"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
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Notes de fin


A / Quelques remarques de méthode :

1 / Le point de vue est singulier, mais ce travail est aussi le résultat d’activités et de discussions collectives, et ce depuis longtemps. Je suis placé aux confins d’un chemin personnel et de flux collectifs. Je ne suis pas un porte-parole et ne cherche pas à l’être, mais je tiens à remercier les personnes et les groupes qui ont contribué à nourrir cette démarche ou à améliorer le texte final.

2 / Dans le cas présent la position d’observateur ne se détache pas de celle de l’acteur politique. Cette tentative de va et vient accepte tous les risques que comporte ce genre de posture. Parfois, ce type de démarche est nommé recherche / action, j’accepte le terme. De mon point de vue, nous n’avons pas d’autres choix pour avancer. Si nous restons au niveau de l’action concrète, en général, nous ne prenons pas de distance. Si nous nous plaçons seulement en situation d’observation théorique extérieure nous ne pouvons pas tester les hypothèses, les analyses et tenter de transformer ce monde. La vérité visée ici est bien sûr située, relative, liée à une subjectivité et donc mise en débat.

3 / La nécessité de comprendre est une utilisation de la raison à posteriori tout en étant immergé-e dans le réel social. Il est parfois difficile de démêler l’écheveau aux fils multiples. Les champs concernés sont nombreux, intriqués les uns dans les autres et ont, entre autres, des dimensions irrationnelles, inconscientes. Il n’est pas question de trancher le noeud, mais d’essayer d’alimenter le débat sur le devenir, les possibles libertaires, et de poser à nouveau la question de l’autonomie et de la puissance politique comme le faisait Castoriadis, par exemple (c.f. note suivante).
Le débat porte évidemment sur le contenu du mot “ politique ”, les contenus de l’idée libertaire, de l’idée révolutionnaire (pour moi ces deux notions sont équivalentes). Par contre, les personnes, qui escomptent trouver des solutions dans ce document, risquent d’être déçues. Car, à mon avis, nous ne pouvons pas faire l’économie de l’état de la question, ou des questions. La seule solution qui me semble valable, parce que nous l’avons déjà expérimentée, est d’assumer collectivement et publiquement ces interrogations.

4 / L’argumentation implique de temps en temps des incises méthodologiques (soit directement dans le texte ou sous forme de notes) pour essayer de préciser dans quel champ conceptuel nous nous trouvons. La distinction classique entre la description de “ ce qui est ”, le constat à partir d’une grille de lecture déjà construite, et l’affirmation de “ ce qui devrait être ”, qui implique forcément un jugement de valeur ou une référence à des valeurs, est connue. Dans le cas présent, le point de vue est souvent critique et se place dans une optique oppositionnelle, qui refuse l’état de choses existant. Même si j’essaie d’adopter une démarche réaliste, matérialiste sur le constat des faits, je n’échappe pas à des références en valeur. La lutte théorique est toujours un combat situé dans l’espace et le temps.

5 / Plusieurs champs théoriques sont présents dans ce document. La difficulté vient de l’articulation entre eux, qui ne va pas de soi. J’accepte l’incomplétude et le manque, une seule approche me paraissant insuffisante. D’autre part, je ne choisis pas entre le mouvement et le caractère fixe des phénomènes, entre le processus et la structure parce que les deux points de vue sont éclairants et ne s’excluent pas pour autant.

6 / Je m’exprime souvent en terme de tendance, parfois en terme d’hypothèse. Ceci est important pour ne pas prendre pour des absolus les quelques constats mis en avant pour essayer de comprendre l’évolution de ce monde. D’autre part, cette démarche laisse ouverte la question de la possibilité de l’action politique (collective et / ou individuelle). La liberté humaine existe, même si parfois son étendue est très limitée, même si souvent nous sommes impuissant-es. Le fait que nous puissions penser est en soi un possible à ne pas négliger. Comme pour l’action, ensuite c’est à chacune et chacun, à toutes et tous ou à personne de se déterminer.

Cornélius Castoriadis, 1922 - 1997, philosophe, psychanalyste, sociologue et théoricien politique d’origine grecque. Il s’était installé en France en 1945. Il est fondateur du groupe Socialisme ou Barbarie avec Claude Lefort. Castoriadis est un penseur de l’autonomie, après avoir rejeté le marxisme officiel il est resté hors des principaux courants de pensée des intellectuels français : structuralisme, positivisme logique, postmodernisme, lacanisme, etc. Il préfère utiliser la notion d’imaginaire pour analyser la société. Il a écrit de nombreux ouvrages dont : “ L’institution imaginaire de la société ”. Certaines analyses le présentent comme un penseur politique autogestionnaire qui nous donne des outils pour contester, pour édifier des barricades, pour construire une théorie critique du capitalisme, pour penser le changement du monde, pour désirer changer la vie politiquement.

B / Marcel Mauss, 1873 - 1950, sociologue français proche de Durkheim, célèbre pour son “ Essai sur le don ”, où il étudie le potlach, c’est à dire le rituel d’échanges entre chefs et clans dans les sociétés primitives des îles du pacifique. Le don assure prestige, puissance et rang symbolique. L’enjeu c’est de donner plus. Le don, c’est aussi l’obligation de rendre. Celui qui donne le plus est le plus puissant. C’est à l’occasion de cette étude qu’il forge le concept de “ fait social total ”, parce qu’il mêle un ensemble de faits complexes, tout ce qui constitue la vie sociale d’une société. Le fait social total exprime plusieurs dimensions : religieuse, juridique, morale, politique, matrimoniale, familiale, économique, esthétique, culturelle, symbolique, etc. Le système de don et de contre-don est un mécanisme d’échange social, il met en scène toute la société, il permet la réactivation de la cohésion sociale. La pertinence de ces observations sur le don et le contre-don est, à mon avis, encore valable notamment sur le plan symbolique et pratique dans les activités militantes. La puissance de la chefferie militante a souvent comme base le don de soi. Le retour symbolique est très valorisant pour l’engagement en vue des grandes idées humanitaires. Jouer à Zorro c’est un bon moyen pour avoir une bonne image de soi (socialement et individuellement). A propos de la théorie du don, une utilisation récente revient sur ce qui est essentiel dans le don, c’est à dire : “ Le primat du lien sur le bien ”.
Jean-Claude Michéa, L’enseignement de l’ignorance et de ses conditions modernes, éditions Micro-Climats, Cahors, 1999, page 135

