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Hommes contre le Patriarcat
Dossier “La Gryffe”: de l’antiféminisme en milieu libertaire...
Le 10 mai 2004

Origine : http://www.antipatriarcat.org/html/10mai200les_nouvelles3.html
Parce que l’antiféminisme n’est pas circonscrit aux milieux de droite, que le sexisme est présent au quotidien pour les militantes de gauche, et que ce n’est pas parce qu’on se dit anarchiste qu’on est pas souvent aussi masculiniste... À lire sur le site web du groupe Hommes contre le Patriarcat... (www.antipatriarcat.org/hcp)

“À l'occasion du cinquième anniversaire de l'exclusion de trois femmes et deux hommes de la librairie libertaire La Gryffe (Lyon, France) pour "remise en cause du sexisme libertaire", vous trouverez ci-dessous quelques textes écrits à l'époque dénonçant l'anti-féminisme, le sexisme et le masculinisme en milieu libertaire. Dans l'introduction vous trouverez un descriptif chronologique des évènements : de l'action féministe pendant les journées libertaires de mai 1998, à la mise en place de procédures d'exception, à l'application de mesures de rétorsion jusqu'à l'expulsion de ces cinq personnes.

Le texte "Anarchie ou patriarchie" écrit par le Collectif des femmes, des féministes et des lesbiennes de l’action féministe lors des journées libertaires, permet de comprendre les raisons de cette action et son analyse par le collectif. Le texte "Libéralisme libertaire et anarchaféminisme" propose une analyse du sexisme spécifique des membres dominants de La Gryffe, tandis que les textes de Corinne, Sam et léo permettent de comprendre de l'intérieur comment le masculinisme libertaire agit contre celles et ceux le remettant en cause.

Les textes du dossier:

§ Introduction: chronologie des événements.

§ Anarchie ou Patriarchie?

§ Libéralisme libertaire et anarchaféminisme: quelques éléments de réflexion.

§ Festen à la Gryffe.

§ Je préfère le fouet à vos chimères...

§ De la mâlerie à La Gryffe.”

Vous pouvez lire ce dossier sur le site d’Hommes contre le Patriarcat, à l’adresse suivante:

http:// www.antipatriarcat.org/hcp/html/dossiergryffe.html


Dossier “La Gryffe”: de l’antiféminisme en milieu libertaire...

À l'occasion du cinquième anniversaire de l'exclusion de trois femmes et deux hommes de la librairie libertaire La Gryffe (Lyon, France) pour "remise en cause du sexisme libertaire", vous trouverez ci-dessous quelques textes écrits à l'époque dénonçant l'anti-féminisme, le sexisme et le masculinisme en milieu libertaire. Dans l'introduction vous trouverez un descriptif chronologique des évènements : de l'action féministe pendant les journées libertaires de mai 1998, à la mise en place de procédures d'exception, à l'application de mesures de rétorsion jusqu'à l'expulsion de ces cinq personnes.

Le texte "Anarchie ou patriarchie" écrit par le Collectif des femmes, des féministes et des lesbiennes de l’action féministe lors des journées libertaires, permet de comprendre les raisons de cette action et son analyse par le collectif. Le texte "Libéralisme libertaire et anarchaféminisme" propose une analyse du sexisme spécifique des membres dominants de La Gryffe, tandis que les textes de Corinne, Sam et léo permettent de comprendre de l'intérieur comment le masculinisme libertaire agit contre celles et ceux le remettant en cause.
Introduction: chronologie des événements.

Anarchie ou Patriarchie?

Libéralisme libertaire et anarchaféminisme: quelques éléments de réflexion.

Festen à la Gryffe. (Sam)

Je préfère le fouet à vos chimères... (Corinne Monnet)

De la mâlerie à La Gryffe. (léo thiers-vidal)




Chronologie des événements:
Comment en sommes-nous arrivéEs là ?

Les 7, 8 et 9 mai 1998 : Lors des journées libertaires de La Gryffe une trentaine de femmes réagissent à l'anti-féminisme exprimés en intervenant lors du débat de clôture sur le futur du mouvement libertaire.

Les mois suivants :

De vives discussions au sein du collectif opposent celles et ceux qui ont participé et/ou soutenu cette intervention féministe à celles et ceux qui l'interprètent comme un acte de sabotage contre la librairie.

Plusieurs personnes quittent progressivement le collectif dont certaines laissent un texte motivant leur départ.

Octobre 1998 :
§ Corinne demande à intégrer le collectif

§ Certains membres du collectif mettent sur pied des modalités d'adhésion créant entre autre la possibilité de refuser l'adhésion réelle après six mois d'essai.

§ Corinne est acceptée sous ces nouvelles conditions

§ Un homme, opposé à d'adhésion de Corinne, se met en retrait.

Novembre 1998 :

§ Sortie du n° 11 de La Griffe :

§ Publication du texte 'Anarchie ou Patriarchie' (cf Annexe)

§ Publication du texte 'Anarchie et mouvement des femmes’

Décembre 1998 :

§ Préparation du n° 12 de La Gryffe :

§ Il avait été décidé de continuer dans ce numéro le débat engagé dans le numéro précédent sur l'intervention féministe lors des journées libertaires.

§ Trois textes sont proposés à publication :

§ Le texte de léo 'Anarcha-féminisme et libéralisme libertaire' rencontre un véto, de même que ’En réponse à ‘Anarchie ou Patriarchie'’ texte anonyme écrit par un autre membre du collectif. L'éditorial mentionne qu'ils sont néanmoins disponibles c/o La Griffe.

§ Le texte 'Violence' écrit par une participante à l'intervention féministe est publié.

§ léo précise en réunion qu'il diffusera son texte par d'autres moyens. Aucune personne présente ne n'y oppose.

Janvier 1999 :

§ Débat à la librairie La Gryffe animé par Corinne et léo sur 'Au-delà du personnel. Pour une transformation politique du personnel.’
Comme lors des journées libertaires, quelques hommes transforment le débat prévu sur 'Comment remettre en cause le patriarcat ?' en 'Le patriarcat existe-t-il ?'.

Mars 1999 :

§ Léo diffuse son texte sur Internet et à La Gryffe. La revue suisse 'Flagrant Délit' puis la revue néerlandaise de Moker le publient.
§ Une lettre personnelle (adressée à léo) d'une membre de La Gryffe est diffusée publiquement sans son autorisation, tandis qu'elle est en vacances.

§ Un membre du collectif (le même que celui qui diffuse la lettre personnelle) s'oppose à la diffusion du texte de Léo et demande une réunion à ce sujet.

§ 29 Mars 1999 - La réunion sur la diffusion à La Gryffe du texte de léo tourne au lynchage d'abord envers léo (il est auto-exclu) ensuite envers toutes celles et ceux qui s'opposent à ce lynchage (on leur propose de quitter le collectif). Le lynchage inclut diffamation, insulte, mépris envers le féminisme radical lyonnais et le proféminisme ainsi que des remarques d'ordre raciste et classiste.
Début mai 1999 :
§ Nous nous mettons en retrait du collectif

§ Lors de l'Assemblée Générale de La Gryffe, il est décidé à l'unanimité la 'non-intégration’ de Corinne ainsi que l'exclusion de léo. Il est également décidé d’envoyer une lettre à deux femmes membres et à Sam, leur demandant de clarifier leur engagement que se soit en quittant le collectif ou en le réintégrant c.à.d en acceptant les positions et décisions précèdentes.
§ Un an après les journées libertaires : le ménage est fait à La Gryffe. Tout est propre.
Septembre 1999 :

§ Publication du n° intitulé 'Du rififi à la librairie’ sans aucune mention des conflits et exclusions décidées. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes...

 



Anarchie ou Patriarchie?

Du 8 au 10 mai 1998 ont eu lieu des journées libertaires organisées par la librairie La Gryffe à Lyon. Ces journées se voulaient une occasion de «faire le point sur le mouvement social, les formes de lutte, le mouvement libertaire depuis mai 68 et de réfléchir aux moyens futurs pour agir sur le monde.» Ces «jours » ont en fait mis en lumière un paradoxe du mouvement libertaire.

La remise en question de la société dans son ensemble est limitée en réalité à la remise en question dans la sphère «publique», seule considérée comme étant politique, et ne passe pas forcément, hélas, par une remise en question de ce qui se passe dans la sphère «privée», «personnelle» (autant à l’intérieur des groupes militants qu’à la maison), pensée elle comme non politique, et même non sociale. Comme si d’un côté il y avait les individuEs, dont la psychologie, les comportements et les relations étaient déterminés en dehors de la société, des rapports sociaux, par leur «libre volonté», et de l’autre côté les rapports sociaux, espèces d’abstractions vides de tout sens puisque vides d’individuEs. Malgré une volonté d’ouverture dans l’organisation des «jours» à la lutte anti-patriarcale, nous avons pourtant vécu un déni de l’oppression des femmes et une stigmatisation du mouvement féministe non-mixte qui la dénonce. C’est ce qui a motivé la contestation féministe qui s’est exprimée lors de l’assemblée plénière, le dimanche après-midi.

