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Origine : http://www.antipatriarcat.org/html/10mai200les_nouvelles3.html
Parce que l’antiféminisme n’est pas circonscrit
aux milieux de droite, que le sexisme est présent au quotidien
pour les militantes de gauche, et que ce n’est pas parce qu’on
se dit anarchiste qu’on est pas souvent aussi masculiniste...
À lire sur le site web du groupe Hommes contre le Patriarcat...
(www.antipatriarcat.org/hcp)
“À l'occasion du cinquième anniversaire de l'exclusion
de trois femmes et deux hommes de la librairie libertaire La Gryffe
(Lyon, France) pour "remise en cause du sexisme libertaire",
vous trouverez ci-dessous quelques textes écrits à l'époque
dénonçant l'anti-féminisme, le sexisme et le
masculinisme en milieu libertaire. Dans l'introduction vous trouverez
un descriptif chronologique des évènements : de l'action
féministe pendant les journées libertaires de mai 1998,
à la mise en place de procédures d'exception, à
l'application de mesures de rétorsion jusqu'à l'expulsion
de ces cinq personnes.
Le texte "Anarchie ou patriarchie" écrit par le Collectif
des femmes, des féministes et des lesbiennes de l’action
féministe lors des journées libertaires, permet de comprendre
les raisons de cette action et son analyse par le collectif. Le texte
"Libéralisme libertaire et anarchaféminisme"
propose une analyse du sexisme spécifique des membres dominants
de La Gryffe, tandis que les textes de Corinne, Sam et léo
permettent de comprendre de l'intérieur comment le masculinisme
libertaire agit contre celles et ceux le remettant en cause.
Les textes du dossier:
§ Introduction: chronologie des événements.
§ Anarchie ou Patriarchie?
§ Libéralisme libertaire et anarchaféminisme:
quelques éléments de réflexion.
§ Festen à la Gryffe.
§ Je préfère le fouet à vos chimères...
§ De la mâlerie à La Gryffe.”
Vous pouvez lire ce dossier sur le site d’Hommes contre le
Patriarcat, à l’adresse suivante:
http:// www.antipatriarcat.org/hcp/html/dossiergryffe.html
Dossier “La Gryffe”: de l’antiféminisme
en milieu libertaire... À l'occasion du cinquième
anniversaire de l'exclusion de trois femmes et deux hommes de la
librairie libertaire La Gryffe (Lyon, France) pour "remise
en cause du sexisme libertaire", vous trouverez ci-dessous
quelques textes écrits à l'époque dénonçant
l'anti-féminisme, le sexisme et le masculinisme en milieu
libertaire. Dans l'introduction vous trouverez un descriptif chronologique
des évènements : de l'action féministe pendant
les journées libertaires de mai 1998, à la mise en
place de procédures d'exception, à l'application de
mesures de rétorsion jusqu'à l'expulsion de ces cinq
personnes.
Le texte "Anarchie ou patriarchie" écrit par le
Collectif des femmes, des féministes et des lesbiennes de
l’action féministe lors des journées libertaires,
permet de comprendre les raisons de cette action et son analyse
par le collectif. Le texte "Libéralisme libertaire et
anarchaféminisme" propose une analyse du sexisme spécifique
des membres dominants de La Gryffe, tandis que les textes de Corinne,
Sam et léo permettent de comprendre de l'intérieur
comment le masculinisme libertaire agit contre celles et ceux le
remettant en cause.
Introduction: chronologie des événements.
Anarchie ou Patriarchie?
Libéralisme libertaire et anarchaféminisme: quelques
éléments de réflexion.
Festen à la Gryffe. (Sam)
Je préfère le fouet à vos chimères...
(Corinne Monnet)
De la mâlerie à La Gryffe. (léo thiers-vidal)
Chronologie des événements:
Comment en sommes-nous arrivéEs là ? Les
7, 8 et 9 mai 1998 : Lors des journées libertaires de La
Gryffe une trentaine de femmes réagissent à l'anti-féminisme
exprimés en intervenant lors du débat de clôture
sur le futur du mouvement libertaire.
Les mois suivants :
De vives discussions au sein du collectif opposent celles et ceux
qui ont participé et/ou soutenu cette intervention féministe
à celles et ceux qui l'interprètent comme un acte
de sabotage contre la librairie.
Plusieurs personnes quittent progressivement le collectif dont certaines
laissent un texte motivant leur départ.
Octobre 1998 :
§ Corinne demande à intégrer le collectif
§ Certains membres du collectif mettent sur pied des modalités
d'adhésion créant entre autre la possibilité
de refuser l'adhésion réelle après six mois
d'essai.
§ Corinne est acceptée sous ces nouvelles conditions
§ Un homme, opposé à d'adhésion de Corinne,
se met en retrait.
Novembre 1998 :
§ Sortie du n° 11 de La Griffe :
§ Publication du texte 'Anarchie ou Patriarchie' (cf Annexe)
§ Publication du texte 'Anarchie et mouvement des femmes’
Décembre 1998 :
§ Préparation du n° 12 de La Gryffe :
§ Il avait été décidé de continuer
dans ce numéro le débat engagé dans le numéro
précédent sur l'intervention féministe lors
des journées libertaires.
§ Trois textes sont proposés à publication :
§ Le texte de léo 'Anarcha-féminisme et libéralisme
libertaire' rencontre un véto, de même que ’En
réponse à ‘Anarchie ou Patriarchie'’ texte
anonyme écrit par un autre membre du collectif. L'éditorial
mentionne qu'ils sont néanmoins disponibles c/o La Griffe.
§ Le texte 'Violence' écrit par une participante à
l'intervention féministe est publié.
§ léo précise en réunion qu'il diffusera
son texte par d'autres moyens. Aucune personne présente ne
n'y oppose.
Janvier 1999 :
§ Débat à la librairie La Gryffe animé
par Corinne et léo sur 'Au-delà du personnel. Pour
une transformation politique du personnel.’
Comme lors des journées libertaires, quelques hommes transforment
le débat prévu sur 'Comment remettre en cause le patriarcat
?' en 'Le patriarcat existe-t-il ?'.
Mars 1999 :
§ Léo diffuse son texte sur Internet et à La
Gryffe. La revue suisse 'Flagrant Délit' puis la revue néerlandaise
de Moker le publient.
§ Une lettre personnelle (adressée à léo)
d'une membre de La Gryffe est diffusée publiquement sans
son autorisation, tandis qu'elle est en vacances.
§ Un membre du collectif (le même que celui qui diffuse
la lettre personnelle) s'oppose à la diffusion du texte de
Léo et demande une réunion à ce sujet.
§ 29 Mars 1999 - La réunion sur la diffusion à
La Gryffe du texte de léo tourne au lynchage d'abord envers
léo (il est auto-exclu) ensuite envers toutes celles et ceux
qui s'opposent à ce lynchage (on leur propose de quitter
le collectif). Le lynchage inclut diffamation, insulte, mépris
envers le féminisme radical lyonnais et le proféminisme
ainsi que des remarques d'ordre raciste et classiste.
Début mai 1999 :
§ Nous nous mettons en retrait du collectif
§ Lors de l'Assemblée Générale de La Gryffe,
il est décidé à l'unanimité la 'non-intégration’
de Corinne ainsi que l'exclusion de léo. Il est également
décidé d’envoyer une lettre à deux femmes
membres et à Sam, leur demandant de clarifier leur engagement
que se soit en quittant le collectif ou en le réintégrant
c.à.d en acceptant les positions et décisions précèdentes.
§ Un an après les journées libertaires : le ménage
est fait à La Gryffe. Tout est propre.
Septembre 1999 :
§ Publication du n° intitulé 'Du rififi à
la librairie’ sans aucune mention des conflits et exclusions
décidées. Tout va pour le mieux dans le meilleur des
mondes...
Anarchie ou Patriarchie? Du 8 au 10 mai 1998 ont
eu lieu des journées libertaires organisées par la
librairie La Gryffe à Lyon. Ces journées se voulaient
une occasion de «faire le point sur le mouvement social, les
formes de lutte, le mouvement libertaire depuis mai 68 et de réfléchir
aux moyens futurs pour agir sur le monde.» Ces «jours
» ont en fait mis en lumière un paradoxe du mouvement
libertaire.
La remise en question de la société dans son ensemble
est limitée en réalité à la remise en
question dans la sphère «publique», seule considérée
comme étant politique, et ne passe pas forcément,
hélas, par une remise en question de ce qui se passe dans
la sphère «privée», «personnelle»
(autant à l’intérieur des groupes militants
qu’à la maison), pensée elle comme non politique,
et même non sociale. Comme si d’un côté
il y avait les individuEs, dont la psychologie, les comportements
et les relations étaient déterminés en dehors
de la société, des rapports sociaux, par leur «libre
volonté», et de l’autre côté les
rapports sociaux, espèces d’abstractions vides de tout
sens puisque vides d’individuEs. Malgré une volonté
d’ouverture dans l’organisation des «jours»
à la lutte anti-patriarcale, nous avons pourtant vécu
un déni de l’oppression des femmes et une stigmatisation
du mouvement féministe non-mixte qui la dénonce. C’est
ce qui a motivé la contestation féministe qui s’est
exprimée lors de l’assemblée plénière,
le dimanche après-midi.
