"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google
Au fil de soi
Michel Onfray

Origine : http://chrysalide44.free.fr/dotclear/index.php?2005/04/16/207-michel-onfray

Michel Onfray – Philosophe

Que l'on soit ou non d'accord avec ses énoncés, ce philosophe a au moins le mérite de nous faire nous poser des questions.

Je l'ai découvert lors de la retransmission de ses cours à l'Université de Caen sur France Culture en Juillet 2004.

(Entretien Nicolas Bourcier et Yann Plougastel pour le Monde 2 à l’occasion de son livre « Traité d’athéologie ».)

En philosophie, la « mort de Dieu » a été annoncée depuis longtemps. Pourtant notre époque serait celle de son retour. Comment expliquez-vous cela ?

Plusieurs choses. Nous vivons la fin d’un monde et l’avènement d’un nouveau. Singulièrement, notre époque ressemble à la fin de l’Empire romain. On sait ce que l’on quitte, cette espèce d’Europe occidentale assez puissante. C’est d’ailleurs parce que l’Europe est morte que l’on essaie de la fabriquer politiquement. Quant à l’avènement d’un nouveau monde, on pense qu’il sera dominé par l’ultra libéralisme américain. Nous sommes dans cette période intermédiaire. Et le clivage des deux civilisations génère une angoisse. Une angoisse existentielle personnelle collective, communautaire. Un terreau extraordinaire pour l’irrationnel. Nous ne sommes plus dans la raison, l’intelligence, la politique déductive, comme dirait Sartre. C’est l’appel au sentiment, au ventre, aux instincts. Et cela marche. Bien sûr, le gens ne vont plus à l’église, mais ils deviennent très souvent d’irrationnel, de réponses mystiques, de New Age.

La plupart des chrétiens considèrent néanmoins cette période comme athée ?

Oui, mais moi, j’appellerais cela nihiliste.

Pourquoi ?

On confond athéisme et nihilisme. Le nihilisme de notre époque, c’est l’absence de sens. Les gens ne savent plus à quoi ressemblent la politique, la morale, leur corps, leur femme, leur mari, leurs enfants, l’éducation. Ils sont de gauche et votent Chirac ou pour l’Europe. Cette absence de boussole est le signe du nihilisme. Il n’y a pas d’athéisme. Les gens se font toujours enterrer à l’église, participent une ou deux fois par an à des messes, globalement, on baptise encore. Le christianisme n’est pas fini, il fonde encore notre pensée. Nous pensons encore en chrétiens. Le corps face à la maladie, à la douleur est encore chrétien. La justice l’est aussi. Elle part du principe que nous sommes doués d’un libre arbitre […]

Vous dites que la religion procède de la pulsion de mort, expliquez-vous.

La religion nous pousse à détester ici-bas sous prétexte que ce serait mieux dans l’au-delà. Selon elle, il y aurait des arrière-mondes préférables à la vie sur terre. D’où cette logique issue des trois monothéismes et de toutes les religions d’une manière générale qui nous dit que, pour mériter une vie éternelle, il nous faut vivre aujourd’hui comme si nous étions déjà morts. Pas de plaisir, pas de pulsion, pas de corps, pas de chair… que des péchés !.

Quel étrange paradoxe que de nous faire préférer la pulsion de mort à la pulsion de vie. Depuis l’existence du monothéisme, on nous fâche avec la vie sous prétexte que c’est le prix à payer pour une vie au-delà qui, elle, serait parfaite. […]

Vous vous interrogez sur l’âme et l’esprit. Mais aussi sur le corps. La perception du corps a-t-elle changé ces dernières années ?

On a cru qu’il y avait une libération ces dernières décennies, mais le corps est resté chrétien. Il faut le déchristianiser. Tout était devenu possible avec la révolution de mai 1968, tout et n’importe quoi. Il s’en est suivi un nihilisme de la chair, un nihilisme sexuel. Un des grands effets de cette révolution métaphysique est d’avoir été récupéré par une révolution politique. Nous sommes dans le retour du libéralisme. Et que dit-il à propos du corps ? Il reprend le schéma platonicien et chrétien, celui d’un corps performant. C’est la suite du corps glorieux, pour reprendre l’expression d’un saint Augustin. C’est un corps qui n’est pas un corps. Il doit souffrir, payer. Le corps est redevenu un faux ami contre lequel il faut lutter. Moins il y aura de corps et mieux cela sera.