C  / Théodor W. Adorno, 1903 - 1969, philosophe allemand, membre de l’Ecole de Francfort, exilé aux USA, de retour en Allemagne en 1949. Promoteur avec Max Horkheimer de la “ Théorie critique ”. Il a mené aux USA une étude sur la personnalité autoritaire, il a également étudié la théorie esthétique et la musique. Il est revenu en Allemagne après la seconde guerre mondiale. Il s’est intéressé aux rapports entre la culture et le “ monde administré ” de la société industrielle. Il termine son oeuvre par un livre sur la “ dialectique négative ”. Ce livre est une tentative de dépasser la “ dialectique de la raison ” (livre écrit en collaboration avec Horkheimer), autre nom de l’évolution de la raison instrumentale qui conduit à l’aliénation capitaliste. C’est une tentative de réappropriation de la raison, qui se sait porteuse de domination, par la négation du sujet historique développé par le marxisme et par le développement du moment critique propre à la révolte sociale.

D  / Hannah Arendt, 1906 - 1975, philosophe d’origine allemande, émigrée en France une première fois pour fuir le nazisme, puis exilée une seconde fois aux USA. Elle a dû séjourner au camp de Gurs parce qu’elle était juive. Elle s’est évadée pour fuir de nouveau. Elle est la disciple et l’amie de Heidegger et de Jaspers. Elle refuse de se dire philosophe, elle préfère la notion de théorie politique. Elle pose une question majeure : “ Comment penser après Auschwitz ? ”.
Son oeuvre est donc fortement connotée à l’étude du totalitarisme. Elle a provoqué un scandale en rendant compte du procès d’Eichmann à Jérusalem. Elle a également écrit deux livres sur “ La crise de la culture ” et “ La condition de l’homme moderne ”. Sa pensée continue de servir de référence ou de base à de nombreux travaux en philosophie et en théorie politique.

E  / Max Weber, 1864 - 1920, sociologue allemand. Il est célèbre pour ses études sur l’autorité (traditionnelle, charismatique, bureaucratique). Il estime que l’Etat est le seul dépositaire de la violence légitime. Il est également connu pour ses travaux sur l’influence de l’éthique protestante sur le développement du capitalisme. La rigueur de cette religion, couplée avec le lien direct entre la personne humaine et Dieu, a favorisé l’accumulation primitive du capitalisme sur l’axe rhénan. En effet l’éthique puritaine des premiers entrepreneurs a permis le développement capitaliste parce qu’ils voyaient dans leur réussite matérielle un signe d’élection religieuse. Il a également écrit un livre sur “ L’Esprit du capitalisme ”.

F  / Émile Durkheim, 1858 - 1917, sociologue français, souvent considéré comme le fondateur de la sociologie. Il propose de “ considérer les faits sociaux comme des choses ”. Il cherche à étudier les structures qui assurent l’intégration des individus et la cohésion sociale pour essayer de saisir les causes des dérèglements qui se manifestent dans les sociétés modernes industrielles. Il essaie, dans son livre sur “ Les formes élémentaires de la vie religieuse ” (1912), de faire l’histoire des formes sociales de la prise de conscience du réel, de produire une théorie générale de l’activité symbolique. Le langage, les signes, les symboles, envisagés comme des faits sociaux, ne prennent sens qu’en fonction d’un contexte social et historique précis et de leur position dans un ensemble de relations. G / Kurt Gödel, 1906 - 1978, mathématicien et philosophe né en Autriche. Il s’exile aux USA. Il a produit deux théorèmes d’incomplétude, qu’il compléta par une troisième découverte : la non-contradiction relative.

Le premier théorème d’incomplétude démontre que tout système formel assez puissant pour inclure un minimum d’arithmétiques, de théorie des ensembles ou de théorie des types comprend des propositions indécidables.

Le second théorème d’incomplétude démontre que tout système S vérifiant certaines conditions minimales, la consistance de S ne peut être formellement établie.

Le troisième théorème de non-contradiction relative démontre que si la théorie des ensembles est cohérente, cette théorie enrichie de l’axiome de choix et de l’hypothèse généralisée du continu est cohérente.

Ces travaux de Gödel datent de 1931. Ils marquaient les limites internes du formalisme (le besoin d’un ou de plusieurs indécidables) et mettaient fin aux espoirs d’une théorie finie des mathématiques comme celle de Hilbert. Les conséquences des découvertes de Gödel sont les suivantes :

- dès qu’un domaine des mathématiques est assez large (dès qu’il inclut l’arithmétique), la démonstration de sa non-contradiction ne peut se faire qu’à l’aide de systèmes plus puissants que lui ;

- le second théorème signifie qu’aucune démonstration vraiment satisfaisante de non-contradiction ne sera jamais donnée ;

- le troisième résultat conduit à la notion de calculabilité utilisée par Turing et reprise ensuite en informatique. Jean-Paul Delahaye résume l’enjeu des ces théorèmes ainsi :

« L’histoire des mathématiques et des théorèmes de Gödel montrent que nous ne pourrons jamais être certains de la non-contradiction des théories que nous utilisons. Que nous soyons des machines ou pas ne change rien : les théories mathématiques comme les théories physiques ne proposent pas des certitudes, mais des instruments qui fonctionnent plus ou moins bien, plus ou moins longtemps et qu’il faut ajuster ou changer de temps en temps. Peut-être réussira-t-on un jour à démontrer que nous ne sommes pas des machines, mais cela ne se fera pas sans l’invocation des théorèmes d’incomplétude de Gödel ! » Du point de vue des mathématiques il estime qu’il faut :
« Vivre avec les contradictions. ».