Que s’est-il donc passé ? Vous avez dit violence institutionnelle
? Lors du débat sur «la violence institutionnelle en
milieu militant», le vendredi, la question du pouvoir masculin
est très vite abordée et nombre d’interventions
de femmes tendent à démontrer que la «chefferie
militante» est exercée quasi systématiquement
par des hommes. Ce problème du pouvoir masculin, quand il
n’est pas nié (certainEs ont considéré
que ces femmes détournaient le sujet) est justifié
par quelques arguments récurrents :
§ La nécessité de la transmission et/ou du partage
du savoir militant et politique, qui, implicitement, est forcément
détenu par les «militants formés», les
«vieux militants», bref les leaders. Comme ces leaders
sont à 99,9% des hommes, ceci implique que ce serait des
hommes exclusivement qui détiendraient le savoir, alors que
les femmes seraient «plus pratiques» (sic). Mais pourquoi
n’y a-t-il donc jamais de «vieilles militantes»,
de «militantes formées» ?
§ Le concept de servitude volontaire, qui dédouane les
dominants (hommes, blancs, hétéros) de leur responsabilité
pour la reporter sur les dominéEs.
L’oppression devient ainsi un problème personnel, psychologique
et donc non social. On voit ici comment, sur le sujet de l’oppression
des femmes, nombre de libertaires prétendent que chaque individuE
peut se constituer en dehors des rapports sociaux de sexe. Pourtant,
ils ne nient pas que d’autres rapports sociaux positionnent
les individuEs les unEs par rapport aux autres.
§ «Je suis libertaire, donc je suis antisexiste».
Mais quelle forme prend cette lutte antisexiste ? Sur l’extérieur,
quelles revendications ? A l’intérieur des groupes,
quelle vigilance ? Et quelle remise en question personnelle ? Les
quelques actions qui peuvent être menées témoignent
surtout de la sphère publique et ne sont jamais mises en
relation, n’intègrent pas les formes d’oppression
de la sphère privée, dont les hommes libertaires bénéficient
aussi. Le concept féministe «le privé est politique»
passe donc à la trappe.
La notion de sexisme et la lutte antisexiste telles qu’elles
sont utilisées dans le mouvement libertaire, ne rendent aucunement
compte de l’existence du patriarcat, c’est-à-dire
du rapport social de domination (et donc d’oppression) du
genre masculin sur le genre féminin. Ce sexisme, c’est
la discrimination selon le sexe, rien de plus : dans la société,
il n’y a pas seulement discrimination selon le sexe, mais
aussi asymétrie de position sociale selon le sexe. Nous ne
sommes pas assignéEs à la même place hiérarchique
dans la société. Cet antisexisme n’est pas suffisant,
car il ne prend en compte qu’une partie du problème,
et sert souvent à en masquer le fondement même. De
fait cette lutte antisexiste n’admet pas - contrairement au
féminisme - une oppression spécifique des femmes par
les hommes, oppression différente selon que les femmes soient
lesbiennes, bi - ou hétérosexuelles, mais pense l’oppression
seulement en terme d’aliénation, subie «également»
par les hommes et les femmes !
La non-mixité femmes en accusation ! Vendredi
soir, nous nous sommes heurtées à des réactions
contre la non-mixité lors de la projection en non-mixité
de la vidéo «Chroniques féministes». Ces
discussions se sont poursuivies le lendemain lors du débat
en non-mixité sur l’anarchaféminisme. Pendant
ce débat, QUI ECRIVAIT L’HISTOIRE ? «1968 et
après, trente ans de mouvements sociaux», ou «chefs
historiques», aucune personne pour exprimer l’expérience
d’un des mouvements sociaux les plus importants de cette période
: le mouvement de libération des femmes. Nous pouvons penser
que, même si ce n’était pas intentionnel, il
y avait dans cette programmation une reproduction de la mise en
marge des luttes des femmes. Mais, c’est au cours du débat
sur l’ordre patriarcal, samedi après-midi, que les
réactions anti-féministes ont été les
plus violentes, et nous ont donc amenées à réagir
: de notre point de vue féministe, il était impossible
de laisser passer un tel retour de bâton. En effet, c’est
à un PROCÈS et non à un débat auquel
nous avons assisté. Par sa forme même, le débat
est agressif, il s’agit d’une CONDAMNATION de nos pratiques
de lutte :
§ Utilisation d’exemples anecdotiques pour remettre en
cause de façon générale les luttes féministes
et lesbiennes féministes.
§ Des hommes utilisent la parole de femmes opposées
à la non-mixité pour une fois de plus nous diviser,
pour cautionner leur anti-féminisme tout en se mettant dans
une position d’arbitre. Ce débat a eu pour effet de
nier notre engagement, la légitimité de notre réflexion
et s’est clairement exprimée la volonté de nous
museler. Dénoncer et attaquer comme il a été
fait la non-mixité femmes est aussi une façon de supposer
qu’une réelle mixité existe, or la mixité
est un leurre :
• soit elle est quasi inexistante (monde du travail, école
dès les premières orientations, organisations politiques,
syndicales...),
• soit, les rares fois où elle existe, elle est inégalitaire,
c’est-à-dire qu’une minorité d’hommes
en est le centre, et que les femmes sont à la périphérie,
réduites à un rôle de spectatrices , un rôle
de second ordre, soumises aux normes définies par ces hommes
et au pouvoir masculin dont ils sont les dépositaires.
Ce primat acritique accordé à la mixité nie
également la nécessité pour les opprimées
de s’auto-organiser contre leur oppression et leurs oppresseurs...
Que les opprimées deviennent sujet de leurs luttes est pourtant
un principe libertaire; il parait alors impossible et inutile pour
beaucoup d’entre nous de prendre la parole pour une justification
qui n’a pas lieu d’être : la manière dont
s’est déroulé le débat illustre les rapports
de pouvoir qui se créent dans un cadre mixte, bien mieux
que n’importe quel argumentaire.
Alors que les hommes se plaignent d’être exclus par
la non-mixité femmes, lorsqu’ils ont l’occasion
de travailler en mixité sur le thème «l’ordre
patriarcal», ils détournent le débat en l’orientant
et en le limitant à une accusation de la non-mixité...
Cela démontre bien la nécessité de réunion
non-mixte femmes pour VRAIMENT travailler CONTRE l’ordre patriarcal
! Nous décidons en conséquence d’agir collectivement
pour préparer une action lors du dernier débat du
dimanche concernant «le futur du mouvement libertaire».
C’était pour nous l’occasion de contester les
pouvoirs en place : celui des hommes, celui des chefs…
Quel futur libertaire pour le mouvement libertaire ? Des intervenants
hommes se succèdent pour énoncer les versions officielles
de l’histoire, la politique et la stratégie de leurs
organisations…
Aucune femme, aucune lesbienne à l’horizon de l’histoire.
Notre première action : pancartes «VIOLENCE SEXISTE»
et une banderole interrogeant «EST-CE UNE REUNION NON-MIXTE
?» ainsi que des panneaux à l’humour grinçant
mais néanmoins réaliste. Il s’agissait de présenter,
de façon simplifiée pour des raisons matérielles,
un décodage en simultané des discours dominants et
de leurs fonctionnements. Une autre pancarte «AVEC TOI, AVEC
NOUS» s’adressait aux femmes critiquant la non-mixité.
Malgré quelques remarques provoquées par notre présence
(qui bien que silencieuse est éloquente), le débat
continue comme si nous n’existions pas. Nous sommes rendues
invisibles comme la situation des femmes, des lesbiennes et de leurs
luttes l’est aussi. Notre deuxième action : notre déplacement
de la périphérie au centre de la salle. Il s’agissait
pour nous de prendre place au sein de l’espace publique de
manière offensive et choisie. Nous sommes rejointes dans
notre initiative par d’autres femmes présentes dans
la salle. Si nous parlions entre nous, c’était pour
rendre visible le fait que dans le «général»
les hommes parlent entre eux. La tension monte et on nous crie :
«sectaires», «fascistes», «pauv’connes»
, «lesbiennes». En outre, on nous accuse de manipulation
à l’intérieur de notre groupe, de soi-disant
refus de communication et de sectarisme. Il s’agit là
de mécanismes classiques du pouvoir, utilisés par
les dominants pour maintenir et réaffirmer leur domination
:
Nous retourner tout simplement les critiques que nous leur avons
adressées. La plupart des hommes libertaires refusent de
s’inclure dans le groupe des oppresseurs alors qu’admettre
cette réalité est pourtant le seul point de départ
qui pourrait leur permettre une remise en cause de ce rôle
et de leur participation à la reconduction du patriarcat.
Enfin, certainEs stigmatisent notre soi-disant «volonté
de saboter le débat» et regrettent donc que le débat
sur l’avenir du mouvement libertaire n’ait pu se dérouler
«normalement». Il va de soi que nous regrettons, quant
à nous, que certains autres débats (notamment celui
sur le patriarcat) n’aient pu se dérouler non plus
«normalement». D’autre part, notre intention était,
notamment, de faire prendre en compte, dans le débat, la
question de la place des luttes féministes dans l’avenir
du mouvement libertaire. Notre intervention était donc en
plein dans le vif du sujet. Une action profondément libertaire.
