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origine : http://lgbti.un-e.org/spip.php?article80
Daniel Welzer-Lang (DWL) est un sociologue spécialisé
dans l’étude des hommes et du masculin. Après
avoir été membre de l’équipe de recherche
sur les rapports sociaux de sexe, SIMONE-SAGESSE, à l’Université
Toulouse-Le Mirail (UTM), il en a démissionné suite
à de nombreux témoignages d’étudiantes
sous sa direction, faisant état de pressions de l’ordre
du harcèlement sexuel et moral. Il a ensuite intégré
le Centre d’études des rationalités et des savoirs
(Cers-CNRS), toujours à l’UTM.
Le parcours de DWL représente bien le double-jeu politique
typique d’hommes influents soit-disant « amis »
des féministes. Cherchant à développer un courant
proféministe, refusant de rendre des comptes aux féministes,
il a tenu des propos de plus en plus ambigus vis-à-vis du
mouvement qu’il était censé soutenir. Le fait
de s’être présenté à un poste de
professeur de sociologie fléché « Rapports sociaux
de sexe – Travail, genre et société »
à l’UTM, et de l’obtenir contre d’autres
chercheuses féministes en dit également beaucoup sur
son « proféminisme ».
Fin 2006, il porte plainte pour diffamation contre l’Association
Nationale des Études Féministes (ANEF) à propos
d’un texte intitulé « Chantage et abus de pouvoir
à l’université ». Ce texte désigne
nommément DWL comme auteur de harcèlement sexuel sur
des étudiantes, de mise en danger d’étudiantes
lors d’enquêtes de terrain particulièrement anxiogènes
et risquées pour elles (échangisme, naturisme et voyeurisme)
[1]. Il porte également plainte contre l’Association
européenne contre les Violences faites aux Femmes au travail
(AVFT) pour la diffusion d’une lettre ouverte au Président
de l’UTM qui dénonçait ses pratiques de harcèlement
sexuel. Finalement, la plainte contre les responsables de l’ANEF
a été déclarée nulle, et les militant-e-s
de l’AVFT ont été relaxées [2].
Chantage et abus de pouvoir dans les universités le cas de
Daniel Weltzer Lang
Chantage et abus de pouvoir dans
les universités le cas de Daniel Weltzer Lang
Dans ses écrits, Daniel Welzer-Lang développe une
pensée qui s’éloigne des théories féministes
matérialistes, théories qu’il présente
comme étant à la base de sa réflexion, qu’il
continue de citer comme référence. La rupture avec
ces analyses apparaît clairement quand il décrit le
patriarcat comme un système extérieur aux individus
hommes, insiste sur les coûts de la domination pour les dominants,
et sur leurs hiérarchies internes. Il se centre uniquement
sur les hommes, sur leurs besoins et leurs « difficultés
» à être des hommes. Cette diversion lui permet
alors de présenter les hommes comme un groupe « culturel
», et non pas comme une classe dont les membres ont en commun
d’avoir des pratiques oppressantes pour les femmes. Au fil
de ses publications, il est possible de lire des affirmations qui
rompent avec le féminisme matérialiste, ainsi que
des propos et revendications masculinistes [3] :
* les groupes de sexe ne sont pas homogènes, donc il n’y
a pas de classe de sexe (pp. 110-111) ;
* DWL déforme la critique de la naturalité des rapports
femmes-hommes [4] pour dire qu’il n’y a que des rapports
statistiques entre sexe et genre... ; ce qui signifie qu’il
appartient au mythe de la violence masculine domestique d’affirmer
que ce sont, la plupart du temps, les hommes qui sont violents (p.
62) ;
* l’apprentissage de la masculinité se réalise
par des souffrances, des abandons, qui produisent l’«
aliénation masculine » et la « prison de genre
» ; il est nécessaire pour DWL d’« accéder
à un nouvel état d’homme », libéré
de la « virilité obligatoire » (pp. 53 et 94)
;
* la transformation des rapports femmes-hommes passe impérativement
(donc en premier lieu) par la transformation des rapports entre
dominants (p. 109) ;
* il appelle à étudier les hommes et à les
intégrer dans les équipes de recherches féministes,
et dénonce l’ « absence » d’études
sur les hommes dans les enquêtes féministes, qui serait
due à un « enfermement » de ces chercheuses dans
le féminisme matérialiste (pp.112-113).