Jean-Paul Delahaye est Directeur adjoint du laboratoire d’informatique fondamentale de Lille du CNRS. Cette citation est extraite d’un article intitulé : « Statut mathématique des contradictions », publié dans le numéro 241 de la Revue Pour la science de Novembre 1997.
Article disponible sur Internet : Pour la Science n° 241

Une autre présentation des théorèmes de Gödel, trouvée sur Internet, expose le débat de cette façon :
« 1 / Il existe des formules dont on ne peut ni démontrer qu’elles sont vraies, ni qu’elles sont fausses ;

2 / on ne peut pas savoir a priori si une formule est démontrable. Pire, le deuxième point se prouve « en construisant une formule qui affirme qu’elle est elle-même non démontrable ».
Ce que M. Lascar [professeur de mathématiques et directeur de recherche au CNRS] compare au paradoxe d’Epiménide le Crétois qui prétendait que tous les crétois étaient des menteurs. A la différence qu’ici, ce n’est pas le langage humain, avec toutes ses nuances, ses interprétations qui est utilisé, mais le langage mathématique, autrement appelé logique. Ces résultats ont été démontrés par Gödel dans les années 30 et 50. On les appelle les théorèmes d’incomplétude de Gödel. Ils prouvent que toute théorie mathématique est soit incomplète, soit incohérente. Ils remettent en question des certitudes bien établies. Ainsi les maths ne forment pas un tout cohérent, il faut faire des choix (est-ce loin du pari de Pascal ?). » ..... / .....
« La contradiction touche aussi la logique ... Et alors, où est le problème ? Est-ce si décourageant de penser que les maths puissent se contredire ? Que le vrai ET le faux sont relatifs ? Que l’on peut répondre oui ET non à une même question ? Non, ce n’est pas décourageant, c’est exhaltant au contraire, c’est la preuve qu’il n’y pas de vérité absolue ... ».

Pour chercher sur Internet : ohoui@kafkaiens.org ou ahnon@kafkaiens.org KaFkaïens Magazine

Plusieurs textes sur ces thèmes sont présents ici :

Présentation du Théorème de Gödel par Francine Jaulin-Mannoni

La thèse de Church entraîne l'incomplétude de Gödel par Bruno Marchal

Kurt GÖDEL Philosophe et logicien 1906-1978

Gödel et les limites de la logique PRÉSENCE DE L'HISTOIRE par JOHN DAWSON

STATUT DES CONTRADICTIONS LOGIQUE ET CALCUL Jean-Paul Delahaye


H  / Le structuralisme est à la fois une théorie et une méthode d’analyse qui considère un ensemble de faits comme une structure. Cette structure est un système, un ensemble solidaire, dont les composants sont liés par un rapport d’interdépendance. Ce courant de pensée est issu de la linguistique. Il traite les faits humains comme des éléments symboliques d’un ensemble, qui peut être identifié ou déchiffré. Cet ensemble est nommé structure.
Le structuralisme est une position en sciences humaines qui évacue les contenus subjectifs, les significations que les humains attribuent aux événements pour arriver à une description objective des structures. En linguistique, par exemple, le sens ne se définit pas par le rapport entre le mot et la chose, mais dans la relation dans un système de signes (à la fois comme contenu : le signifié ; et comme contenant : le signifiant). On peut voir le structuralisme comme une combinatoire qui opère sans égard par rapport à l’histoire. La structure n’a pas de contenu distinct, elle est le contenu même, si on l’appréhende dans son organisation logique, qui est alors une propriété du réel. Par exemple, Levi-Strauss a appliqué le structuralisme à l’analyse des mythes. Il estime que l’intelligence humaine est une pensée logique au niveau du sensible, qui utilise des catégories empiriques, comme le cru et le cuit, qui deviennent des outils conceptuels pour dégager des catégories abstraites. La vérité du mythe consiste “ en rapports logiques dépourvus de contenu ou plutôt dont les propriétés invariantes épuisent leur valeur opératoire, puisque des rapports comparables peuvent s’établir entre les éléments d’un grand nombre de contenus différents ” (cité par Jean Lacroix article “ Le structuralisme de Claude Levi-Strauss ”) disponible à l’adresse internet suivante :
<http://www.altern.org/jeanlacroix/strauss.htm>
Selon le structuralisme, il existe une objectivité et une structure des mythes. Levi-Strauss ne cherche pas à montrer comment les humains pensent les mythes, mais “ comment les mythes pensent dans les hommes et à leur insu ”. On constate donc que le structuralisme établit le primat de la structure sur l’événement ou le phénomène. L’événement social ou psychique n’a pas en lui-même sa signification, il renvoie nécessairement à une globalité. Par voie de conséquence, c’est l’idée même d’intériorité qui est contestée. Le structuralisme pense où l’organisation fait système, sans que le sujet humain en soit conscient.
Les approches structuralistes sont différentes selon les domaines et les auteur-es. Mais le structuralisme est une théorie du fait de son affirmation de la primauté de la structure sur le phénomène ou l’événement. De ce point de vue, les processus sociaux se déploient dans le cadre de structures fondamentales qui, très souvent, restent inconscientes pour les humains. Le structuralisme est également une méthode qui a pour domaine d’application tous les phénomènes qui ont un caractère de système. Dans ces systèmes aucun élément ne peut être modifié ou supprimé sans que cela entraîne une modification de l’ensemble. La démarche structuraliste consiste à expliquer les phénomènes à partir de la place qu’ils occupent au sein même du système dans lequel ils sont inclus, suivant des lois d’association ou de dissociation. Le structuralisme a une approche “ synchronique ”, où la coexistence des divers éléments au sein d’un même ensemble, et ce au même moment, peut fournir l’intelligibilité des phénomènes étudiés. Cette démarche s’opposait à l’approche “ diachronique ” basée sur l’étude de l’histoire, sur la genèse de chaque partie prise séparément. Cette approche s’opposait au marxisme comme analyse fonctionnant à partir de l’étude de l’histoire. La présentation du structuralisme de Lévi-Strauss sur cette page
Le structuralisme de Lévi-Strauss

Cette présentation du structuralisme de Lévi-Strauss par Jean Lacroixest accessible ici sur le Net
http://www.mygale.org/leslacroix/strauss.htm
Une définition du structuralisme est sur cette page
Le structuralisme en sciences sciences humaines

Une définition courte
Définition du structuralisme

Une définition pour un cours avec les différents courants et quelques objections
Le structuralisme

Une définition liée aux travaux de Piaget sur les stades de développement de l'enfant
La notion de structure

I  / Le phallologocentrisme c’est le nom donné par certaines critiques au déploiement de la philosophie occidentale basée sur le logos (à la fois comme discours et comme logique de raisonnement) de l’homme mâle blanc. Ce terme a été utilisé et développé par certaines critiques féministes.

