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Gödel et les limites de la logique
PRÉSENCE DE L'HISTOIRE
par JOHN DAWSON


Le mathématicien Kurt Gödel a consacré ses travaux à la rationalité, alors que sa vie privée en était parfois dépourvue.

Les propositions indécidables 
Le personnage qui est représenté sur la photographie ci-dessus n'est pas connu du grand public. Pourtant, ses théorèmes d'incomplétude et ses autres résultats de mathématiques ou de logique ont ébranlé les mathématiques et l'informatique. Toute sa vie, il rechercha la rationalité, mais dut lutter contre une profonde fragilité mentale.
Gödel a démontré que les méthodes mathématiques utilisées depuis Euclide ne peuvent révéler toutes les propriétés de l'ensemble des nombres entiers naturels. Sa découverte, qui bouleversa les mathématiques créées au XXe siècle,
a relancé la recherche de nouvelles voies d'étude et provoqué un débat philosophique sur la nature de la vérité.
Les techniques inventées par Gödel, qui sont applicables aux algorithmes de calcul, ont également posé les fondations
de l'informatique moderne.
Gödel naît le 28 avril 1906 à Brno, à 180 kilomètres au Sud-Est de Prague, en République tchèque. Il est le cadet des deux enfants de Rudolf et Marianne Gödel, des Allemands expatriés dont les familles travaillaient pour l'industrie textile locale. La famille ne comptait pas d'intellectuels, et son père n'avait reçu qu'une formation en techniques commerciales. Toutefois, ce dernier était ambitieux et travailleur : il sera progressivement directeur, puis actionnaire d'une importante usine de textile de Brno. Suffisamment enrichi, Rudolf Gödel acquiert une maison dans un quartier chic et envoie ses fils dans des écoles privées
de langue allemande, où tous deux font de brillantes études.
De toute sa scolarité primaire et secondaire, le jeune Kurt n'a qu'une seule fois une note inférieure au maximum – en mathématiques!
Pourtant, ses talents restent insoupçonnés, car, malgré son insatiable curiosité (il est surnommé Monsieur Pourquoi),
il est introverti, sensible et plutôt maladif. Vers l'âge de huit ans, il contracte un rhumatisme articulaire aigu qui, bien que
sans séquelles physiques, l'éloigne de l'école assez longtemps. Cette maladie est probablement l'une des causes
de son hypochondrie.
L'introverti

LES DEUX FRÈRES

GÖDEL, Kurt et Rudolf étaient très proches ; ils se sont peu à peu éloignés à l'âge adulte. Ce cliché de studio date de 1908.
En 1924, diplômé du lycée technique de Brno, Gödel quitte son pays natal pour l'Université de Vienne, où son frère a commencé ses études de médecine quatre ans plus tôt. Après la Première Guerre mondiale et la chute de l'empire austro-hongrois, Vienne est en ruine, mais le prestige de l'Université est intact. Ainsi, malgré les privations matérielles, la Vienne de l'entre-deux-guerres est un centre scientifique littéraire et philosophique très actif.
Initialement inscrit en physique, Gödel s'oriente vers les mathématiques dès qu'il a suivi les cours de Phillip Furtwängler et de Hans Hahn (1879-1934). Il est vite remarqué : deux ans seulement après son arrivée, il est invité dans le groupe de travail fondé en 1924 par Hahn et par le philosophe néo-positiviste Moritz Schlick (1882-1936). Ce groupe, qui deviendra le Cercle de Vienne, est inspiré des écrits d'Ernst Mach (1838-1916), rationaliste pour qui seules la logique et l'observation empirique ont une valeur explicative ; la métaphysique est écartée.
Grâce au Cercle, Gödel rencontre des savants tels que le philosophe des sciences Rudolf Carnap (1891-1970) ou le mathématicien Karl Menger (1902-1985). Il se familiarise avec la logique mathématique et la philosophie, et, en particulier, avec les écrits de Ludwig Wittgenstein (1889-1951), dont la réflexion sur l'aptitude du langage à parler de lui-même a peut-être poussé Gödel à explorer les problèmes équivalents en mathématiques.
Avec certains membres du Cercle, dont Carnap, Hahn et le physicien Hans Thirring, il s'intéresse également aux phénomènes parapsychologiques. Des années plus tard, il confiera à son ami économiste Oskar Morgenstern (1902-1977) que, dans un futur lointain, on s'étonnera que les scientifiques du XXe siècle aient découvert les particules physiques élémentaires, sans même envisager la possibilité de facteurs psychiques élémentaires.
Cependant, Gödel ne partage pas la vision philosophique positiviste du Cercle. Il est platonicien : en dehors des objets, un monde de concepts existe, accessible par l'intuition. Ainsi, toute proposition a une «valeur de vérité» (être vraie ou être fausse), que cette valeur ait été établie ou non par les mathématiques ou par un moyen expérimental. Il admettra ultérieurement que cette philosophie a facilité ses intuitions mathématiques.
Observateur attentif et brillant, Gödel s'exprime rarement lors des discussions du Cercle, sauf lorsqu'elles concernent les mathématiques. Timide et solitaire, il a peu d'amis intimes (cependant, il apprécie la compagnie des femmes, qui le trouvent séduisant). Après 1928, il délaisse peu à peu le groupe et s'investit dans un séminaire de mathématiques organisé par Menger. Gödel participe à la publication annuelle des actes  ; il publiera ainsi une dizaine d'articles.
Un génie réservé

C'est l'époque à laquelle Gödel acquiert une réputation internationale en logique mathématique, notamment grâce à deux articles : sa thèse, soutenue à l'Université de Vienne en 1929 et publiée l'année suivante, et son traité Sur les propositions formellement indécidables des Principia Mathematica et des systèmes apparentés, publié en allemand en 1931 et présenté comme thèse d'habilitation à l'enseignement en 1932. Dans les Principia Mathematica de Bertrand Russell (1872-1970) et d'Alfred Whitehead (1861-1947), les auteurs proposent la logique comme fondement des mathématiques. Ils résolvent un problème posé en 1928, par David Hilbert (1862-1943) et par Wilhelm Ackermann (1896-1962) dans leurs Fondements de la Logique théorique  : Hilbert et Ackermann y énoncent des règles de manipulation d'expressions logiques composées de connecteurs (et, ou...), de quantificateurs (pour tout, il existe...), et de variables (nombres, propositions, ensembles...).
Les règles de manipulation admises ajoutées aux axiomes d'une théorie mathématique permettent-elles de déduire toutes
les propositions vraies pour toute structure vérifiant les axiomes? Plus simplement, peut-on démontrer tout ce qui est vrai pour toutes les interprétations des symboles?

