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« Une vie ne contient que des virtuels »
G. Deleuze
1. Dans un article précédent [1], nous affirmions
que ce n'est plus le « temps de travail » que l'économie
de l'information confisque et met au travail, mais le « temps
de vie ». Faisons un pas en avant et cherchons à définir
le concept de vie [2]. Foucault nous disait que le capitalisme se
caractérise par l'institution de techniques de pouvoir qu'il
qualifiait de « disciplinaires » et « bio-politiques
». Tandis que les premières avaient comme objet l'«
homme-corps », les secondes investissent l'« homme-espèce
». L'une comme l'autre s'adressent à « la multiplicité
des hommes » ; mais tandis que les premières transforment
la multiplicité en corps, les secondes s'adressent à
« la multiplicité des hommes, mais non pas en tant
qu'ils se résument en des corps, mais en tant qu'elle forme,
au contraire, une masse globale affectée de processus d'ensemble
qui sont propres à la vie, et qui sont des processus comme
la naissance, la mort, la production, la malédiction, etc.
» [3]. La technique bio-politique « installe les corps
à l'intérieur des processus biologiques d'ensemble
».
Qu'introduit de nouveau ce temps de vie, impliqué par le
post-fordisme, par rapport au concept de vie foucaldien ? Il me
semble qu'on peut répondre qu'il introduit non seulement
l'inorganique mais aussi et surtout une vie « a-organique
». Et par vie « a-organique », nous entendons
fondamentalement « le temps et ses virtualités ».
Non pas le temps abstrait, le temps-mesure, mais le temps-puissance,
le temps comme « source de création continuelle d'imprévisibles
nouveautés », « ce qui fait que tout se fait
», selon des expressions de Bergson.
Le concept de bio-politique doit comprendre non seulement les processus
biologiques de l'espèce mais aussi cette vie a-organique
qui est à son origine, comme elle est à l'origine
du vivant et du monde. Le capitalisme post-moderne nous l'impose,
parce que le « virtuel » (au sens bergsonien, et non
selon la vulgate cyber) devient le moteur de la créativité.
Un vitalisme « temporel » et non plus seulement «
organique », un vitalisme qui renvoie au virtuel et non exclusivement
aux processus biologiques.
2. Une première traduction sociologique de cette problématique
de la vie a-organique, du temps et de sa puissance constituante,
peut être apportée par le concept de « public
», tel qu'il apparaît déjà dans la société
disciplinaire. Selon Foucault, l'objet de la bio-politique est la
« population ». L'hypothèse que l'on pourrait
développer est que l'objet de la bio-politique doit comprendre
non seulement la « population » mais aussi le «
public ». Par public, nous entendons, très simplement,
le public de la presse, de la télévision ou des réseaux
informatiques [4]. Nous retenons le concept de public (« le
public est une foule dispersée où l'influence des
esprits les uns sur les autres est devenue une action à distance
» [5]) qui figure dans la sociologie de Gabriel Tarde ; entre
la fin du XIXème siècle et le début du XXème
siècle, en pleine offensive réactionnaire contre les
« foules » (le concept de foule exprime la peur que
suscite dans la bourgeoisie la naissance du mouvement ouvrier),
il écrivait : « je ne peux pas concéder, à
un écrivain vigoureux comme Le Bon, que notre époque
soit « l'ère des foules ». C'est l'ère
du public ou des publics, ce qui est bien différent. »
[6] La généalogie de ce concept est donc directement
liée à la nécessité de contrôler
les pratiques subversives (anarchistes et syndicales) qui explosent
en France à la fin du XIXème siècle [7].
C'est à travers sa présence dans le temps et non dans
l'espace que le public se constitue. La subordination de l'espace
au temps définit un bloc spatio-temporel qui s'incarne, selon
Tarde, dans les technologies de la vitesse, de la transmission,
de la contagion et de la propagation à distance. Alors que
les techniques disciplinaires se structurent fondamentalement dans
l'espace, les techniques de contrôle et de constitution du
public mettent au premier plan la question du temps et de ses virtualités.
3. Le concept foucaldien de bio-politique introduit déjà
clairement le problème du temps-durée. En effet, considérés
en eux-mêmes, les phénomènes qui caractérisent
une population « sont des phénomènes qui sont
aléatoires et imprévisibles, si on les prend donc
en eux-mêmes, individuellement, mais qui présentent,
au niveau collectif, des constantes qu'il est facile, ou en tout
cas possibles, d'établir. Et enfin, ce sont des phénomènes
qui se déroulent essentiellement dans la durée, qui
doivent être pris dans une certaine limite de temps plus ou
moins longue ; ce sont des phénomènes de série.