Que s’est-il donc passé ? Vous avez dit violence institutionnelle ? Lors du débat sur «la violence institutionnelle en milieu militant», le vendredi, la question du pouvoir masculin est très vite abordée et nombre d’interventions de femmes tendent à démontrer que la «chefferie militante» est exercée quasi systématiquement par des hommes. Ce problème du pouvoir masculin, quand il n’est pas nié (certainEs ont considéré que ces femmes détournaient le sujet) est justifié par quelques arguments récurrents :

§ La nécessité de la transmission et/ou du partage du savoir militant et politique, qui, implicitement, est forcément détenu par les «militants formés», les «vieux militants», bref les leaders. Comme ces leaders sont à 99,9% des hommes, ceci implique que ce serait des hommes exclusivement qui détiendraient le savoir, alors que les femmes seraient «plus pratiques» (sic). Mais pourquoi n’y a-t-il donc jamais de «vieilles militantes», de «militantes formées» ?

§ Le concept de servitude volontaire, qui dédouane les dominants (hommes, blancs, hétéros) de leur responsabilité pour la reporter sur les dominéEs.

L’oppression devient ainsi un problème personnel, psychologique et donc non social. On voit ici comment, sur le sujet de l’oppression des femmes, nombre de libertaires prétendent que chaque individuE peut se constituer en dehors des rapports sociaux de sexe. Pourtant, ils ne nient pas que d’autres rapports sociaux positionnent les individuEs les unEs par rapport aux autres.

§ «Je suis libertaire, donc je suis antisexiste». Mais quelle forme prend cette lutte antisexiste ? Sur l’extérieur, quelles revendications ? A l’intérieur des groupes, quelle vigilance ? Et quelle remise en question personnelle ? Les quelques actions qui peuvent être menées témoignent surtout de la sphère publique et ne sont jamais mises en relation, n’intègrent pas les formes d’oppression de la sphère privée, dont les hommes libertaires bénéficient aussi. Le concept féministe «le privé est politique» passe donc à la trappe.

La notion de sexisme et la lutte antisexiste telles qu’elles sont utilisées dans le mouvement libertaire, ne rendent aucunement compte de l’existence du patriarcat, c’est-à-dire du rapport social de domination (et donc d’oppression) du genre masculin sur le genre féminin. Ce sexisme, c’est la discrimination selon le sexe, rien de plus : dans la société, il n’y a pas seulement discrimination selon le sexe, mais aussi asymétrie de position sociale selon le sexe. Nous ne sommes pas assignéEs à la même place hiérarchique dans la société. Cet antisexisme n’est pas suffisant, car il ne prend en compte qu’une partie du problème, et sert souvent à en masquer le fondement même. De fait cette lutte antisexiste n’admet pas - contrairement au féminisme - une oppression spécifique des femmes par les hommes, oppression différente selon que les femmes soient lesbiennes, bi - ou hétérosexuelles, mais pense l’oppression seulement en terme d’aliénation, subie «également» par les hommes et les femmes !



La non-mixité femmes en accusation !

Vendredi soir, nous nous sommes heurtées à des réactions contre la non-mixité lors de la projection en non-mixité de la vidéo «Chroniques féministes». Ces discussions se sont poursuivies le lendemain lors du débat en non-mixité sur l’anarchaféminisme. Pendant ce débat, QUI ECRIVAIT L’HISTOIRE ? «1968 et après, trente ans de mouvements sociaux», ou «chefs historiques», aucune personne pour exprimer l’expérience d’un des mouvements sociaux les plus importants de cette période : le mouvement de libération des femmes. Nous pouvons penser que, même si ce n’était pas intentionnel, il y avait dans cette programmation une reproduction de la mise en marge des luttes des femmes. Mais, c’est au cours du débat sur l’ordre patriarcal, samedi après-midi, que les réactions anti-féministes ont été les plus violentes, et nous ont donc amenées à réagir : de notre point de vue féministe, il était impossible de laisser passer un tel retour de bâton. En effet, c’est à un PROCÈS et non à un débat auquel nous avons assisté. Par sa forme même, le débat est agressif, il s’agit d’une CONDAMNATION de nos pratiques de lutte :

§ Utilisation d’exemples anecdotiques pour remettre en cause de façon générale les luttes féministes et lesbiennes féministes.

§ Des hommes utilisent la parole de femmes opposées à la non-mixité pour une fois de plus nous diviser, pour cautionner leur anti-féminisme tout en se mettant dans une position d’arbitre. Ce débat a eu pour effet de nier notre engagement, la légitimité de notre réflexion et s’est clairement exprimée la volonté de nous museler. Dénoncer et attaquer comme il a été fait la non-mixité femmes est aussi une façon de supposer qu’une réelle mixité existe, or la mixité est un leurre :

• soit elle est quasi inexistante (monde du travail, école dès les premières orientations, organisations politiques, syndicales...),

• soit, les rares fois où elle existe, elle est inégalitaire, c’est-à-dire qu’une minorité d’hommes en est le centre, et que les femmes sont à la périphérie, réduites à un rôle de spectatrices , un rôle de second ordre, soumises aux normes définies par ces hommes et au pouvoir masculin dont ils sont les dépositaires.

Ce primat acritique accordé à la mixité nie également la nécessité pour les opprimées de s’auto-organiser contre leur oppression et leurs oppresseurs... Que les opprimées deviennent sujet de leurs luttes est pourtant un principe libertaire; il parait alors impossible et inutile pour beaucoup d’entre nous de prendre la parole pour une justification qui n’a pas lieu d’être : la manière dont s’est déroulé le débat illustre les rapports de pouvoir qui se créent dans un cadre mixte, bien mieux que n’importe quel argumentaire.

Alors que les hommes se plaignent d’être exclus par la non-mixité femmes, lorsqu’ils ont l’occasion de travailler en mixité sur le thème «l’ordre patriarcal», ils détournent le débat en l’orientant et en le limitant à une accusation de la non-mixité... Cela démontre bien la nécessité de réunion non-mixte femmes pour VRAIMENT travailler CONTRE l’ordre patriarcal ! Nous décidons en conséquence d’agir collectivement pour préparer une action lors du dernier débat du dimanche concernant «le futur du mouvement libertaire». C’était pour nous l’occasion de contester les pouvoirs en place : celui des hommes, celui des chefs…

Quel futur libertaire pour le mouvement libertaire ? Des intervenants hommes se succèdent pour énoncer les versions officielles de l’histoire, la politique et la stratégie de leurs organisations…

Aucune femme, aucune lesbienne à l’horizon de l’histoire. Notre première action : pancartes «VIOLENCE SEXISTE» et une banderole interrogeant «EST-CE UNE REUNION NON-MIXTE ?» ainsi que des panneaux à l’humour grinçant mais néanmoins réaliste. Il s’agissait de présenter, de façon simplifiée pour des raisons matérielles, un décodage en simultané des discours dominants et de leurs fonctionnements. Une autre pancarte «AVEC TOI, AVEC NOUS» s’adressait aux femmes critiquant la non-mixité. Malgré quelques remarques provoquées par notre présence (qui bien que silencieuse est éloquente), le débat continue comme si nous n’existions pas. Nous sommes rendues invisibles comme la situation des femmes, des lesbiennes et de leurs luttes l’est aussi. Notre deuxième action : notre déplacement de la périphérie au centre de la salle. Il s’agissait pour nous de prendre place au sein de l’espace publique de manière offensive et choisie. Nous sommes rejointes dans notre initiative par d’autres femmes présentes dans la salle. Si nous parlions entre nous, c’était pour rendre visible le fait que dans le «général» les hommes parlent entre eux. La tension monte et on nous crie : «sectaires», «fascistes», «pauv’connes» , «lesbiennes». En outre, on nous accuse de manipulation à l’intérieur de notre groupe, de soi-disant refus de communication et de sectarisme. Il s’agit là de mécanismes classiques du pouvoir, utilisés par les dominants pour maintenir et réaffirmer leur domination :

Nous retourner tout simplement les critiques que nous leur avons adressées. La plupart des hommes libertaires refusent de s’inclure dans le groupe des oppresseurs alors qu’admettre cette réalité est pourtant le seul point de départ qui pourrait leur permettre une remise en cause de ce rôle et de leur participation à la reconduction du patriarcat. Enfin, certainEs stigmatisent notre soi-disant «volonté de saboter le débat» et regrettent donc que le débat sur l’avenir du mouvement libertaire n’ait pu se dérouler «normalement». Il va de soi que nous regrettons, quant à nous, que certains autres débats (notamment celui sur le patriarcat) n’aient pu se dérouler non plus «normalement». D’autre part, notre intention était, notamment, de faire prendre en compte, dans le débat, la question de la place des luttes féministes dans l’avenir du mouvement libertaire. Notre intervention était donc en plein dans le vif du sujet. Une action profondément libertaire.