La réponse attendue était oui, et Gödel le confirme dans sa thèse intitulée La complétude du calcul des prédicats du premier ordre, où il établit que les principes de la logique prouvent tout ce qui est vrai à partir d'un ensemble d'axiomes donné. Cependant, il ne démontre pas que les axiomes alors admis pour la théorie des nombres permettent de démontrer toutes les propositions à propos des nombres. Les axiomes de la théorie des nombres avaient été proposés par le mathématicien italien Giuseppe Peano (1858-1932) en 1889 ; ils incluent l'axiome de récurrence, qui affirme que toute propriété vraie pour zéro, et vérifiée par le nombre n+1 lorsqu'elle est vraie pour le nombre n, est vraie pour tout entier naturel. Cet axiome semble évident, mais il gêne les mathématiciens parce qu'il concerne les propriétés des nombres plutôt que les nombres eux-mêmes : c'est un axiome du second ordre, qui semble trop éloigné des nombres pour définir ces derniers. De la même manière, savoir qu'un ballon est bleu n'indique pas ce qu'est un ballon.

LE COUPLE ADÈLE PORKERT ET KURT GÖDEL
était très uni. Ils sont ici à la terrasse d'un café de Vienne, pendant leurs longues fiançailles. Adèle Porkert protégeait Gödel de ses peurs irrationnelles et était souvent la seule personne à pouvoir le convaincre de manger. Plus que quiconque, elle a contribué à le maintenir en vie et en état de travailler.
L'axiome de récurrence avait été reformulé sous la forme d'un groupe infini d'axiomes identiques, qui se rapportaient à des formules spécifiques plutôt qu'aux propriétés générales des nombres. Malheureusement, le logicien norvégien Thoralf Skolem avait démontré que ces axiomes ne caractérisent pas seulement des nombres naturels : ils sont également vérifiés par d'autres structures nommées entiers non standards.
Le théorème de complétude de Gödel indique que l'on peut démontrer toutes les propositions qui découlent des axiomes ; cependant une proposition qui est vraie pour les nombres naturels, mais fausse pour un autre système d'éléments
qui vérifient les mêmes axiomes, est alors indémontrable (voir l'encadré). Les mathématiciens dédaignent la restriction en espérant qu'il n'existe pas d'entités similaires aux nombres.

L'article que Gödel publie en 1931 bouleverse alors les mathématiques. Il montre que certaines propositions
vraies pour les nombres naturels sont indémontrables : il existe des objets qui vérifient les axiomes de la théorie des nombres, mais se comportent différemment à d'autres égards. En prenant toutes les propositions vraies pour axiomes, on contournerait ce «théorème d'incomplétude» ; mais alors comment savoir si les propositions sont vraies? Gödel montre que, lorsque les axiomes sont décrits par un ensemble de règles mécaniques, le choix des axiomes n'évite pas la difficulté : quand elles sont vraies pour les nombres naturels, d'autres propositions vraies sur ces nombres restent indémontrables.
Par exemple, lorsque les axiomes ne se contredisent pas mutuellement, cette non-contradiction, correctement codée
en une proposition numérique, est formellement indécidable, c'est-à-dire ni démontrable ni réfutable à partir des axiomes. La démonstration de la non-contradiction nécessite donc des principes plus puissants que les axiomes eux-mêmes.
Ce dernier résultat ruine le programme de David Hilbert, qui voulait renforcer les fondements des mathématiques
et déduire la cohérence des théories mathématiques complexes de celle de théories plus simples. Pour Gödel, en revanche, les théorèmes d'incomplétude ne réfutent pas l'inanité de la méthode axiomatique, mais ils montrent que la démonstration de théorèmes ne peut être complètement mécanisée et ils justifient l'intuition en mathématique.
Les concepts et les méthodes introduits par Gödel sont au centre de la théorie de la récurrence,
centrale en informatique. Ses idées sont à l'origine de nombreux résultats sur les limites des procédures informatiques, par exemple, sur le caractère indécidable de la durée d'exécution des programmes : pour une donnée d'entrée et un programme fixé, un ordinateur s'arrêtera-t-il finalement, en produisant une donnée de sortie, ou finira-t-il dans une boucle infinie? De même, aucun programme ne peut détecter tous les programmes qui modifient le système d'exploitation d'un ordinateur (les virus, par exemple) sans modifier lui-même ce système. Le refuge aux États-UnisGödel passe l'année universitaire 1933-1934 à l'Institut des études avancées de Princeton, où il enseigne son théorème d'incomplétude.
Une «dépression nerveuse» peu après son retour à Vienne l'empêche d'y retourner l'année suivante.
Guéri à l'automne 1935, il part l'année d'après, mais il rechute un mois après son arrivée et ne reprend son enseignement qu'au printemps 1937, à Vienne.

Tant qu'on ne disposera pas du dossier médical de Gödel (il était suivi par un psychiatre de Princeton), la maladie de Gödel restera mystérieuse. Elle commence par une hypocondrie : obsédé par son régime et sa digestion, il note quotidiennement, pendant plus de 20 ans, sa température et sa consommation de magnésie. Il redoute initialement un empoisonnement accidentel, mais, vers la fin de sa vie, il craint qu'on ne veuille le tuer en l'empoissonnant.
Il cesse presque de s'alimenter, tandis qu'il prend de nombreuses pilules contre une maladie cardiaque imaginaire.
En dehors des crises aiguës, la capacité de travail de Gödel est peu perturbée par ses problèmes mentaux. Il est soutenu par Adèle Porkert, qu'il a rencontrée dans une boîte de nuit de Vienne, pendant ses études.

Son aînée de six ans, Adèle est catholique, divorcée, danseuse de profession. Les parents de Gödel la jugent dépravée,
mais le couple est très uni, et elle l'aide souvent à surmonter sa peur grandissante de l'empoisonnement en jouant le rôle de goûteuse.
Ils se marient en septembre 1938, juste avant le retour de Gödel en Amérique, où il doit présenter ses nouveaux résultats en théorie des ensembles à Princeton et à l'Université de Notre-Dame.Ces résultats résolvent des questions anciennes. À la fin du XIXe siècle, le mathématicien allemand Georg Cantor (1845-1918) a trouvé un moyen de comparer la taille des ensembles infinis : on apparie les éléments de l'ensemble A et ceux de l'ensemble B ; si cet appariement laisse des éléments de A non appariés, alors l'ensemble A est plus grand que l'ensemble B. Ainsi Cantor a démontré que l'ensemble des nombres naturels est plus petit que l'ensemble des nombres réels. De plus, il a supposé qu'aucun ensemble de taille intermédiaire n'existe : c'est l'hypothèse du continu.En 1908, Ernst Zermelo (1871-1953), compatriote de Cantor, a formulé une liste d'axiomes pour la théorie des ensembles. Parmi cette liste figure l'axiome du choix, qui stipule que, si l'on considère une collection infinie d'ensembles disjoints, qui contiennent chacun au moins un élément, on peut former un ensemble en retenant un élément de chaque ensemble de la collection.

Malgré son apparente évidence, l'axiome du choix a des conséquences paradoxales. Par exemple, si on l'accepte, on doit aussi admettre qu'une sphère est décomposable en un nombre fini de morceaux que l'on peut séparer et rassembler en une nouvelle sphère de volume double de la première.
L'axiome du choix est très controversé : les mathématiciens contemporains de Gödel soupçonnent, à juste titre, que ni l'axiome du choix ni l'hypothèse du continu ne peuvent être déduits des autres axiomes de la théorie des ensembles. Ils craignent que l'utilisation de ces théorèmes dans des démonstrations ne mènent à des contradictions.
Cependant, Gödel démontre que les deux axiomes sont cohérents avec les autres.
Les résultats de Gödel en théorie des ensembles répondent à une question posée par Hilbert en 1900 lors du Congrès international des mathématiciens.