Si on compare une interview parue en 1998 [5] et son dernier livre
publié en 2009 [6], on voit bien que les positions masculinistes
qu’il défend ouvertement aujourd’hui étaient
déjà présentes, mais exprimées dans
des supports moins diffusés. Dans ce livre, il pourfend le
« moralisme » et la « victimologie », genre
d’ennemi flou bien pratique qui laisse à penser que
les dominées... domineraient la société. Un
exemple, en page 17 : « Le moralisme a remplacé l’analyse
par une représentation qui nous fait penser que ceux qui
ont hérité du pouvoir sont des mauvais, des «
salops ». Et que les victimes, pauvres créatures innocentes,
seraient bonnes par nature, et surtout qu’elles auraient toujours
raison. ».
Discours masculiniste ? Certainement, mais pas nouveau. En 1998,
il montait déjà au créneau contre les discours
plus radicaux que les siens, pour défendre « le masculin
» et déformer au passage les propos du Collectif masculin
contre le sexisme [7] :
« Cela ne sert à rien d’avoir des groupes d’auto-pénitents
qui nous sortent sans arrêt "tout ce que je fais, c’est
mal parce que je suis un homme". On a une tendance comme celle-là
qui est le Collectif masculin contre le sexisme au Québec,
qui se dit d’ailleurs proféministe, qui dit "de
toute façon les hommes ce sont tous des oppresseurs et des
violents et des batteurs de femmes, parlons des femmes". (...)
il faut changer et dire que dans le masculin, dans les valeurs masculines,
il y a des choses positives (...) Il n’y a pas les bonnes
et les salauds, c’est une vision du monde que je trouve, pour
le moins, un peu réduite. » [8]
Toujours dans cette interview, il caricature la prise de conscience,
par les hommes, de leur comportement patriarcal, en disant :
« [La rupture] passe par une accession au fait qu’on
puisse dire qu’on merde mais après il faut dépasser
ça » [9]
Autrement dit, un dominant décrète lui-même
qu’il n’ira pas trop loin ou trop longtemps dans la
remise en cause de sa domination. Ce qu’il réaffirme
plus tard dans son livre, au chapitre « la culpabilité
d’être un mec », en ajoutant que si les hommes
se remettent « trop » profondément en question,
cela entraîne des conséquences négatives pour
leur santé. Ainsi, en pages 144-145 :
« La culpabilité a souvent été un moment
pionnier dans nos changements, un passage. Parfois, nous ne l’avons
pas quittée. Logiquement, nous avons alors adhéré
à la victimologie ambiante [...] Mais comment s’aimer,
vivre, si on méprise tous les hommes ? Comment exister si
nos discours, notre imaginaire consistent à nier toute une
partie de nous-mêmes ? Certains d’entre nous en viennent
au suicide. »
DWL fait ici référence aux critiques de plusieurs
(pro-)féministes, dont Léo Thiers-Vidal, qui s’est
donné la mort en 2007. L’ interprétation est
ici odieuse et malhonnête : en somme, son suicide aurait été
causé par son « excès » d’exigences,
qui aurait produit un « malaise » et une « culpabilité
» ingérables. DWL instrumentalise le geste de Léo
Thiers-Vidal pour disqualifier son discours et ses pratiques (son
suicide prouve qu’il avait tort), et donc ses critiques envers
DWL... Cette manipulation était déjà explicite
sur son blog [10] où il avait écrit un billet concernant
le décès de Léo Thiers-Vidal [11]. En utilisant
lui aussi la tactique du détournement de suicide, courante
chez les masculinistes [12], il signe clairement son abandon du
proféminisme de façade derrière lequel il avançait
jusque-là.