Cette action avait à la base une motivation commune, mais son déroulement était complètement spontané, ainsi que la démarche des femmes qui nous ont rejointes et était entièrement dépendante des réactions du public. Elle aurait pu tourner tout à fait autrement. Notre action féministe permet de soulever de nombreux débats sur les engagements et les pratiques libertaires :

§ La réflexion sur la domination masculine, sur l’oppression des femmes et sur la lesbophobie n’est-elle pas un travail individuel et collectif de toutes et tous ? En fait, que signifie la demande d’explications ou de justifications adressée systématiquement aux féministes ?

§ Comment penser l’articulation des diverses luttes dont aucune n’est une question «spécifique» ?

§ Nous ne refusons pas seulement toute hiérarchisation des luttes mais nous considérons qu’une vision transversale de la réalité sociale et politique est nécessaire.

§ Comment penser le rapport individuE/rapports sociaux ? Quels liens entre personnel et politique ? Comment sont produites/reproduites dans l’espace privé ou personnel les relations collectives ? Comment l’individuE, le sujet individuel s’implique-t-il dans une société construite en catégories et classes inégales ?

Et toujours, Féministes tant qu’il le faudra !

Collectif des femmes, des féministes et des lesbiennes de l’action féministe lors des journées libertaires,
du 8, 9 et 10 mai 1998 à Lyon.


Libéralisme libertaire et anarchaféminisme:
Quelques éléments de réflexion.

Cet article a été écrit dans un contexte précis. En tant que membre de la librairie libertaire lyonnaise La Gryffe, j'ai co-organisé trois jours de discussion en mai 1998 "Trois jours pour le grand soir ". Durant ces journées de nombreux débats ont eu lieu dont quelques-uns sur la question des rapports sociaux de sexe. Lors du débat de clôture une trentaine de féministes ont protesté contre le déroulement de ces journées dénonçant le sexisme du mouvement libertaire et l'impossibilité de discuter réellement de la domination masculine - en général et dans le milieu libertaire. Suite à la publication par ces féministes d'un texte exposant les motivations de cette action anarchaféministe, quatre hommes de La Gryffe ont écrit un texte-réponse " Anarchie et mouvement des femmes ". L'article ci-dessous s'appuie sur cet article pour analyser un phénomène d'ordre général : les hommes, se croyant le centre du monde, agissent, pensent et écrivent sans tenir compte de leur statut de dominant, donc sans tenir compte du fait qu'ils font partie d'un groupe social construit qu'est la classe sexuelle des hommes. Ainsi, ils se croient universels tandis qu'ils sont dominants et ils nient de fait la critique féministe des rapports sociaux de sexe. Ceci me semble incompatible avec toute revendication d'ordre égalitaire et libertaire c.à.d. opposée à toute forme de domination et d'exploitation qu'il s'agisse de racisme, de lesbophobie et homophobie, de sexisme, de capitalisme, ... .

Face aux revendications féministes le mouvement libertaire met en oeuvre différentes stratégies de défense du statu quo mâle. Si la réaction prédominante envers les féministes est de l'ordre du déni, de la ridiculisation et de la violence, une autre stratégie passe par un discours libéral célébrant la diversité des points de vue. La reconnaissance du bien fondé du féminisme se limite alors à un droit d'existence bien spécifique. Il me semble important d'analyser quelle place les hommes libertaires laissent, octroient, donnent au féminisme et de démontrer les fonctions réactionnaires du discours libéral - discours qui ne se limite pas au mouvement libertaire mais qui y est encore plus insupportable vu la volonté anarchiste de lutter contre toute forme de domination.

Un premier élément formel exprime très bien la négation de la position masculine de dominant. En effet, les quatre hommes signataires développent tout au long du texte une position de neutralité, d'extériorité voire d'objectivité via des 'on', 'C'était à nous', 'la difficulté de nous réunir', 'il ne nous'. Le texte n'exprime quasi nulle part la position située des auteurs : aucune référence n’est faite à leur statut dominant d'hommes. Cette position bien particulière de dominant est donc invisibilisée tandis qu'elle est la condition préalable pour que des hommes puissent développer un discours célébrant la diversité. En effet ce que des dominants peuvent percevoir comme diversité de perspectives est vécue par des dominées comme absence de liberté et de réelle diversité. Ce n'est donc pas pour rien que le 'on' neutre, ou le 'nous' pluriel traversent ce texte : ils expriment l'aveuglement de ces hommes face à leur particularité, spécificité de dominant et, du coup, face aux dominations que subissent les femmes.

Si ces hommes ne se posent pas comme dominants, ils le sont pourtant bien - de la même façon que moi-même. Nous bénéficions de la domination masculine qui structure toute notre société et la perpétuons souvent activement à travers nos prises de parole, regards, comportements,... . Notre vie est plus agréable grâce à l'exploitation des femmes (p.ex. leurs services domestiques, relationnels, communicatifs) et nos choix sont plus grands grâce à la restriction des choix des femmes (p.ex. la prise en charge par les femmes du travail domestique et d'élevage des enfants étant la condition de notre épanouissement scolaire, professionnel et militant).

Pourtant ces hommes empruntent un chemin différent des anti-masculinistes en choisissant d'invisibiliser leur statut de dominant et de nier la nature profondément sociopolitique de la domination masculine en développant ce discours :

" Les journées libertaires étaient ouvertes, sans exclusive (comme le veut le projet de la Gryffe), à toutes les composantes et points de vue du mouvement libertaire. Or certains d'entre eux considèrent les luttes des femmes comme secondaires ou ne perçoivent pas l'importance de leurs enjeux. D'autres, plus affirmés encore, dénoncent le féminisme, considèrent, de leur point de vue, que le féminisme s'enferme dans une impasse sectaire et particulariste qui s'oppose à une remise en cause de l'ordre social et, finalement, à la libération des femmes. C'est comme ça. Tous ces points de vue contribuent également à composer le mouvement libertaire (...) "

Ce discours est un discours libéral et non libertaire à mes yeux car il reconnaît une même valeur à des pensées qui s'opposent à la domination et l'exploitation des femmes qu'à des pensées qui nient ou invisibilisent cette domination. Il ne me semble pas nécessaire de démontrer que le mouvement libertaire à connu et connaît des tendances antisémites, misogynes, révisionnistes et qu'il est nécessaire de lutter contre ces tendances de la même façon qu'il faut lutter contre l'antisémitisme, la misogynie ou le révisionnisme de notre société occidentale. Pourtant c'est bien l'opposé que défendent ces hommes en ce qui concerne le féminisme. Le féminisme est selon eux l'expression d'un point de vue, d'un courant de pensée comme le sont par exemple l'anarchisme anti-organisationnel, l'individualisme libertaire, l'anarchosyndicalisme et il mériterait la même considération que l'antiféminisme de certains anarchistes.

J'ai quelques difficultés à comprendre ce qui fonde cette catégorisation : qu'est-ce qui permet de ranger le féminisme parmi les différentes tendances libertaires et non parmi ces exigences minimales politiques que sont l'antiracisme, le lutte contre l’antisémitisme ou la lutte contre le capitalisme ? A mon avis aucun raisonnement ne peut justifier ceci et seule la non-reconnaissance de sa position de dominant permet de dépolitiser à ce point les analyses féministes libertaires, de délégitimer les actions féministes libertaires et de rationaliser ainsi la défense de ses intérêts de mâle. Car c'est bien de cela qu'il s'agit selon moi. Célébrer une certaine diversité tant qu'elle ne remet pas en cause les auteurs en tant qu'hommes bénéficiaires d'un système d'exploitation.

De plus cette célébration de la diversité est toute relative car elle se limite aux discours et ne concerne aucunement la mise en œuvre de ces discours. Car l'application concrète toucherait aux intérêts concrets des dominants - comme en témoigne l'intervention féministe lors des journées libertaires. De la même façon, les pouvoirs en place dans notre société occidentale permettent une relative diversité des discours - voire l'expression de critiques profondes de ce système - tant que ces discours restent des discours et ne sont pas appliqués afin de transformer l'organisation concrète de la société, tant que les règles du jeu ne sont pas changées. " Pensez ce que vous voulez, exprimez-le, respectez les règles que nous fixons et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ". Comment doit-on articuler d'une part l'élaboration par les dominants d'une réglementation précise et stricte des fonctionnements sociaux et d'autre part le fait qu'ils développent un discours libéral célébrant la diversité ? Ce discours serait-il un décor derrière lequel une machinerie précise fonctionne broyant les unes au bénéfice des autres ?