Malgré leur importance, ils ne lui procurent pas un poste permanent. Pendant son année passée à Princeton et à l'Université de Notre-Dame, son autorisation d'enseigner dans les universités autrichiennes lui est retirée. Pendant l'été 1939, alors qu'il rejoint sa femme à Vienne, il est convoqué pour un examen médical militaire, et déclaré apte au service dans les forces armées nazies.
Jusqu'alors Gödel s'est peu soucié de la tournure inquiétante des événements en Europe. Il s'est intéressé à la politique et à l'actualité, mais les événements l'ont peu ému. Son isolement l'a peut-être empêché de mesurer la gravité
des événements. Il s'intéresse peu à ses collègues et professeurs, dont beaucoup sont juifs, et reste concentré sur ses
travaux pendant que le monde s'écroule autour de lui. Avec sa convocation de l'armée, l'Histoire le rattrape.
Désespéré, sans emploi et menacé par l'incorporation imminente, il demande le soutien de l'Institut des études
avancées et obtient des visas de sortie. En janvier 1940, le couple fuit vers l'Est à bord du Transsibérien.
Puis, de Yokohama, ils embarquent pour San Francisco et atteignent enfin Princeton par le train à la mi-mars. Des
phobies grandissantes Gödel ne quittera plus les États-Unis.
Après plusieurs contrats annuels, il n'est engagé de façon définitive qu'en 1946. Deux ans plus tard, il prend la nationalité américaine. À cette occasion, le juge qui lui demandait son opinion sur la constitution des États-Unis se voit affligé d'un long discours sur les incohérences logique de ce système. C'est seulement en 1953 que Gödel est nommé professeur, alors qu'il est également élu membre de l'Académie américaine des sciences. On craignait sa maladie mentale : ne disait-il pas partout que des gaz toxiques fuyaient de son réfrigérateur?
Pendant ces années, son ami Albert Einstein s'occupe de lui de son mieux, notamment par des promenades quotidiennes. Leurs conversations apaisaient Gödel.

À son arrivée aux États-Unis, Gödel abandonne la théorie des ensembles pour se consacrer à la philosophie et à la relativité. En 1949, il montre que des univers où le voyage vers le passé est possible sont compatibles avec les équations d'Einstein. En 1950, il présente ces résultats au Congrès international des mathématiciens et, l'année suivante, il donne la prestigieuse conférence Gibbs à la réunion annuelle de l'Association mathématique des États-Unis. Entre ces deux discours, il frôle la mort, parce que sa méfiance envers les médecins lui a fait négliger un grave ulcère.

LES PROMENADES AVEC EINSTEIN

dans le parc de l'Institut des études avancées de Princeton étaient un des rites qui maintenaient Gödel en activité. Cette photographie date de 1954.
Le dernier article publié de Gödel paraît en 1958. Il se renferme ensuite progressivement sur lui-même, et, de plus en plus amaigri, devient paranoïaque et hypocondriaque.
Sa dernière apparition en public date de 1972, quand l'Université Rockefeller le fait docteur honoris causa. Trois ans plus tard, quand on lui décerne la Médaille américaine des sciences, il n'assiste pas à la cérémonie, pour raison de santé.
Le 1er juillet 1976, quand Gödel atteint l'âge de la retraite (70 ans), il est nommé professeur émérite de l'Institut. Toutefois sa femme, qui l'a tant materné, est handicapée par un accident vasculaire cérébral qui l'a frappée quelques mois auparavant. Il prend soin d'elle avec dévouement jusqu'en juillet 1977, lorsqu'elle est opérée d'urgence et hospitalisée pendant près de six mois.

À ce moment, Morgenstern, l'ami qui a pris la relève d'Einstein après la mort de celui-ci en 1955 pour s'occuper de Gödel, meurt d'un cancer.
Gödel se retrouve seul avec sa paranoïa grandissante, et décline rapidement. Par peur d'un empoisonnement, il cesse de s'alimenter, et il meurt le 14 janvier 1978.
Adèle Gödel survit trois ans à son mari. À sa mort, le 4 février 1981, elle lègue les droits des articles de Gödel à l'Institut des études avancées. La population hautaine de Princeton l'a toujours tenue à l'écart, mais elle était fière des travaux de son mari et elle savait que, sans son soutien, il n'aurait pas pu les mener à bien.
Gödel a publié très peu d'articles de son vivant (Bernard Riemann est le seul grand mathématicien qui ait publié moins) ; cependant leur impact a été énorme.
Certains de ses articles, qui étaient écrits à la main, en gothique, ont été récemment traduits et publiés
dans le troisième volume de ses Œuvres complètes. Leur contenu, par exemple sa formalisation de la «preuve ontologique» de l'existence de Dieu, intéressent aujourd'hui l'attention jusqu'aux non-mathématiciens.


John Dawson est professeur de mathématiques à l'Université de Pennsylvanie ; il est l'un de ceux qui ont assuré l'édition des Œuvres complètes de Gödel.


POUR EN SAVOIR PLUS :
Ernst Nagel, James Newman, Kurt Gödel et Jean-Yves Girard, Le théorème de Gödel, Le Seuil, 1997.
Douglas R. Hofstadter, Gödel, Escher, Bach, Interéditions, 1998.
Kurt Gödel, Collected Works, vol. 1-3, sous la direction de Solomon Feferman et al., Oxford University Press, 1986, 1990, 1995.
John W. Dawson, Logical Dilemmas  : The Life and Work of Kurt Gödel, A.K. Peters Ltd., Wellesley, Mass., 1997.
N° 262 août 1999 Pour la Science


Les propositions indécidables

Le résultat le plus célèbre de Gödel concerne des propositions sur les nombres naturels, vraies mais indémontrables
dans l'arithmétique. La phrase réflexive suivante est un exemple simple de propositions vraies, mais indécidables,
c'est-à-dire ni démontrables ni réfutables  :
«Cette proposition est indémontrable.»

Elle peut être transformée en un nombre selon une méthode mise au point par Gödel. Ensuite, on montre d'une part que si cette proposition est démontrable, sa négation l'est aussi : elle est donc indémontrable.
D'autre part, on prouve qu'elle est néanmoins vraie.
Les équations polynomiales conduisent à des propositions un peu plus compliquées.
Par exemple, l'affirmation que certaines équations polynomiales n'ont pas de racines (c'est-à-dire de solutions) entières
est indécidable.

Gödel a démontré que les axiomes qui définissent les nombres entiers naturels sont incomplets : certaines propositions vraies de la théorie des nombres sont indémontrables à l'aide de ces axiomes.
Sa démonstration montre, par conséquent, qu'il existe des entités, nommées entiers non standards, différentes
des nombres naturels qui obéissent néanmoins à ces axiomes. Comme tout ce qui est démontré à partir
des axiomes (en rouge) s'applique à toutes les entités qui obéissent aux axiomes, certaines propositions vraies concernant les nombres naturels (en bleu, en vert et en rouge) sont nécessairement indémontrables (en bleu et en vert).


