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Daniel Welzer-Lang, faux ami du féminisme
par Brochure antimasculiniste
mars 2010

origine : http://lgbti.un-e.org/spip.php?article80

Daniel Welzer-Lang (DWL) est un sociologue spécialisé dans l’étude des hommes et du masculin. Après avoir été membre de l’équipe de recherche sur les rapports sociaux de sexe, SIMONE-SAGESSE, à l’Université Toulouse-Le Mirail (UTM), il en a démissionné suite à de nombreux témoignages d’étudiantes sous sa direction, faisant état de pressions de l’ordre du harcèlement sexuel et moral. Il a ensuite intégré le Centre d’études des rationalités et des savoirs (Cers-CNRS), toujours à l’UTM.

Le parcours de DWL représente bien le double-jeu politique typique d’hommes influents soit-disant « amis » des féministes. Cherchant à développer un courant proféministe, refusant de rendre des comptes aux féministes, il a tenu des propos de plus en plus ambigus vis-à-vis du mouvement qu’il était censé soutenir. Le fait de s’être présenté à un poste de professeur de sociologie fléché « Rapports sociaux de sexe – Travail, genre et société » à l’UTM, et de l’obtenir contre d’autres chercheuses féministes en dit également beaucoup sur son « proféminisme ».

Fin 2006, il porte plainte pour diffamation contre l’Association Nationale des Études Féministes (ANEF) à propos d’un texte intitulé « Chantage et abus de pouvoir à l’université ». Ce texte désigne nommément DWL comme auteur de harcèlement sexuel sur des étudiantes, de mise en danger d’étudiantes lors d’enquêtes de terrain particulièrement anxiogènes et risquées pour elles (échangisme, naturisme et voyeurisme) [1]. Il porte également plainte contre l’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au travail (AVFT) pour la diffusion d’une lettre ouverte au Président de l’UTM qui dénonçait ses pratiques de harcèlement sexuel. Finalement, la plainte contre les responsables de l’ANEF a été déclarée nulle, et les militant-e-s de l’AVFT ont été relaxées [2].

Chantage et abus de pouvoir dans les universités le cas de Daniel Weltzer Lang
Chantage et abus de pouvoir dans les universités le cas de Daniel Weltzer Lang

Dans ses écrits, Daniel Welzer-Lang développe une pensée qui s’éloigne des théories féministes matérialistes, théories qu’il présente comme étant à la base de sa réflexion, qu’il continue de citer comme référence. La rupture avec ces analyses apparaît clairement quand il décrit le patriarcat comme un système extérieur aux individus hommes, insiste sur les coûts de la domination pour les dominants, et sur leurs hiérarchies internes. Il se centre uniquement sur les hommes, sur leurs besoins et leurs « difficultés » à être des hommes. Cette diversion lui permet alors de présenter les hommes comme un groupe « culturel », et non pas comme une classe dont les membres ont en commun d’avoir des pratiques oppressantes pour les femmes. Au fil de ses publications, il est possible de lire des affirmations qui rompent avec le féminisme matérialiste, ainsi que des propos et revendications masculinistes [3] :

* les groupes de sexe ne sont pas homogènes, donc il n’y a pas de classe de sexe (pp. 110-111) ;

* DWL déforme la critique de la naturalité des rapports femmes-hommes [4] pour dire qu’il n’y a que des rapports statistiques entre sexe et genre... ; ce qui signifie qu’il appartient au mythe de la violence masculine domestique d’affirmer que ce sont, la plupart du temps, les hommes qui sont violents (p. 62) ;

* l’apprentissage de la masculinité se réalise par des souffrances, des abandons, qui produisent l’« aliénation masculine » et la « prison de genre » ; il est nécessaire pour DWL d’« accéder à un nouvel état d’homme », libéré de la « virilité obligatoire » (pp. 53 et 94) ;

* la transformation des rapports femmes-hommes passe impérativement (donc en premier lieu) par la transformation des rapports entre dominants (p. 109) ;

* il appelle à étudier les hommes et à les intégrer dans les équipes de recherches féministes, et dénonce l’ « absence » d’études sur les hommes dans les enquêtes féministes, qui serait due à un « enfermement » de ces chercheuses dans le féminisme matérialiste (pp.112-113).