J  / Le fordisme tire son nom de Henry Ford, un capitaliste producteur de voiture à Détroit aux USA. On peut considérer le fordisme comme une étape du capitalisme moderne, qui est caractérisé à la fois, par la production de masse, par une division du travail très élaborée, par une politique d’augmentation des salaires et par un compromis avec les syndicats, et par un accroissement de la possibilité de crédit bancaire. Tout ceci permettant la consommation de masse et un développement capitaliste sans précédent.
Au début du XX° siècle pour baisser les coûts dans un contexte concurrentiel, les entreprises industrielles cherchent à rationaliser la production. Taylor, puis Ford comprennent que la solution ne viendra pas de la réduction des salaires, mais de la production en grande série. Taylor propose une méthode d’organisation du travail, qui sépare la conception et l’exécution des tâches, une séparation entre les ingénieurs et les ouvriers-ères considéré-es comme des exécutant-es. La direction de l’entreprise capitaliste renforce ainsi son contrôle sur les processus de fabrication. Le travail intellectuel est séparé du travail manuel. La division du travail ou atomisation du travail (le fameux travail en miettes) est complétée par l’introduction de la chaîne par Ford en 1917. Le convoyage des pièces est mécanisé et l’ouvrier n’a plus à se déplacer pour travailler. Le second aspect important du fordisme est l’augmentation des salaires. Pour que la production en grande série se vende, il faut qu’il existe des acheteurs-euses. En produisant des biens moins chers à l’unité et en augmentant un peu les salaires, on fait se rencontrer la production de masse et la consommation de masse.
La coupure entre travailleurs manuels et intellectuels rencontre la résistance des ouvriers qualifiés, qui se voient dépossédés de leurs compétences techniques et organisationnelles. Après une longue résistance, les syndicats acceptent un compromis. Celui-ci est basé sur la redistribution, sous forme d’une augmentation de salaire, d’une partie des profits obtenus par les gains de productivité. Cette augmentation de la productivité est liée à une rationalisation du travail et une intensification du travail, ce que Marx nomme la “ plus-value relative ”.
Il faut également souligner le rôle de Keynes, un économiste qui préconise l’intervention de l’Etat dans l’économie, ce qui deviendra plus tard l’Etat-providence (cette nomination est abusive, puisqu’il s’agit d’une intervention pour réguler la demande et aider le capitalisme et non pas d’une providence pour l’ensemble de la population). D’autre part, le développement des banques permet de proposer des crédits afin d’acheter des biens de consommation.
Ce modèle fordiste s’imposa de façon générale après la fin de la seconde guerre mondiale. Il s’agit à la fois d’un compromis dans la lutte de classe, d’une nouvelle façon d’organiser le travail et de la possibilité d’une consommation de masse.

K  / Certaines analyses remarquent que le capital financier possède maintenant les attributs qui étaient réservés à Dieu auparavant : Toute puissance, action à distance, immatérialité, immédiateté, permanence, omniprésence, etc.

L / Cet auteur dénonce “ la pensée chewing-gum ” qui caractérise l’alliance de la pensée de gauche et du libéralisme économique. Il a déjà publié “ Le mythe de l’entreprise et l’illusion du management ”.

M / Chevénement est une figure majeure de ce courant de pensée.

N  / Eduardo Colombo donne l’explication suivante à l’origine de la nomination des Cyniques : le nom leur vient d’Anthisthène (445 - 360) qui discourait dans le gymnase de Cynosarges, dans la banlieue d’Athènes: “ le chien agile ” ou “ à l’enseigne du vrai chien ”. Le cynique : “ vrai chien toujours prêt à aboyer contre la médiocrité ou l’hypocrisie des gens bien, et déchirant à belles dents toute forme d’aliénation, de conformisme ou de superstition ” ou de servitude.
Cf Léonce Paquet, Les cyniques grecs, Éditions de l’Université d’Ottawa, Ottawa, 1975, page 11.
Note contenue dans le numéro 1 de la Revue Réfractions, “ Libertés imaginées ”, dans l’article “ La centralité dans les origines de l’imaginaire occidental ” d’Eduardo Colombo, page 158.
Contact de la Revue Réfractions :
Les amis de Réfractions, B. P. 33, 69 571 Dardilly cedex.

O  / La DPS c'est le service d’ordre du FN qui se comporte comme une police parallèle et n’hésite pas à agresser les antifascistes, à provoquer des heurts pour les traduire en justice, à les ficher, les filmer. Cet organisme est souvent qualifié de “ milice ”. Ces méthodes sont en contradiction flagrante avec l’esprit républicain.

P  / Chez les pythagoriciens, la monade est l’unité parfaite qui est le principe des choses matérielles et spirituelles. Pour Leibniz, c’est une substance simple, irréductible, indivisible, l’élément premier de toutes les choses, qui contient en elle-même le principe et la source de toutes ses actions.

Q  / Tout ceci est à voir encore une fois en terme de tendance, dans la jeunesse il existe une tendance inverse, où le sérieux et l’inquiétude permanente sont la règle.

R  / La participation défendue par le gaullisme était une méthode qui préconisait que l’entreprise donne des primes à l'ancienneté sous forme de participation à l’actionnariat de l’entreprise. Les sommes en jeu étaient peu importantes et on ne pouvait pas les négocier avant un certain nombre d’années.

S  / Depuis le début de la rédaction de ce travail un nouveau livre est paru. Il complète et nous place dans une perspective plus féconde. Il s’agit du livre de Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, éditions Gallimard, collection N. R. F. essais, Paris, 1999.
Ce livre nous propose, entre autres, une comparaison entre le discours du management des années soixante (rationnel, scientifique porté par les ingénieurs contre l’autorité de type familial), celui des années soixante-dix et quatre-vingt (la notion de projet ou d'objectif permet de donner de l’autonomie aux cadres en gardant la maîtrise des finalités) et celui des années quatre-vingt dix qui reprend le thème de l’autonomie et celui de la critique artiste (plus de souplesse et d’autonomie, responsabilisation des personnes, gestion des émotions, etc...). Ce livre pose la question de “ l’esprit du capitalisme ” et de l’intégration par le système des critiques qui lui sont portées, le capitalisme créant ainsi les conditions de possibilités de son maintien et de son évolution. Ce questionnement de “ l’esprit du capitalisme ” et de la récupération des critiques par le système pose problème à tous ceux et celles qui luttent contre lui.