N° 262 août 1999 Pour la Science (1999)
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Les propositions indécidables
(démonstration)
par Jean-Paul Delahaye


L'incomplétude gödélienne concerne-t-elle d'autres domaines que les mathématiques? Jean-Paul Delahaye est professeur à l'Université de Lille.

Démonstration des théorèmes d'incomplétude :

George Boolos spécialiste de la logique de la prouvabilité (et donc du théorème de Gödel) a récemment proposé une nouvelle démonstration du second théorème de Gödel. Avec la démonstration dite sémantique du premier théorème on a deux raisonnements qui ne retiennent que l'essentiel des idées originales de Gödel (qui exigent pour être détaillées plusieurs dizaines de pages). On s'appuie sur des propriétés élémentaires faciles à accepter (ou à prouver pour les systèmes utilisés en mathématiques) et sur une partie technique de 11 lignes. Nous présentons ici ces démonstrations pour les personnes que le formalisme et les casse-tête logiques n'effraient pas.
On se donne un système formel S à propos duquel on fera une série d'hypothèses qui permettront de prouver pour S en quelques lignes les deux théorèmes d'incomplétude de Gödel.
Lorsqu'une formule f du système S est démontrable dans S on écrit : |- f
La première hypothèse est :
(i) S est assez riche pour que l'on puisse y exprimer la propriété, notée @ f, qui signifie "il existe une preuve formelle de f dans S".
Pour obtenir @ f il suffit que le langage du système formel S contienne celui de l'arithmétique (ou celui des ensembles finis). En pratique, la formule @ f code minutieusement la définition de ce qu'est une déduction dans S. Si on devait
écrire @ f ce serait une formule longue. L'existence de @ f est une découverte positive importante de Gödel.
On fait ensuite l'hypothèse que :
(ii) si |- f alors |- @ f
(si f est démontrable dans S alors @ f est aussi démontrable dans S)
Cela signifie simplement que la capacité du système S à faire de l'arithmétique lui permet de démontrer les formules du type @ f lorsqu'elles sont vraies. On établit sans mal la propriété (ii) pour les systèmes usuels utilisés en mathématiques (arithmétique élémentaire, théorie des ensembles, etc.). On suppose ensuite :
(iii) |- @ (f -> g) -> (@ f -> @ g)
(iv) |- @ f -> @ @ f
Comme pour (ii) ces hypothèses signifient simplement que la formule @ f est écrite en suivant de près la définition des déductions dans S et que l'arithmétique de S est assez puissante. L'hypothèse suivante :
(v) S contient la logique propositionnellesignifie que les raisonnements usuels (du type si ((A et B) -> C) et A et que B alors je peux en déduire C) qu'on fait sans cesse dans une démonstration mathématique sont utilisables dans S. Cette hypothèse (que ne satisfaisait pas le système formel de la figure 1, trop élémentaire) est vérifiée par les systèmes usuels des mathématiques. La propriété :
(*) Si |- f -> g alors |- @ f -> @ g
se déduit de (ii), (iii)
et (v) en procédant comme suit : si |- f -> g, d'après (ii) on a |- @ (f -> g). En utilisant (iii) et ce qu'on appelle la règle du modus ponens (vraie en logique propositionnelle) on a : |- @ f -> @ g.
On désignera par faux une formule de S représentant la contradiction. On prend une formule f quelconque, et on pose faux = (f et NON f). Dire que S est consistant, signifie qu'avec S on ne peut pas déduire faux. Cela s'écrit donc : NON |- faux. Une formule du système S exprimant que la théorie S est consistante est donc : NON @ faux. Le second
théorème de Gödel va établir que lorsque S est consistant cette formule n'est pas démontrable dans S.
Une méthode générale
décrite par Gödel permet dans les systèmes formels assez riches de construire une formule g qui exprime sa propre non prouvabilité dans S (là encore il s'agit d'un résultat positif que les philosophes oublient à la faveur des résultats négatifs). Nous ferons l'hypothèse que S permet effectivement d'avoir une formule g telle que :
(vi) |- g <-> NON @ g
Nous supposerons (uniquement pour la démonstration du premier théorème d'incomplétude)
que S satisfait la propriété de :
(vii) correction de S pour les formules arithmétiques
Cette hypothèse signifie que lorsque S démontre une formule portant sur les nombres entiers, alors cette formule est vraie des nombres entiers usuels. La propriété (vii) est vérifiée en particulier si chaque axiome est vrai et si les règles d'inférences ne permettent de déduire que des choses vraies à partir de choses vraies. Dans les systèmes formels pour l'arithmétique, cette propriété est satisfaite car on ne choisit que des axiomes et des règles d'inférences vrais
de toute évidence. L'hypothèse (vii) est la seule hypothèse qui ne puisse se démontrer facilement pour des systèmes plus riches comme celui de la théorie des ensembles. C'est une hypothèse dite sémantique car elle se réfère au concept de formule vraie des nombres entiers usuels. Cette hypothèse est plus forte que l'hypothèse de consistance qui sera seule utile pour le second théorème [L'hypothèse (vii) implique la consistance car si S était inconsistant alors tout serait démontrable dans S et donc, en particulier, la formule arithmétique 0=1 ce qui est impossible si (vii) est vraie. ]. La formule @ f est un énoncé arithmétique, donc si S prouve @ f c'est que ce que dit @ f est vrai, c'est-à-dire : |- f. Autrement dit :
(**) si |- @ f alors |- f
Gödel dans sa démonstration initiale a préféré remplacer l'hypothèse sémantique (vii) par une hypothèse syntaxique (faisant appel uniquement à des considérations formelles) mais difficile à présenter ici et plus forte que l'hypothèse de consistance. [Gödel avait adoptée l'hypothèse d'oméga-consistance : si le S prouve une formule du type () alors pour un entier n au moins, NON |- NON P(n).]

Premier théorème d'incomplétude de Gödel
Montrons à partir de (i)-(vii) qu'il existe une formule g de S au moins telle que ni g ni NON g ne sont prouvables dans S (incomplétude). Comme nos hypothèses signifient à la fois que le système S est assez puissant et qu'il est consistant on traduira cela en disant : un système formel ne peut à la fois être puissant, consistant et complet.
De l'affirmation |- g <-> NON @ g on déduit que |- g -> NON @ g (logique propositionnelle).
Donc de |- g on déduit |- NON @ g. Il en résulte que si g est prouvable alors |- @ g (d'après (ii)) et |- NON @ g et donc le système est inconsistant ce qui contredit l'hypothèse (vii). Dans S on ne peut donc pas prouver g.
Si on suppose que S permet de prouver NON g c'est-à-dire : |- NON g alors de |- g <-> NON @ g (hypothèse (vi)) on déduit |- NON g <-> @ g et donc |- NON g -> @ g d'où on tire |- @ g et donc |- g (d'après (**) qui est une conséquence
de l'hypothèse (vii)). Or c'est impossible d'après ce que nous venons de voir au-dessus.
En résumé S ne peut ni prouver g, ni prouver NON g. La formule g est indécidable dans S.
Cette première preuve est courte mais possède le défaut d'utiliser une hypothèse sémantique. La preuve du second théorème va améliorer très sensiblement la situation : elle va, sous l'hypothèse de consistance (qui remplacera l'hypothèse sémantique (vii)) montrer que la formule exprimant la consistance de S n'est pas prouvable dans S.