Enfin, deux derniers éléments marquent clairement
son ralliement au masculinisme :
* il signe en 2007 la pétition lancée par Éric
Verdier, Manifeste citoyen pour les garçons, les hommes et
les pères ;
* le site masculiniste « la-cause-des-hommes » a remarqué
que DWL faisait des concessions à son discours : "De
nouvelles concessions : il découvre enfin, sans trop les
dénoncer, les injustices liées à la marginalisation
des pères divorcés et aux fausses accusations contre
les hommes : il aura fallu trente ans !" [13]
Notes
[1] Ce texte est disponible sur le site de l’ANEF :
http://www.anef.org/fiche_actu.php.id=74 Extrait : « Dans
le milieu des études féministes, la dénonciation
collective de la promotion de Daniel Welzer- Lang en raison de "désaccords
déontologiques" a pu apparaître comme un euphémisme
puisque plusieurs témoignages, écrits et oraux, font
état de situations de harcèlement sexuel, de harcèlement
moral, d’abus d’autorité et d’atteinte
à la dignité des personnes de la part de cet enseignant-chercheur
sur des étudiant-e-s et des salarié-e-s sur des contrats
de recherche menés sous sa direction, tant à l’université
que dans le cadre de l’association "Les Traboules".
»
[2] Lire le compte-rendu de l’audience et du jugement à
cette adresse : http://www.anef.org/fiche_actu.php?id=86
[3] Léo Thiers-Vidal, De « L’Ennemi Principal
» aux principaux ennemis. Position vécue, sujectivité
et conscience masculine de domination, thèse de doctorat
en sociologie, sous la direction de Christine Delphy, École
Normale Supérieure – Lettres Sciences Humaines, Lyon,
2007.
[4] En somme, il n’y a pas de « nature » ou d’«
essence » masculine ou féminine.
[5] Daniel Welzer-Lang, « Déconstruction du masculin
/ entretiens pour Courant alternatif », Courant alternatif,
n° 77, Reims, 1998. Paru aussi sous le format brochure : Interview
de D. Welzer-Lang & présentation du réseau Européen
d’Hommes Proféministes, Courant alternatif, 1998. Xpression
Direkt, 2003. [16p A5], pour la commander écrire à
hobolo arobase no-log.org.
[6] Daniel Welzer-Lang, Nous, les mecs. Essai sur le trouble actuel
des hommes, Payot, 2009.
[7] http://www.er.uqam.ca/nobel/m243124/collectif_masculin_contre_le_sexisme.htm
[8] Interview de D. Welzer-Lang & présentation du réseau
Européen d’Hommes Proféministes, Courant alternatif,
1998. Xpression Direkt, 2003, p.11.
[9] Idem
[10] (http://) daniel.welzer-lang.over-blog.fr/article-13856384.html
vu le 23 décembre 2009.
[11] Extraits : « Au-delà de l’émotion
— lui qui depuis plusieurs années a déversé
une haine bilieuse sur mon compte et mon travail de recherche —
son suicide pose problème. (...) Est-ce que la « mise
en oeuvre de l’épistémologie féministe
matérialiste du standpoint » par des hommes, leur «
handicap épistémologique » ne peuvent aboutir
qu’à mettre fin à ses jours ? (...) Depuis de
nombreuses années, nous essayons d’attirer l’attention
des autorités et de l’opinion publique sur l’importance
de la problématique suicidaire chez les personnes socialisées
comme hommes, comme dominants. Invariablement, des gens, dont Léo,
nous ont accusé d’être alors des affreux réactionnaires
tentant de mettre en doute les questionnements féministes.
Léo était un homme. Lui aussi a adopté ce geste
viril et définitif. La secte des hommes-qui-refusent-de-vivre,
ceux qui veulent donner des leçons aux autres hommes, ceux
qui récusent les contradictions, paradoxes et dynamiques
de l’évolution des rapports de genre, doivent faire
leur examen de conscience. »
[12] Pour en savoir plus, voir Brochure antimasculiniste, «
Le suicide des hommes : l’exemple québécois
» http://lgbti.un-e.org/spip.php?article79
[13] (www).la-cause-des-hommes.com/spip.php
?article71
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