Origine : http://chrysalide44.free.fr/dotclear/index.php?2005/04/16/207-michel-onfray
Michel Onfray – Philosophe
Que l'on soit ou non d'accord avec ses énoncés, ce
philosophe a au moins le mérite de nous faire nous poser
des questions.
Je l'ai découvert lors de la retransmission de ses cours
à l'Université de Caen sur France Culture en Juillet
2004.
(Entretien Nicolas Bourcier et Yann Plougastel pour le Monde 2
à l’occasion de son livre « Traité d’athéologie
».)
En philosophie, la « mort de Dieu » a été
annoncée depuis longtemps. Pourtant notre époque serait
celle de son retour. Comment expliquez-vous cela ?
Plusieurs choses. Nous vivons la fin d’un monde et l’avènement
d’un nouveau. Singulièrement, notre époque ressemble
à la fin de l’Empire romain. On sait ce que l’on
quitte, cette espèce d’Europe occidentale assez puissante.
C’est d’ailleurs parce que l’Europe est morte
que l’on essaie de la fabriquer politiquement. Quant à
l’avènement d’un nouveau monde, on pense qu’il
sera dominé par l’ultra libéralisme américain.
Nous sommes dans cette période intermédiaire. Et le
clivage des deux civilisations génère une angoisse.
Une angoisse existentielle personnelle collective, communautaire.
Un terreau extraordinaire pour l’irrationnel. Nous ne sommes
plus dans la raison, l’intelligence, la politique déductive,
comme dirait Sartre. C’est l’appel au sentiment, au
ventre, aux instincts. Et cela marche. Bien sûr, le gens ne
vont plus à l’église, mais ils deviennent très
souvent d’irrationnel, de réponses mystiques, de New
Age.
La plupart des chrétiens considèrent néanmoins
cette période comme athée ?
Oui, mais moi, j’appellerais cela nihiliste.
Pourquoi ?
On confond athéisme et nihilisme. Le nihilisme de notre
époque, c’est l’absence de sens. Les gens ne
savent plus à quoi ressemblent la politique, la morale, leur
corps, leur femme, leur mari, leurs enfants, l’éducation.
Ils sont de gauche et votent Chirac ou pour l’Europe. Cette
absence de boussole est le signe du nihilisme. Il n’y a pas
d’athéisme. Les gens se font toujours enterrer à
l’église, participent une ou deux fois par an à
des messes, globalement, on baptise encore. Le christianisme n’est
pas fini, il fonde encore notre pensée. Nous pensons encore
en chrétiens. Le corps face à la maladie, à
la douleur est encore chrétien. La justice l’est aussi.
Elle part du principe que nous sommes doués d’un libre
arbitre […]
Vous dites que la religion procède de la pulsion
de mort, expliquez-vous.
La religion nous pousse à détester ici-bas sous prétexte
que ce serait mieux dans l’au-delà. Selon elle, il
y aurait des arrière-mondes préférables à
la vie sur terre. D’où cette logique issue des trois
monothéismes et de toutes les religions d’une manière
générale qui nous dit que, pour mériter une
vie éternelle, il nous faut vivre aujourd’hui comme
si nous étions déjà morts. Pas de plaisir,
pas de pulsion, pas de corps, pas de chair… que des péchés
!.
Quel étrange paradoxe que de nous faire préférer
la pulsion de mort à la pulsion de vie. Depuis l’existence
du monothéisme, on nous fâche avec la vie sous prétexte
que c’est le prix à payer pour une vie au-delà
qui, elle, serait parfaite. […]
Vous vous interrogez sur l’âme et l’esprit.
Mais aussi sur le corps. La perception du corps a-t-elle changé
ces dernières années ?
On a cru qu’il y avait une libération ces dernières
décennies, mais le corps est resté chrétien.
Il faut le déchristianiser. Tout était devenu possible
avec la révolution de mai 1968, tout et n’importe quoi.
Il s’en est suivi un nihilisme de la chair, un nihilisme sexuel.
Un des grands effets de cette révolution métaphysique
est d’avoir été récupéré
par une révolution politique. Nous sommes dans le retour
du libéralisme. Et que dit-il à propos du corps ?
Il reprend le schéma platonicien et chrétien, celui
d’un corps performant. C’est la suite du corps glorieux,
pour reprendre l’expression d’un saint Augustin. C’est
un corps qui n’est pas un corps. Il doit souffrir, payer.
Le corps est redevenu un faux ami contre lequel il faut lutter.
Moins il y aura de corps et mieux cela sera.