Il me semble donc que l'enjeu fondamental derrière tous ces mots c'est la défense d'un statu quo mâle. Le refus d'une remise en cause personnelle et collective. Le refus d'une critique de soi en tant que dominant. Le refus d'un changement concret des fonctionnements au sein du milieu libertaire - au bénéfice des femmes et non des hommes. C'est bien pour cela que les auteurs écrivent :
" Parce qu'ils tiennent à la totalité des rapports sociaux, à la totalité de l'ordre social où nous vivons et aux racines mêmes de cet ordre, les rapports de domination inclus dans les rapports homme/femme, comme tous les autres rapports de domination, ne peuvent pas être résolus localement, à l'intérieur d'un collectif quel qu'il soit (même non mixte paradoxalement). Se fixer pour objectif prioritaire de les résoudre à l'intérieur de ce collectif est une tâche absurde et impossible qui, au lieu de libérer, et en raison même de son impossibilité, multiplie au contraire, à la façon des groupements religieux, les instruments et les rapports d'oppression. "

Cela me rappelle le discours libéral face aux critiques de l'hétérosexisme et de la lesbo/homophobie : " Moi, je ne suis pas homophobe. Les homos ont le droit de vivre leur vie...mais ils n'ont pas intérêt à me toucher moi ou mes enfants ! Parce que moi, je ne suis pas un pédé ! " On reconnaît une domination sociale et en même temps on ne veut pas se savoir impliqué, touché, directement concerné voire co-responsable. Une réponse plus libertaire - à mon avis - serait de se reconnaître sexiste, hétérosexiste et de tenter de comprendre en quoi nous le sommes et comment nous pouvons agir dessus - en écoutant les principales concernées, les féministes, les lesbiennes. Comme l'écrit Fabienne dans son texte dans le numéro 12 de La Griffe, il y a un travail à faire, et cela commence par la reconnaissance publique du problème. Il nous faut travailler à une zone temporaire autonome de moindre domination, au lieu de défendre de façon égoïste une zone permanente de non-lutte contre la domination.

N'est-ce pas paradoxal pour des anarchistes de nier à ce point toute possibilité d'expérience libératrice au sein d'un collectif ou mouvement ? Ces expériences ont bien lieu concernant le pouvoir informel via la rotation des tâches, les tours de parole, le refus de mandats permanents. Pourquoi ne pourrait-on pas tenter dès aujourd'hui de transformer les rapports sociaux de sexe au sein de notre mouvement ? Il ne s'agit pas, comme l'affirment de façon bien réductrice les auteurs, d'en faire 'l'objectif prioritaire' mais d'en faire un objectif important parmi d'autres. Et c'est bien cela que craignent ces hommes à mon avis : de devoir se poser des questions concrètes sur leur comportement et attitude pour les changer en fonction de la liberté des autres ; de devoir dépasser un égoïsme masculin pour aller vers les femmes et leurs revendications multiples de justice.

Plutôt que de dénoncer avec arrogance les soi-disant " fétichisme, communautarisme, séparatisme " des anarchaféministes, il s'agirait de percevoir le fétichisme masculin axé autour du pénis et des couilles - fétichisme qui ressort p.ex. à travers les multiples fantasmes de castration qui ne tardent pas à être exprimés lorsqu'on aborde les rapports femmes-hommes. De déconstruire le communautarisme masculin et sa solidarité mâle au-delà des différences idéologiques. Cette solidarité mâle qui fait que les hommes font quasi toujours Front face aux femmes et au féminisme. Et un exemple concret confirme à mon avis que cette solidarité est un enjeu important. J'ai souvent entendu des hommes libertaires exprimer leur rejet du 'politiquement correct' et revendiquer le droit à la blague sexiste, à l'insulte misogyne ou lesbophobe - au nom de la liberté d'expression. Pourtant, l'enjeu n'est pas tant la liberté d'expression que la solidarité masculine : " L'humour (sexiste, raciste, homo-lesbo-phobe...), dans l'adhésion qu'il sollicite, traduit les rapports de pouvoir entre groupes sociaux, et par la même entre individu-e-s. "

La réponse libérale au féminisme réussit cet inversement qui consiste à particulariser une revendication de justice et à invisibiliser un rapport de domination en posant comme neutre un état de fait injuste. Le but de cet article est donc double. D'une part, démontrer à quel point le discours libéral sert les hommes libertaires dans leur refus du féminisme dans sa globalité et transversalité. Il sert à enfermer l'analyse féministe dans le champ des goûts et des couleurs. Il revient, concrètement, à mettre sur un pied d'égalité d'une part des analyses qui attribuent la responsabilité des violences masculines conjugales contre les femmes à ces mêmes femmes (provocation, masochisme, ...) et d'autre part des analyses qui perçoivent ces violences comme un élément de répression politique contre les femmes de la part de la classe des hommes. De façon ultime, il est une apologie de la loi du plus fort pour laquelle la raison n'a pas lieu d'être. D'autre part, il s'agit pour moi de participer activement à ce que le féminisme ne soit plus considéré comme une perspective mais comme une exigence minimale politique. Notre éducation de dominant est omniprésente et nous structure mais elle n'oblige aucunement les hommes à perpétuer notre dominance individuelle au niveau relationnel ou collectif. Nous avons la possibilité d'agir autrement, de s'ouvrir aux analyses et ressentis des féministes et de participer à leur lutte contre le sexisme - lorsqu'elles le désirent. Nous pouvons lutter en mixité - voire en non-mixité - contre le sexisme intériorisé ou institutionnel. Il suffit d'être prêt à rompre avec la défense égoïste de nos intérêts de dominants et à rompre avec ces hommes autour de nous qui refusent de se remettre en cause.

léo thiers-vidal


Festen à la Gryffe

"Si je me tais, j'épargne tous ceux qui n'aiment pas vivre dans un autre monde que le meilleur des mondes possibles, tous ceux qui n'aiment pas parler de ce qui est désagréable et ne veulent reconnaître que ce qui est agréable, tous ceux qui refoulent et nient les problèmes de notre temps au lieu de les affronter, tous ceux qui condamnent les gens qui critiquent ce qui existe, même les plus intègres, et les traitent de vauriens parce qu'ils préfèrent vivre dans un porcherie non critiquée plutôt que dans une porcherie où l'on ose prononcer le mot "porc". Mais ce sont justement ceux-là que je ne veux pas épargner et appuyer et dont je ne veux pas me déclarer solidaire, car ce sont eux qui ont fait de moi ce que je suis aujourd'hui.

Mon indulgence ne peut pas aller à ceux-là, uniquement ma haine."
Fritz Zorn "Mars"

Au printemps dernier, j'ai reçu, comme deux femmes, membres de la Gryffe, une lettre de La Gryffe m'invitant à clarifier ma position à l'égard du collectif de la librairie, celui-ci me proposant de rester ou de partir. Quelques semaines plus tôt, suite à une réunion particulièrement violente (et pour moi une de trop), j'avais annoncé ma volonté de me retirer des réunions et de rapidement mettre un terme à ma participation à la librairie. Je n’ai à ce jour pas répondu à cette lettre : il me semble tout à fait vain d'espérer pouvoir faire entendre à ces gens quoi que ce soit de mes motivations, notamment qu'elles ne doivent rien à un choix individuel comme la Gryffe aurait sans doute aimé que je l'écrive. Pour autant il ne me semble pas inutile de dire ce qui c'est passé ces derniers mois à la librairie et qui ne m'a pas laissé d'autres choix que de partir.

Ma participation à la Gryfffe date de mon arrivée à Lyon à l'automne 96. C'était alors motivé par ce qui me semblait caractériser la librairie vu de l'extérieur : une rupture avec ce qui fait l'ordinaire du folklore anar, le style "drapeau noir et slogan viriles" dans lequel je ne me suis jamais reconnu et les références théologiques poussiéreuses qui ne m'ont jamais intéressé. Je trouvais au contraire à la Gryffe tous les courants politiques et mouvements sociaux qui avaient forgé petit à petit ma culture politique.

D'autre part j'avais beaucoup lu sur le mouvement libertaire "à la lyonnaise" lorsqu'il se développait encore très largement en dehors des organisations anars patentées et cela correspondait à mes attentes politiques. Mon arrivée à la Gryffe a été également l'époque de ma découverte du féminisme et des politiques les- biennes et gay : par l'intermédiaire des filles de la librairie et d'autres qui la fréquentaient (en particulier ma colocataire lesbienne), j'ai pu rapidement avoir accès à de nombreuses références théoriques et engager des discussions qui m'ont politisé et sensibilisé à la problématique des rapports sociaux de sexe. Pour terminer sur ce qui a motivé mon engagement, j'ajouterais quelques considérations plus existentielles qui sont pour beaucoup dans mon attachement au collectif : les difficultés que j'éprouve dans mes relations avec les autres et une longue période de chômage non-choisie. La Gryffe m'offrait aussi une occasion de combler un certain vide existentiel et un prétexte pour côtoyer plus facilement des gens. J'ai pu intégrer le collectif sans problème, une réputation de bonne pâte m'ayant sans doute précédée. J'ai participé à un première réunion dans l'indifférence générale et j'ai rapidement compris ce qui fait le quotidien de la vie de la librairie :
- l'absence de réelle discussion politique qui se justifie par la charge de travail importante qui doit être fournie pour faire tourner une librairie de cette importance mais surtout par le fonctionnement familial (où l'exploitation et la domination sont recouvertes d'un voile touchant de sentimentalité) et la recherche de convivialité.