Cette action avait à la base une motivation commune, mais
son déroulement était complètement spontané,
ainsi que la démarche des femmes qui nous ont rejointes et
était entièrement dépendante des réactions
du public. Elle aurait pu tourner tout à fait autrement.
Notre action féministe permet de soulever de nombreux débats
sur les engagements et les pratiques libertaires :
§ La réflexion sur la domination masculine, sur l’oppression
des femmes et sur la lesbophobie n’est-elle pas un travail
individuel et collectif de toutes et tous ? En fait, que signifie
la demande d’explications ou de justifications adressée
systématiquement aux féministes ?
§ Comment penser l’articulation des diverses luttes dont
aucune n’est une question «spécifique»
?
§ Nous ne refusons pas seulement toute hiérarchisation
des luttes mais nous considérons qu’une vision transversale
de la réalité sociale et politique est nécessaire.
§ Comment penser le rapport individuE/rapports sociaux ? Quels
liens entre personnel et politique ? Comment sont produites/reproduites
dans l’espace privé ou personnel les relations collectives
? Comment l’individuE, le sujet individuel s’implique-t-il
dans une société construite en catégories et
classes inégales ?
Et toujours, Féministes tant qu’il le faudra !
Collectif des femmes, des féministes et des lesbiennes de
l’action féministe lors des journées libertaires,
du 8, 9 et 10 mai 1998 à Lyon.
Libéralisme libertaire et anarchaféminisme:
Quelques éléments de réflexion. Cet
article a été écrit dans un contexte précis.
En tant que membre de la librairie libertaire lyonnaise La Gryffe,
j'ai co-organisé trois jours de discussion en mai 1998 "Trois
jours pour le grand soir ". Durant ces journées de nombreux
débats ont eu lieu dont quelques-uns sur la question des
rapports sociaux de sexe. Lors du débat de clôture
une trentaine de féministes ont protesté contre le
déroulement de ces journées dénonçant
le sexisme du mouvement libertaire et l'impossibilité de
discuter réellement de la domination masculine - en général
et dans le milieu libertaire. Suite à la publication par
ces féministes d'un texte exposant les motivations de cette
action anarchaféministe, quatre hommes de La Gryffe ont écrit
un texte-réponse " Anarchie et mouvement des femmes
". L'article ci-dessous s'appuie sur cet article pour analyser
un phénomène d'ordre général : les hommes,
se croyant le centre du monde, agissent, pensent et écrivent
sans tenir compte de leur statut de dominant, donc sans tenir compte
du fait qu'ils font partie d'un groupe social construit qu'est la
classe sexuelle des hommes. Ainsi, ils se croient universels tandis
qu'ils sont dominants et ils nient de fait la critique féministe
des rapports sociaux de sexe. Ceci me semble incompatible avec toute
revendication d'ordre égalitaire et libertaire c.à.d.
opposée à toute forme de domination et d'exploitation
qu'il s'agisse de racisme, de lesbophobie et homophobie, de sexisme,
de capitalisme, ... .
Face aux revendications féministes le mouvement libertaire
met en oeuvre différentes stratégies de défense
du statu quo mâle. Si la réaction prédominante
envers les féministes est de l'ordre du déni, de la
ridiculisation et de la violence, une autre stratégie passe
par un discours libéral célébrant la diversité
des points de vue. La reconnaissance du bien fondé du féminisme
se limite alors à un droit d'existence bien spécifique.
Il me semble important d'analyser quelle place les hommes libertaires
laissent, octroient, donnent au féminisme et de démontrer
les fonctions réactionnaires du discours libéral -
discours qui ne se limite pas au mouvement libertaire mais qui y
est encore plus insupportable vu la volonté anarchiste de
lutter contre toute forme de domination.
Un premier élément formel exprime très bien
la négation de la position masculine de dominant. En effet,
les quatre hommes signataires développent tout au long du
texte une position de neutralité, d'extériorité
voire d'objectivité via des 'on', 'C'était à
nous', 'la difficulté de nous réunir', 'il ne nous'.
Le texte n'exprime quasi nulle part la position située des
auteurs : aucune référence n’est faite à
leur statut dominant d'hommes. Cette position bien particulière
de dominant est donc invisibilisée tandis qu'elle est la
condition préalable pour que des hommes puissent développer
un discours célébrant la diversité. En effet
ce que des dominants peuvent percevoir comme diversité de
perspectives est vécue par des dominées comme absence
de liberté et de réelle diversité. Ce n'est
donc pas pour rien que le 'on' neutre, ou le 'nous' pluriel traversent
ce texte : ils expriment l'aveuglement de ces hommes face à
leur particularité, spécificité de dominant
et, du coup, face aux dominations que subissent les femmes.
Si ces hommes ne se posent pas comme dominants, ils le sont pourtant
bien - de la même façon que moi-même. Nous bénéficions
de la domination masculine qui structure toute notre société
et la perpétuons souvent activement à travers nos
prises de parole, regards, comportements,... . Notre vie est plus
agréable grâce à l'exploitation des femmes (p.ex.
leurs services domestiques, relationnels, communicatifs) et nos
choix sont plus grands grâce à la restriction des choix
des femmes (p.ex. la prise en charge par les femmes du travail domestique
et d'élevage des enfants étant la condition de notre
épanouissement scolaire, professionnel et militant).
Pourtant ces hommes empruntent un chemin différent des anti-masculinistes
en choisissant d'invisibiliser leur statut de dominant et de nier
la nature profondément sociopolitique de la domination masculine
en développant ce discours :
" Les journées libertaires étaient ouvertes,
sans exclusive (comme le veut le projet de la Gryffe), à
toutes les composantes et points de vue du mouvement libertaire.
Or certains d'entre eux considèrent les luttes des femmes
comme secondaires ou ne perçoivent pas l'importance de leurs
enjeux. D'autres, plus affirmés encore, dénoncent
le féminisme, considèrent, de leur point de vue, que
le féminisme s'enferme dans une impasse sectaire et particulariste
qui s'oppose à une remise en cause de l'ordre social et,
finalement, à la libération des femmes. C'est comme
ça. Tous ces points de vue contribuent également à
composer le mouvement libertaire (...) "
Ce discours est un discours libéral et non libertaire à
mes yeux car il reconnaît une même valeur à des
pensées qui s'opposent à la domination et l'exploitation
des femmes qu'à des pensées qui nient ou invisibilisent
cette domination. Il ne me semble pas nécessaire de démontrer
que le mouvement libertaire à connu et connaît des
tendances antisémites, misogynes, révisionnistes et
qu'il est nécessaire de lutter contre ces tendances de la
même façon qu'il faut lutter contre l'antisémitisme,
la misogynie ou le révisionnisme de notre société
occidentale. Pourtant c'est bien l'opposé que défendent
ces hommes en ce qui concerne le féminisme. Le féminisme
est selon eux l'expression d'un point de vue, d'un courant de pensée
comme le sont par exemple l'anarchisme anti-organisationnel, l'individualisme
libertaire, l'anarchosyndicalisme et il mériterait la même
considération que l'antiféminisme de certains anarchistes.
J'ai quelques difficultés à comprendre ce qui fonde
cette catégorisation : qu'est-ce qui permet de ranger le
féminisme parmi les différentes tendances libertaires
et non parmi ces exigences minimales politiques que sont l'antiracisme,
le lutte contre l’antisémitisme ou la lutte contre
le capitalisme ? A mon avis aucun raisonnement ne peut justifier
ceci et seule la non-reconnaissance de sa position de dominant permet
de dépolitiser à ce point les analyses féministes
libertaires, de délégitimer les actions féministes
libertaires et de rationaliser ainsi la défense de ses intérêts
de mâle. Car c'est bien de cela qu'il s'agit selon moi. Célébrer
une certaine diversité tant qu'elle ne remet pas en cause
les auteurs en tant qu'hommes bénéficiaires d'un système
d'exploitation.
De plus cette célébration de la diversité est
toute relative car elle se limite aux discours et ne concerne aucunement
la mise en œuvre de ces discours. Car l'application concrète
toucherait aux intérêts concrets des dominants - comme
en témoigne l'intervention féministe lors des journées
libertaires. De la même façon, les pouvoirs en place
dans notre société occidentale permettent une relative
diversité des discours - voire l'expression de critiques
profondes de ce système - tant que ces discours restent des
discours et ne sont pas appliqués afin de transformer l'organisation
concrète de la société, tant que les règles
du jeu ne sont pas changées. " Pensez ce que vous voulez,
exprimez-le, respectez les règles que nous fixons et tout
est pour le mieux dans le meilleur des mondes ". Comment doit-on
articuler d'une part l'élaboration par les dominants d'une
réglementation précise et stricte des fonctionnements
sociaux et d'autre part le fait qu'ils développent un discours
libéral célébrant la diversité ? Ce
discours serait-il un décor derrière lequel une machinerie
précise fonctionne broyant les unes au bénéfice
des autres ?