Dès que l’on boit deux verres de vin on est alcoolique, dès que l’on fume, on est intoxiqué. En revanche, dès que l’on prend des antidépresseurs et des anxiolytiques, personne ne dit rien. C’est encore le triomphe de la pulsion de mort. Toutes ces publicités qui présentent des femmes sublimes, ces icônes irréelles, ces photos de corps numériques qui n’existent pas… les femmes les regardent en disant « mon corps ne ressemble pas à cela. » on fabrique une sorte d’idéal du moi, un idéal platonicien, qui nous place dans le corps chrétien, un corps qui fait souffrir.

Quand on est un penseur comme vous, comment s’extraire de cette omniprésence d’une pensée ou d’un corps chrétien ?

Ma chance, c’est ma névrose. J’étais très sensible à la douleur et la souffrance sociale de mes parents. Je m’étais promis, enfant, de ne jamais l’oublier. De rester fidèle à cela. Je n’ai jamais trop aimé les histoires qu’on racontait aux sans-grade pour les tenir en laisse. Les arguments d’autorité, de force pour contraindre les gens. J’ai eu la chance de mener une existence à côté de tout cela. Je sais bien que je suis privilégié. Il y a deux courants dans l’histoire de la philosophie : d’un côté Diogène et Sartre, de l’autre, Platon et Aron.

Il y a les philosophes qui mangent à la table des grands, qui votent avec le pouvoir, qui défendent le monde comme il va et qui en gros, se moquent de la misère des pauvres. Pour ma part, je ne compose pas avec le monde tel qu’il est.


Michel Onfray démissionne en 2002 de l’éducation nationale. Il fonde dans la foulée l’Université Populaire de Caen (UP) (ouverte à tous sans inscription). L’idée est simple : rendre compréhensible le savoir au plus grand nombre. L’enseignement est sans obligation et sans sanction. Michel Onfray s’est inspiré des universités populaires, créées au moment de l’affaire Dreyfus par un ouvrier libertaire, Georges Deherme. Partant du principe que l’antisémitisme procédait d’un manque d’information et de réflexion, il a voulu faire se rencontrer les intellectuels et la classe ouvrière

Extrait du Monde 2 – Avril 2005


Citations de M. Onfray :

“L’authentique travail philosophique consiste à découvrir la supercherie, à la dénoncer et à pratiquer une pédagogie du désespoir” (Cynismes, p55)

“Plus que jamais, la tâche de la philosophie est de résister, plus que jamais elle exige l’insurrection et la rébellion, plus que jamais elle se doit d’incarner les vertus de l’insoumission” (Cynismes, p132)

“Tout système philosophique où le Corps de l’homme ne joue pas un rôle fondamental, est inepte, inapte.” (L’art de jouir, p89)

 

Par chrysalide samedi 16 avril 2005


Le samedi 16 avril 2005 à 17:27, par Robin

Je suis heureux de voir que chez vous, il y en a qui pensent et qui agissent. Ici au Québec, j'ai l'impression qu'il y a très peu de penseurs, mais beaucoup d'agisseurs imbéciles dans nos gouvernements. Ou sont passés les philosophes?


Le dimanche 17 avril 2005 à 10:31, par chrysalide

> Robin : Michel Onfray est très atypique. Pour expliquer plus avant le personnage :

Autres extraits du Monde 2 :

"Michel Onfray explique : "la vie est une polémique, c'est la guerre au sens noble du terme". Il y a des barricades partout. Il faut être d'un camp ou de l'autre.". ...

Onfray, grâce à son sens du récit, sa capacité à vulgariser une pensée complexe, sa façon sympa de rendre accessible la dialectique, devient vite un des philosophes les plus médiatiques de France....

Michel Onfray, c'est l'anti Da Vinci Code. A l'heure de l'internet et du téléphone portable, il s'insurge contre une série de cerveaux, qualifiés de "préhistoriques", qui ont recours à une pensée magique pour justifier tous les coups bas du temps présent. Aux arrières-mondes et à la nuit des complots ourdis par des organisations secrètes, il préfère la rationalité des Lumières, celle de Diderot et de Condorcet. Et rêve d'un homme postmoderne, donc post-chrétien, qui aurait retrouvé sa "subjectivité païenne" ... Il revendique un "matérialisme hédoniste".