On évite les sujets "prise de têtes" tout autant que les gens qui les portent.

- des rapports de pouvoir pesants : un membre du collectif dans une position de pouvoir peut se permettre ce qui serait vu comme intolérable venant d'un membre moins privilégié : un qui ne fout pratiquement rien peut se comporter en inspecteur des travaux finis, un autre qui mouille sa chemise peut insulter sans état d'âme les permanent-e-s qui font mal leur boulot et les deux ensemble peuvent sans consulter personne repousser la date d'une réunion importante à laquelle ils ne peuvent être présents. Il y a aussi cette propension à confondre "on" et "je", par exemple "On en a rien a foutre d'un début sur le judaïsme libertaire'' donc pas de débat sur le sujet même s'il s'avère après la réunion que trois quart des présent-e-s trouvent le sujet intéressant (en fait le débat aura quand même lieu puisque proposé par un autre chef. Il peut se permettre de passer outre la décision "collective" et maintenir l'invitation de Michael Lowy).

- une hostilité au féminisme déjà bien présente avant les journées libertaires de mai. Difficile de refuser une publication, un article pour son sexisme ou sa lesbophobie : on invoque la censure, le moralisme, le politiquement correct... Le collectif refuse pourtant régulièrement articles pour le journal, demandes de dépôts et propositions de débats sans que les critères qui président à ce choix ne soient autant érotisés. La non mixité qui est le mode d'organisation d'une partie des féministes lyonnaises est toujours l'objet des critiques, malgré les explications aimables des féministes de la librairie qui la pratiquent (cf l'article signé L.N. dans la Griffe n° 2), il y en a toujours pour qui ça ne passe pas (qui l'assimilent a du séparatisme ou mieux à la non-mixité patriarcale de l'école communale !). Et puis quand on veut faire la preuve de son ouverture d'esprit on s'empresse de dire que l'on tolère de vendre Lesbia magazine et que donc les féministes ou les proféministes doivent par un échange de bon procédé accepter sans discussion de distribuer des écrits antiféministes (voir même de louer l'extraordinaire lucidité de leurs auteurs).

Tout cela va de concert : à savoir que les rapports de pouvoir sont très clairement genrés, fonction également de l'âge, du niveau socio-économique des membres. Ses statuts sociaux hiérarchisés influencent toute la dynamique du collectif et créent un climat que je n'hésiterai pas à qualifier de violent. Ce qui n'affleure évidemment pas la bonne conscience des chefs pour qui il n'y pas de situation violente à la Gryffe mais uniquement des gens émotifs ("de toute façon unetelle, elle chiale tout le temps" comme un a pu le déclarer un jour)...
Pour ma part je n'ose pas toujours dire ce que je pense et je m'épuise en diplomatie ce qui me vaut d'être apprécié. Celles et ceux moins disposé-es à s'arranger de ce climat se voient rapidement sujets à stigmatisation et répression.

Voilà globalement ce qui a marqué les différents développements qui ont conduit au départ de plusieurs d'entre nous et à l'exclusion de Corinne et Léo.

Ainsi du conflit qui fit suite à l'action féministe contre la violence antiféministe/hétérosexiste qui marqua tout le déroulement des journées libertaires est niée ou au mieux considérée comme normale "A quoi s'attendaient les copines féministes qui avaient accepté de participer aux journées? à l'unanimisme idéologique et au parler correct ?" Anarchie et mouvements des femmes). En revanche l'action féministe qui vient en réponse est jugée intolérable ("extrêmement violent symboliquement" dit "Anarchie et mouvement des femmes", du sabotage !). Et comme une partie du collectif argumente sur sa légitimité, "on" trouve vite une parade pour mettre toute discussion sur le féminisme hors sujet : ce qui pose problème aux mêmes à qui l'action donnent de l'urticaire, c'est que des filles du collectif étaient du complot (1) et qu'un autre membre l’a soutenue verbalement. C'est ainsi qu'un qui a dénoncé publiquement l'action se sent parfaitement à l'aise pour jouer les commissaires politiques et déclarer que celles et ceux qui ont brisé une neutralité qu'il n'a lui même pas respecté se sont auto exclu-es du collectif ! L'ordre (la ''confiance”, dans le langage des chefs) a été malmené il s'agit de le rétablir ! Pas d'auto exclusion (du fait du rapport de force : les auto exclues et leurs soutiens assurent la plus grande part des tâches matérielles nécessaires à la survie de la librairie) mais un règlement intérieur et un texte publique ("Anarchie et mouvement des femmes") pour faire bonne figure. Un an plus tard on parlera de "compromis merdique" pour dire combien on n'a pas digéré cet épisode où pour une fois tout n'a pas été possible à la chefferie de la Gryffe.
La réunion du 29 mars 99, où il s'agissait de rediscuter la diffusion à la librairie du texte de Léo (pourtant accepté quelques semaines plus tôt) sera le prétexte d'un retour de bâton sur le peu qui avait été concédé à la présence du féminisme radical à la librairie. On revient donc sur tout ce qui a marqué cette présence (l'action féministe, l'intégration de Corinne, le n° de la Gryffe sur les rapports sociaux de sexes, les critiques après un débat féministe avorté...) ; les insultes, les procès d'intentions et la ridiculisation sont là pour dire combien elle est insupportable. L'atmosphère de lynchage empêche toute discussion un tant soit peu rationnelle et il est proposé en fin de réunion que Léo et toutes celles et ceux qui "se solidarisent de son texte" démissionnent. Cette réunion a balayé tous les espoirs que j'avais pu mettre dans la possibilité de faire évoluer les choses par la discussion, j'ai pu mesurer ce soir-là, à quel point non seulement nous ne parlions ni de la même chose ni dans le même langage mais aussi ce que le collectif était prêt à faire pour qu'il n'en soit jamais ainsi.

Comment parler du sexisme ?: il n’y a pas de problème de sexisme à la Gryffe, la preuve, si un "gros beauf sexiste" voulait intégrer le collectif, il serait refusé et puis vous n'avez qu'à aller en banlieue où là alors oui, il y a vraiment du sexisme. Dans cette perspective, le sexisme n'est pas conçu comme une institution sociale et politique mais plutôt comme un agrégat d'attitudes malpolies que l'on aurait tord d'aller chercher chez des blanc de classe moyenne bien élevé (et maigre ?!!). Comment parler du racisme ?: Dans l'article "média et féminisme" (cf La Griffe n° 13), on parle de "rapports sociaux de race, sexe ou classe", il n'y a que les racistes pour dire que les races existent. Le terme de "race relations" est couramment employé par la gauche anglo-saxonne (2) : dans cette perceptive la "race" n'est pas une essence, une réalité biologique mais une construction sociale et politique basée sur des attributs phénotypiques (la couleur de la peau etc..) fondant des rapports hiérarchisés entre groupes d'individus perçu comme groupes naturels (ou culturels dans le racisme différentialiste néodroitier). De même que pour le sexisme nos révolutionnaires ne voient que le racisme qu'il veulent bien voir (celui des autres : les "beaufs", les fachos, etc.. .) et feignent de vouloir le combattre en niant les statuts sociaux hiérarchisés qui sont sa raison d'être. Et pas étonnant qu'un militant noir comme Lorenzo Komboa Ervin ait rencontré à la librairie la même hostilité que celle réservée aux féministes et aux lesbiennes radicales. Un anarchiste qui voudrait que les blancs s'enquièrent de ce que souhaitent les noirs avant de prétendre les soutenir dans leurs luttes : voilà de quoi faire pêter les plombs, là où un paternalisme honteux de lui-même entend "dépasser les identités". Et comme ne pas vouloir faire de la théorie est encore le meilleur moyen d'en faire de la mauvaise, nos anars reprennent tous les poncifs post-modernistes et déblatèrent de l'idéologie queer comme Mr Jourdain fait de la prose : une banale analyse matérialiste des rapports hommes/femmes est jugée "essentialiste" par ceux qui ont appris quelques mots des concepts féministes à défaut d'en comprendre le sens (une de ces crapules juge ainsi "très pertinentes" les analyses féministes radicales et demande l'exclusion de Corinne "pour son bien").