T  / La notion de paradigme vient de Thomas Kuhn, un de ses livres s’appelle “ Structures des révolutions scientifiques ” (Paris, 1972, éditions Fayard). Il est américain et a étudié l’histoire des sciences, la philosophie des sciences. Cet auteur a proposé la notion de paradigme qui existait déjà en philosophie chez Platon. Il a étendu l’usage de ce concept à la science, pour ma part je l’emploie dans un sens général.
Dans l’histoire des sciences et de la philosophie des sciences, selon son analyse, un paradigme, à une époque donnée, est un ensemble de convictions partagées par la communauté scientifique mondiale.
L’usage de cette notion pour l’étude de la domination est celui du ou des paradigmes concernants le sens commun de nos sociétés, on peut le relier à la notion d’ambiance mentale. Pour essayer d’illustrer notre propos nous pouvons prendre l’exemple de la situation des femmes aux alentours des années 68 et 70. Avant cette période les femmes avaient un statut juridique différent de celui des hommes, elles étaient considérées comme inférieures dans la société, la femme au foyer c’était normal et banal, c’est à la femme qu’incombaient les tâches ménagères, l’élevage et l’éducation des enfants, le divorce était compliqué, il était basé sur la notion de faute, sur l’adultère. Autour de la fin des années soixante et le début des années soixante-dix s’est produit un ensemble de changements. Il y a eu un refus de la soumission, une non-acceptation des situations d’infériorité dans lesquelles les femmes se trouvaient. Le divorce a changé de nature avec la notion de consentement mutuel. Le rapport au corps a été modifié avec la pilule, la libération sexuelle, le droit de choisir, la légalisation de l’IVG. Le souhait d’indépendance a conduit beaucoup de femmes à travailler, les enfants concernent le couple et plus seulement la femme. Petit à petit les tâches ménagères deviennent une affaire mutuelle, même s’il y a encore beaucoup à faire pour arriver à l’égalité. Il s’agit bien d’un changement de paradigme. Ce sont des idées générales qui se sont diffusées et ont été admises dans toute la société. Aujourd’hui ce corpus d’idée est accepté et transmis aux nouvelles générations, c’est naturel, évident .... C’est l’inverse qui choque. Il s’agit d’une construction collective qui concerne à la fois les représentations collectives, le mental de chaque personne, le droit, la pratique individuelle et sociale, les comportements acceptés ou condamnés. Ce changement est inscrit dans un processus, ce n’est pas le fruit de la volonté d’un grand dirigeant, ni d’une seule personne. Ce n’est pas le fruit d’une décision et ce n’était pas prévisible ou prédéterminé. Cette évolution est le résultat de luttes collectives, de comportements individuels, d’oeuvres artistiques, de discussions, etc.. C’est un changement qui a impliqué de multiples facteurs, c’est un ensemble de phénomènes qui était à l’oeuvre comme la démocratisation de l’enseignement, par exemple, et qui est donc lié à l’éducation des filles, à l’arrivée de la société de consommation, au refus de la société autoritaire patriarcale, etc.
Pour l’individu-e dans le contexte postmoderne nous avons un processus identique. L’individualisation est à l’oeuvre depuis longtemps dans le capitalisme, mais aujourd’hui nous sommes face à une mutation qualitative qui concerne tous les aspects de la société. Il y a eu la création du RMI qui allait dans ce sens, aujourd’hui il s’agit du plan de formation et du bilan de compétences et demain il sera question du contrat individuel pour les personnes mises en prison après un délit avec un plan de réinsertion, un parcours qui ira de l’enfermement à la libération conditionnelle en passant par diverses étapes de rééducation personnalisée.
Avec la notion de paradigme nous sommes obligé-es d’admettre que notre ensemble de pensées contient une partie de valeurs. La distinction entre la description des faits sociaux et l’appréciation de ces mêmes faits n’est pas aussi évidente qu’il y paraît. Sans être relativiste, nous devons admettre que des valeurs entrent dans notre appréhension des phénomènes sociaux. Ces valeurs sont contenues dans les mouvements culturels généraux de l’humanité. La validité de ces mouvements ne peut pas se mesurer de façon scientifique. L’idée de paradigme permet d’aborder le changement dans la description de la conscience. L’étude des évolutions sociales montre que les mutations ne sont pas seulement dues à la lutte de classe. Depuis les années soixante et soixante-dix les luttes concernent des sphères plus vastes que le conflit bourgeoisie / prolétariat. Les mouvements radicaux de cette époque concernaient directement la vie et le mode de vie. Les domaines impliqués par cette contestation étaient ceux de l’écologie, de la libération sexuelle, du droit de choisir, du refus de l’autoritarisme, de l’égalité des hommes et des femmes, de l’égalité raciale, de la condamnation de l’ethnocentrisme, de l’égalité des échanges mondiaux, de la lutte contre l’impérialisme, etc. Tous ces éléments s’intégraient dans une nouvelle conception intellectuelle de l’humanité.
En se plaçant du point de vue du changement de paradigme, l’étude sociale est une partie organisée de la culture qui a pour objet d’aider les humains à comprendre leur situation et à reconstruire la culture de façon continuelle. Ce mouvement a touché la philosophie, puisque après la mort de la métaphysique, elle s’est intéressée à l’esthétique, elle se penche sur le vécu instable et subjectif des humains. La philosophie aborde alors la question du temps, des représentations, des passions, du goût. L’esthétique devenant un des paradigmes explicatif du monde contemporain. Dans la science, les réseaux de paradigme convergent vers la notion de complexité. Les scientifiques étudient les rapports de la partie au tout, les niveaux d’organisations, les rétroactions, le chaos auto-organisateur, les changements brusques de forme, les situations de déséquilibre, l’ordre qui découle du désordre, on assiste au développement des études systémiques, etc. La linéarité mécaniste est dévalorisée au profit des études dialectiques sur l’organisation organique et architectonique, on essaie de comprendre les logiques à l’oeuvre, etc.
Le paradigme est également utile pour étudier ce qui fait obstacle au changement, au paradigme nouveau. Dans ce cadre, la science se comprend comme un ensemble d’idées qui s’inscrit dans un système de pensée. Ce système de pensée est impliqué dans la matérialité des recherches et des expériences, dans la façon de vérifier les résultats et dans la construction des concepts. Le changement de paradigme est en quelque sorte une révolution spirituelle. L’évolution du paradigme montre comment les humains ont besoin de mutation sur le plan culturel, comment nous sommes des mutant-es. Le nouveau paradigme correspond à une nouvelle formulation des problèmes, des méthodes et des concepts. Ceci montre la solidarité des divers composants de l’unité d’ensemble qui propose une certaine manière de poser les problèmes, de les résoudre. L’étude des changements de paradigmes essaie de comprendre et d’expliquer l’organisation conceptuelle, de décrypter la dynamique interne de cet ensemble et de voir comment l’influence externe joue sur lui. C’est pour cette raison que l’étude de la notion de paradigme en science impliquait qu’existe déjà une science. La révolution galiléenne change le paradigme de la connaissance antérieure qui était basée sur la saisie et la perception immédiate du monde. L’interprétation se faisait au moyen de mythes et de systèmes de valeurs liés à une vision divine et cosmique. Galilée en introduisant les mathématiques dans l’étude de la mécanique bouleverse la connaissance dans son contenu et dans son fonctionnement. Il disait que le monde était un livre écrit en langage mathématique. Ce changement touche la notion de réalité étudiée qui n’est pas forcément visible à l’oeil nu, cette réalité est en partie constituée par l’étude elle-même. La mutation touche les explications puisque ce sont les mathématiques et non plus Dieu qui fournissent les modèles explicatifs des réalités étudiées. Les critères de validité pour les découvertes issues de cette nouvelle modélisation ont aussi changé. La notion de preuve est rationalisée et reproductible universellement. La différence d’avec la science d’avant Galilée tient également au fait qu’il est impossible de reprendre les anciens modèles dans la nouvelle science. Par contre, la science de Galilée, de Descartes et de Newton, la mécanique classique, est intégrée dans le modèle relativiste d’Einstein, elle devient un cas particulier de cette nouvelle façon de comprendre le monde. Le concept de paradigme, pour la science, ne détruit pas l’unité de cette approche, ni ne conteste l’aspect cumulatif de l’avancée des connaissances. L’idée de paradigme permet de rendre compte des ruptures et de la continuité.
Il existe plusieurs façons de présenter un paradigme, celui-ci peut relever d’une conception ouverte ou d’une conception plus fermée qui oriente l’activité humaine par les méthodes d’analyses qu’il contient. La notion de modèles est assez proche de celle de paradigme. La modélisation a souvent comme base une démarche prospective et critique du savoir, elle n’est pas une imagination libre. Elle propose des images liées à un ensemble de pensées rationnelles, celles contenues dans le savoir antérieur qui a été vérifié et discuté. Le modèle se doit de faire le lien entre le concret de l’objet étudié et les déterminations abstraites qui vont donner un éclairage nouveau sur cette réalité. La fonction du modèle implique que l’on respecte les obligations liées à la preuve et que l’on considère la création d’une nouvelle image du réel comme une condition de possibilité de la recherche. Nous sommes alors confronté-es à la notion de possibles et à celle de nécessité, qui sont à la fois contenues dans le réel et en même temps des projections de l’esprit humain. Le paradigme dont nous parlons, l’individualisme lié au relativisme, est de cet ordre, il est une construction mentale pour comprendre la réalité sociale et il est une nécessité pratique dans ce réel. De ce point de vue, le monde est une construction culturelle des humains tout en étant la réalité de notre vie. Cette approche, qui essaie de prendre en compte la multiplicité, nous la retrouvons dans l’analyse qui voit dans le relativisme contemporain une équivalence des valeurs sur le plan idéologique et une condition de possibilité du changement social, une nécessité inscrite dans la réalité sociale (l’égalité des différences et l’équivalence des relations entre les individu-es, la différence de l’autre étant condition de mon existence).