Rebelle et jouisseur, ce résistant a l'air du temps peut, dans un même mouvement, célébrer le sauterne et saluer le génie colérique de Pierre Bourdieur. Pour ce "libertin solaire" (par opposition au "libertin féodal" représenté par le marquis de Sade), la quête du plaisir relève d'un impératif métaphysique : "je pense qu'on a une énergie et qu'elle est à sculpter, à former, à produire dans un réel qui lui donne sens. La recherche du plaisir est une occasion de célébrer la puissance qui nous habite et qui nous fait être ce que nous sommes dans une perspective tragique"."


Le dimanche 17 avril 2005 à 16:21, par cherif

ok ces bient de voire de la philo sociale dans le coint

enfin voici mon blog les gars soyer nombreux

merci chrysalide

/monde.blogg.org


Le lundi 18 avril 2005 à 06:41, par Robin

Vraiment, il mériterait que je me paie une lecture d'un de ses bouquins. T'en as un à suggérer?


Le lundi 18 avril 2005 à 08:05, par chrysalide

>Cherif : bienvenue à toi.

> Robin : tu peux aller sur le site officiel de Michel Onfray et choisir parmi la liste en fonction du thème qui t'intéresserait. S'il me fallait n'en choisir qu'un ce serait celui là : "La théorie du corps amoureux". (Pour une érotique solaire) : voir là
Tu peux également aller chez Wikipédia et avoir accès en fin de page à des cours qu'il a donnés à l'Université de Caen (téléchargements audio très longs même en ADSL). Je te conseillerai "la sagesse tragique".


Le mardi 19 avril 2005 à 09:54, par Vincent

> Robin: Comme Chrysalide, je te recommenderais "La théorie du corps amoureux", histoire de déterminer de quelle nature tu es dans tes relations sentimentales (hérisson, plie...), et puis il y a aussi la "Politique du rebelle", sur comment peut-on vivre dans un monde pareil. Bref, de bons moments en perspective.


Le mardi 19 avril 2005 à 18:38, par Robin

Je viens de passer en librairie. Le seul qu'ils avaient, ces emmerdeurs de Renaud-Bray, c'était "Traité d'athéologie", qui m'intéresse beaucoup. C'est son prix qui m'intéresse moins...


Le mercredi 20 avril 2005 à 15:25, par chrysalide :: email

> Robin : Ils le vendent à combien dans ta librairie ?

Heureusement que les bibliothèques et médiathèques existent, même si acheter un livre pour pouvoir le lire et le relire à l'envi est un véritable plaisir. Toutefois, en général, impossible d'y trouver les derniers livres sortis, une seule solution alors, les acheter.

Et là, effectivement, dès l'ouverture de la porte de la librairie, l'odeur du papier me happe et je n'arrive plus à en sortir, y restant des heures sans aucun souci de l'horloge. Comme d'autres ne peuvent résister devant une boulangerie ou une boutique de vêtements, je me laisse séduire et reviens bien chargée de mes flâneries littéraires.

Quand on sait que le moindre bouquin coûte 15 € minimum, je te laisse deviner le montant extravagant (pour mon budget) de ces emplettes. Je ne m'y rends qu'une fois tous les trimestres pour éviter le gouffre ;-)


Le mercredi 20 avril 2005 à 20:34, par Robin

Ils le vendent pour 33 dollars canadiens, ce qui n'est pas SI horrible, mais qui est quand même hors-budget pour l'instant.

On semble être pris de la même maladie des librairies. J'ai travaillé en librairie pendant près de 4 ans, et j'ai dû y laisser le quart de ma paye!

Je crois n'avoir jamais loué un livre à la bibliothèque. J'ai cette folie, cette maladie, la "collectionnite aïgue", qui m'oblige à acheter tout ce que je lis, quitte à le revendre. Aussi, j'aime bien prendre le temps que je veux pour lire un bouquin et ne pas m'inquiéter de l'abîmer. Je n'arrive même pas à me faire prêter un livre par quelqu'un!

Mais j'achèterai sous peu du Michel Onfray. Il me semble très accessible et avoir des idées fort appréciables.


Le jeudi 21 avril 2005 à 22:30, par chrysalide

> Robin : je reviens de la FNAC, la théorie du corps amoureux et la politique du rebelle sont à 5 et 6 € en format poche. Donc, voilà, j'ai encore craqué. Mais à ce prix là, c'est raisonnable ! ;-)

Un lien qui me semble très intéressant sur son dernier livre "traité d'athéologie" : http://1libertaire.free.fr/MOnfray14.html , en attendant que tu l'achètes