Ce à quoi va s'adresser la bio-politique, ce sont, en somme,
les événements aléatoires qui se produisent
dans une population prise dans sa durée. [8] ».
Foucault souligne surtout les caractères biologiques et de
pouvoir de ce concept de « population », qui ne peut
pourtant pas se constituer ni être saisi indépendamment
de certaines séries temporelles. Seul le concept de «
public » donne tout son sens à la dimension temporelle
que Foucault introduit dans la définition des relations sociales.
Ici, renvoyer aux processus biologiques de l'espèce n'aurait
pas de sens.
Les mécanismes « régulateurs » institués
par la bio-politique sont radicalement différents des mécanismes
disciplinaires, et renvoient de façon surprenante aux mécanismes
de régulation et de production du public. « Dans les
mécanismes mis en place par le bio-politique, il va s'agir
d'abord, bien sur, des prévisions, d'estimations statistiques,
de mesures globales, mais il va s'agir également, non pas
de modifier tel phénomène en particulier, non pas
tellement tel individu en tant qu'il est individu, mais essentiellement,
d'intervenir au niveau de ce que sont les déterminations
de ces phénomènes généraux, de ces phénomènes
dans ce qu'ils ont de global... Et il s'agit surtout d'établir
des mécanismes régulateurs qui, dans cette population
globale avec son champ aléatoire, vont pouvoir fixer une
moyenne, établir une sorte d'homéostasie, assurer
des compensations. » [9]
D'un côté, nous avons une technologie du dressage qui
individualise et singularise les corps comme organismes, et de l'autre
côté une technologie de la sûreté qui
redéploie les corps à l'intérieur de processus
d'ensemble. Foucault définit ces processus d'ensemble uniquement
en termes biologiques. Pourtant, les « mécanismes bio-politiques
» concernent tout autant la constitution du public, qui présente
lui aussi certains caractères aléatoires et imprévisibles
qui ne peuvent pas être saisis et réglés en
dehors de séries temporelles.
Si la régulation de la « population » nous conduit
à délaisser le couple disciplinaire « individu-masse
», le concept de public, lui, nous amène définitivement
sur un autre registre. « Les individus sont devenus des «
dividuels » et les masses, des échantillons, des données,
des marchés ou des « banques ». ». [10]
4. La citation de Deleuze nous renvoie explicitement aux techniques
de la statistique et du sondage. Pour Gabriel Tarde, la tendance
de nos sociétés est bien de « transfigurer tous
les groupes sociaux en publics », et de recourir de façon
privilégiée à la statistique pour en assurer
la régulation. La statistique doit traduire en séries
temporelles non pas des données mais des actes sociaux (mourir,
naître, acheter, vendre, etc.) et des intensités (les
« désirs » et les « croyances »)
; elle parvient alors à exprimer les relations sociales en
termes de tendances et de variations, seuls à même
de saisir le caractère imprévisible d'un public. Ces
actes et ces intensités sont infinitésimaux et moléculaires,
conscients et inconscients et constituent des « flux »
(des « courants », selon sa définition) et ce,
bien au delà de toute distinction entre individuel et collectif.
Ils se diffusent par imitation, par contagion et par propagation,
au-delà des contacts physiques qui caractérisent une
foule [11]. Ces actes et ces intensités, à cause de
leur nature et de leur nombre, ne sont pas « disciplinables
». Seul un traitement probabiliste peut en assurer la régulation.
Nous ajouterons enfin que ces actes sont définis dans le
temps et par le temps.
Il ne s'agit donc pas, selon Tarde, de dessiner une « cartographie
» de la société mais une « courbographie
» (néologisme dont la racine est la « courbe
» des graphiques) car la première nous donne une image
statique de ce qui advient tandis que la deuxième décrit
des dynamiques temporelles, des tendances. La statistique doit saisir
le social comme événement.
5. Le concept de public (plus encore que la « population »)
met en crise les technologies sociales centrées sur l'espace
qui assurent la régulation de la multiplicité [12].
