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Se défendre
Un inédit de Michel Foucault

Origine : http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=6191

Voici un texte écrit par Michel Foucault pour les premières assises de la défense libre, à La Sainte Baume(près d’Aix-en-Provence), du 23 au 26 mai 1980. Foucault en est le seul auteur mais il a été cosigné par Jean Lapeyrie, Dominique Nocaudie et les avocats du réseau défense libre, Henry Juramy, Christian Revon et Jacques Vergès.

Diffusé début mai 2012


En complément => Quelques archives de la lutte pour la défense libre http://infokiosques.net/IMG/pdf/archives_defense_libre_pageparpage.pdf
« Se défendre », « Vous avez la parole » et « Projet de plateforme pour une défense libre » ont été publiés dans la brochure Pour la défense libre, document préparatoire aux premières assises de la Défense libre qui se sont tenues à la Sainte Baume (près d’Aix-en-Provence), du 23 au 26 mai 1980.
« Défense insoumise » est extrait le numéro 2 (octobre 1980, p. 6) du CAP/Revue de la stratégie judiciaire, publié par le CAP-J (Comité d’Action Prison-Justice).
« Un prévenu pourra se défendre sans avocat, dossier en main » a été publié par Béatrice Vallaeys dans Libération, le 24 mai 1982.
« La roue de justice (ou les luttes des justiciables pour accéder au dossier) », Dominique Nocaudie, est extrait de La défense libre au tribunal (Paris, éd. vrac, 1983) de Frédéric Joyeux.
Sous le titre « De la stratégie judiciaire », est reproduit ici la Préface de Michel Foucault à la deuxième édition de l’ouvrage de Jacques Vergès, De la stratégie judiciaire (Paris, Éd. de Minuit, 1981). La version que nous proposons est celle qui a été republiée dans le quatrième tome des Dits et Écrits de Michel Foucault (Paris, Gallimard, 1994).

=> Préface à la deuxième édition J Vergès "De la stratégie judiciaire" Michel Foucault Dits Ecrits tome IV texte n°290  http://1libertaire.free.fr/MFoucault250.html

1 - Evitons d’abord le problème ressassé du réformisme et de l’anti-réformisme. Nous n’avons pas à prendre en charge les institutions qui ont besoin d’être transformée. Nous avons à nous défendre tant et si bien que les institutions soient contraintes de se réformer. L’initiative doit donc venir de nous, non pas sous forme de programme mais sous forme de mise en question et sous forme d’action.

2 - Ce n’est pas parce qu’il y a des lois, ce n’est pas parce que j’ai des droits que je suis habilité à me défendre ; c’est dans la mesure où je me défends que mes droits existent et que la loi me respecte. C’est donc avant tout la dynamique de la défense qui peut donner aux lois et aux droits une valeur pour nous indispensable. Le droit n’est rien s’il ne prend vie dans la défense qui le provoque ; et seule la défense donne, valablement, force à la loi.

3 - Dans l’expression « Se défendre », le pronom réfléchi est capital. Il s’agit en effet d’inscrire la vie, l’existence, la subjectivité et la réalité même de l’individu dans la pratique du droit. Se défendre ne veut pas dire s’auto défendre. L’auto-défense, c’est vouloir se faire justice soi-même, c'est-à-dire s’identifier à une instance de pouvoir et prolonger de son propre chef leurs actions. Se défendre, au contraire, c’est refuser de jouer le jeu des instances de pouvoir et se servir du droit pour limiter leurs actions. Ainsi entendue, la défense a valeur absolue. Elle ne saurait être limitée ou désarmée par le fait que la situation était pire autrefois ou pourrait être meilleure plus tard. On ne se défend qu’au présent : l’inacceptable n’est pas relatif.

4 - Se défendre demande donc à la fois une activité, des instruments et une réflexion. Une activité : il ne s’agit pas de prendre en charge la veuve et l’orphelin mais de faire en sorte que les volontés existantes de se défendre puissent venir au jour. De la réflexion : se défendre est un travail qui demande analyse pratique et théorique. Il lui faut en effet la connaissance d’une réalité souvent complexe qu’aucun volontarisme ne peut dissoudre. Il lui faut ensuite un retour sur les actions entreprises, une mémoire qui les conserve, une information qui les communique et un point de vue qui les mettent en relation avec d’autres. Nous laisserons bien sûr à d’autres le soin de dénoncer les « intellectuels ». Des instruments : on ne va pas les trouver tout faits dans les lois, les droits et les institutions existantes mais dans une utilisation de ces données que la dynamique de la défense rendra novatrice.