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Origine http://fr.wikipedia.org/wiki/Biopolitique
Biopolitique est un néologisme formé par Michel Foucault
pour identifier une forme d'exercice du pouvoir qui porte, non plus
sur les territoires mais sur la vie des gens, sur des populations.
Il a été repris et développé depuis
par Giorgio Agamben.
Biopolitique et discipline
L'intégration du vivant dans la politique
La « biopolitique » naît publiquement à
Rio de Janeiro en octobre 1974, lors d'une série de cours
sur « La médecine sociale ». Certains de ces
cours ont été publiés et se trouvent dans les
Dits et écrits :* M. Foucault, « La naissance de la
médecine sociale », p. 207-228, in Dits et écrits,
t. 2, Paris, Gallimard, 2001.* M. Foucault, « L'incorporation
de l'hôpital dans la technologie moderne », p. 508-521,
in Dits et écrits, t. 2, Paris, Gallimard, 2001.
Michel Foucault recourt à un modèle, le différentiel
de traitement des épidémies de lèpre et de
peste, qui sera repris au Collège de France (le 15 janvier
1975), et qui se retrouve dans Surveiller et punir (inaugurant le
chapitre « Le panoptisme »), publié au début
de l'année 1975. À trois reprises en quelques mois,
Foucault use de la même figure, à chaque fois différemment.
Une constante toutefois : il y voit l'illustration du passage d'un
type de pouvoir à un autre. À chaque fois, il relève
que ce nouveau type de pouvoir prend en compte et s'exerce sur le
corps et sur la vie, à la différence du plus ancien
qui s'appliquait, selon le modèle juridique, sur les sujets.
Foucault va tantôt mettre l'accent sur la prise en compte
de la vie, et développer la genèse de la bio-politique,
tantôt souligner la surveillance individualisante, et mettra
en avant l'émergence du pouvoir disciplinaire.
Lèpre et exclusion
Au Moyen Âge, la lèpre se soigne par l'exclusion du
lépreux. Considérée comme un châtiment
de Dieu, la maladie inspire une véritable terreur. Au cours
d'une cérémonie, la separatio leprosorum, le lépreux
est déclaré mort civilement et exclu de la communauté.
Dans certains diocèses, il assiste même, dissimulé,
au simulacre de sa propre inhumation avant de rejoindre la léproserie.
Cette exclusion, géographique, civile, de la communauté
physique lui assure son inclusion, culturelle et divine. «
Le pêcheur qui abandonne le lépreux à sa porte
lui ouvre le salut » (M. Foucault, Histoire de la folie à
l'âge classique, Paris, Gallimard, 1976, p. 16.). Le lépreux
part habiter l'espace qu'occupe la léproserie dans la géographie
physique et sociale : aux portes de la ville. Au bord des villes,
non pas à l'intérieur mais non plus exactement en
dehors de l'espace social et humain. De même que son exclusion
de l'ordre humain ouvre au lépreux l'inclusion sotériologique,
la léproserie insiste, dans sa visibilité marginale,
à rappeler en permanence cette séparation et cette
malédiction divine, la puissance du divin.
La topographie qui met en rapport dialectique la ville et la léproserie
répète la topologie de la relation du lépreux
et de la communauté. Soit une séparation nette : la
communauté d'un côté et de l'autre, sans contact,
mais en rapport, la masse indistincte de ceux qui en ont été
rejetés : les lépreux.
Séparation, division binaire signent le souverain.
Peste et surveillance
Lorsque la peste se déclarait dans une ville, une série
de mesures était donnée qu'il fallait suivre, «
sous peine de la vie » (M. Foucault, Surveiller et punir,
Paris, Gallimard, 1975, p. 197.) qui visait à mettre la population
sous la plus étroite surveillance possible. La ville et ses
alentours étaient fermés (dans sa lecture, Foucault
ne va pas tellement insister sur ce point), avec interdiction d'en
sortir. Le territoire mis en quarantaine était partagé
en districts, les districts étaient partagés en quartiers,
puis dans ces quartiers on isolait les rues, et il y avait dans
chaque rue des surveillants, dans chaque quartier des inspecteurs,
dans chaque district des responsables de district et dans la ville
elle-même soit un gouverneur nommé à cet effet,
soit encore les échevins qui avaient reçu, au moment
de la peste, un supplément de pouvoir (M. Foucault, Les anormaux,
Paris, Seuil/Gallimard, 1999, p. 42).
Les animaux errants étaient tués. Chaque habitant
devait se faire recenser. Une fois le recensement et le partage
du territoire achevés, chacun devait s'enfermer chez soi,
toutes les clefs étaient rassemblées. Plus personne
n'avait le droit de sortir et de circuler dans la ville. Un dispositif
était prévu pour l'alimentation (réserves faites,
système d'approvisionnement par paniers et poulies pour les
denrées périssables).
Ville immobilisée. Dans ce territoire isolé, à
cette population paralysée dans la quarantaine, on appliquait
des mesures de surveillance quadrillée.
« Plus personne ne pouvait circuler, à l'exception
des inspecteurs, des soldats, des intendants et des « corbeaux
» : des misérables devant porter les malades, enterrer
les morts, nettoyer les lieux infectés, etc. dont la mort
ne comptait pas. »
Quotidiennement, les inspecteurs passaient devant chacune des maisons
dont ils avaient la charge et chaque habitant devait se présenter
à une fenêtre (si possible, une fenêtre spécifique
pour chacun). Les présents étaient notés. Si
quelqu'un ne se présentait pas à la fenêtre,
c'est qu'il était malade, ou bien mort. Les inspecteurs avaient
également pour tâche de surveiller que personne ne
sortît et de noter tous les événements, toutes
les réclamations, toutes les remarques. Chaque jour, ils
transmettaient au chef de district l'ensemble des informations relevées.