Second théorème d'incomplétude de Gödel
La démonstration du second théorème de Gödel que propose Boolos commence par la série des 11 étapes suivantes :
1 |- g <-> NON @ g (hypothèse (vi))
2 |- g -> NON @ g (avec 1 et la logique propositionnelle)
3 |- @ g -> @ NON @ g (propriété (*) à partir de 2)
4 |- @ g -> @ @ g (d'après (iv))
5 |- NON @ g -> (@ g -> faux) (en logique propositionnelle, les formules du type NON q -> (q -> faux) sont démontrables)
6 |- @ NON @ g -> @ (@ g -> faux) (à partir de 5 et (*))
7 |- @(@ g -> faux) -> (@ @ g -> @ faux) (d'après (iii)
--8 |- @ g -> @ faux (logique propositionnelle à partir de 3, 6, 7 et 4)
9 |- NON @ faux -> g (logique propositionnelle à partir de 8 et 1)
10 |- @ NON @ faux -> @ g (d'après (*) et (9))
11 |- NON @ faux -> NON @ NON @ faux
(logique propositionnelle avec 8 et 10)
Donc si |- NON @ faux alors on a à la fois |- NON @ NON @ faux d'après 11 et |- @ NON
@ faux par (ii) et donc |- faux. Par contraposition : si NON |- faux (S est consistant) alors on a NON |- NON @ faux (S ne prouve pas que S est consistant).
Un système formel consistant vérifiant les hypothèses (i)-(vi) ne peut pas prouver qu'il est consistant : un système formel S ne peut être à la fois riche, consistant et prouver qu'il est consistant.


POUR EN SAVOIR PLUS  :
Patrick Cegielski, Quelques contributions à l'étude des arithmétiques faibles, Thèse de doctorat d'État, Université de Paris VII, 1990.
J.-P. Delahaye, Arguments et indices dans le débat sur le réalisme mathématique, in L'Objectivité mathématique, Platonisme et structures formelles, pp. 23-48, Masson, 1995.
L. Kirby et J. Paris, Accessible Indépendance Results for Peano Arithmetics, in Bull. London Math. Soc., vol. 14, pp. 285-293, 1982.
R. Smullyan, Les théorèmes d'incomplétude de Gödel, Masson, 1993.
O. Sudac, Étude de la prouvabilité de certains résultats classiques dans l'arithmétique primitive récursive et l'arithmétique de Peano, Thèse de doctorat, 1998.
D. Valleman, Fermat’s Last Theorem and Hilbert Program, in The Mathematical Intelligencer, vol. 19, n° 1, pp. 64-67, 1997.
N° 265 novembre 1999 Pour la Science (1999)

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STATUT MATHÉMATIQUE DES CONTRADICTIONS
texte intégral
LOGIQUE ET CALCUL
Jean-Paul Delahaye


