Depuis le début de l'exposé,
on a constamment utilisé le terme de "structures", toutefois
sans le définir. Il est grand temps de le faire... Pour une présentation
du courant structuraliste en Sciences Humaines et une discussion plus
complète de la notion de structure, on peut se référer
à l'ouvrage de Jean Piaget, intitulé Le structuralisme
(1968).
Définitions
Le structuralisme
Selon Paul Mengal (dans Doron et Parot, 1991), le structuralisme
désigne divers "courants" artistiques, littéraires, et
scientifiques, du XXème siècle (p. 653). Le structuralisme,
par exemple en psychologie génétique, utilise les notions
mathématiques de "structures de groupe" et d'isomorphisme, vues
plus haut. L'influence importante des Sciences de la Nature sur les
Sciences Humaines réside dans la conception des organismes biologiques
en tant que "structures", c'est-à-dire conçues comme des
"totalités". Par analogie, en Sciences Humaines, on définit
alors le psychisme, l'individu, la société, ou la culture,
etc. comme étant aussi des totalités, ou des structures.
Selon Jean Piaget, toujours en
Sciences Humaines, le structuralisme est défini comme une certaine
méthode d'analyse des faits observés. L'analyse
structurale envisage les faits que l'on observe comme un ensemble d'éléments
qui se déterminent les uns les autres quant à leur nature
(ce qu'ils sont) et aussi à leur fonction (ce à quoi ils
servent). Pour Jean Piaget (1968), l'intérêt
de cette méthode est fondamentale pour les Sciences de l'Homme
car parvenir à "réduire un certain champ de connaissances
à une structure autorégulatrice [donne] l'impression d'entrer
en possession du moteur intime du système" (p. 14). Ainsi,
ce qui apparaît regrouper tous les structuralistes, tels que le
groupe "Nicolas" Bourbaki en mathématiques, Ferdinand de Saussure
en linguistique, Emile Durkheim en sociologie, ou Claude Lévi-Strauss
en anthropologie, c'est avant tout, toujours selon Jean Piaget (1968),
un idéal d'intelligibilité scientifique.
Le structuralisme est souvent différencié d'un autre
courant, appelé fonctionnalisme , même si les deux courants
doivent être considérés comme étant complémentaires.
Certaines critiques faites à l'approche structuraliste de Jean
Piaget proviennent d'ailleurs du courant dit fonctionnaliste.
Les structures
"L'idée de structure, de
laquelle sont d'ailleurs souvent synonymes les concepts de figure, de
forme et de système, ne repose pas sur une opposition à
l'idée de fonction mais place au premier rang la notion de totalité
: la totalité prime les parties et n'apparaît pas comme
l'assemblage de plusieurs éléments (Mengal, dans Doron
& Parot, p. 653). La définition
très générale d'une structure est d'être
un "ensemble d'éléments organisés selon certaines
relations" (Richelle, dans Doron & Parot, 1991, p. 653).
En biologie, on distingue habituellement la structure
d'un organisme, c'est-à-dire le "groupe d'éléments
dont les relations ont été repérées et décrites"
(Richelle, dans Doron & Parot, 1991, p. 653), et sa fonction, c'est-à-dire
l'"activité physiologique assurée par la structure" (idem).
En psychologie, et par analogie
avec la biologie, les structures désignent des "systèmes
organisés qui sous-tendraient les comportements" (Richelle, dans
Doron & Parot, 1991, p. 563). Il faut
souligner que les "structures psychologiques" ne sont pas observables
en tant que telles (on dit aussi que ce sont des "compétences").
Elles sont inférées (donc "construites")
à partir des comportements qui eux, sont observables (on dit
aussi que ce sont des "performances"). Selon
Marc Richelle, en psychologie, la notion de structure tend à
rendre compte de la "relative stabilité dans le temps des conduites",
c'est-à-dire leur permanence ou aussi, leur "conservation".
La notion de structure est définie
par Jean Piaget (1968) comme "un système de transformations,
qui comporte des lois [...] et qui se conserve ou s'enrichit par le
jeu même de ces transformations" (p. 6-7). Toute
structure doit pouvoir donner lieu à une formalisation (notamment
logico-mathématique) et comprend trois caractéristiques
essentielles :
LA TOTALITE |
LES TRANSFORMATIONS |
l'AUTOREGULATION |
Le caractère de totalité
signifie qu'une structure est composée d'éléments
qui, sous l'effet de lois de compositions, et non pas seulement d'association,
lui confèrent des propriétés d'ensemble distinctes
de celles des éléments pris isolément. Une
structure est aussi un système de transformations, c'est-à-dire
qu'elle est active et non pas statique. Le
caractère autorégulateur des structures (ou auto-organisation)
entraîne le fait qu'elles se conservent dans l'espace et le temps,
ce qui rend compte de leur "fermeture". Malgré
la construction indéfinie de nouveaux éléments
par les transformations, les structures présentent donc une certaine
stabilité du fait de leur autorégulation.
L'équilibration
Outre le facteur de maturation
biologique et les facteurs socioculturels, Jean Piaget invoque un facteur
essentiel pour expliquer le développement cognitif : l'équilibration,
ou aussi la coordination générale des actions (et des
opérations). Celle-ci est conçue
comme un processus qui, passant par des phases de déséquilibres,
puis de rééquilibration, conduit à certains états
d'équilibre des structures. Cette
équilibration résulte d'une autorégulation du sujet,
c'est-à-dire qu'il compense de lui-même les perturbations
qu'il reçoit. On comprend ici en
quoi, dans le cadre théorique piagétien, les conflits
cognitifs et les contradictions internes sont la source permanente du
processus de développement.
Intérêt du structuralisme
Pour la théorie opératoire, selon Bideaud, Houdé,
et Pedinielli (1993), "l'analyse structurale piagétienne permet
d'unifier sous un même concept théorique explicatif des
conduites apparemment différentes" (p. 40) et d'évaluer
le niveau de développement actuel de l'enfant. Les coordinations
des actions pratiques ou matérielles, caractéristiques
d'un premier stade, dit sensori-moteur, vont s'intérioriser progressivement
en structures d'opérations, caractéristiques de la construction
de la pensée abstraite des deux stades ultérieurs. Ces
structures d'opérations abstraites vont permettre "à l'intelligence
d'opérer indépendamment des contraintes spatio-temporelles
immédiates" (p. 40).
Le lien d'origine : http://www.univ-tlse2.fr/multimedia/bazdsc/intra/intra_struc2_1.htm