Il me semble donc que l'enjeu fondamental derrière tous ces
mots c'est la défense d'un statu quo mâle. Le refus
d'une remise en cause personnelle et collective. Le refus d'une
critique de soi en tant que dominant. Le refus d'un changement concret
des fonctionnements au sein du milieu libertaire - au bénéfice
des femmes et non des hommes. C'est bien pour cela que les auteurs
écrivent :
" Parce qu'ils tiennent à la totalité des rapports
sociaux, à la totalité de l'ordre social où
nous vivons et aux racines mêmes de cet ordre, les rapports
de domination inclus dans les rapports homme/femme, comme tous les
autres rapports de domination, ne peuvent pas être résolus
localement, à l'intérieur d'un collectif quel qu'il
soit (même non mixte paradoxalement). Se fixer pour objectif
prioritaire de les résoudre à l'intérieur de
ce collectif est une tâche absurde et impossible qui, au lieu
de libérer, et en raison même de son impossibilité,
multiplie au contraire, à la façon des groupements
religieux, les instruments et les rapports d'oppression. "
Cela me rappelle le discours libéral face aux critiques de
l'hétérosexisme et de la lesbo/homophobie : "
Moi, je ne suis pas homophobe. Les homos ont le droit de vivre leur
vie...mais ils n'ont pas intérêt à me toucher
moi ou mes enfants ! Parce que moi, je ne suis pas un pédé
! " On reconnaît une domination sociale et en même
temps on ne veut pas se savoir impliqué, touché, directement
concerné voire co-responsable. Une réponse plus libertaire
- à mon avis - serait de se reconnaître sexiste, hétérosexiste
et de tenter de comprendre en quoi nous le sommes et comment nous
pouvons agir dessus - en écoutant les principales concernées,
les féministes, les lesbiennes. Comme l'écrit Fabienne
dans son texte dans le numéro 12 de La Griffe, il y a un
travail à faire, et cela commence par la reconnaissance publique
du problème. Il nous faut travailler à une zone temporaire
autonome de moindre domination, au lieu de défendre de façon
égoïste une zone permanente de non-lutte contre la domination.
N'est-ce pas paradoxal pour des anarchistes de nier à ce
point toute possibilité d'expérience libératrice
au sein d'un collectif ou mouvement ? Ces expériences ont
bien lieu concernant le pouvoir informel via la rotation des tâches,
les tours de parole, le refus de mandats permanents. Pourquoi ne
pourrait-on pas tenter dès aujourd'hui de transformer les
rapports sociaux de sexe au sein de notre mouvement ? Il ne s'agit
pas, comme l'affirment de façon bien réductrice les
auteurs, d'en faire 'l'objectif prioritaire' mais d'en faire un
objectif important parmi d'autres. Et c'est bien cela que craignent
ces hommes à mon avis : de devoir se poser des questions
concrètes sur leur comportement et attitude pour les changer
en fonction de la liberté des autres ; de devoir dépasser
un égoïsme masculin pour aller vers les femmes et leurs
revendications multiples de justice.
Plutôt que de dénoncer avec arrogance les soi-disant
" fétichisme, communautarisme, séparatisme "
des anarchaféministes, il s'agirait de percevoir le fétichisme
masculin axé autour du pénis et des couilles - fétichisme
qui ressort p.ex. à travers les multiples fantasmes de castration
qui ne tardent pas à être exprimés lorsqu'on
aborde les rapports femmes-hommes. De déconstruire le communautarisme
masculin et sa solidarité mâle au-delà des différences
idéologiques. Cette solidarité mâle qui fait
que les hommes font quasi toujours Front face aux femmes et au féminisme.
Et un exemple concret confirme à mon avis que cette solidarité
est un enjeu important. J'ai souvent entendu des hommes libertaires
exprimer leur rejet du 'politiquement correct' et revendiquer le
droit à la blague sexiste, à l'insulte misogyne ou
lesbophobe - au nom de la liberté d'expression. Pourtant,
l'enjeu n'est pas tant la liberté d'expression que la solidarité
masculine : " L'humour (sexiste, raciste, homo-lesbo-phobe...),
dans l'adhésion qu'il sollicite, traduit les rapports de
pouvoir entre groupes sociaux, et par la même entre individu-e-s.
"
La réponse libérale au féminisme réussit
cet inversement qui consiste à particulariser une revendication
de justice et à invisibiliser un rapport de domination en
posant comme neutre un état de fait injuste. Le but de cet
article est donc double. D'une part, démontrer à quel
point le discours libéral sert les hommes libertaires dans
leur refus du féminisme dans sa globalité et transversalité.
Il sert à enfermer l'analyse féministe dans le champ
des goûts et des couleurs. Il revient, concrètement,
à mettre sur un pied d'égalité d'une part des
analyses qui attribuent la responsabilité des violences masculines
conjugales contre les femmes à ces mêmes femmes (provocation,
masochisme, ...) et d'autre part des analyses qui perçoivent
ces violences comme un élément de répression
politique contre les femmes de la part de la classe des hommes.
De façon ultime, il est une apologie de la loi du plus fort
pour laquelle la raison n'a pas lieu d'être. D'autre part,
il s'agit pour moi de participer activement à ce que le féminisme
ne soit plus considéré comme une perspective mais
comme une exigence minimale politique. Notre éducation de
dominant est omniprésente et nous structure mais elle n'oblige
aucunement les hommes à perpétuer notre dominance
individuelle au niveau relationnel ou collectif. Nous avons la possibilité
d'agir autrement, de s'ouvrir aux analyses et ressentis des féministes
et de participer à leur lutte contre le sexisme - lorsqu'elles
le désirent. Nous pouvons lutter en mixité - voire
en non-mixité - contre le sexisme intériorisé
ou institutionnel. Il suffit d'être prêt à rompre
avec la défense égoïste de nos intérêts
de dominants et à rompre avec ces hommes autour de nous qui
refusent de se remettre en cause.
léo thiers-vidal
Festen à la Gryffe "Si je me tais,
j'épargne tous ceux qui n'aiment pas vivre dans un autre
monde que le meilleur des mondes possibles, tous ceux qui n'aiment
pas parler de ce qui est désagréable et ne veulent
reconnaître que ce qui est agréable, tous ceux qui
refoulent et nient les problèmes de notre temps au lieu de
les affronter, tous ceux qui condamnent les gens qui critiquent
ce qui existe, même les plus intègres, et les traitent
de vauriens parce qu'ils préfèrent vivre dans un porcherie
non critiquée plutôt que dans une porcherie où
l'on ose prononcer le mot "porc". Mais ce sont justement
ceux-là que je ne veux pas épargner et appuyer et
dont je ne veux pas me déclarer solidaire, car ce sont eux
qui ont fait de moi ce que je suis aujourd'hui.
Mon indulgence ne peut pas aller à ceux-là, uniquement
ma haine."
Fritz Zorn "Mars"
Au printemps dernier, j'ai reçu, comme deux femmes, membres
de la Gryffe, une lettre de La Gryffe m'invitant à clarifier
ma position à l'égard du collectif de la librairie,
celui-ci me proposant de rester ou de partir. Quelques semaines
plus tôt, suite à une réunion particulièrement
violente (et pour moi une de trop), j'avais annoncé ma volonté
de me retirer des réunions et de rapidement mettre un terme
à ma participation à la librairie. Je n’ai à
ce jour pas répondu à cette lettre : il me semble
tout à fait vain d'espérer pouvoir faire entendre
à ces gens quoi que ce soit de mes motivations, notamment
qu'elles ne doivent rien à un choix individuel comme la Gryffe
aurait sans doute aimé que je l'écrive. Pour autant
il ne me semble pas inutile de dire ce qui c'est passé ces
derniers mois à la librairie et qui ne m'a pas laissé
d'autres choix que de partir.
Ma participation à la Gryfffe date de mon arrivée
à Lyon à l'automne 96. C'était alors motivé
par ce qui me semblait caractériser la librairie vu de l'extérieur
: une rupture avec ce qui fait l'ordinaire du folklore anar, le
style "drapeau noir et slogan viriles" dans lequel je
ne me suis jamais reconnu et les références théologiques
poussiéreuses qui ne m'ont jamais intéressé.
Je trouvais au contraire à la Gryffe tous les courants politiques
et mouvements sociaux qui avaient forgé petit à petit
ma culture politique.
D'autre part j'avais beaucoup lu sur le mouvement libertaire "à
la lyonnaise" lorsqu'il se développait encore très
largement en dehors des organisations anars patentées et
cela correspondait à mes attentes politiques. Mon arrivée
à la Gryffe a été également l'époque
de ma découverte du féminisme et des politiques les-
biennes et gay : par l'intermédiaire des filles de la librairie
et d'autres qui la fréquentaient (en particulier ma colocataire
lesbienne), j'ai pu rapidement avoir accès à de nombreuses
références théoriques et engager des discussions
qui m'ont politisé et sensibilisé à la problématique
des rapports sociaux de sexe. Pour terminer sur ce qui a motivé
mon engagement, j'ajouterais quelques considérations plus
existentielles qui sont pour beaucoup dans mon attachement au collectif
: les difficultés que j'éprouve dans mes relations
avec les autres et une longue période de chômage non-choisie.
La Gryffe m'offrait aussi une occasion de combler un certain vide
existentiel et un prétexte pour côtoyer plus facilement
des gens. J'ai pu intégrer le collectif sans problème,
une réputation de bonne pâte m'ayant sans doute précédée.