Et ce soir du 29 mars 1999 on apprend que le texte "Anarchie et mouvement des femmes" écrit en réponse à "Anarchie ou patriarchie" par les gardiens du temple, c'est le "projet de la Gryffe" ! Et le projet de la Gryffe ne doit pas souffrir la moindre discussion : si on est pas d'accord on ferme sa gueule ou bien on se met en dehors du collectif. Il faut donc considérer avec les auteurs qu'on est femme ou homo comme on est homme, hétéro, blond ou brun, distrait ou méticuleux. Il n'y a plus de groupes sociaux et de rapports d'oppression : plus qu'une juxtaposition de particularités individuelles sans rapport entre elles dont découleraient incidemment des "identités", des "logiques hétérogènes" propre à justifier tous les ghettos plutôt que les communautés de luttes. Une manière élégante de liquider toute perspective politique critique : être homosexuel/lle ne renvoie plus qu'à une pratique sexuelle aussi respectable que l'hétérosexualité et tant pis si la réalité hétéroriste mène la vie dure aux lesbiennes et aux gays. Toute tentative (y compris et surtout hors du cadre de politique identitaire (3) ) de la contester relève alors du "fétichisme identitaire". Et pour aller plus loin dans la stérilisation politique, il faut aussi admettre que tout et son contraire "contribue également à composer le mouvement libertaire", le féminisme comme l'antiféminisme donc. Refuser ce relativisme post-moderne entraîne "un manque de confiance (...) quand à ta volonté d'assurer le projet pluraliste de la librairie" (lettre de La Gryffe à Corinne) et ne pas respecter la liberté d'expression des dominants c'est "élitiste" et bien dans la ligne de "la dérive sectaire du mouvement féministe lyonnais". Justement parce qu'il permet de critiquer le faux universalisme des Lumières, de penser le ''multiple" en laissant place à la responsabilité individuelle et à l'action politique, le féminisme matérialiste est l'une des pistes pour inventer de nouvelles pratiques politiques loin de l'obscurantisme post-moderne (4) . Le débat reste ouvert mais ne se poursuivra pas à la librairie la Gryffe.

Sam

notes

1. Quand les autres se contentent de délirer sur le retour d'Antoinette Fouque, un des chefs ira jusqu'à dénoncer un complot ourdi par des "lesbiennes séparatistes" en référence au conflit entre féministes radicales (lesbienne et hétéro) et lesbiennes radicales sur le statut politique de l'hétérosexualité qui aboutit au début des années 80, à une scission au sein de la revue Questions Féministes. Pour servir ses visées hétérosexistes/lesbophobes, il présentera ce conflit comme le fruit d'une opposition entre féministes hétéros et lesbiennes séparatistes .. .
2. Fait aggravant pour ceux qui nous ont aussi reproché ce soir là d'aller chercher toutes nos références aux Etats Unis, l'Empire du Mal des vrais révolutionnaires.

3. "Or l'identité est l'un des trompe-l'oeil les plus efficaces pour masquer la matérialité des rapports sociaux. L'identité rassure non seulement chaque individu, mais aussi la société toute entière qui semble afficher une supposée diversité. En somme, le repli sur l'individualité identitaire est l'une des stratégies les plus efficaces pour nous empêcher de penser à des transformations sociales à long termes". Louise Turcotte, lesbienne radicale dans son article "Itinéraire d'un courant politique : le lesbianisme radical au Québec" publié dans "Sortir de l'ombre, histoire des communautés lesbiennes et gays de Montréal". Sous la direction d’Irène Demczuk et Franck W. Remiggi, VLB Editeur, 1998.

4. Voir en particulier l'article de Sonia Kruks "Genre et subjectivité : Simone de Beauvoir et le féminisme contemporain". Nouvelles Questions Féministes, 1993, volume 14, n° 1.


Je préfère le fouet à vos chimères...

J’ai demandé à intégrer La Gryffe en Septembre 98. Malgré ce que j'avais vu pendant les 3 jours, malgré ce que je savais de cette librairie depuis de nombreuses années, malgré le peu d'illusions que j'avais sur le fonctionnement de celle-ci. Mais il restait que quelques personnes que j'appréciais politiquement et personnellement y travaillaient et que ce n'était pas à ma connaissance un groupe politique avec une ligne idéologique rigide contrôlée par quelques-uns.

Pendant mes quinze ans d'engagement anarchiste, j'ai plusieurs fois hésité à demander de participer à La Gryffe. Mais les diverses exclusions et/ou stigmatisations que j'avais déjà vécues dans le milieu libertaire me faisaient réfléchir. En vrac : trop punk pour être respectable, trop indépendante pour être "la femme" de et trop chieuse pour être juste baisée, trop individualiste pour être anarchiste, trop éthique pour être politique, trop visible pour être oubliée, trop femme pour être valorisée, trop d'idées 'noires' pour la révolution, trop de confusion entre le personnel et le politique, trop d'antispécisme pour être conviée aux repas, trop jeune pour être écoutée mais trop vieille pour qu'on m'en raconte mais aussi pas assez de culture orthodoxe libertaire, pas assez d'esprit de famille pour ne pas émettre de critiques... et j'en passe puis pour finir, pire que tout, trop féministe pour être anarchiste. La Gryffe a balayé d'un coup tout mon passé politique en dehors du féminisme. Les discussions sur mon cas, qui ont suivi ma demande n'abordaient que mon versant féministe. Bien que revendiquant un féminisme radical, bien qu'ayant un peu de mal à découper mon anarchisme de mon féminisme, d'où mon intérêt pour l'anarchaféminisme, ma motivation pour rentrer à LG était plus d'ordre anarchiste que féministe au sens où la famille l'entend : je n'allais pas à LG pour créer un complot féministe, ni pour y brûler tous les livres sexistes, ni pour en faire une librairie féministe non-mixte. Mes activités féministes se portent très bien par ailleurs merci. Mais je suis aussi féministe, tout le monde le savait et il n'est pas question que je le taise, même en mixité anar. J'ai motivé ma demande de façon honnête avec mes intérêts réels pour travailler dans un collectif libertaire mixte.

Mais le problème, si douloureux, de l'intégration d'une féministe, malheureusement anarchiste dans le collectif, a déjà blanchi quelques cheveux. La peur a fait son nid, les représentations et stigmatisations s'en sont données à cœur joie et même les fantasmes masculins les plus archaïques étaient de mise. J'allais « couper tout ce qui dépasse », « m'opposer à la vente de tous les livres non féministes », etc.

Des heures de discussions sur mon cas, j'en ai de la chance.

Qu'auraient-ils rajouté si j'avais été prostituée ou lesbienne ? Près de deux mois plus tard pour l'histoire, après l'écriture d'une charte d'intégration - ce qui n'avait jamais été fait en 20 ans de LG - me voilà pré-intégrée, à l'essai. J'accepte cela sans aucune difficulté : je me doutais déjà que ces modalités d’adhésion n'étaient que pures convenances, et que les chefs n'hésiteraient pas lors de la plus petite menace envers leur pouvoir et leurs divers privilèges de genre et de classe à se torcher le cul avec.

Quelques permanences et réunions passent, des personnes trépassent, écrivent des textes, mais rien ne bouge. Quelques peurs se décristallisent quand même, finalement je ne suis pas aussi dangereuse qu'ils le croyaient.

Je dis ce que je pense mais je ne fais pas trop chier, rien à me reprocher sur mon implication, je n'ai insulté ni frappé personne et surtout je ne leur ai pas coupé les couilles. J'attendais un retour de bâton, il n'a pas tardé.

Certes, mes paroles découlaient souvent du fait de ma conscience des rapports sociaux de sexe et de la connaissance de mon oppression.
Mais devrais-je oublier que je suis une femme dans une société patriarcale pour être anarchiste ? Faut-il que j'abdique mes désirs de liberté, l'autonomie, d'égalité et de solidarité pour lutter en mixité pour l'élaboration d'un monde non autoritaire ? Un homme s'est mis en retrait du collectif lors de ma pré-intégration. Malheureusement pour lui, quelques inimitiés avec d'autres chefs qui n'ont rien à voir avec son anti-féminisme, sa lesbophobie (et pour cause...) ont fait que je n'ai pas été mise en balance. Je ne pouvais pas me faire d'illusions : un texte qu'il avait écrit suite aux journées libertaires ne dérangeait personne, paraît-il qu'il n'était même pas si blessant que celui de Léo, pas si agressif, qu'il n'attaquait personne particulièrement.

Pensez donc, il n'attaquait que les lesbiennes et les féministes, y'avait vraiment pas de quoi se sentir attaqué! J'ai vécu ce jour-là ce que j'ai déjà vécu mille fois : tandis que les chefs refusent à certaines d'exprimer une partie de la violence de leur oppression, ils n'hésitent pas à censurer des propos touchant leur fierté.