Comme les physiciens, les mathématiciens proposent des théories provisoires, infirmées par des contradictions. Celles-ci ne menacent pas les mathématiques, mais sont sources d'inspiration.
Un étudiant demanda au logicien anglais Bertrand Russell : «Prétendez-vous que de 2 + 2 = 5, on peut déduire que vous êtes le pape?» «Certainement, répliqua le grand logicien... Réfléchissez un peu. Supposons que 2 + 2 = 5. En soustrayant 2 de chaque côté du signe égal, on obtient que 2 = 3. Par symétrie, on a aussi que 3 = 2 et, en soustrayant un de chaque côté, 2 =1. Maintenant le pape et moi nous sommes deux, mais, puisque 2 = 1, le pape et moi ne sommes qu'un, et donc je suis le pape.»
Cette propriété de la logique classique, appelée ex-falso quodlibet, énonce que, si une proposition est à la fois fausse et vraie, alors tout autre énoncé est vrai ; dans l'exemple, Russell est le pape...
Donc, si vous prouvez que 0 = 1, comme vous savez que 0 <> 1, vous pouvez en déduire, généralement en raisonnant par l'absurde, que n'importe quel théorème mathématique est vrai, et, par exemple, qu'il existe une infinité de nombres premiers pairs! Une seule contradiction détruirait-elle l'édifice mathématique, une montagne de merveilles édifiée par 40 siècles de travail?
Heureusement, les mathématiciens n'envisagent pas sérieusement qu'une affirmation soit à la fois vraie et fausse : la contradiction leur est insupportable, et ils font tout pour l'éviter. Ils classent les énoncés mathématiques en deux catégories, les vrais et les faux, et tentent de savoir à quelle catégorie chacun appartient. Ils ne réussissent pas toujours, et certains problèmes restent ouverts des années, voire des siècles.
De surcroît, certaines questions sont si délicates que les mathématiciens ne savent pas s'ils pourront jamais trancher : ces propositions sont indécidables, ni vraies ni fausses.
Dans une théorie possédant une contradiction, pour éviter que tout ne s'effondre dans le non-sens, il faudrait s'interdire de raisonner par l'absurde. Impossible, car tout le monde accepte ce principe de raisonnement, l'instrument de travail quotidien du mathématicien. Même les mathématiciens intuitionnistes (lesquels, par peur des contradictions dont l'infini pourrait être responsable, choisissent d'utiliser une logique moins puissante que la logique classique) conservent le raisonnement par l'absurde.
Théories contradictoires à jeter
Plusieurs fois dans l'histoire des mathématiques, des contradictions ont provoqué de graves inquiétudes.
Les Grecs ressentirent la découverte de l'irrationalité de la diagonale du carré (autrement dit, que la racine carrée de 2 n'est pas le quotient de deux entiers) comme une contradiction, car ils pensaient implicitement que toute grandeur pouvait être exprimée par une fraction. La diagonale du carré existait géométriquement, mais pas en tant que nombre! Il fallait définir un autre type de nombre. Cela n'était pas aisé, et pendant des siècles les mathématiciens se méfièrent des extensions de la notion de nombres : ils se replièrent sur la géométrie, et il a fallu plus d'un millénaire pour qu'ils s'en dégagent.
Au XVIIIe siècle, les premières présentations du calcul infinitésimal de Newton et de Leibniz permettaient d'obtenir sans mal une démonstration de 0 = 1 (c'est-à-dire une contradiction). C'est d'ailleurs pour cela que l'évêque Berkeley, fondateur de la doctrine idéaliste, refusait de prendre au sérieux ce nouveau calcul, et disait, non sans humour, que, lorsqu'on croit au calcul des fluxions (nom donné par Newton à sa théorie), il n'est pas difficile de croire aux mystères de la religion. Curieux argument de la part d'un évêque!
Plus tard encore, à la fin du XIXe siècle, la première version de la théorie des ensembles, formalisée par Frege, permettait de mener un raisonnement analogue à celui concernant le barbier qui rase tous les barbiers qui ne se rasent pas eux-mêmes (se rase-t-il lui-même?). Craignant une contamination de toutes les mathématiques, le grand Henri Poincaré avait proposé de renoncer complètement à la très prometteuse théorie des ensembles.
Plus récemment, certains physiciens utilisaient dans leurs calculs ce qu'ils appellent la fonction d'Heaviside ; cette fonction n'est pas conforme avec ce que l'on considère habituellement comme une fonction. Les calculs auraient amené des contradictions si on les avait pris au pied de la lettre.
Pourtant jamais, au grand jamais, ces absurdités apparentes n'ont entraîné de catastrophes majeures : elles ont, au contraire, été bénéfiques.
Guérisons des théories malades
Circonscrire une contradiction revient souvent à renoncer à un principe qu'on croyait évident. Dans le cas des irrationnels, il a fallu renoncer à l'idée que deux grandeurs sont toujours commensurables. Ce renoncement élimine la contradiction et, bien loin d'en être irrémédiablement perturbée, la théorie des nombres s'est nourrie des irrationnels.
Le calcul infinitésimal a été établi sur des fondements solides, d'abord au XVIIIe et au XIXe siècle par la mise au point de bonnes règles de calcul et l'introduction d'une notion rigoureuse de limite, puis plus récemment, au XXe siècle, grâce à l'analyse non standard qui définit une manipulation non contradictoire des infiniment petits. Cela a donné raison à ceux qui avaient eu le génie de prendre quelques risques et tort à l'évêque Berkeley qui voulait tout rejeter.
Pour remédier aux contradictions des nouvelles méthodes d'analyse, les mathématiciens utilisent les quantités avec lesquelles ils veulent calculer (infinitésimaux, sommes et produits infinis), mais sans suivre certaines règles de manipulation de l'algèbre qu'on croyait intangibles et consubstantielles. Par exemple, selon la façon de placer les parenthèses, la somme :
1 - 1 + 1 - 1 + 1 - 1 + 1 - 1 + 1 - 1 + ...
vaut 0 ou 1 :
(1 - 1) + (1 - 1) + (1 - 1) + (1 - 1) + ... = 0 + 0 + 0 + ... = 0
1 + (-1 + 1) + (-1 + 1) + (-1 + 1) + ... = 1 + 0 + 0 + 0 ... = 1
Pour éviter cette contradiction, il faut d'abord admettre que toute somme infinie ne désigne pas un nombre : ici, la somme infinie n'a pas de sens. Les manipulations effectuées ne signifient rien, et la contradiction obtenue n'a pas à être acceptée.
Même lorsque les sommes infinies ont un sens, les opérations qu'on faisait sur les sommes finies ne sont plus nécessairement autorisées. C'est ce que montre la somme infinie suivante :
s = 1 - 1/2 + 1/3 - 1/4 + 1/5 - 1/6 + 1/7 - 1/8 + 1/9 - 1/10 + 1/11 ...
En changeant l'ordre des termes et en les regroupant, on obtient :
s = (1 - 1/2) - 1/4 + (1/3 - 1/6) - 1/8 + (1/5 - 1/10) - 1/12 + ...
= 1/2 - 1/4 + 1/6 - 1/8 + 1/10 - 1/12 + ... = 1/2 (1 - 1/2 + 1/3 - 1/4 + 1/5 - 1/6 + 1/7 + 1/8 - ...) = 1/2 s
Alors s = 1/2 s, donc s = 0, ce qui contredit le fait qu'en regroupant les termes deux par deux, dans l'ordre, la somme (1 - 1/2) + (1/3 - 1/4) + ... est une somme de nombres strictement positifs, donc strictement positive. La somme infinie s, si l'on accepte d'en permuter les termes et de les regrouper, est à la fois nulle et strictement positive! Pour éviter cette contradiction, il faut renoncer à changer l'ordre des termes des séries infinies, même si elles sont convergentes. Quelques précautions de ce genre et l'élaboration du concept de limite éliminent toutes les contradictions des méthodes de calcul introduites par Newton et par Leibniz.
La théorie des ensembles a su se prémunir des antinomies (noms donnés alors aux contradictions qu'on y a trouvées) et elle constitue aujourd'hui un socle pour toutes les mathématiques, dont elle a unifié et simplifié la présentation. Dans son cas, plusieurs remèdes différents ont été proposés. L'axiomatisation de Zermelo-Fraenkel est la plus souvent adoptée : elle se fonde sur l'idée que n'importe quel regroupement d'objets ne doit pas être considéré comme un ensemble et qu'en particulier les regroupements trop gros (comme celui de tous les ensembles) sont à éviter. Même si la solution retenue aujourd'hui apparaît ad hoc à certains logiciens, elle fonctionne parfaitement, et, depuis plus de 70 ans, aucune nouvelle antinomie n'a été découverte.
Le calcul des distributions, inventé par Laurent Schwartz dans les années 1950, a justifié a posteriori les fantaisies des physiciens. Il se fonde sur une généralisation de la notion de fonction continue, qu'on appelle distribution ; dans un cadre nettoyé de toute contradiction, ce qui est devenu la «distribution d'Heaviside» a pu s'épanouir. Dans cette théorie, même les distributions correspondant à des fonctions non continues sont dérivables (et on peut même y dériver les fonctions 1,5 fois ou pi fois!).
Notons que d'autres méthodes de calcul utilisées en physique (par exemple les techniques dites de renormalisation qui consistent à faire des manipulations étranges avec des quantités infinies) n'ont pas aujourd'hui de justifications mathématiques totalement satisfaisantes (autrement dit, sont contradictoires dans les cadres actuels où l'on pourrait les faire tenir) et attendent leur sauveur.
Confrontés à une contradiction, les mathématiciens réussissent toujours à l'éliminer, et une contradiction n'a jamais durablement mis en danger les mathématiques. Mieux, en stimulant la recherche, toute contradiction amène un enrichissement. La situation en mathématiques serait donc semblable à celle de la physique, où toute expérience venant contredire les théories admises stimule les imaginations et amène une reformulation complète des vieilles théories et une avancée générale.
Aussi, bien qu'il ne soit jamais envisageable de laisser sans traitement une contradiction, sa découverte devrait nous réjouir, car c'est l'indice que nous allons devoir la maîtriser et que cela nous enrichira. Nicolas Bourbaki a exprimé cette placidité du mathématicien : «Nous croyons que la mathématique est destinée à survivre et qu'on ne verra jamais les parties essentielles de ce majestueux édifice s'écrouler du fait d'une contradiction soudain manifestée. [...] Voilà 25 siècles que les mathématiciens ont l'habitude de corriger leurs erreurs et d'en voir leur science enrichie, non appauvrie ; cela leur donne le droit d'envisager l'avenir avec sérénité.»