Si on compare une interview parue en 1998 [5] et son dernier livre publié en 2009 [6], on voit bien que les positions masculinistes qu’il défend ouvertement aujourd’hui étaient déjà présentes, mais exprimées dans des supports moins diffusés. Dans ce livre, il pourfend le « moralisme » et la « victimologie », genre d’ennemi flou bien pratique qui laisse à penser que les dominées... domineraient la société. Un exemple, en page 17 : « Le moralisme a remplacé l’analyse par une représentation qui nous fait penser que ceux qui ont hérité du pouvoir sont des mauvais, des « salops ». Et que les victimes, pauvres créatures innocentes, seraient bonnes par nature, et surtout qu’elles auraient toujours raison. ».

Discours masculiniste ? Certainement, mais pas nouveau. En 1998, il montait déjà au créneau contre les discours plus radicaux que les siens, pour défendre « le masculin » et déformer au passage les propos du Collectif masculin contre le sexisme [7] :

« Cela ne sert à rien d’avoir des groupes d’auto-pénitents qui nous sortent sans arrêt "tout ce que je fais, c’est mal parce que je suis un homme". On a une tendance comme celle-là qui est le Collectif masculin contre le sexisme au Québec, qui se dit d’ailleurs proféministe, qui dit "de toute façon les hommes ce sont tous des oppresseurs et des violents et des batteurs de femmes, parlons des femmes". (...) il faut changer et dire que dans le masculin, dans les valeurs masculines, il y a des choses positives (...) Il n’y a pas les bonnes et les salauds, c’est une vision du monde que je trouve, pour le moins, un peu réduite. » [8]

Toujours dans cette interview, il caricature la prise de conscience, par les hommes, de leur comportement patriarcal, en disant :

« [La rupture] passe par une accession au fait qu’on puisse dire qu’on merde mais après il faut dépasser ça » [9]

Autrement dit, un dominant décrète lui-même qu’il n’ira pas trop loin ou trop longtemps dans la remise en cause de sa domination. Ce qu’il réaffirme plus tard dans son livre, au chapitre « la culpabilité d’être un mec », en ajoutant que si les hommes se remettent « trop » profondément en question, cela entraîne des conséquences négatives pour leur santé. Ainsi, en pages 144-145 :

« La culpabilité a souvent été un moment pionnier dans nos changements, un passage. Parfois, nous ne l’avons pas quittée. Logiquement, nous avons alors adhéré à la victimologie ambiante [...] Mais comment s’aimer, vivre, si on méprise tous les hommes ? Comment exister si nos discours, notre imaginaire consistent à nier toute une partie de nous-mêmes ? Certains d’entre nous en viennent au suicide. »

DWL fait ici référence aux critiques de plusieurs (pro-)féministes, dont Léo Thiers-Vidal, qui s’est donné la mort en 2007. L’ interprétation est ici odieuse et malhonnête : en somme, son suicide aurait été causé par son « excès » d’exigences, qui aurait produit un « malaise » et une « culpabilité » ingérables. DWL instrumentalise le geste de Léo Thiers-Vidal pour disqualifier son discours et ses pratiques (son suicide prouve qu’il avait tort), et donc ses critiques envers DWL... Cette manipulation était déjà explicite sur son blog [10] où il avait écrit un billet concernant le décès de Léo Thiers-Vidal [11]. En utilisant lui aussi la tactique du détournement de suicide, courante chez les masculinistes [12], il signe clairement son abandon du proféminisme de façade derrière lequel il avançait jusque-là.

