"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google

Les débats de LUNE et la lutte des sans-papier/ères
A propos de l’évolution des lois en matière d’immigration


Pour résumer cette évolution et faire court, on pourrait dire qu’à chaque changement de gouvernement on descend d’un cran.
On connaît cela pour le statut du travail du travail. La gauche a inventé les « emplois jeunes ». Ce nouveau concept est une légalisation de la précarité au service de l’Etat patron. Aujourd’hui on invente « les contrats jeunes », qui est un statut encore moins bien protégé et aussi mal payé que le précédent.

En matière d’immigration, on a eu un peu le même phénomène. Pour donner une idée de cette évolution, le journal Libération parlait il y a quelques semaines de la visite du président malien aux travailleurs immigrés de Montreuil. Le journaliste a interrogé les personnes présentes et a constaté que les plus âgés avaient des papiers, par contre les plus jeunes sont presque tous en situation irrégulière. Il parlait de personnes de 35 à 40 ans. Évidemment, le président en question n’a pas abordé ce délicat problème.
Pour le détail de l’évolution des lois je renvoie à trois textes que je propose ici : Le tableau qui avait été publié dans la brochure « Chronique d’un mouvement »( L'évolution des lois xénophobes ), un texte de Danièle Lochak de 1998 et un article de presse sur les projets actuels.
Je reviendrai sur les dernières modifications, qui ne sont pas décrites dans ces textes, auparavant je voudrai aborder de façon rapide les logiques à l’oeuvre.

N’oublions pas que nous sommes dans une société capitaliste, où le coût et la mobilité de la main d’oeuvre sont un enjeu important pour le taux de profit et la plus-value recherchée. La logique de l’emploi permet de comprendre le lien entre la situation irrégulière et la précarité. Alain Morice a abordé cela assez longuement dans la brochure « Sans-Papiers Chronique d’un mouvement » (texte dont on peut faire des copies aux personnes qui le désirent). Il s’agit bien de trouver de la main d’oeuvre précaire, mobile et peu coûteuse. Par exemple, la lutte des employé/es du ménage dans les grands hôtels parisiens le montre. Les employeurs ont changé les contrats de travail pour payer les femmes de ménage à la chambre et non plus à l’heure. Au bout du compte cela donne une grève longue et dure dont on parle peu et qui n’est pas sûre de gagner.
Les autres logiques, qui se conjuguent à celle-ci, sont politiques et idéologiques. Dans le capitalisme actuel les états ne contrôlent plus grand chose sur le plan économique et sur le plan politique ils ont bien du mal à affirmer leur autonomie. Un des seuls contrôles qui existe et qui est possible, c’est celui des populations qui vivent en France et celles qui veulent y rentrer. Face à l’insécurité et l’incertitude du capitalisme postmoderne, on essaie de trouver un bouc émissaire avec les immigré/es et les jeunes issu/es de l’immigration qui vivent dans nos banlieues.

Sur l’évolution stricte des lois, Danièle Lochak disait en 1998 que nous sommes passé/es « du contrôle policier au contrôle de la main d’oeuvre ». Elle parle de l’évolution depuis 1945. Aujourd’hui, je crois que nous avons les deux. Les modifications vis à vis des textes sur l’entrée et le séjour concernent l’accentuation et la mise en oeuvre systématique des mesures européennes. Les seules mesures législatives qui ont été modifiées concernent la nationalité et la durée légale du maintien en rétention.

La droite avait remis en cause le droit du sol en instaurant une nationalité conditionnelle à 18 ans pour les enfants étrangers né/es en France. La gauche a modifié le texte en octroyant la nationalité à 16 ans et en annulant les possibilités de refus. De fait, elle a entériné la remise mise en cause du droit du sol, puisque avant on devenait automatiquement français/e à la naissance. Le Pen et Maigret l’ont proposé, la droite l’a essayé et la gauche l’a confirmé. En 1997, la gauche a fait voter un allongement de la durée de rétention prévue à l’époque jusqu’à 12 jours, texte encore en vigueur aujourd’hui.

La gauche a parlé de régularisation, mais au 70 à 80 000 personnes n’ont pas été régularisées. Le cas par cas a été une source de difficultés innombrables, les cartes obtenues ont été très majoritairement des cartes d’un an, ce qui validait la remise en cause de fait de la carte de 10 ans. Cette régularisation a permis une opération de fichage et de surveillance énorme. On demandait aux personnes qui voulaient obtenir une régularisation les lieux d’hébergements où ils avaient séjourné, les sources des moyens financiers utilisés pour survivre, etc..
Le texte de la convention bilatérale entre l’Algérie et la France a été modifié. Officiellement les algérien/nes sont rentrés dans le lot commun. L'administration, elle, a tendance à appliquer la clause la moins favorable.