Hélas, il n'existe pas de méthode toute prête permettant d'éliminer à coup sûr les contradictions. Interdire juste le raisonnement qui conduit à la contradiction n'est pas possible : dans une théorie, lorsqu'un raisonnement permet de trouver une contradiction, il y en a de nombreux autres. Les réparations à faire demandent à chaque fois de l'imagination, voire de la subtilité ou même du génie. On peut donc légitimement ne pas partager l'optimisme de Bourbaki : ce n'est pas parce qu'on a échappé dix fois à la mort qu'on y échappera toujours.
Rassurer les inquiets
Est-on sûr donc qu'on saura se débarrasser de toute contradiction dans l'avenir? Est-on seulement certain que les théories résultant des réparations antérieures sont exemptes de contradictions?
Il s'en faut. Le logicien Edward Nelson pense que, parmi d'autres théories, l'arithmétique - la théorie permettant de traiter des nombres entiers et de leurs propriétés - est contradictoire. Ce serait vraiment très ennuyeux, car l'arithmétique est le noyau central des mathématiques et il ne resterait plus rien d'intéressant en mathématiques sans l'arithmétique.
Comment rassurer les inquiets ? Pour régler l'affaire, ne peut-on pas prouver (évidemment par des moyens élémentaires) que les méthodes de raisonnement que nous utilisons ne conduiront jamais à des contradictions? Et si l'on ne réussit pas à traiter d'un coup toutes les mathématiques, ne peut-on pas au moins fournir des garanties pour certaines théories? Comme celles-ci s'organisent en un schéma hiérarchique où, progressivement, on s'élève des théories les moins puissantes (l'arithmétique) à d'autres plus puissantes (comme l'analyse), jusqu'à la théorie des ensembles, ne peut-on pas au moins garantir les premiers échelons de la hiérarchie?
C'est l'idée du programme proposé par le grand mathématicien allemand David Hilbert dans les années 1920. Ce programme, comme le notait récemment le mathématicien Daniel Vellman, est toujours d'actualité : la démonstration du théorème de Fermat, proposée il y a trois ans par Andrew Wiles, bien que ne concernant que les entiers, utilise la théorie des ensembles, c'est-à-dire une théorie bien plus risquée que la simple arithmétique. La démonstration de A. Wiles ne signifie vraiment qu'on ne trouvera jamais de x > 0, y> 0, z > 0 et a > 2 tels que xa + ya = za (ce qui est une affirmation très concrète) que si la théorie des ensembles est non contradictoire, ce que proposait entre autres choses d'établir le programme de Hilbert. Cette actualité renouvelée du programme de Hilbert nous remémore les deux résultats importants auxquels il a conduit.
Le premier est la preuve par Kurt Gödel en 1931 que, dès qu'un domaine mathématique est assez large (précisément dès qu'il inclut l'arithmétique), alors la démonstration de sa non-contradiction ne peut se faire qu'à l'aide de systèmes plus puissants que lui. C'est ce qu'on appelle le second théorème d'incomplétude, et il signifie qu'aucune démonstration vraiment satisfaisante de non-contradiction ne sera donc jamais donnée.
L'autre résultat - plus positif - du programme de Hilbert est le développement d'un domaine de la logique mathématique, appelée théorie de la preuve, où l'on établit des énoncés de non-contradiction relative, c'est-à-dire du genre : «Si la théorie X est non contradictoire, alors la théorie Y l'est aussi.» Un exemple de 1938 concerne l'axiome du choix (qui dit qu'associé à tout ensemble X d'ensembles non vides, il y a au moins un nouvel ensemble F comportant un élément exactement de chaque ensemble de X) : si la théorie des ensembles sans l'axiome du choix est non contradictoire, alors la théorie avec l'axiome du choix est aussi non contradictoire.
Bien d'autres énoncés de non-contradiction relative ont été donnés, en particulier que, si la théorie des ensembles est non contradictoire, alors l'analyse aussi, de même que la géométrie et l'arithmétique. Ainsi, dans la hiérarchie des théories, plus on s'élève, plus on prend le risque d'obtenir des contradictions. La confiance en l'arithmétique est quasi absolue (sauf peut-être pour E. Nelson). À l'autre extrême, la théorie des ensembles est nettement moins sûre. Insistons là-dessus : même si l'on pense que le risque de contradiction dans la théorie des ensembles est sérieux, cela ne signifie pas qu'on doit l'abandonner : si une contradiction se manifeste, on saura sans doute la contourner.
L'incertain et les arguments de Lucas
Acceptons l'idée que les mathématiciens vivent dans l'incertain et le provisoire. Plusieurs fois dans le passé, des théories qui semblaient assurées se sont révélées contradictoires. Peut-être aurons-nous à ajuster nos théories et à les réparer, mais tel est le cours normal des choses.
Cette incertitude sans gravité ne semble pas avoir été comprise par ceux qui utilisent les théorèmes d'incomplétude de Gödel pour démontrer que l'esprit humain est supérieur à celui de toute machine possible et donc que les recherches en intelligence artificielle sont d'avance condamnées à l'échec. Le raisonnement qu'ils avancent avait été proposé, il y a déjà plus de 30 ans, par le philosophe américain J. Lucas. Il est périodiquement remis à la mode, notamment et à deux reprises (perseverare diabolicum), par Roger Penrose.
«Une machine, disent nos philosophes, peut être identifiée à une théorie mathématique, car, comme elle, elle est définie par un nombre fini de règles mécaniques fixées une fois pour toutes. D'après le second théorème d'incomplétude de Gödel, une machine ne peut pas savoir d'elle-même qu'elle est non contradictoire.» Jusque-là, ça va. «Nous, à l'inverse, grâce à la compréhension que nous avons de ce que représentent les symboles de nos théories, grâce à notre intuition des objets mathématiques, et parce que nous pouvons nous élever dans la hiérarchie des théories, nous réussissons à savoir avec certitude que certaines théories ne sont pas contradictoires, et que nous ne nous contredisons pas. Nous ne sommes pas équivalents à des machines et aucune ne nous égalera jamais.»
Cet argumentaire oublie simplement que nous avons parfois de mauvaises intuitions. Même si Frege associait des réalités aux symboles de la théorie des ensembles qu'il proposait et donc était certain de sa non-contradiction (au point d'écrire un livre pour la présenter), il se trompait, et sa théorie était contradictoire. Bien souvent, des théories ont été proposées par des gens certains de la cohérence de leurs idées et pourtant se sont écroulées et ont dû être réparées. Pour les théories les plus élevées de la hiérarchie mathématique, on n'a vraiment aucune raison sérieuse (autre que leur utilisation pendant une plus ou moins longue période) de croire qu'elles sont non contradictoires. Quant à jurer, quand il s'agit de nous-mêmes, que nous ne nous contredirons jamais, c'est renoncer à toute discussion de problèmes politiques et sociaux entre amis!
L'histoire des mathématiques et les théorèmes de Gödel montrent que nous ne pourrons jamais être certains de la non-contradiction des théories que nous utilisons. Que nous soyons des machines ou pas ne change rien : les théories mathématiques comme les théories physiques ne proposent pas des certitudes, mais sont des instruments qui fonctionnent plus ou moins bien, plus ou moins longtemps et qu'il faut ajuster ou changer de temps en temps. Peut-être réussira-t-on un jour à démontrer que nous ne sommes pas des machines, mais cela ne se fera pas par l'invocation des théorèmes d'incomplétude de Gödel!
Vivre avec les contradictions
C'est sans doute à cause de l'improuvabilité de la non-contradiction que des tentatives ont été menées récemment pour l'accepter franchement. L'idée est de modifier la logique classique pour éviter la contagion généralisée des contradictions, autrement dit empêcher l'effet du ex-falso quodlibet. Après tout, lorsque nous nous contredisons, nous ne nous mettons pas à délirer aussitôt à propos de tout : nous savons circonscrire les effets d'une contradiction.
Plusieurs voies semblent ouvertes et ont conduit à ce qu'on appelle les logiques paraconsistantes, où l'on décrit des règles de raisonnement n'incluant pas le ex-falso quodlibet et qui bien sûr ne permettent pas de le retrouver. Ces systèmes qui sont assez complexes provoquent souvent une gêne à cause de leurs propriétés non classiques. Par exemple, le système défendu par Graham Priest propose d'accepter sérieusement que des énoncés soient à la fois vrais et faux.
Ces recherches ont cependant un double intérêt. D'une part, elles conduisent à développer des programmes d'ordinateurs simulant les raisonnements humains et résistant à l'apparition de contradictions. D'autre part, elles suggèrent de reconsidérer le programme de Hilbert en le modifiant un peu. De manière à ne pas avoir à craindre un effondrement général des mathématiques, nous devrions utiliser une logique paraconsistante et nous assurer que notre nouvelle présentation (i) préserve toutes les mathématiques intéressantes (tous les résultats vrais des mathématiques doivent l'être encore, car on ne veut évidemment pas perdre le travail des siècles précédents), (ii) est non triviale, c'est-à-dire que tout n'y est pas simultanément vrai et faux, et (iii) laisse la place à une preuve, par des raisonnements élémentaires, des deux propriétés précédentes.
On aurait alors, comme Hilbert l'espérait, une garantie que tout ne sera pas à jeter suite à une découverte malencontreuse de contradiction, et donc l'assurance d'un progrès continu et sans retour en arrière des mathématiques. Un tel programme de Hilbert modifié peut-il aboutir? Les avis divergent aujourd'hui, mais les grandes idées, comme celles de Newton, Leibniz, Frege ou Hilbert, à défaut de fonctionner du premier coup, s'imposent à la longue.<