J'ai participé à un première réunion
dans l'indifférence générale et j'ai rapidement
compris ce qui fait le quotidien de la vie de la librairie :
- l'absence de réelle discussion politique qui se justifie
par la charge de travail importante qui doit être fournie
pour faire tourner une librairie de cette importance mais surtout
par le fonctionnement familial (où l'exploitation et la domination
sont recouvertes d'un voile touchant de sentimentalité) et
la recherche de convivialité.
On évite les sujets "prise de têtes" tout
autant que les gens qui les portent.
- des rapports de pouvoir pesants : un membre du collectif dans
une position de pouvoir peut se permettre ce qui serait vu comme
intolérable venant d'un membre moins privilégié
: un qui ne fout pratiquement rien peut se comporter en inspecteur
des travaux finis, un autre qui mouille sa chemise peut insulter
sans état d'âme les permanent-e-s qui font mal leur
boulot et les deux ensemble peuvent sans consulter personne repousser
la date d'une réunion importante à laquelle ils ne
peuvent être présents. Il y a aussi cette propension
à confondre "on" et "je", par exemple
"On en a rien a foutre d'un début sur le judaïsme
libertaire'' donc pas de débat sur le sujet même s'il
s'avère après la réunion que trois quart des
présent-e-s trouvent le sujet intéressant (en fait
le débat aura quand même lieu puisque proposé
par un autre chef. Il peut se permettre de passer outre la décision
"collective" et maintenir l'invitation de Michael Lowy).
- une hostilité au féminisme déjà bien
présente avant les journées libertaires de mai. Difficile
de refuser une publication, un article pour son sexisme ou sa lesbophobie
: on invoque la censure, le moralisme, le politiquement correct...
Le collectif refuse pourtant régulièrement articles
pour le journal, demandes de dépôts et propositions
de débats sans que les critères qui président
à ce choix ne soient autant érotisés. La non
mixité qui est le mode d'organisation d'une partie des féministes
lyonnaises est toujours l'objet des critiques, malgré les
explications aimables des féministes de la librairie qui
la pratiquent (cf l'article signé L.N. dans la Griffe n°
2), il y en a toujours pour qui ça ne passe pas (qui l'assimilent
a du séparatisme ou mieux à la non-mixité patriarcale
de l'école communale !). Et puis quand on veut faire la preuve
de son ouverture d'esprit on s'empresse de dire que l'on tolère
de vendre Lesbia magazine et que donc les féministes ou les
proféministes doivent par un échange de bon procédé
accepter sans discussion de distribuer des écrits antiféministes
(voir même de louer l'extraordinaire lucidité de leurs
auteurs).
Tout cela va de concert : à savoir que les rapports de pouvoir
sont très clairement genrés, fonction également
de l'âge, du niveau socio-économique des membres. Ses
statuts sociaux hiérarchisés influencent toute la
dynamique du collectif et créent un climat que je n'hésiterai
pas à qualifier de violent. Ce qui n'affleure évidemment
pas la bonne conscience des chefs pour qui il n'y pas de situation
violente à la Gryffe mais uniquement des gens émotifs
("de toute façon unetelle, elle chiale tout le temps"
comme un a pu le déclarer un jour)...
Pour ma part je n'ose pas toujours dire ce que je pense et je m'épuise
en diplomatie ce qui me vaut d'être apprécié.
Celles et ceux moins disposé-es à s'arranger de ce
climat se voient rapidement sujets à stigmatisation et répression.
Voilà globalement ce qui a marqué les différents
développements qui ont conduit au départ de plusieurs
d'entre nous et à l'exclusion de Corinne et Léo.
Ainsi du conflit qui fit suite à l'action féministe
contre la violence antiféministe/hétérosexiste
qui marqua tout le déroulement des journées libertaires
est niée ou au mieux considérée comme normale
"A quoi s'attendaient les copines féministes qui avaient
accepté de participer aux journées? à l'unanimisme
idéologique et au parler correct ?" Anarchie et mouvements
des femmes). En revanche l'action féministe qui vient en
réponse est jugée intolérable ("extrêmement
violent symboliquement" dit "Anarchie et mouvement des
femmes", du sabotage !). Et comme une partie du collectif argumente
sur sa légitimité, "on" trouve vite une
parade pour mettre toute discussion sur le féminisme hors
sujet : ce qui pose problème aux mêmes à qui
l'action donnent de l'urticaire, c'est que des filles du collectif
étaient du complot (1) et qu'un autre membre l’a soutenue
verbalement. C'est ainsi qu'un qui a dénoncé publiquement
l'action se sent parfaitement à l'aise pour jouer les commissaires
politiques et déclarer que celles et ceux qui ont brisé
une neutralité qu'il n'a lui même pas respecté
se sont auto exclu-es du collectif ! L'ordre (la ''confiance”,
dans le langage des chefs) a été malmené il
s'agit de le rétablir ! Pas d'auto exclusion (du fait du
rapport de force : les auto exclues et leurs soutiens assurent la
plus grande part des tâches matérielles nécessaires
à la survie de la librairie) mais un règlement intérieur
et un texte publique ("Anarchie et mouvement des femmes")
pour faire bonne figure. Un an plus tard on parlera de "compromis
merdique" pour dire combien on n'a pas digéré
cet épisode où pour une fois tout n'a pas été
possible à la chefferie de la Gryffe.
La réunion du 29 mars 99, où il s'agissait de rediscuter
la diffusion à la librairie du texte de Léo (pourtant
accepté quelques semaines plus tôt) sera le prétexte
d'un retour de bâton sur le peu qui avait été
concédé à la présence du féminisme
radical à la librairie. On revient donc sur tout ce qui a
marqué cette présence (l'action féministe,
l'intégration de Corinne, le n° de la Gryffe sur les
rapports sociaux de sexes, les critiques après un débat
féministe avorté...) ; les insultes, les procès
d'intentions et la ridiculisation sont là pour dire combien
elle est insupportable. L'atmosphère de lynchage empêche
toute discussion un tant soit peu rationnelle et il est proposé
en fin de réunion que Léo et toutes celles et ceux
qui "se solidarisent de son texte" démissionnent.
Cette réunion a balayé tous les espoirs que j'avais
pu mettre dans la possibilité de faire évoluer les
choses par la discussion, j'ai pu mesurer ce soir-là, à
quel point non seulement nous ne parlions ni de la même chose
ni dans le même langage mais aussi ce que le collectif était
prêt à faire pour qu'il n'en soit jamais ainsi.
Comment parler du sexisme ?: il n’y a pas de problème
de sexisme à la Gryffe, la preuve, si un "gros beauf
sexiste" voulait intégrer le collectif, il serait refusé
et puis vous n'avez qu'à aller en banlieue où là
alors oui, il y a vraiment du sexisme. Dans cette perspective, le
sexisme n'est pas conçu comme une institution sociale et
politique mais plutôt comme un agrégat d'attitudes
malpolies que l'on aurait tord d'aller chercher chez des blanc de
classe moyenne bien élevé (et maigre ?!!). Comment
parler du racisme ?: Dans l'article "média et féminisme"
(cf La Griffe n° 13), on parle de "rapports sociaux de
race, sexe ou classe", il n'y a que les racistes pour dire
que les races existent. Le terme de "race relations" est
couramment employé par la gauche anglo-saxonne (2) : dans
cette perceptive la "race" n'est pas une essence, une
réalité biologique mais une construction sociale et
politique basée sur des attributs phénotypiques (la
couleur de la peau etc..) fondant des rapports hiérarchisés
entre groupes d'individus perçu comme groupes naturels (ou
culturels dans le racisme différentialiste néodroitier).
De même que pour le sexisme nos révolutionnaires ne
voient que le racisme qu'il veulent bien voir (celui des autres
: les "beaufs", les fachos, etc.. .) et feignent de vouloir
le combattre en niant les statuts sociaux hiérarchisés
qui sont sa raison d'être. Et pas étonnant qu'un militant
noir comme Lorenzo Komboa Ervin ait rencontré à la
librairie la même hostilité que celle réservée
aux féministes et aux lesbiennes radicales. Un anarchiste
qui voudrait que les blancs s'enquièrent de ce que souhaitent
les noirs avant de prétendre les soutenir dans leurs luttes
: voilà de quoi faire pêter les plombs, là où
un paternalisme honteux de lui-même entend "dépasser
les identités". Et comme ne pas vouloir faire de la
théorie est encore le meilleur moyen d'en faire de la mauvaise,
nos anars reprennent tous les poncifs post-modernistes et déblatèrent
de l'idéologie queer comme Mr Jourdain fait de la prose :
une banale analyse matérialiste des rapports hommes/femmes
est jugée "essentialiste" par ceux qui ont appris
quelques mots des concepts féministes à défaut
d'en comprendre le sens (une de ces crapules juge ainsi "très
pertinentes" les analyses féministes radicales et demande
l'exclusion de Corinne "pour son bien").