Dès que l’on boit deux verres de vin on est alcoolique,
dès que l’on fume, on est intoxiqué. En revanche,
dès que l’on prend des antidépresseurs et des
anxiolytiques, personne ne dit rien. C’est encore le triomphe
de la pulsion de mort. Toutes ces publicités qui présentent
des femmes sublimes, ces icônes irréelles, ces photos
de corps numériques qui n’existent pas… les femmes
les regardent en disant « mon corps ne ressemble pas à
cela. » on fabrique une sorte d’idéal du moi,
un idéal platonicien, qui nous place dans le corps chrétien,
un corps qui fait souffrir.
Quand on est un penseur comme vous, comment s’extraire
de cette omniprésence d’une pensée ou d’un
corps chrétien ?
Ma chance, c’est ma névrose. J’étais
très sensible à la douleur et la souffrance sociale
de mes parents. Je m’étais promis, enfant, de ne jamais
l’oublier. De rester fidèle à cela. Je n’ai
jamais trop aimé les histoires qu’on racontait aux
sans-grade pour les tenir en laisse. Les arguments d’autorité,
de force pour contraindre les gens. J’ai eu la chance de mener
une existence à côté de tout cela. Je sais bien
que je suis privilégié. Il y a deux courants dans
l’histoire de la philosophie : d’un côté
Diogène et Sartre, de l’autre, Platon et Aron.
Il y a les philosophes qui mangent à la table des grands,
qui votent avec le pouvoir, qui défendent le monde comme
il va et qui en gros, se moquent de la misère des pauvres.
Pour ma part, je ne compose pas avec le monde tel qu’il est.
Michel Onfray démissionne en 2002 de l’éducation
nationale. Il fonde dans la foulée l’Université
Populaire de Caen (UP) (ouverte à tous sans inscription).
L’idée est simple : rendre compréhensible le
savoir au plus grand nombre. L’enseignement est sans obligation
et sans sanction. Michel Onfray s’est inspiré des universités
populaires, créées au moment de l’affaire Dreyfus
par un ouvrier libertaire, Georges Deherme. Partant du principe
que l’antisémitisme procédait d’un manque
d’information et de réflexion, il a voulu faire se
rencontrer les intellectuels et la classe ouvrière
Extrait du Monde 2 – Avril 2005
Citations de M. Onfray :
“L’authentique travail philosophique consiste à
découvrir la supercherie, à la dénoncer et
à pratiquer une pédagogie du désespoir”
(Cynismes, p55)
“Plus que jamais, la tâche de la philosophie est de
résister, plus que jamais elle exige l’insurrection
et la rébellion, plus que jamais elle se doit d’incarner
les vertus de l’insoumission” (Cynismes, p132)
“Tout système philosophique où le Corps de
l’homme ne joue pas un rôle fondamental, est inepte,
inapte.” (L’art de jouir, p89)
Par chrysalide samedi 16 avril 2005
Le samedi 16 avril 2005 à 17:27, par Robin
Je suis heureux de voir que chez vous, il y en a qui pensent et
qui agissent. Ici au Québec, j'ai l'impression qu'il y a
très peu de penseurs, mais beaucoup d'agisseurs imbéciles
dans nos gouvernements. Ou sont passés les philosophes?
Le dimanche 17 avril 2005 à 10:31, par chrysalide
> Robin : Michel Onfray est très atypique. Pour expliquer
plus avant le personnage :
Autres extraits du Monde 2 :
"Michel Onfray explique : "la vie est une polémique,
c'est la guerre au sens noble du terme". Il y a des barricades
partout. Il faut être d'un camp ou de l'autre.". ...
Onfray, grâce à son sens du récit, sa capacité
à vulgariser une pensée complexe, sa façon
sympa de rendre accessible la dialectique, devient vite un des philosophes
les plus médiatiques de France....
Michel Onfray, c'est l'anti Da Vinci Code. A l'heure de l'internet
et du téléphone portable, il s'insurge contre une
série de cerveaux, qualifiés de "préhistoriques",
qui ont recours à une pensée magique pour justifier
tous les coups bas du temps présent. Aux arrières-mondes
et à la nuit des complots ourdis par des organisations secrètes,
il préfère la rationalité des Lumières,
celle de Diderot et de Condorcet. Et rêve d'un homme postmoderne,
donc post-chrétien, qui aurait retrouvé sa "subjectivité
païenne" ... Il revendique un "matérialisme
hédoniste".
Rebelle et jouisseur, ce résistant a l'air du temps peut,
dans un même mouvement, célébrer le sauterne
et saluer le génie colérique de Pierre Bourdieur.