Cet homme ne souhaitait pas travailler avec une féministe qui avait participé à l'action des trois jours. Lors de celle-ci, nous, les féministes, avions entre autres repris l'affiche de l'annonce de ces 3 jours, où une femme, en gros plan, criait le programme des journées. C'est super de mettre une femme en premier plan, encore faudrait-il qu'elle serve à autre chose que du décors... Car c'est bien là que le bât blesse : peut-on à LG être femme et l'ouvrir librement ? Ce n'est pas un lieu interdit aux femmes, il est seulement permis à celles qui se taisent, ou qui reprennent les paroles des chefs, les soutiennent et les soignent. Mais je ne voulais pas participer à LG pour ces raisons, c'est vrai, j'avais d'autres motivations.

Je sais bien qu'en disant cela, je questionne aussi la place des femmes qui y sont ou qui y viendront. Je ne souhaite pas cacher que certaines femmes se sont opposées aux féministes, comme cette griffonne, qui nous a bien traitées de fascistes lors de l'action féministe.
Les féministes n'ont jamais nié que des femmes puissent être anti-féministes, surtout « quand elles se risquent dans des domaines masculins où leur assimilation passe par l'intégration des normes sexistes du milieu » (Christine Bard). Mais je ne m'étendrais pas là-dessus dans ce texte puisqu'il sera lu par des hommes qui n'hésiteront pas à exploiter ces 'oppositions' entre femmes pour renforcer leurs privilèges et leur domination.

Lors de l'action et de notre présentation de l'affiche des 3 jours avec cette femme... nous lui avions rajouté an bâillon puisque nous avions été bâillonné lors de ces journées (même si évidemment, certains ont trouvé que nous avions pris déjà beaucoup trop de place. Mais par rapport à qui ? Certainement pas par rapport aux hommes mais bien plutôt par rapport à leur représentation des femmes acceptables : silencieuses et les valorisant).

Mais ils n'ont même pas le courage de marquer dans leurs modalités d'adhésion qu'ils ne souhaitent pas l'intégration de féministes, d'où leurs pratiques tordues.

Plutôt que de me bâillonner, ils ont préféré m'exclure... c'était bien plus facile ! Je n'étais pas présente lors de l'AG où ils ont discuté de ma non intégration, mais lorsque je suis arrivée un peu plus tard, on me dit que je ne suis pas intégrée. Voilà, sans autre forme. J'ai donc dû demander pourquoi, on a insisté sur le fait que c'était une décision qui remportait le plus d'avis, et que je n'étais pas compatible avec les objectifs de LG. Je réitère en demandant si j'ai dérogé aux modalités d'adhésion, écrites en partie en mon honneur. LG n'a rien à me dire là-dessus.

C'est aussi lors de cette AG qu’une autre femme s'est vue répondre à propos du nombre de tâches ingrates qu'elle pouvait faire à LG, qu'on ne l'avait jamais obligée à le faire et que si elle faisait de la merde, c'est parce qu'elle l'avait choisie (en était une elle-même ?).
On nous a bien dit qu'on devrait être contentes, que si on était en banlieue, on verrait ce que c'est que le vrai sexisme ! Ah oui ? Parce que le vôtre, c'est quoi ? Un jeu peut-être, mais c'est bien connu, les féministes n'ont pas d'humour... et les immigrés, comme les pauvres sont les seuls machos ! L'un d'entre eux, le plus jeune, a aussi prix la peine de m'expliquer que l'exclusion, c'était mieux pour moi, que c'était pour mon bien.

C'est le même d'ailleurs que celui qui était devenu proféministe quand il était avec une copine féministe (un vrai conte de fées !), et puis il y a eu la rupture, décidée par elle. Aujourd'hui, celui-là même, bouffé par la haine il faut croire, incapable de mettre un peu de distance, est devenu l'un des pires anti-féministes haineux et réac à point. Je pourrais sortir nombre d'autres exemples. Ce qui m'importe plus, c'est d'essayer de donner un autre son de cloche sur le fonctionnement de LG, déjà pour ne pas subir passivement ce qui s'est passé. Les libertaires devraient quand même bien se douter que la réalité hégémonique est toujours celle des dominants, ici comme ailleurs. LG, un espace d'expérimentation libertaire ? Laissez-moi rire : une famille patriarcale oui, comme toute bonne famille.

C'est que ça fait 20 ans que ça dure cette histoire... Quelques livres féministes, quelques femmes alibies, et le tour est joué. La bonne conscience en prime et le renforcement des lois patriarcales. J'ai eu la chance de rencontrer quelques-unes de ces femmes qui avaient déjà vécu, bien des années auparavant, ce même sexisme (ce n'est pas LG qui m'en aurait parlé évidemment).

On peut toutefois en trouver quelques traces, comme dans Noir & Rouge n° 15/17 de 1990, où des féministes sont obligées de réexpliquer le bé-a-ba de l'analyse féministe du viol. Elles disaient alors : « nous trouvons dangereux et très grave que de plus en plus de journaux libertaires et alternatifs se fassent l'écho de théories répressives et régressives anti-féministes ». Pas de changement. Tout est resté dans l'état de domination d'avant. Certes, il n'y a pas d'hommes de gauche quand il s'agit des femmes.

C'est d'ailleurs assez hallucinant de voir à quel point tout le monde connaît l'existence des conflits entre LG et la Fédération Anarchiste alors que personne n'a entendu parler des divers clash qu'il y a eu avec des féministes.

Qui écrit l'histoire, même anarchiste ? Un numéro de LG sur les rapports sociaux de sexe, prévu depuis longtemps, plusieurs fois repoussé. Pas un seul texte émanant de la part de la famille. Mais comment le pourraient-ils ? Que pourraient-ils bien écrire à ce propos ? Ils ne reconnaissent toujours pas le pouvoir genré comme du pouvoir et l'ordre de la domination leur semble être le bon ordre des choses. Après 20 ans de discussions avec des féministes, après les nombreuses publications féministes, après ces 3 jours. Même pas un petit résumé de bouquin. RIEN.

J'allais faire la féministe de service au colloque de Toulouse. Mais comme on ne peut quand même pas laisser, même un seul atelier dans tout ce colloque, aux mains des féministes, nous voilà alors affublées d'un homme, dont le rapport au féminisme et aux femmes est loin d'être claire, nous inviter à laisser derrière nous le féminisme, comme en témoigne le titre original de la contribution (changé depuis) : « Dépassement des genres, au-delà du féminisme ». A ce propos, j'en profite pour dire à quel point j'ai été halluciné par l'affiche de ce colloque. Je ne l'ai certainement pas comprise, mais la représentation de la bonne famille hétéropatriarcale m'a provoqué quelques nausées. Les anars ont-ils pétés un boulon ? Finalement, la seule chose que nous ayons demandée à LG, c'est de ne pas être traitées comme des paillassons. Mais c'était de trop. Que conclure à cela ? J'ai demandé à une amie de me dire ce qu'elle en pensait. Voici ce qu'elle m'a dit, je n'ai rien à rajouter:
" Je ne pense pas qu'il soit possible d'écrire et de penser une conclusion à un comportement aussi réactionnaire. Si ce genre de réactions venaient du Front National, les mêmes auraient appelé à l'émeute, comme quoi, tout est finalement possible. C'est peut-être sur le finalement possible que l'on pourrait discuter. Quoi de plus lamentable, de plus crade, de plus sérieusement dégueulasse, de plus vomitif en soi que les libertaires de tous poils et de tous ordres, sous leurs si jolis drapeaux noirs, ressemblent et agissent comme l'extrême droite. Quoi de plus innommable à les voir défiler contre finalement ce qu'ils appliquent en douce, dans leurs propres collectifs, envers les femmes qui espèrent encore ne pas être considérées comme des potiches.
Quoi de pire que d'être cachés sous des étiquettes révolutionnaires et à ce titre, se comporter de façon si abjecte ? Non. Finalement, pas de conclusion. "

A toutes celles, femmes et lesbiennes, qui n'ont jamais pu se sentir à l'aise à La Gryffe, même pour y être seulement venues chercher quelques bouquins, à celles pourtant libertaires, qui n'ont jamais pu, à cause du machisme, militer dans des groupes libertaires, à toutes celles qui en sont parties, dégoûtées de l'anarchisme.

Corinne Monnet


De la mâlerie à La Gryffe.

La librairie libertaire La Gryffe semble bénéficier d'une solide renommée dans le milieu libertaire, voire au-delà dit-on.

Depuis vingt et un ans elle survit. Mais comment ? Que s'y passe-t-il derrière la façade ? Rien de particulier. Un peu la même chose qu'ailleurs dans la société française. Malgré son étiquette libertaire elle ne me semble plus très différente ou en rupture avec le monde environnant comme j'ai pu le croire auparavant.

Naïvement.