Vérification permanente de la vitalité de chacun
dans la communauté figée. Émergence de la relation
pouvoir/savoir.
La population est captée par le pouvoir politique qui cherche
à en surveiller et à en maîtriser la santé.
On note les morts, les malades, les événements de
toute sorte. La ville est immobilisée et la population soumise
à un enregistrement continu de son état. Chacun est
surveillé, contrôlé, en permanence. La finalité
de cette situation, c'est de maintenir la population à son
maximum de vie. Dans le même temps, ce qui est différent,
l'espace social, au niveau le plus fin des individus, est contrôlé
en permanence.
Naissance de la biopolitique
Dans l'attention à la vie de la population tel qu'il est
mis en évidence dans la quarantaine, M. Foucault voit les
débuts de ce qu'il va appeler la biopolitique. Il s'agit
de la prise en compte progressive, par le pouvoir, de la vie de
la population. Cela ne veut pas dire simplement un groupe humain
nombreux, mais des êtres vivants traversés, commandés,
régis par des processus, des lois biologiques. Une population
a un taux de natalité, une pyramide des âges, une morbidité,
elle peut périr ou bien au contraire se développer
(M. Foucault, « Les mailles du pouvoir », in Dits et
écrits, t. 2, Paris, Gallimard, 2001, p. 1012). C'est une
application à optimiser la force collective. Et c'est ainsi
que l'on peut lire le dispositif de la quarantaine : maximaliser
la vie de la population. De cette prise en compte de la population,
de nouveaux types de problèmes vont se poser comme ceux de
l'habitat, des conditions de vie dans une ville, de l'hygiène
publique, de la modification du rapport entre natalité et
mortalité.
La biopolitique serait pour Michel Foucault, l'action concertée
de la puissance commune sur l'ensemble des sujets, en tant qu'êtres
vivants, sur la vie de la population, considérée comme
une richesse de la puissance commune devant être l'objet d'attention
en vue de la faire croître et d'en accroître la vitalité.
« Les mailles du pouvoir »
En 1976, à Salvador de Bahia, M. Foucault reprend l'analyse
du fonctionnement réel du pouvoir à l'aide des catégories
de biopolitique et de discipline (ou anatomo-politique) qu'il avait
commencé deux ans plus tôt à Rio de Janeiro.
Au regard des intérêts du capitalisme, le vieux «
système de pouvoir » souverain présentait deux
grands défauts.* « ...le pouvoir politique, tel qu'il
s'exerçait dans le corps social, était un pouvoir
très discontinu », trop de choses lui échappaient
(la plupart des choses en réalité : des activités
de contrebande, des délits, etc.) : les mailles étaient
trop grandes. D'où une première préoccupation
: réduire la taille de celles-ci. Comment « ...passer
d'un pouvoir lacunaire, global, à un pouvoir continu, atomique
et individualisant : que chacun, que chaque individu en lui-même,
dans son corps, dans ses gestes, puisse être contrôlé,
à la place des contrôles globaux et de masse »
?* « Le second grand inconvénient des mécanismes
de pouvoir, tels qu'ils fonctionnaient dans la monarchie, est qu'ils
étaient excessivement onéreux. » Le pouvoir
« ...était essentiellement pouvoir de prélèvement
» : essentiellement percepteur et prédateur. Dans cette
mesure, il opérait toujours une soustraction économique
et, par conséquent, loin de favoriser et de stimuler le flux
économique, il était perpétuellement son obstacle
et son frein. D'où cette seconde préoccupation : «
trouver un mécanisme de pouvoir tel que, en même temps
qu'il contrôle les choses et les personnes jusqu'au moindre
détail, il ne soit pas onéreux ni essentiellement
prédateur pour la société, qu'il s'exerce dans
le sens du processus économique lui-même » (M.
Foucault, « Les mailles du pouvoir », op. cit., p. 1001-1020).
C'est à ces deux préoccupations que vont commencer
de répondre les dispositifs disciplinaires et biopolitiques.
Le dispositif de la quarantaine peut être compris comme une
des premières tentatives de contrôle fin au niveau
individuel. L'inconvénient étant son fort coût
et l'arrêt de toute activité économique, paralysie
de la ville. Comment alors concilier ce dispositif, parfait du point
de vue de la surveillance individualisée, avec l'activité
économique ? La réponse sera trouvée dans la
mise en place des institutions disciplinaires qui, en opérant
des sortes de quarantaines partielles mais de longue durée,
distribueront, répartiront les dispositifs de contrôle,
permettant la poursuite et même l'amélioration de l'activité
économique. Les différentes institutions disciplinaires
se raccordent par des réseaux de communication. Réseau
de systèmes durs de contrôle.
La direction que prend le pouvoir, qui correspond au passage d'un
pouvoir monarchique à un pouvoir bourgeois, est : contrôler
le plus finement possible, le plus économiquement possible,
plus vite aussi, de façon à favoriser le développement
économique.
Les sociétés disciplinaires auraient atteint leur
apogée au début du XXe siècle et un autre type
de société serait en train de leur succéder,
que Gilles Deleuze, en affirmant suivre Michel Foucault, nomme vers
la fin de sa vie les « sociétés de contrôle
».
Liens externes
Pour une redéfinition du concept de « Biopolitique
» par Maurizio Lazzarato
http://1libertaire.free.fr/RedefinirBioplitik.html
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