En 2002, la droite n’a pas fait voter de nouvelle loi sur l’immigration, ce qui veut dire qu’elle est satisfaite de ce qu’a fait la gauche. On parle de réformer le droit d’asile, il faudrait que la procédure de refus dure au maximum un mois, ce qui devrait, selon nos politiciens, permettre de résoudre les difficultés telles que celles qui se sont installées devant notre belle préfecture de Nantes (une sorte de camp de réfugiés où quinze personnes d’origines algérienne dorme dans des abris réalisés avec des cartons et des bâches depuis huit mois. L’accélération de la procédure est clairement destinée à favoriser les expulsions et à empêcher les personnes de s’installer en France.
Le second point qui devrait être modifié est celui de la durée de rétention pour arriver à une quinzaine de jours, peut-être plus
( cf. article du journal Le Monde  Comment le gouvernement va réformer le droit d'asile).

La nouveauté va venir de l’Europe, parce que l’expulsion par charter européen est à l’étude. Ce pourrait être mis en oeuvre d’ici quelques mois. L’espace Schengen et les fichiers Sis marchent bien et le maillage informatique est serré, nos amis demandeurs d’asile en savent quelque chose.
En 1996, Jean-Pierre Alaux, membre du Gisti, disait qu’entre les libertés publiques et la fermeture des frontières il fallait choisir. Le choix a été fait, il est clair nous avons à la fois la fermeture es frontières et la violation permanente et systématique des libertés publiques (autre nom des libertés démocratiques liées à notre situation). Le délire sécuritaire légitime tout cela et je ne comprends pas pourquoi on parle encore de citoyenneté alors que les droits démocratiques de base ne sont même pas accordés ou garantis.
Pour terminer, je suis d’accord avec le constat qui note que l’évolution dépasse le cadre de notre hexagone, elle est européenne et nordiste. Par contre, on peut noter le rôle particulier de Pasqua qui a été à la pointe du combat pour que l’Europe s’aligne sur la position la plus répressive, aujourd’hui Sarkosy le suit, comme Vaillant et Chevènement l’avait fait avant lui. D’autre part, la gauche n’était pas obligée de s’aligner sur le Front National pour accepter de gérer la xénophobie au pouvoir, titre d’un article écrit en 1995 et qui est plus que jamais d’actualité
(La xénophobie au pouvoir ).

Dans sa conclusion, qui date de 1998, D. Lochak note que 1974 est une date clé. Elle parle de l’obsession de la fermeture des frontières et de l’obsession de la fraude et de la clandestinité. Elle constate les atteintes aux droits fondamentaux pour les étrangers/ères, les rétrécissements des garanties légales. Elle parle de suspicion généralisée, d’incitation à la délation, et selon elle, cela soulève la question de la démocratie (elle est professeur de droit public, membre des instances dirigeants du Gisti et de la LDH). Elle appelle de ses voeux une remise en cause de l’escalade répressive. La fermeture des frontières est à remettre en cause.
(Son article La politique de l'immigration au prisme de la législation sur les étrangers )

En 2002, on voit que le délire sécuritaire a accentué tout cela. Par contre je constate que la démocratie n’est plus dite « en danger ». Ce qui s’est passé lors des dernières élections est souvent qualifié de sursaut démocratique.

Dans le dernier numéro de la revue La Griffe, Mogniss Abdallah s’interroge sur l’échec des sans-papiers et il préconise d’élargir la lutte à la précarisation, qui ne touche pas que les émigré/es. Dans le même numéro Madiguéne Cissé dit qu’il faut que les sans-papiers se sentent concerné/es par tous les mouvements sociaux, que ce soit pour le logement, le travail, etc. Je pense qu’ils ont raison parce que c’est la situation d’apartheid social qui continue de se développer. Évidemment, ceci implique de dépasser le cas par cas et de construire un rapport de force.

Philippe Coutant, Nantes le 16 Septembre 2002


Lune est un collectif qui regroupe des personnes qui avaient signé l'appel à l'unité libertaire. La tentative a échoué, mais localement plusieurs personnes ont souhaité continuer à faire vivre cette démarche. Lune voulant dire "Libertaires Unitaires Nantes Estuaire". Ce collectif organise des débats à Nantes. Il y a eu un débat sur le Nucléaire à l'automne 2001. Celui sur les luttes des sans-papiers a eu lieu le 15 Novembre 2002. Lors de ce débat il y eu des interventions sur l'évolution de l'attitude de la France vis-à-vis des immigré/es, une intervention sur l'histoire des luttes des sans-piers, et une intervention sur l'attitude des pouvoirs locaux vis-à-vis des luttes récentes des sans-papiers. Le texte présenté ici constituait la dernière intervention avant la discussion.

Le lien pour le texte sur la xénophobie au pouvoir : La xénophobie au pouvoir    

Le lien pour le tableau sur l'évolution des lois : L'évolution des lois xénophobes     

La page du texte de D. Lochak : La politique de l'immigration au prisme de la législation sur les étrangers

Le lien d'origine pour l'article de Danièle Lochak du Gisti : http://www.bok.net/pajol/ouv/LDI/lochak.html

La page pour l'accès au texte sur la réforme du droit d'asile : Comment le gouvernement va réformer le droit d'asile     

Le lien de cet pour l'article sur l'asile paru dans le journal Le Monde dans son édition du 31.07.02
http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3226--286151-,00.html

Le nouveau site du Gisti   http://www.gisti.org/