U  / Michel Maffélosi parle de la fin de l’individualisme parce qu’il existe le néo-tribalisme. Je pense au contraire que le néo-tribalisme existe parce qu’existe l’individu, que c’est une nécessité pour le regroupement des individu-es atomisé-es, déterritorialisé-es par le système.

V  / L’enclosure est une pratique qui se répandit du XVIe au XVIIIe siècle en Angleterre, et qui consistait à clôturer les champs et pâturages jadis ouverts. Cet usage entraîna la disparition des vieilles pratiques communautaires et appauvrit les paysans au profit des éleveurs de moutons.
Le terme est d'origine anglaise, il désigne la mise en clôture d'un terroir, elle implique la disparition de la vaine pâture et le partage des communaux. Cette étape essentielle de la révolution agricole en Europe occidentale permit la rationalisation de l'élevage et de la culture, au détriment de la petite paysannerie. Historiquement, l'enclosure fut une des principales évolutions de la transition d'une agriculture féodale de subsistance à une agriculture moderne tournée vers le commerce.
L'enclosure apparut au Moyen Âge en Angleterre, au XIII siècle, des lois furent édictées pour garantir aux tenanciers l'usage des terres non clôturées. L'enclosure se développa à la fin du XV siècle, au moment où la communauté paysanne fut disloquée sous l'effet de la disparition du servage et de la tenure coutumière et aggravée par la crise démographique. L'agriculture passa d’un stade communautaire à un stade individualiste. Les grands propriétaires terriens essayèrent d'expulser les paysans des communaux pour gagner de nouveaux pâturages. Les champs labourés, sans enclos, furent remplacés par des pâturages fermés pour les moutons. Acculée à la ruine, une grande partie de la petite paysannerie fut contrainte de travailler pour l'industrie de la draperie, en plein essor à cette époque.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les clôtures se multiplièrent en Angleterre, puis en France, généralement sous la forme de haies vives. Le mouvement prit toute son ampleur en Angleterre après 1760, au moment même où démarrait la révolution industrielle, et atteignit son apogée vers 1850. Stimulé par le Général Enclosure Act de 1801 (Loi de clôture générale), il fut freiné après 1845 par une loi destinée à mettre un terme aux abus. Pays de moyenne propriété, l'Angleterre vit la constitution de grands domaines soumis à une agriculture intensive et rationalisée, capables de répondre à la demande croissante des marchés urbains.
Les riches propriétaires mirent en œuvre plusieurs moyens pour accroître la production agricole : assèchement des marais, déboisement et surtout suppression de la jachère par une meilleure utilisation des engrais naturels, notamment grâce à l'accroissement de l'élevage. Le développement des prairies artificielles encloses et des racines fourragères devant permettre de rompre le cercle vicieux d'une agriculture pauvre en bétail faute de terres et pauvres en terres à cause de la jachère et du faible rendement des terres cultivées.
L'enclosure, parce qu'elle provoqua la disparition des communaux et des vaines pâtures, accéléra l'exode rural. Les communaux étaient des portions de terrains (chemins, fossés, haies, bois, marais, etc.) ne faisant l'objet d'aucun acte de propriété et qui étaient utilisés par tous les villageois pour leur bétail ou pour la récolte de bois. La vaine pâture permettait aux habitants du village de faire paître leurs troupeaux sur les terres non clôturées, pendant toute la période allant de la récolte à l'ensemencement. Pour la petite paysannerie, elle constituait le seul moyen d'entretenir un peu de bétail. Les riches propriétaires anglais qui décidèrent de clôturer leurs champs accaparèrent souvent dans le même temps les terrains communaux, en invoquant des droits seigneuriaux, et forcèrent les petits exploitants à vendre leurs parcelles à bas prix. Ainsi fut réalisée une rapide concentration des terres, tandis que la petite paysannerie aisée, après avoir tenté en vain de s'opposer au phénomène, subit une dégradation de son statut ; elle se retrouva la plupart du temps en fermage ou en métayage sur des terres qu'elle possédait autrefois. Ceux de moindre condition, qui ne trouvèrent plus à s'employer dans les campagnes, formèrent le gros de l'exode rural. L'industrie, en pleine croissance, bénéficia de l'afflux de cette main-d'œuvre abondante.
Les Pays-Bas, la Belgique, le nord de la France et de l'Italie furent gagnés par le mouvement au début du xix siècle, où la plupart des contraintes collectives disparurent. En France, les communaux ayant été récupérés par les communes pendant la Révolution française, les grands propriétaires terriens purent acquérir ces terrains dans le cadre de ventes aux enchères. La jachère continua d'être pratiquée en France jusqu'en 1850.