Et ce soir du 29 mars 1999 on apprend que le texte "Anarchie
et mouvement des femmes" écrit en réponse à
"Anarchie ou patriarchie" par les gardiens du temple,
c'est le "projet de la Gryffe" ! Et le projet de la Gryffe
ne doit pas souffrir la moindre discussion : si on est pas d'accord
on ferme sa gueule ou bien on se met en dehors du collectif. Il
faut donc considérer avec les auteurs qu'on est femme ou
homo comme on est homme, hétéro, blond ou brun, distrait
ou méticuleux. Il n'y a plus de groupes sociaux et de rapports
d'oppression : plus qu'une juxtaposition de particularités
individuelles sans rapport entre elles dont découleraient
incidemment des "identités", des "logiques
hétérogènes" propre à justifier
tous les ghettos plutôt que les communautés de luttes.
Une manière élégante de liquider toute perspective
politique critique : être homosexuel/lle ne renvoie plus qu'à
une pratique sexuelle aussi respectable que l'hétérosexualité
et tant pis si la réalité hétéroriste
mène la vie dure aux lesbiennes et aux gays. Toute tentative
(y compris et surtout hors du cadre de politique identitaire (3)
) de la contester relève alors du "fétichisme
identitaire". Et pour aller plus loin dans la stérilisation
politique, il faut aussi admettre que tout et son contraire "contribue
également à composer le mouvement libertaire",
le féminisme comme l'antiféminisme donc. Refuser ce
relativisme post-moderne entraîne "un manque de confiance
(...) quand à ta volonté d'assurer le projet pluraliste
de la librairie" (lettre de La Gryffe à Corinne) et
ne pas respecter la liberté d'expression des dominants c'est
"élitiste" et bien dans la ligne de "la dérive
sectaire du mouvement féministe lyonnais". Justement
parce qu'il permet de critiquer le faux universalisme des Lumières,
de penser le ''multiple" en laissant place à la responsabilité
individuelle et à l'action politique, le féminisme
matérialiste est l'une des pistes pour inventer de nouvelles
pratiques politiques loin de l'obscurantisme post-moderne (4) .
Le débat reste ouvert mais ne se poursuivra pas à
la librairie la Gryffe.
Sam
notes
1. Quand les autres se contentent de délirer sur le retour
d'Antoinette Fouque, un des chefs ira jusqu'à dénoncer
un complot ourdi par des "lesbiennes séparatistes"
en référence au conflit entre féministes radicales
(lesbienne et hétéro) et lesbiennes radicales sur
le statut politique de l'hétérosexualité qui
aboutit au début des années 80, à une scission
au sein de la revue Questions Féministes. Pour servir ses
visées hétérosexistes/lesbophobes, il présentera
ce conflit comme le fruit d'une opposition entre féministes
hétéros et lesbiennes séparatistes .. .
2. Fait aggravant pour ceux qui nous ont aussi reproché ce
soir là d'aller chercher toutes nos références
aux Etats Unis, l'Empire du Mal des vrais révolutionnaires.
3. "Or l'identité est l'un des trompe-l'oeil les plus
efficaces pour masquer la matérialité des rapports
sociaux. L'identité rassure non seulement chaque individu,
mais aussi la société toute entière qui semble
afficher une supposée diversité. En somme, le repli
sur l'individualité identitaire est l'une des stratégies
les plus efficaces pour nous empêcher de penser à des
transformations sociales à long termes". Louise Turcotte,
lesbienne radicale dans son article "Itinéraire d'un
courant politique : le lesbianisme radical au Québec"
publié dans "Sortir de l'ombre, histoire des communautés
lesbiennes et gays de Montréal". Sous la direction d’Irène
Demczuk et Franck W. Remiggi, VLB Editeur, 1998.
4. Voir en particulier l'article de Sonia Kruks "Genre et subjectivité
: Simone de Beauvoir et le féminisme contemporain".
Nouvelles Questions Féministes, 1993, volume 14, n° 1.
Je préfère le fouet à vos chimères...
J’ai demandé à intégrer La
Gryffe en Septembre 98. Malgré ce que j'avais vu pendant
les 3 jours, malgré ce que je savais de cette librairie depuis
de nombreuses années, malgré le peu d'illusions que
j'avais sur le fonctionnement de celle-ci. Mais il restait que quelques
personnes que j'appréciais politiquement et personnellement
y travaillaient et que ce n'était pas à ma connaissance
un groupe politique avec une ligne idéologique rigide contrôlée
par quelques-uns.
Pendant mes quinze ans d'engagement anarchiste, j'ai plusieurs fois
hésité à demander de participer à La
Gryffe. Mais les diverses exclusions et/ou stigmatisations que j'avais
déjà vécues dans le milieu libertaire me faisaient
réfléchir. En vrac : trop punk pour être respectable,
trop indépendante pour être "la femme" de
et trop chieuse pour être juste baisée, trop individualiste
pour être anarchiste, trop éthique pour être
politique, trop visible pour être oubliée, trop femme
pour être valorisée, trop d'idées 'noires' pour
la révolution, trop de confusion entre le personnel et le
politique, trop d'antispécisme pour être conviée
aux repas, trop jeune pour être écoutée mais
trop vieille pour qu'on m'en raconte mais aussi pas assez de culture
orthodoxe libertaire, pas assez d'esprit de famille pour ne pas
émettre de critiques... et j'en passe puis pour finir, pire
que tout, trop féministe pour être anarchiste. La Gryffe
a balayé d'un coup tout mon passé politique en dehors
du féminisme. Les discussions sur mon cas, qui ont suivi
ma demande n'abordaient que mon versant féministe. Bien que
revendiquant un féminisme radical, bien qu'ayant un peu de
mal à découper mon anarchisme de mon féminisme,
d'où mon intérêt pour l'anarchaféminisme,
ma motivation pour rentrer à LG était plus d'ordre
anarchiste que féministe au sens où la famille l'entend
: je n'allais pas à LG pour créer un complot féministe,
ni pour y brûler tous les livres sexistes, ni pour en faire
une librairie féministe non-mixte. Mes activités féministes
se portent très bien par ailleurs merci. Mais je suis aussi
féministe, tout le monde le savait et il n'est pas question
que je le taise, même en mixité anar. J'ai motivé
ma demande de façon honnête avec mes intérêts
réels pour travailler dans un collectif libertaire mixte.
Mais le problème, si douloureux, de l'intégration
d'une féministe, malheureusement anarchiste dans le collectif,
a déjà blanchi quelques cheveux. La peur a fait son
nid, les représentations et stigmatisations s'en sont données
à cœur joie et même les fantasmes masculins les
plus archaïques étaient de mise. J'allais « couper
tout ce qui dépasse », « m'opposer à la
vente de tous les livres non féministes », etc.
Des heures de discussions sur mon cas, j'en ai de la chance.
Qu'auraient-ils rajouté si j'avais été prostituée
ou lesbienne ? Près de deux mois plus tard pour l'histoire,
après l'écriture d'une charte d'intégration
- ce qui n'avait jamais été fait en 20 ans de LG -
me voilà pré-intégrée, à l'essai.
J'accepte cela sans aucune difficulté : je me doutais déjà
que ces modalités d’adhésion n'étaient
que pures convenances, et que les chefs n'hésiteraient pas
lors de la plus petite menace envers leur pouvoir et leurs divers
privilèges de genre et de classe à se torcher le cul
avec.
Quelques permanences et réunions passent, des personnes trépassent,
écrivent des textes, mais rien ne bouge. Quelques peurs se
décristallisent quand même, finalement je ne suis pas
aussi dangereuse qu'ils le croyaient.
Je dis ce que je pense mais je ne fais pas trop chier, rien à
me reprocher sur mon implication, je n'ai insulté ni frappé
personne et surtout je ne leur ai pas coupé les couilles.
J'attendais un retour de bâton, il n'a pas tardé.
Certes, mes paroles découlaient souvent du fait de ma conscience
des rapports sociaux de sexe et de la connaissance de mon oppression.
Mais devrais-je oublier que je suis une femme dans une société
patriarcale pour être anarchiste ? Faut-il que j'abdique mes
désirs de liberté, l'autonomie, d'égalité
et de solidarité pour lutter en mixité pour l'élaboration
d'un monde non autoritaire ? Un homme s'est mis en retrait du collectif
lors de ma pré-intégration. Malheureusement pour lui,
quelques inimitiés avec d'autres chefs qui n'ont rien à
voir avec son anti-féminisme, sa lesbophobie (et pour cause...)
ont fait que je n'ai pas été mise en balance. Je ne
pouvais pas me faire d'illusions : un texte qu'il avait écrit
suite aux journées libertaires ne dérangeait personne,
paraît-il qu'il n'était même pas si blessant
que celui de Léo, pas si agressif, qu'il n'attaquait personne
particulièrement.
Pensez donc, il n'attaquait que les lesbiennes et les féministes,
y'avait vraiment pas de quoi se sentir attaqué! J'ai vécu
ce jour-là ce que j'ai déjà vécu mille
fois : tandis que les chefs refusent à certaines d'exprimer
une partie de la violence de leur oppression, ils n'hésitent
pas à censurer des propos touchant leur fierté.