Il y a avant tout, surtout et toujours les chefs. Pas des chefs avec des étiquettes de chefs bien sûr puisque la librairie se veut libertaire mais quand même des chefs. Ils sont là depuis le début et ont réussi à y rester d'une façon plutôt que d'une autre. C'est leur passe temps favori, un hobby comme il y en a tant d'autres. Il y cultivent plusieurs fois par semaine leurs légumes libertaires. Et ils ont leurs petites habitudes. Un bon saucisson et du pinard à midi et le pastis à l'heure de l'apéro.

Ils sont satisfaits de leur jardin. Tout y est comme il leur plaît et ça tourne comme ça leur plaît. Alors pas question que des petits jeunes et surtout des petites jeunes y changent quelque chose. Pas question de se remettre en cause plus que pour la forme libertaire. C'est leur jardin et si ça ne nous plaît pas, on n'a qu'à aller voir ailleurs. C'est comme ça.

Malheureusement tout ceci n'est pas affiché à l'intérieur ou noté dans le cahier commun. Ca se devine, ça se pressent ou ça s'apprend à la dure. La parole des uns compte plus que celle des autres surtout quand les autres ne sont pas masculins et hétérosexuels et profs et âgés. Les engagements ne comptent pas de la même façon pour tou-te-s. Les décisions ne se prennent pas quand les chefs ne sont pas là.

Les règles inexistantes existent de temps en temps quand ça leur sert. Mais pas question de tomber dans le légalisme, il faut pouvoir être flexible selon le moment, selon l'intérêt en jeu.

C'est ainsi que j'ai appris qu'il est interdit à La Gryffe d'exprimer sa solidarité et son soutien à une action féministe libertaire critiquant la domination masculine lors des journées libertaires. Ca s'appelle du 'sabotage', de la ‘rupture du contrat moral' même si on était un des rares à avoir préparé ces fameuses journées.

Par contre il est conseillé pour être bien vu par les chefs de condamner publiquement en tant que membre de La Gryffe cette même intervention.

De même il est extrêmement mal vu de critiquer ouvertement en réunion la chefferie et les rapports de domination au sein du collectif. Car nous sommes tous égaux. (Ca concerne aussi les femmes bien sûr, hein !) Ca ne se fait pas d'analyser et de critiquer les rapports de domination et d'exploitation au sein du collectif. Voyons. Ou comme l'exprimait si bien un des sous-chefs serviables " Il ne faut pas voir le pouvoir partout ! " Ca lui a valu beaucoup de reconnaissance de la part des chefs... il est bien aimé lui. Il en a de la chance...

Il est encore plus mal vu d'exprimer ses critiques par écrit et de les diffuser. Malgré l'accord explicite de toutes les personnes présentes durant la réunion et l'annonce dans la revue La Griffe de la disponibilité du texte 'Anarchaféminisme et libéralisme libertaire' refusé de publication car il heurtait la sensibilité d'un chef mais publié sans aucun problème dans des revues suisses ou néerlandaises, j'ai progressivement été prié d'aller voir ailleurs.

Dans une première étape un chef et sous- chef ont commencé à diffuser publiquement une lettre personnelle d'une membre féministe du collectif. Cette lettre m'avait été envoyée bien auparavant, un échange avait eu lieu entre elle et moi et l'histoire était close. Mais dans l'intérêt supérieur de la boutique, cette lettre a été photocopiée à des dizaines d'exemplaires et distribuée publiquement. Sans autorisation de celle qui l'avait écrite. Et à des buts totalement autres que ceux pour lesquels la lettre avait été écrite. Mais sans scrupules, chef et sous-chef ont continué à diffuser cette lettre tandis que son auteure était en vacances...

Courageux non ? A son retour, cette membre a de suite retiré cette lettre de la table de diffusion et protesté contre cette utilisation abusive. Mais No problem, pas d'auto-exclusion pas de mise en retrait, pas de discussion, pas d'excuses . Ce que fait un chef est par définition au dessus de tout soupçon.

Mais je ne suis pas un chef ou sous-chef, du coup la diffusion de mon texte à mené à ce qu'ils appellent l'auto-exclusion. Ca non plus je ne connaissais pas. L'auto-exclusion. C'est probablement l'autogestion appliqué au licenciement arbitraire. Ca plairait énormément aux PDG : " Madame vous vous êtes auto-licenciée pour refus de soumission servile !" Une lettre m'a donc été envoyé par le collectif mentionnant " Sans que personne ne se soit opposé à cette décision, la majorité des présent-e-s a estimé que tu ne faisais plus partie du collectif. " suivi d'un PS " peux-tu nous faire passer rapidement ton trousseau de clés ?" Voilà, c'est simple. Je me suis viré. Je suis le seul et unique responsable de mon exclusion.

Eux, les chefs et sous-chefs serviables n'y sont pour rien. Ils sont bien, vraiment bien. Des anarchistes (donc pas possible qu'ils fassent quelques fois parti du problème). Le problème ? Ils se servent des gens comme de la main d'oeuvre jetable. Ainsi a-t-on pu entendre lors d'une réunion un des chefs dire " S., tu pourrais faire ça demain, de toute façon tu n'as rien de mieux à faire. " Et ça n'a choqué personne, c'est passé inaperçu. On se sert du vide existentiel des gens dans l'intérêt supérieur de la boutique. C'est cool. Et après on s'étonne qu'il y ait des libertaires qui ont envie de se foutre en l'air...

Ils aiment beaucoup que les femmes participent à leur boutique : ça fait bien. Par exemple, à la comptabilité. Mais pas question qu'elles l'ouvrent trop ou qu'elles espèrent être écoutées et respectées. Surtout lorsqu'elles parlent de ce qui les touche directement : le mépris et la violence de la part des hommes libertaires en particulier des chefs et sous-chefs du collectif. Ca ne se discute pas car comme l'écrivent ces joyeux lascars " les rapports de domination inclus dans les rapports homme/femme comme tous les autres rapports de domination. ne peuvent pas être résolus localement à l'intérieur d'un collectif quel qu'il soit ". Alors pourquoi en parler ? 'Fermez vos gueules et continuez à nous écouter. Non mais faut quand même pas exagérer ! Tu te rends compte elles veulent qu'on se remette en cause. Nous, des anars expérimentés et tout. Pff ...

Alors on vire tout ce qui gêne. Celui-ci on l'auto-exclut, celle-là on refuse de l'intégrer en inventant des nouvelles règles d'intégration, les deux autres on leur demande de se désolidariser des autres et de nous lécher les pieds plein de gratitude et celle-là, on s'en fout. Elle vaut même pas le temps d'en parler.

Et je ne parle même pas de touTEs celles et ceux qui sont parties dégoûtées après les journées libertaires - dans le désintérêt général... .

Voilà une brève impression toute subjective de cette librairie 'libertaire'. Je vous ai épargné le pire. Le lynchage collectif, les insultes gratuites, le mépris et l'opportunisme, l'art de se taire, les coups par derrière et bien d' autres techniques de fonctionnement nanars. Et ça revendique l'anarchisme, le refus de l'autorité et de la domination. Ils me dégoûtent profondément avec leurs aires satisfaits et indignés. Ces anars qui refusent de prendre en compte leur classe sociale, blancheur, masculinité, hétérosexualité, âge et surtout leur égoïsme mais qui savent par contre très bien ce qu'est l'Anarchisme Pluriel et Diversifié où toutEs ont le droit de s'exprimer, de respirer et de participer également à un mouvement libertaire. Et après il y en a (les mêmes) qui vont se plaindre que les NoirEs, les Femmes, les Homos, les personnes issues de classe ouvrière ne participent pas à leurs jeujeux...

Pour finir en beauté, voici ce qu'un des sous-chefs voire futurs chefs affirme. Il lutte pour les sans-papiers. Mais pas avec les sans-papiers, car " si tu bosses avec des sans- papiers, tu n'arrives à rien. Ca ne fait que foutre de la merde. " Ca promet pour la révolution.
Elle se fera sans moi cette révolution libertaire.

Je vous emmerde, chefs et sous-chefs 'libertaires' enivrés par vos privilèges.

léo vidal




La position de Anne Laure

Quelques bribes de réponses à la question du pourquoi par Anne-Laure
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Ce qui s’est passé… par Anne-Laure
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D'une librairie à l'autre, du féminisme en milieu hostile par Anne-Laure
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Démission de la FA par une anarcha féministe de Lyon Les libertaires et le féminisme (un exemple parmi d'autres) Sophie

http://federationanar1997.free.fr/

Les effets de cette lettre de démission

http://federationanar1997.free.fr/les_effets_de_ce_courrier.htm


Les réactions à mon égard des co-fondatrices de la commission femmes, suite à cette exclusion

http://federationanar1997.free.fr/sororite.htm





Voir les écrits d'autres personnes concernant ces événements et aussi ceux survenus à la librairie la gryffe

Dossier “La Gryffe”: de l’antiféminisme en milieu libertaire...

http://1libertaire.free.fr/DossierLaGryffe.html