W  / Mon parcours est le suivant : j’ai commencé par être maoïste en 1973, puis je suis devenu membre d’une association antiraciste en 86, où j’ai rencontré la revendication de la nouvelle citoyenneté et la question de la xénophobie d’Etat. J’ai également collaboré à ce qui restait d’un groupe “ communiste révolutionnaire ”. J’ai participé aux travaux du Collectif Malgré Tout pendant un certain temps. J’ai opté pour la voie libertaire pratiquement lors du mouvement anti-Cip en 1994 avec une pensée de la situation et de l’événement. J’ai alors rencontré l’antifascisme radical et la critique du racisme différentialiste, puis l’anarcho-syndicalisme en 1995.


Des textes de Miguel Benasayag et du Collectif Malgré Tout  Malgré Tout
XY  / L’Ecole de Francfort est un courant d’idée qui, en philosophie, est représenté par Horkheimer, Adorno et consorts. Herbert Marcuse a commencé ses travaux avec cette école. Habermas s’en dit l’héritier. On peut se référer au célèbre livre :
Théodor Adorno W. et Max Horkheimer, La dialectique de la raison, Gallimard, Paris, 1974.

Y  / La réification est un terme venant du latin “ res ” : chose. La traduction littérale serait “ chosification ”, mais ce terme est considéré comme un barbarisme. La réification transforme en choses la vie sous tous ses aspects, ici en marchandises. La réification est le concept complémentaire de l’aliénation (devenir autre) parce qu’elle dépouille de la vie ce qu’elle atteint.

Z / Suite à une remarque des rédacteurs de la revue Temps Critiques, j’emploie maintenant le pluriel pour les luttes de classes. Effectivement il y a plusieurs classes et plusieurs luttes, dont acte !

AA  / La notion de genre essaie de rendre compte du fait que l’identité sexuelle est aussi une construction sociale. Il s'agit du "sexe social". Parmi tous les travaux consacrés à cette approche, on peut citer un ouvrage qui rend bien compte du processus en jeu :
La fabrication des mâles de G. Falconnet et N. Lefaucheur publié en 1979 par les éditions du Seuil dans la collection de poche Points Actuels.

BB  / Ces catégories sont celles de la psychanalyse. Cette approche théorique et clinique nomme cela les “ topiques ”. Ce terme vient du grec “ topos ”, lieu. Cette racine est présente dans un mot très connu : “ utopie ”, dont le dictionnaire donne la définition suivante : “ qui n’existe en aucun lieu ”.
Freud proposait une modélisation du psychisme humain avec un schéma, un système de lieux, de territoires psychiques. Freud présente la première topique en 1905, où il distinguait trois instances dans le psychisme : “ l’inconscient, le préconscient et le conscient ”. En 1920 il en énonce une autre formulation : la seconde topique, la plus connue : “ le ça, le moi et le surmoi ”.

CC / Dominique Quessada, en s’appuyant sur la démarche de Pierre Legendre, nous propose une analyse de la société de consommation de soi. Pour étayer son approche, cet auteur se livre à une déconstruction du rôle et du fonctionnement de la publicité. Il pense que dans la publicité il existe : “ une production industrielle du langage ”. La publicité utilise toutes les ressources et la puissance des médias modernes pour proposer des images et des emblèmes aux humains afin de capter leurs désirs pour vendre, pour fournir une identité au travers des “ marques ”. Celles-ci deviennent une marque de reconnaissance, une raison de faire groupe dans la situation du capitalisme marqué par la généralisation du spectacle et de la marchandise mondialisée. Ce fonctionnement tend de plus en plus, selon lui, à se développer sur le mode de la consommation de soi, sur le mode de l’autophagie.
Il estime, comme La Boétie, que la soumission volontaire est à la base de notre fonctionnement social. Il constate que la marque, l’image, l’emblème, le drapeau, le nom s’adressent au regard et à l’émotionnel pas à la raison. Ce qui permet de faire groupe c’est l’échange ritualisé entre, d’une part, l’appartenance à un nom, la reconnaissance d’un emblème comme étant le sien, l’intégration à un ensemble humain qui fait Un par la reconnaissance visuelle et émotionnelle ; et d’autre part, notre soumission librement consentie. C’est le fonctionnement de ce mécanisme, qui s’effectue selon des modalités propres à chaque culture, qui constitue l’inestimable objet de la transmission culturelle, de la généalogie humaine. C’est par ce fonctionnement que les humains arrivent à connaître les limites de leurs désirs, à intégrer la loi symbolique qui fait tiers pour soi et pour la communauté humaine. L’emblème est un repère, une expression de la généalogie qui désigne les sujets et fixe leur place. L’emblème signifie et exhibe l’inscription généalogique par laquelle le sujet humain se voit situé comme descendant, comme héritier d’un texte. Il s’agit de la production dogmatique du social par la ritualité et de la reproduction de l’humanité par l’institution des images et du nom. La marque et le nom sont de la “ colle humaine ” qui fonctionnent par l’intermédiaire du langage. La soumission volontaire est enracinée dans la volonté de compréhension du monde. Le peuple fabrique son maître parce que celui-ci permet de donner corps à une communauté et de donner sens à une réalité chaotique (Dominique Quessada, page 145 et suivantes).
Il développe un chapitre entier (“ La magie politique du nom ”, pages 143 et suivantes) à cette question et son analyse semble tout à fait pertinente, même si elle nous annonce une mauvaise nouvelle : la place du maître est liée à la magie du nom qui fait Un. C’est cette magie qui permet l’existence du groupe humain, c’est ce phénomène qui produit “ la colle sociale ” et qui est inconnaissable aux humains parce qu’il est inconscient. Il précise que le “ nom d’Un ” n’est pas le nom de quelqu’un, parce que la personne qui exerce le pouvoir s’efface derrière le “ nom d’Un ”, derrière le pouvoir du langage, qui procure la jouissance du signifiant aux humains. Le langage étant compris ici comme le lieu de reconnaissance mutuel, il capture le désir sous l’illusion de l’Un. Selon cette analyse, la servitude non contrainte est le prix de l’agrégation (page 158).
De mon point de vue, son analyse de la publicité me semble juste : la publicité vue comme le poste avancé de la domination mentale dans le fonctionnement du capitalisme actuel. Cette critique est assez proche et complémentaire de celle faite par Serge Tisseron :
“ Si le XXe siècle mérite une mention spéciale, c'est bien dans le domaine de la fabrication d'images destinées à orienter les croyances et les comportements, notamment politiques. La publicité, aujourd'hui, est le laboratoire de ces recherches. Leur moteur est toujours le désir de faire partie d'un groupe, directement ou indirectement.