Cet homme ne souhaitait pas travailler avec une féministe
qui avait participé à l'action des trois jours. Lors
de celle-ci, nous, les féministes, avions entre autres repris
l'affiche de l'annonce de ces 3 jours, où une femme, en gros
plan, criait le programme des journées. C'est super de mettre
une femme en premier plan, encore faudrait-il qu'elle serve à
autre chose que du décors... Car c'est bien là que
le bât blesse : peut-on à LG être femme et l'ouvrir
librement ? Ce n'est pas un lieu interdit aux femmes, il est seulement
permis à celles qui se taisent, ou qui reprennent les paroles
des chefs, les soutiennent et les soignent. Mais je ne voulais pas
participer à LG pour ces raisons, c'est vrai, j'avais d'autres
motivations.
Je sais bien qu'en disant cela, je questionne aussi la place des
femmes qui y sont ou qui y viendront. Je ne souhaite pas cacher
que certaines femmes se sont opposées aux féministes,
comme cette griffonne, qui nous a bien traitées de fascistes
lors de l'action féministe.
Les féministes n'ont jamais nié que des femmes puissent
être anti-féministes, surtout « quand elles se
risquent dans des domaines masculins où leur assimilation
passe par l'intégration des normes sexistes du milieu »
(Christine Bard). Mais je ne m'étendrais pas là-dessus
dans ce texte puisqu'il sera lu par des hommes qui n'hésiteront
pas à exploiter ces 'oppositions' entre femmes pour renforcer
leurs privilèges et leur domination.
Lors de l'action et de notre présentation de l'affiche des
3 jours avec cette femme... nous lui avions rajouté an bâillon
puisque nous avions été bâillonné lors
de ces journées (même si évidemment, certains
ont trouvé que nous avions pris déjà beaucoup
trop de place. Mais par rapport à qui ? Certainement pas
par rapport aux hommes mais bien plutôt par rapport à
leur représentation des femmes acceptables : silencieuses
et les valorisant).
Mais ils n'ont même pas le courage de marquer dans leurs modalités
d'adhésion qu'ils ne souhaitent pas l'intégration
de féministes, d'où leurs pratiques tordues.
Plutôt que de me bâillonner, ils ont préféré
m'exclure... c'était bien plus facile ! Je n'étais
pas présente lors de l'AG où ils ont discuté
de ma non intégration, mais lorsque je suis arrivée
un peu plus tard, on me dit que je ne suis pas intégrée.
Voilà, sans autre forme. J'ai donc dû demander pourquoi,
on a insisté sur le fait que c'était une décision
qui remportait le plus d'avis, et que je n'étais pas compatible
avec les objectifs de LG. Je réitère en demandant
si j'ai dérogé aux modalités d'adhésion,
écrites en partie en mon honneur. LG n'a rien à me
dire là-dessus.
C'est aussi lors de cette AG qu’une autre femme s'est vue
répondre à propos du nombre de tâches ingrates
qu'elle pouvait faire à LG, qu'on ne l'avait jamais obligée
à le faire et que si elle faisait de la merde, c'est parce
qu'elle l'avait choisie (en était une elle-même ?).
On nous a bien dit qu'on devrait être contentes, que si on
était en banlieue, on verrait ce que c'est que le vrai sexisme
! Ah oui ? Parce que le vôtre, c'est quoi ? Un jeu peut-être,
mais c'est bien connu, les féministes n'ont pas d'humour...
et les immigrés, comme les pauvres sont les seuls machos
! L'un d'entre eux, le plus jeune, a aussi prix la peine de m'expliquer
que l'exclusion, c'était mieux pour moi, que c'était
pour mon bien.
C'est le même d'ailleurs que celui qui était devenu
proféministe quand il était avec une copine féministe
(un vrai conte de fées !), et puis il y a eu la rupture,
décidée par elle. Aujourd'hui, celui-là même,
bouffé par la haine il faut croire, incapable de mettre un
peu de distance, est devenu l'un des pires anti-féministes
haineux et réac à point. Je pourrais sortir nombre
d'autres exemples. Ce qui m'importe plus, c'est d'essayer de donner
un autre son de cloche sur le fonctionnement de LG, déjà
pour ne pas subir passivement ce qui s'est passé. Les libertaires
devraient quand même bien se douter que la réalité
hégémonique est toujours celle des dominants, ici
comme ailleurs. LG, un espace d'expérimentation libertaire
? Laissez-moi rire : une famille patriarcale oui, comme toute bonne
famille.
C'est que ça fait 20 ans que ça dure cette histoire...
Quelques livres féministes, quelques femmes alibies, et le
tour est joué. La bonne conscience en prime et le renforcement
des lois patriarcales. J'ai eu la chance de rencontrer quelques-unes
de ces femmes qui avaient déjà vécu, bien des
années auparavant, ce même sexisme (ce n'est pas LG
qui m'en aurait parlé évidemment).
On peut toutefois en trouver quelques traces, comme dans Noir &
Rouge n° 15/17 de 1990, où des féministes sont
obligées de réexpliquer le bé-a-ba de l'analyse
féministe du viol. Elles disaient alors : « nous trouvons
dangereux et très grave que de plus en plus de journaux libertaires
et alternatifs se fassent l'écho de théories répressives
et régressives anti-féministes ». Pas de changement.
Tout est resté dans l'état de domination d'avant.
Certes, il n'y a pas d'hommes de gauche quand il s'agit des femmes.
C'est d'ailleurs assez hallucinant de voir à quel point tout
le monde connaît l'existence des conflits entre LG et la Fédération
Anarchiste alors que personne n'a entendu parler des divers clash
qu'il y a eu avec des féministes.
Qui écrit l'histoire, même anarchiste ? Un numéro
de LG sur les rapports sociaux de sexe, prévu depuis longtemps,
plusieurs fois repoussé. Pas un seul texte émanant
de la part de la famille. Mais comment le pourraient-ils ? Que pourraient-ils
bien écrire à ce propos ? Ils ne reconnaissent toujours
pas le pouvoir genré comme du pouvoir et l'ordre de la domination
leur semble être le bon ordre des choses. Après 20
ans de discussions avec des féministes, après les
nombreuses publications féministes, après ces 3 jours.
Même pas un petit résumé de bouquin. RIEN.
J'allais faire la féministe de service au colloque de Toulouse.
Mais comme on ne peut quand même pas laisser, même un
seul atelier dans tout ce colloque, aux mains des féministes,
nous voilà alors affublées d'un homme, dont le rapport
au féminisme et aux femmes est loin d'être claire,
nous inviter à laisser derrière nous le féminisme,
comme en témoigne le titre original de la contribution (changé
depuis) : « Dépassement des genres, au-delà
du féminisme ». A ce propos, j'en profite pour dire
à quel point j'ai été halluciné par
l'affiche de ce colloque. Je ne l'ai certainement pas comprise,
mais la représentation de la bonne famille hétéropatriarcale
m'a provoqué quelques nausées. Les anars ont-ils pétés
un boulon ? Finalement, la seule chose que nous ayons demandée
à LG, c'est de ne pas être traitées comme des
paillassons. Mais c'était de trop. Que conclure à
cela ? J'ai demandé à une amie de me dire ce qu'elle
en pensait. Voici ce qu'elle m'a dit, je n'ai rien à rajouter:
" Je ne pense pas qu'il soit possible d'écrire et de
penser une conclusion à un comportement aussi réactionnaire.
Si ce genre de réactions venaient du Front National, les
mêmes auraient appelé à l'émeute, comme
quoi, tout est finalement possible. C'est peut-être sur le
finalement possible que l'on pourrait discuter. Quoi de plus lamentable,
de plus crade, de plus sérieusement dégueulasse, de
plus vomitif en soi que les libertaires de tous poils et de tous
ordres, sous leurs si jolis drapeaux noirs, ressemblent et agissent
comme l'extrême droite. Quoi de plus innommable à les
voir défiler contre finalement ce qu'ils appliquent en douce,
dans leurs propres collectifs, envers les femmes qui espèrent
encore ne pas être considérées comme des potiches.
Quoi de pire que d'être cachés sous des étiquettes
révolutionnaires et à ce titre, se comporter de façon
si abjecte ? Non. Finalement, pas de conclusion. "
A toutes celles, femmes et lesbiennes, qui n'ont jamais pu se sentir
à l'aise à La Gryffe, même pour y être
seulement venues chercher quelques bouquins, à celles pourtant
libertaires, qui n'ont jamais pu, à cause du machisme, militer
dans des groupes libertaires, à toutes celles qui en sont
parties, dégoûtées de l'anarchisme.
Corinne Monnet
De la mâlerie à La Gryffe. La librairie
libertaire La Gryffe semble bénéficier d'une solide
renommée dans le milieu libertaire, voire au-delà
dit-on.
Depuis vingt et un ans elle survit. Mais comment ? Que s'y passe-t-il
derrière la façade ? Rien de particulier. Un peu la
même chose qu'ailleurs dans la société française.
Malgré son étiquette libertaire elle ne me semble
plus très différente ou en rupture avec le monde environnant
comme j'ai pu le croire auparavant.
Naïvement.
Il y a avant tout, surtout et toujours les chefs. Pas des chefs
avec des étiquettes de chefs bien sûr puisque la librairie
se veut libertaire mais quand même des chefs. Ils sont là
depuis le début et ont réussi à y rester d'une
façon plutôt que d'une autre. C'est leur passe temps
favori, un hobby comme il y en a tant d'autres. Il y cultivent plusieurs
fois par semaine leurs légumes libertaires. Et ils ont leurs
petites habitudes. Un bon saucisson et du pinard à midi et
le pastis à l'heure de l'apéro.
