'humain. Il a publié un petit
livre aux éditions Mille et une nuits "La fabrique de
l'homme occidental" en 2000. Selon ses thèses, les constructions
culturelles et juridiques encadrent le désir et protègent
de la folie.
2 / Christian Geffray (1954-2001) était un anthropologue,
qui a utilisé la psychanalyse pour étudier les sociétés
humaines. Il a développé une théorie nommée
"anthropologie analytique". Il a publié, entre
autres, deux livres : « Le nom du Maître. Contribution
à l'anthropologie analytique », Strasbourg, Arcanes,
1997, réédité chez Eres et « Trésors.
Anthropologie analytique de la valeur », Strasbourg,
Arcanes, 2001.
Jean Zin a réalisé une note de lecture sur cet auteur
disponible sur le net :
L'amour du MaîtreChristian Geffray, Le Nom du Maître,
Arcanes, 1997 Note de lecture Jean Zin
L'amour du
MaîtreChristian Geffray, Le Nom du Maître, Arcanes,
1997 Note de lecture Jean Zin
On trouve deux autres documents parlant de cet auteur par un auteur
canadien :
§ La valeur des biens contre les hommes de valeur Sur «
l'anthropologie analytique » de Christian Geffray Yann Guillaud
La valeur des
biens contre les hommes de valeur Sur « l'anthropologie analytique
» de Christian Geffray Yann Guillaud
§ Anthropologie et discours analytique Christian Geffray (1954-2001)
Conférence éditée par Yann Guillaud
Anthropologie
et discours analytique Christian Geffray (1954-2001) Conférence
éditée par Yann Guillaud
3 / "La société de consommation de soi, politique
de la publicité" Quessada Dominique Editions Verticales,
1999.
Deux notes de lectures sur ce livre sont disponibles sur le site
: <http://1libertaire.free.fr>
La société de consommation de soi Dominique Quessada
Note de lecture
La société
de consommation de soi Dominique Quessada Note de lecture
La société de consommation de soi, politique de la
publicité Quessada Dominique Note de lecture par Frédérique
Barbe
La société
de consommation de soi, politique de la publicité Quessada
Dominique Note de lecture par Frédérique Barbe
4 / Plusieurs textes sur Dany Robert Dufour sont présents
sur le site : <http://1libertaire.free.fr>
§ Note de lecture sur le livre de Dany Robert Dufour «
L’art de réduire les têtes »
Sur la nouvelle servitude de l'homme libéré à
l'ère du capitalisme total 2003 Collection Médiations
éditions Denoël
Note de lecture
sur le livre de Dany Robert Dufour « L’art de réduire
les têtes »
Sur la nouvelle servitude de l'homme libéré à
l'ère du capitalisme total 2003 Collection Médiations
éditions Denoël
§ « Quels sujets ? Pour quelle culture ? »
Dany-Robert Dufour essai de compte rendu
« Quels
sujets ? Pour quelle culture ? » Dany-Robert Dufour essai
de compte rendu
On peut aussi lire le document suivant sur Internet :
§ Portrait du grand Sujet Dany-Robert Dufour
Portrait du
grand Sujet Dany-Robert Dufour
5 / Jean Pierre Le Goff parle de la pensée chewing gum des
managers. Il est possible de consulter deux textes sur ce sujet
sur Internet
§ Modernisation " com "... Philosophie. Invité
récemment d’Espaces Marx, Regards, l’Humanité,
Jean-Pierre Le Goff explore les carcans idéologiques de la
modernité.
Modernisation
" com "... Philosophie. Invité récemment
d’Espaces Marx, Regards, l’Humanité, Jean-Pierre
Le Goff explore les carcans idéologiques de la modernité.
§ "La Barbarie douce et l'école" Extrait
du site Librairie La Gryffe >Journal La Griffe >La Griffe
n°18 - REFLEXES n°3
La
Barbarie douce et l'école" Extrait du site Librairie
La Gryffe >Journal La Griffe >La Griffe n°18 - REFLEXES
n°3
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