Certaines fois, la publicité joue directement sur ce désir. C'est le cas des publicités pour " l'Oréal " organisées autour du slogan " parce que je le vaux bien ". Ces publicités flattent, amusent ou intriguent leurs spectateurs. Mais d'autres publicités, au contraire, dérangent et malmènent leurs spectateurs. Pour venir à bout de ce dérangement, ils n'ont que deux solutions : soit ils parlent de cette publicité et ils augmentent alors son impact, soit ils achètent le produit et c'est pour eux une façon de se rassurer sur le caractère normal de leur émotion parce qu'ils ont l'impression de se rattacher au groupe de tous ceux qui consomment le même produit après avoir éprouvé le même malaise. Le moteur essentiel de telles images est donc leur impact émotionnel dérangeant, et c'est notamment la stratégie utilisée par la marque " Benetton ". Plus le spectateur d'une image est malmené par elle, plus il est tenté d'emprunter le chemin qui lui est indiqué dans cette image pour résoudre son malaise. La publicité nous permet ainsi de comprendre ce qu'est une image violente : c'est une image qui ne nous pousse pas à penser, mais à agir, et cette définition concerne les images verbales, parlées ou écrites, autant que les images visuelles. ” Serge Tisseron, texte de présentation de sa conférence à l’Université de tous les savoirs du 8 Juin 2000, Propagande, publicité, information et désinformation, texte présent sur le site Internet de L’Université de tous les savoirs :
<http://www.2000enfrance.com/sites/utls/index.htm>. puis
<http://www.2000enfrance.com/sites/utls/calendrier/juin.htm>

Ces auteurs ne parlent pas du capitalisme, mais leur analyse du fonctionnement de la publicité s’intègre facilement dans une perspective critique. Ce qui est gênant chez Dominique Quessada dans son livre sur la consommation de soi, c’est son insistance sur le besoin de transcendance, sur le besoin d’autorité extérieure. Selon ses présupposés, c’est la transcendance qui fonderait l’autorité. La nécessité, non discutée, d’une autorité transcendante, la justification, la légitimation du fonctionnement inconscient de sa mise en oeuvre, me pose problème. Dominique Quessada semble regretter, comme Pierre Legendre, la disparition de la loi basée sur la transcendance, sur une base extérieure à l’humanité. Dans notre période contemporaine cette analyse est couramment présentée de façon banalisée, ce serait la fin de la loi des pères, le déclin du rôle des pères qui serait la source de tous nos maux. Cette analyse est souvent exprimée sur le mode du regret, sur le mode de la nostalgie face à la crise générale de l’autorité, la perte des repères, la relativité des valeurs et l’évolution inéluctable de l’humanité vers sa perte.
La fin de la transcendance est liée à une révolution mentale qui a été commencée avec le combat des intellectuel-les des Lumières en philosophie, en littérature, et réalisée sur le plan politique en partie par la Révolution française de 1789 et les évolutions qui se sont produites dans toute l’Europe et en Amérique au cours de cette période. Devons-nous revenir à cela ? Je ne le pense pas. De mon point de vue, la fin de la référence hétéro-centrée est une chance pour l’humanité et ce qui est à combattre aujourd’hui c’est la domination qui a pris depuis longtemps déjà la forme du capitalisme.
Je suis d’accord avec le constat d'Eduardo Colombo sur le passage de l'hétéro-référence à l'auto-référence et la position toujours renouvelée de la critique (cité dans le texte dans le chapitre V / “ L’humain ? ”). L’auto-référence n’est pas celle qui peut être développée depuis la position auto-centrée du narcissisme. Cette figure de l'auto-référence, le narcissisme exacerbé, peut conduire de temps en temps à la création artistique, mais elle est stérile politiquement parlant, elle conduit forcément dans une impasse face au problème de l’être ensemble de la communauté humaine.
Les valeurs de l’humanité ont une histoire et, à mon avis, c'est l'humanité qui doit devenir la référence. Ceci nécessite une mise en discussion régulière du contenu de nos lois et de nos valeurs au regard des effets réels de l’institution humaine, de la politique, du fonctionnement des communautés humaines. Nous devons essayer de passer du fait inconscient, à la conscience du fait pour passer ensuite à la conscience du contenu.

DD  / Erich Mühsam est mort assassiné par les nazis le 9 Juillet 1934. Il avait été arrêté le 13 Avril 1934 le jour de l’incendie du Reichstag. Il a été torturé longuement, les nazis lui ont, entre autres, cassé les doigts afin qu’il ne puisse plus écrire pour protester. Il avait participé activement à la République des Conseils de Bavière en 1919. Il était resté en prison de 1919 à 1924. Son livre est écrit en mémoire de Gustave Landauer autre grande figure libertaire.