Le structuralisme en sciences humaines est un courant de pensée
issu de la linguistique, qui marqua la psychanalyse, la philosophie
et l'anthropologie françaises des années 1960-1970, et
se caractérisait par l'affirmation du primat de la structure
sur l'événement ou le phénomène.
Le mouvement apparut dans les années 1950 à la suite de
la thèse fondatrice de Lévi-Strauss, les Structures élémentaires
de la parenté, (1949) et connut son apogée dans les années
1960, pour décliner à la fin des années 1970. Ce
courant, dont l'unité est toujours restée problématique,
est principalement marqué par les noms de Lévi-Strauss,
d'Althusser, de Lacan, de Foucault et de Derrida.
Le structuralisme comme théorie
Malgré l'extrême diversité des pensées auxquelles
renvoient ces noms, on peut tenter de définir ce qui fait leur
commune appartenance au structuralisme : l'affirmation du primat de
la structure sur l'événement ou le phénomène.
Les processus sociaux se déploient dans le cadre de structures
fondamentales qui restent le plus souvent inconscientes. Il existe un
décalage entre ce que les hommes vivent et ce qu'ils ont conscience
de vivre, et c'est ce décalage, qui rend les discours, que les
hommes tiennent sur leur conduite, impropres à rendre compte
de façon adéquate des processus sociaux effectifs. De
même que c'est la langue qui produit du sens par son jeu de différences,
de même c'est l'organisation sociale qui génère
certaines pratiques et certaines croyances propres aux individus qui
en dépendent.
Le structuralisme comme méthode
Le structuralisme a pour champ d'application tout ce qui «!offre
un caractère de système!» (Lévi-Strauss),
c'est-à-dire tout ce dont aucun élément ne peut
être modifié ou supprimé sans que cela entraîne
une modification de l'ensemble. La démarche structuraliste consiste
à expliquer un phénomène à partir de la
place qu'il occupe au sein du système dans lequel il est inséré,
suivant des lois d'association et de dissociation supposées immuables.
Le structuralisme privilégie donc par principe l'approche «!synchronique!»
c'est la coexistence des éléments au sein d'un
même ensemble à un même moment du temps qui fournit
l'intelligibilité au détriment de l'approche «!diachronique!»
la recherche de la genèse ou de l'histoire de chaque élément
pris isolément.
L'apport de la linguistique
Au point de départ du structuralisme se situe la volonté
de prendre en compte les apports d'une science nouvelle, la linguistique.
Dans son Cours de linguistique générale (publication posthume
en 1916), Ferdinand De Saussure avait révolutionné l'approche
du langage en montrant que toute langue constitue un système
au sein duquel les signes se combinent et évoluent d'une façon
qui s'impose aux locuteurs et selon des lois qui leur échappent.
En développant la phonologie, Nicholas Troubetskoï a appliqué
le programme de Saussure à l'étude des sons en montrant
suivant quelles lois ils se combinent dans les différentes langues.
«!Pour la première fois, écrit Lévi-Strauss,
une science sociale [!parvenait!] à formuler des relations nécessaires!»,
en l'occurrence entre les sons de la langue!; à rendre compte
de la diversité des phénomènes en la ramenant à
des lois générales d'association et de dissociation échappant
à la conscience des locuteurs.
L'extension à l'anthropologie et aux sciences humaines en général
Prenant acte des succès enregistrés par cette révolution
de méthode opérée en linguistique, et qui semblait
avoir donné, pour la première fois, à une science
sociale une précision et une rigueur équivalentes à
celles des sciences de la nature, Lévi-Strauss entreprit d'étendre
cette même révolution à l'anthropologie puis aux
sciences humaines en général. Se penchant sur les relations
de parenté au sein des sociétés dites «!primitives!»,
il entreprit de montrer que celles-ci sont régies par des lois
d'association et de dissociation comparables à celles régissant
les rapports entre les sons au sein d'une langue. Partant de l'universalité
de l'interdiction de l'inceste, modulée de façon extrêmement
variée dans les différents groupes humains, Lévi-Strauss
analyse ces derniers comme autant de variations au sein d'une combinatoire.
La notion de « coupure épistémologique »
Au seuil de l'entreprise structuraliste se situe le souci d'une «!rupture
épistémologique!» (selon l'expression de Gaston
Bachelard), soit la volonté de se démarquer par rapport
aux discours antérieurs portant sur le même objet. Précisément
dans la mesure où les processus sociaux sont régis par
des lois qui demeurent inconscientes, une «!coupure!» est
nécessaire pour marquer le passage des discours idéologiques
qui ne font que refléter les structures sociales dans lesquelles
ils sont insérés, à un discours scientifique ou
théorique qui s'attache à les mettre au jour comme à
la base des pratiques sociales.
Un structuralisme philosophique ! ?
L'existence, et même la possibilité d'un structuralisme
philosophique, ne vont donc pas sans poser un certain nombre de problèmes,
dans la mesure où d'une part certains structuralistes, travaillant
à l'intérieur d'une science (Lévi-Strauss en anthropologie,
Lacan en psychanalyse) refusent la qualification de «!philosophes!»
et voient même dans l'adoption de la démarche structuraliste
la rupture décisive à l'égard de la tradition philosophique,
cette démarche suffisant à arracher définitivement
son objet à la philosophie qui avait pu précédemment
le considérer comme une partie de son domaine , et où,
d'autre part, les philosophes qualifiés de «!structuralistes!»
(Foucault, Derrida), considérant que cette démarche même
appelait à son tour une réflexion philosophique quant
à ses présupposés et ses enjeux, n'ont, quant à
eux, jamais accepté pour leur part sans multiplier les réserves
cette qualification de «!structuralistes!».
Il existe, en tout état de cause, non pas un mais des structuralismes
qui, s'ils ont en commun une méthode, sont animés, comme
l'a remarqué Jean Piaget (le structuralisme) d'intentions critiques
bien différentes, voire contradictoires en fonction des champs
d'investigation divers auxquels cette méthode est appliquée.
Louis Althusser (dans Pour Marx et Lire le Capital, 1965) entreprend
de soustraire Marx à une interprétation humaniste et historiciste
en mettant l'accent sur les structures économiques et sociales
dégagées par le Capital. Il développe une théorie
de la praxis, de la pratique collective, comme processus de transformation
sans sujet.
Jacques Lacan, dans ses Écrits (1966) proclame que «!l'inconscient
est structuré comme un langage!», critique l'egopsychologie
américaine qui vise à l'autonomie du sujet et souligne
que «!la découverte de Freud, c'est que l'Homme n'est pas
tout à fait dans l'Homme : Freud n'est pas un humaniste!».
Michel Foucault, dans les Mots et les choses (1966) voit lui aussi dans
la mort de l'Homme et l'effacement du sujet le point d'aboutissement
ultime des sciences humaines.
Jacques Derrida, dans De la grammatologie et l'Écriture et la
différence (1967), en adressant à Saussure et à
sa postérité structuraliste le reproche de «!phonocentrisme!»,
c'est-à-dire de privilégier dans la langue sa forme verbale
et «!sonore!» en secondarisant sa forme écrite, en
faisant de l'écriture «!le signe d'un signe!», un
signe au deuxième degré, inaugure ce que les américains
appellent le poststructuralisme.
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