Ils sont satisfaits de leur jardin. Tout y est comme il leur plaît
et ça tourne comme ça leur plaît. Alors pas
question que des petits jeunes et surtout des petites jeunes y changent
quelque chose. Pas question de se remettre en cause plus que pour
la forme libertaire. C'est leur jardin et si ça ne nous plaît
pas, on n'a qu'à aller voir ailleurs. C'est comme ça.
Malheureusement tout ceci n'est pas affiché à l'intérieur
ou noté dans le cahier commun. Ca se devine, ça se
pressent ou ça s'apprend à la dure. La parole des
uns compte plus que celle des autres surtout quand les autres ne
sont pas masculins et hétérosexuels et profs et âgés.
Les engagements ne comptent pas de la même façon pour
tou-te-s. Les décisions ne se prennent pas quand les chefs
ne sont pas là.
Les règles inexistantes existent de temps en temps quand
ça leur sert. Mais pas question de tomber dans le légalisme,
il faut pouvoir être flexible selon le moment, selon l'intérêt
en jeu.
C'est ainsi que j'ai appris qu'il est interdit à La Gryffe
d'exprimer sa solidarité et son soutien à une action
féministe libertaire critiquant la domination masculine lors
des journées libertaires. Ca s'appelle du 'sabotage', de
la ‘rupture du contrat moral' même si on était
un des rares à avoir préparé ces fameuses journées.
Par contre il est conseillé pour être bien vu par les
chefs de condamner publiquement en tant que membre de La Gryffe
cette même intervention.
De même il est extrêmement mal vu de critiquer ouvertement
en réunion la chefferie et les rapports de domination au
sein du collectif. Car nous sommes tous égaux. (Ca concerne
aussi les femmes bien sûr, hein !) Ca ne se fait pas d'analyser
et de critiquer les rapports de domination et d'exploitation au
sein du collectif. Voyons. Ou comme l'exprimait si bien un des sous-chefs
serviables " Il ne faut pas voir le pouvoir partout ! "
Ca lui a valu beaucoup de reconnaissance de la part des chefs...
il est bien aimé lui. Il en a de la chance...
Il est encore plus mal vu d'exprimer ses critiques par écrit
et de les diffuser. Malgré l'accord explicite de toutes les
personnes présentes durant la réunion et l'annonce
dans la revue La Griffe de la disponibilité du texte 'Anarchaféminisme
et libéralisme libertaire' refusé de publication car
il heurtait la sensibilité d'un chef mais publié sans
aucun problème dans des revues suisses ou néerlandaises,
j'ai progressivement été prié d'aller voir
ailleurs.
Dans une première étape un chef et sous- chef ont
commencé à diffuser publiquement une lettre personnelle
d'une membre féministe du collectif. Cette lettre m'avait
été envoyée bien auparavant, un échange
avait eu lieu entre elle et moi et l'histoire était close.
Mais dans l'intérêt supérieur de la boutique,
cette lettre a été photocopiée à des
dizaines d'exemplaires et distribuée publiquement. Sans autorisation
de celle qui l'avait écrite. Et à des buts totalement
autres que ceux pour lesquels la lettre avait été
écrite. Mais sans scrupules, chef et sous-chef ont continué
à diffuser cette lettre tandis que son auteure était
en vacances...
Courageux non ? A son retour, cette membre a de suite retiré
cette lettre de la table de diffusion et protesté contre
cette utilisation abusive. Mais No problem, pas d'auto-exclusion
pas de mise en retrait, pas de discussion, pas d'excuses . Ce que
fait un chef est par définition au dessus de tout soupçon.
Mais je ne suis pas un chef ou sous-chef, du coup la diffusion de
mon texte à mené à ce qu'ils appellent l'auto-exclusion.
Ca non plus je ne connaissais pas. L'auto-exclusion. C'est probablement
l'autogestion appliqué au licenciement arbitraire. Ca plairait
énormément aux PDG : " Madame vous vous êtes
auto-licenciée pour refus de soumission servile !" Une
lettre m'a donc été envoyé par le collectif
mentionnant " Sans que personne ne se soit opposé à
cette décision, la majorité des présent-e-s
a estimé que tu ne faisais plus partie du collectif. "
suivi d'un PS " peux-tu nous faire passer rapidement ton trousseau
de clés ?" Voilà, c'est simple. Je me suis viré.
Je suis le seul et unique responsable de mon exclusion.
Eux, les chefs et sous-chefs serviables n'y sont pour rien. Ils
sont bien, vraiment bien. Des anarchistes (donc pas possible qu'ils
fassent quelques fois parti du problème). Le problème
? Ils se servent des gens comme de la main d'oeuvre jetable. Ainsi
a-t-on pu entendre lors d'une réunion un des chefs dire "
S., tu pourrais faire ça demain, de toute façon tu
n'as rien de mieux à faire. " Et ça n'a choqué
personne, c'est passé inaperçu. On se sert du vide
existentiel des gens dans l'intérêt supérieur
de la boutique. C'est cool. Et après on s'étonne qu'il
y ait des libertaires qui ont envie de se foutre en l'air...
Ils aiment beaucoup que les femmes participent à leur boutique
: ça fait bien. Par exemple, à la comptabilité.
Mais pas question qu'elles l'ouvrent trop ou qu'elles espèrent
être écoutées et respectées. Surtout
lorsqu'elles parlent de ce qui les touche directement : le mépris
et la violence de la part des hommes libertaires en particulier
des chefs et sous-chefs du collectif. Ca ne se discute pas car comme
l'écrivent ces joyeux lascars " les rapports de domination
inclus dans les rapports homme/femme comme tous les autres rapports
de domination. ne peuvent pas être résolus localement
à l'intérieur d'un collectif quel qu'il soit ".
Alors pourquoi en parler ? 'Fermez vos gueules et continuez à
nous écouter. Non mais faut quand même pas exagérer
! Tu te rends compte elles veulent qu'on se remette en cause. Nous,
des anars expérimentés et tout. Pff ...
Alors on vire tout ce qui gêne. Celui-ci on l'auto-exclut,
celle-là on refuse de l'intégrer en inventant des
nouvelles règles d'intégration, les deux autres on
leur demande de se désolidariser des autres et de nous lécher
les pieds plein de gratitude et celle-là, on s'en fout. Elle
vaut même pas le temps d'en parler.
Et je ne parle même pas de touTEs celles et ceux qui sont
parties dégoûtées après les journées
libertaires - dans le désintérêt général...
.
Voilà une brève impression toute subjective de cette
librairie 'libertaire'. Je vous ai épargné le pire.
Le lynchage collectif, les insultes gratuites, le mépris
et l'opportunisme, l'art de se taire, les coups par derrière
et bien d' autres techniques de fonctionnement nanars. Et ça
revendique l'anarchisme, le refus de l'autorité et de la
domination. Ils me dégoûtent profondément avec
leurs aires satisfaits et indignés. Ces anars qui refusent
de prendre en compte leur classe sociale, blancheur, masculinité,
hétérosexualité, âge et surtout leur
égoïsme mais qui savent par contre très bien
ce qu'est l'Anarchisme Pluriel et Diversifié où toutEs
ont le droit de s'exprimer, de respirer et de participer également
à un mouvement libertaire. Et après il y en a (les
mêmes) qui vont se plaindre que les NoirEs, les Femmes, les
Homos, les personnes issues de classe ouvrière ne participent
pas à leurs jeujeux...
Pour finir en beauté, voici ce qu'un des sous-chefs voire
futurs chefs affirme. Il lutte pour les sans-papiers. Mais pas avec
les sans-papiers, car " si tu bosses avec des sans- papiers,
tu n'arrives à rien. Ca ne fait que foutre de la merde. "
Ca promet pour la révolution.
Elle se fera sans moi cette révolution libertaire.
Je vous emmerde, chefs et sous-chefs 'libertaires' enivrés
par vos privilèges.
léo vidal
La position de Anne Laure
Quelques bribes de réponses à la question du pourquoi
par Anne-Laure
Quelques bribes de réponses à
la question du pourquoi par Anne-Laure
Ce qui s’est passé… par Anne-Laure
Ce qui s’est passé…
par Anne-Laure
D'une librairie à l'autre, du féminisme en milieu
hostile par Anne-Laure
D'une librairie à l'autre, du
féminisme en milieu hostile par Anne-Laure
Démission de la FA par une anarcha féministe
de Lyon Les libertaires et le féminisme (un exemple parmi
d'autres) Sophie
http://federationanar1997.free.fr/
Les effets de cette lettre de démission
http://federationanar1997.free.fr/les_effets_de_ce_courrier.htm
Les réactions à mon égard des co-fondatrices
de la commission femmes, suite à cette exclusion
http://federationanar1997.free.fr/sororite.htm
Voir les écrits d'autres personnes concernant ces événements
et aussi ceux survenus à la librairie la gryffe
Dossier “La Gryffe”: de l’antiféminisme
en milieu libertaire...
http://1libertaire.free.fr/DossierLaGryffe.html
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