Pour ce "libertin solaire" (par opposition au "libertin
féodal" représenté par le marquis de Sade),
la quête du plaisir relève d'un impératif métaphysique
: "je pense qu'on a une énergie et qu'elle est à
sculpter, à former, à produire dans un réel
qui lui donne sens. La recherche du plaisir est une occasion de
célébrer la puissance qui nous habite et qui nous
fait être ce que nous sommes dans une perspective tragique"."
Le dimanche 17 avril 2005 à 16:21, par cherif
ok ces bient de voire de la philo sociale dans le coint
enfin voici mon blog les gars soyer nombreux
merci chrysalide
/monde.blogg.org
Le lundi 18 avril 2005 à 06:41, par Robin
Vraiment, il mériterait que je me paie une lecture d'un
de ses bouquins. T'en as un à suggérer?
Le lundi 18 avril 2005 à 08:05, par chrysalide
>Cherif : bienvenue à toi.
> Robin : tu peux aller sur le site officiel de Michel Onfray
et choisir parmi la liste en fonction du thème qui t'intéresserait.
S'il me fallait n'en choisir qu'un ce serait celui là : "La
théorie du corps amoureux". (Pour une érotique
solaire) : voir là
Tu peux également aller chez Wikipédia et avoir accès
en fin de page à des cours qu'il a donnés à
l'Université de Caen (téléchargements audio
très longs même en ADSL). Je te conseillerai "la
sagesse tragique".
Le mardi 19 avril 2005 à 09:54, par Vincent
> Robin: Comme Chrysalide, je te recommenderais "La théorie
du corps amoureux", histoire de déterminer de quelle
nature tu es dans tes relations sentimentales (hérisson,
plie...), et puis il y a aussi la "Politique du rebelle",
sur comment peut-on vivre dans un monde pareil. Bref, de bons moments
en perspective.
Le mardi 19 avril 2005 à 18:38, par Robin
Je viens de passer en librairie. Le seul qu'ils avaient, ces emmerdeurs
de Renaud-Bray, c'était "Traité d'athéologie",
qui m'intéresse beaucoup. C'est son prix qui m'intéresse
moins...
Le mercredi 20 avril 2005 à 15:25, par chrysalide :: email
> Robin : Ils le vendent à combien dans ta librairie
?
Heureusement que les bibliothèques et médiathèques
existent, même si acheter un livre pour pouvoir le lire et
le relire à l'envi est un véritable plaisir. Toutefois,
en général, impossible d'y trouver les derniers livres
sortis, une seule solution alors, les acheter.
Et là, effectivement, dès l'ouverture de la porte
de la librairie, l'odeur du papier me happe et je n'arrive plus
à en sortir, y restant des heures sans aucun souci de l'horloge.
Comme d'autres ne peuvent résister devant une boulangerie
ou une boutique de vêtements, je me laisse séduire
et reviens bien chargée de mes flâneries littéraires.
Quand on sait que le moindre bouquin coûte 15 € minimum,
je te laisse deviner le montant extravagant (pour mon budget) de
ces emplettes. Je ne m'y rends qu'une fois tous les trimestres pour
éviter le gouffre ;-)
Le mercredi 20 avril 2005 à 20:34, par Robin
Ils le vendent pour 33 dollars canadiens, ce qui n'est pas SI
horrible, mais qui est quand même hors-budget pour l'instant.
On semble être pris de la même maladie des librairies.
J'ai travaillé en librairie pendant près de 4 ans,
et j'ai dû y laisser le quart de ma paye!
Je crois n'avoir jamais loué un livre à la bibliothèque.
J'ai cette folie, cette maladie, la "collectionnite aïgue",
qui m'oblige à acheter tout ce que je lis, quitte à
le revendre. Aussi, j'aime bien prendre le temps que je veux pour
lire un bouquin et ne pas m'inquiéter de l'abîmer.
Je n'arrive même pas à me faire prêter un livre
par quelqu'un!
Mais j'achèterai sous peu du Michel Onfray. Il me semble
très accessible et avoir des idées fort appréciables.
Le jeudi 21 avril 2005 à 22:30, par chrysalide
> Robin : je reviens de la FNAC, la théorie du corps
amoureux et la politique du rebelle sont à 5 et 6 €
en format poche. Donc, voilà, j'ai encore craqué.
Mais à ce prix là, c'est raisonnable ! ;-)
Un lien qui me semble très intéressant sur son dernier
livre "traité d'athéologie" : http://1libertaire.free.fr/MOnfray14.html
, en attendant que tu l'achètes
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