Jean-Paul Delahaye est directeur adjoint du Laboratoire d'informatique fondamentale de Lille du CNRS.
Bibliographie :
Sur la controverse de Berkeley à propos du calcul infinitésimal : P. Davis et R. Hersch, L'univers mathématique, Gauthier-Villars, Paris, 1982.
J.-L. Gardies, Le raisonnement par l'absurde, Bibliothèque d'histoire des sciences, PUF, Paris, 1991.
R. Penrose, Les ombres de l'esprit. À la recherche d'une science de la conscience, InterÉditions, 1995.
G. Priest, In Contradiction : A Study of the Transconsistent, Martinus Nijhoff Publishers, Kluwer Academic Publisher Group, Dordrecht, 1987, (Les logiques paraconsistantes et leur importance philosophique).
D. Vellmann, Fermat's Last Theorem and Hilbert's Program, in The Mathematical Intelligencer, 19, 1, pp. 64-67, 1997.
P. Besnard et T. Shaub, Circumscribing Inconsistency, IJCAI (Internationnal Joint Conference Artificial Intelligence), 1997.
N° 241 novembre 1997 Pour la Science (1997)

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Les propositions indécidables
Le résultat le plus célèbre de Gödel concerne des propositions sur les nombres naturels, vraies mais indémontrables dans l'arithmétique. La phrase réflexive suivante est un exemple simple de propositions vraies, mais indécidables, c'est-à-dire ni démontrables ni réfutables  :
«Cette proposition est indémontrable.»
Elle peut être transformée en un nombre selon une méthode mise au point par Gödel. Ensuite, on montre d'une part que si cette proposition est démontrable, sa négation l'est aussi : elle est donc indémontrable.
D'autre part, on prouve qu'elle est néanmoins vraie.
Les équations polynomiales conduisent à des propositions un peu plus compliquées.
Par exemple, l'affirmation que certaines équations polynomiales n'ont pas de racines (c'est-à-dire de solutions) entières
est indécidable.
Gödel a démontré que les axiomes qui définissent les nombres entiers naturels sont incomplets : certaines propositions vraies de la théorie des nombres sont indémontrables à l'aide de ces axiomes.
Sa démonstration montre, par conséquent, qu'il existe des entités, nommées entiers non standards, différentes
des nombres naturels qui obéissent néanmoins à ces axiomes. Comme tout ce qui est démontré à partir
des axiomes (en rouge) s'applique à toutes les entités qui obéissent aux axiomes, certaines propositions vraies concernant les nombres naturels (en bleu, en vert et en rouge) sont nécessairement indémontrables (en bleu et en vert).
N° 262 août 1999 Pour la Science (1999)
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LES VÉRITÉS MATHÉMATIQUES
bibliographie
LOGIQUE ET CALCUL
Jean-Paul Delahaye

Certains résultats mathématiques sont vrais, mais ne peuvent être prouvés ; des êtres mathématiques existent mais sont introuvables, non constructibles ou non calculables. Quelle faune!
Jean-Paul Delahaye est directeur adjoint du Laboratoire d’informatique fondamentale de Lille du CNRS.

Bibliographie complète :
M. J. Beeson. Foundations of Constructive Mathematics Metamathematical Studies. Springer-Verlag. Berlin / Heidelberg / New-York. 1985. (Excellent traité sur les mathématiques constructives.)
E. Bishop. Foundations of Constructive Analysis. McGrawHill, New-York. 1967.
E. Bishop, D. Bridges. Constructive Analysis. Springer-Verlag. 1985.
L. E. J. Brouwer. Collected Works. A. Heyting ed. Amsterdam. 1975.
J.-P. Delahaye. Information, complexité et hasard, Edition Hermès, 1995. (Voir le chapitre 8 sur l'importance en mathématiques des indécidables de Gödel.)
M. Dummett. Elements of Intuitionism. Clarendon Press. 1977.
T. J. Jech. About the Axiom of Choice. In "Handbook of Mathematical Logic" J. Barwise editor. Studies In Logic n°80. North-Holland Publishing Company, Amsterdam, 1977. pp. 345-370.
Y. Gurevich. Platonism, Constructivism, and Computer Proofs vs Proofs by Hand. Bulletin of the European Association for Theoretical Computer Science, n°57, oct. 1995, pp.145-166. (Un point de vue récent sur la constructivité en mathématiques.)
Y. Matiiassevitch. Le dixième problème de Hilbert et son indécidabilité. Masson, Paris, 1995.
J. Milnor. A Nobel Prize for John Nash. Mathematical Intelligencer, Vol n° 17, n° 3, 1995, pp. 11-17
G. H. Moore. Zermelo's Axiom of Choice. Its Origins, Development and Influence. Springer-Verlag, New-York. 1982.
Parigot M. Preuves de Programmes: Les Mathématiques comme Langage de Programmation. Le Courrier du CNRS, supplément au numéro 69: Images des Mathématiques. 1988. pp. 40-47.
R. Smullyan. Les théorèmes d'incomplétude de Gödel. Masson, Paris, 1993. (La meilleure présentation des théorèmes de Gödel leur démonstration détaillée.)
A. S. Troelstra, D. van Dalen. Constructivism in Mathematics : an introduction. North-Holland, Amsterdam. 1988. <
N° 237 juillet 1997 Pour la Science (1997)
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