Enfin, deux derniers éléments marquent clairement son ralliement au masculinisme :

* il signe en 2007 la pétition lancée par Éric Verdier, Manifeste citoyen pour les garçons, les hommes et les pères ;

* le site masculiniste « la-cause-des-hommes » a remarqué que DWL faisait des concessions à son discours : "De nouvelles concessions : il découvre enfin, sans trop les dénoncer, les injustices liées à la marginalisation des pères divorcés et aux fausses accusations contre les hommes : il aura fallu trente ans !" [13]

Notes

[1] Ce texte est disponible sur le site de l’ANEF : http://www.anef.org/fiche_actu.php.id=74 Extrait : « Dans le milieu des études féministes, la dénonciation collective de la promotion de Daniel Welzer- Lang en raison de "désaccords déontologiques" a pu apparaître comme un euphémisme puisque plusieurs témoignages, écrits et oraux, font état de situations de harcèlement sexuel, de harcèlement moral, d’abus d’autorité et d’atteinte à la dignité des personnes de la part de cet enseignant-chercheur sur des étudiant-e-s et des salarié-e-s sur des contrats de recherche menés sous sa direction, tant à l’université que dans le cadre de l’association "Les Traboules". »

[2] Lire le compte-rendu de l’audience et du jugement à cette adresse : http://www.anef.org/fiche_actu.php?id=86

[3] Léo Thiers-Vidal, De « L’Ennemi Principal » aux principaux ennemis. Position vécue, sujectivité et conscience masculine de domination, thèse de doctorat en sociologie, sous la direction de Christine Delphy, École Normale Supérieure – Lettres Sciences Humaines, Lyon, 2007.

[4] En somme, il n’y a pas de « nature » ou d’« essence » masculine ou féminine.

[5] Daniel Welzer-Lang, « Déconstruction du masculin / entretiens pour Courant alternatif », Courant alternatif, n° 77, Reims, 1998. Paru aussi sous le format brochure : Interview de D. Welzer-Lang & présentation du réseau Européen d’Hommes Proféministes, Courant alternatif, 1998. Xpression Direkt, 2003. [16p A5], pour la commander écrire à hobolo arobase no-log.org.

[6] Daniel Welzer-Lang, Nous, les mecs. Essai sur le trouble actuel des hommes, Payot, 2009.

[7] http://www.er.uqam.ca/nobel/m243124/collectif_masculin_contre_le_sexisme.htm

[8] Interview de D. Welzer-Lang & présentation du réseau Européen d’Hommes Proféministes, Courant alternatif, 1998. Xpression Direkt, 2003, p.11.

[9] Idem

[10] (http://) daniel.welzer-lang.over-blog.fr/article-13856384.html vu le 23 décembre 2009.

[11] Extraits : « Au-delà de l’émotion — lui qui depuis plusieurs années a déversé une haine bilieuse sur mon compte et mon travail de recherche — son suicide pose problème. (...) Est-ce que la « mise en oeuvre de l’épistémologie féministe matérialiste du standpoint » par des hommes, leur « handicap épistémologique » ne peuvent aboutir qu’à mettre fin à ses jours ? (...) Depuis de nombreuses années, nous essayons d’attirer l’attention des autorités et de l’opinion publique sur l’importance de la problématique suicidaire chez les personnes socialisées comme hommes, comme dominants. Invariablement, des gens, dont Léo, nous ont accusé d’être alors des affreux réactionnaires tentant de mettre en doute les questionnements féministes. Léo était un homme. Lui aussi a adopté ce geste viril et définitif. La secte des hommes-qui-refusent-de-vivre, ceux qui veulent donner des leçons aux autres hommes, ceux qui récusent les contradictions, paradoxes et dynamiques de l’évolution des rapports de genre, doivent faire leur examen de conscience. »

[12] Pour en savoir plus, voir Brochure antimasculiniste, « Le suicide des hommes : l’exemple québécois » http://lgbti.un-e.org/spip.php?article79

[13] (www).la-cause-des-hommes.com/spip.php ?article71