Il apparaît alors que l'enfermement ne peut plus être
le paradigme de référence à même de contrôler
le « public ». Si le corps peut être réduit
à un organisme par le biais de l'enfermement et de la discipline,
il n'en va pas ainsi pour le « public ». Le «
public » n'est pas un fait social statique et ne peut pas
être assimilé à un organisme, c'est une variation,
une tendance, un devenir. Il ne pourra pas être « disicipliné
» à l'intérieur d'un espace fermé, comme
peut l'être une multiplicité lorsqu'elle est «
peu nombreuse » (ouvriers, malades, prisonniers). La multiplicité,
lorsqu'elle prend la forme du « public », devient à
la fois moléculaire et immédiatement collective, elle
se développe comme flux, variation, vitesse. En recourant
à des lieux d'enfermement, la société réussissait
à circonscrire ce qui échappait à l'ordre productif
capitaliste, mais, dans le cas du public, les mouvements sont devenus
tellement moléculaires et collectifs que ce contrôle
n'est plus possible. Le public ne pourra être régulé
et contrôlé que dans un espace ouvert ; il faut contrôler
les flux en tant que tels à travers les éléments
qui les constituent : le temps, la vitesse, l'« action à
distance ».
Tarde a une intuition géniale quand il dit que le public
est la dimension sociologique de l'avenir, justement parce que ce
type de regroupement social ne peut être régulé
que sous un mode spatio-temporel organisé par des séries
temporelles.
« Corps », « population » et « public
» sont des modes différents de discipline et de régulation
qui ne s'opposent pas, ni ne se contredisent, mais qui peuvent s'articuler
les uns aux autres. Discipline des corps et régulation des
populations ne disparaissent pas mais les modes de contrôle
temporel acquièrent une importance extraordinaire. Le virtuel
vient ainsi requalifier la bio-politique (toujours au sens bergsonien).
Il me semble qu'on peut définir le « public »
comme le modèle le plus dynamique et le plus déterritorialisé
et donc comme le modèle qui tend à commander et organiser
les autres. Le public, en effet, est événement.
6. Nous ne savons pas si la distinction entre « société
disciplinaire » et « société de contrôle
» est suffisante pour saisir les transformations du capitalisme,
une fois que nous introduisons le problème du temps ; une
fois que le temps n'est plus seulement la matière-mesure
du travail et des marchandises, mais qu'il investit la vie dans
sa totalité. En effet, cette distinction risque de ne pas
appréhender, à sa juste mesure, la dimension du «
spectacle » [13] dont le concept de « public-opinion
», proposé par Tarde, n'en définit d'ailleurs
que les prémisses. Le fordisme est incompréhensible
(même dans sa simple phénoménologie) si l'on
ne prend pas en compte cette dimension. Le fordisme, en effet, parvient
à articuler discipline et contrôle bio-temporel en
réalisant l'intégration de la triade corps-population-public
dans la triade « institutionnelle » usine-welfare-spectacle.
Dans l'usine, le taylorisme assimile, sur un mode « scientifique
», le corps à un organisme (sa réduction aux
schémas moteurs-sensoriels). Le welfare divise et disperse
la « population » en différents processus de
reproduction, multipliant les figures de l'assujettissement (contrôle
et institution de la famille, des femmes et des enfants, de la santé,
de la formation, de la vieillesse, etc.). Le spectacle divise et
multiplie le public dans un rapport toujours plus étroit
entre communication et consommation, reformulant ainsi le «
politique ». Dans le fordisme, corps, population, public sont
des techniques de régulation et de contrôle orientées
vers la constitution de la multiplicité en force de travail.
Usine, welfare et spectacle sont des dispositifs qui parviennent
à maximiser les forces sociales pour les extraire dans la
production.
D'un point de vue plus général, on pourrait dire que
les techniques disciplinaires, bio-politiques et du spectacle visent
à contrôler le « temps » (forme subjective
de la richesse) à travers l'institutionnalisation de la division
entre « temps de travail » et « temps de vie ».
C'est en se fondant sur cette division que l'usine oppose sa productivité
à la non-productivité de la société.
Les mécanismes bio-politiques, disciplinaires et du spectacle,
capturent la force créatrice du temps, « libéré
» de toute référence mythique, religieuse ou
naturelle, en opposant le temps qui produit de la valeur (temps
de travail) au « temps de la vie » (qui du point de
vue du pouvoir doit produire du contrôle et de l'assujettissement).
Usine, welfare et « spectacle » sont dès lors
les institutions qui organisent, codifient et reproduisent cette
division du temps.
7. Le fordisme (l'« époque de la grande industrie »)
transforme profondément les formes de contrôle et de
régulation qui concernent le public. Ici on doit faire référence
aux analyses de Walter Benjamin sur le cinéma et l'information,
qui peuvent être utilisées comme transition pour passer
du concept de « public » chez Tarde au concept situationniste
de « spectacle ».
Le cinéma, et plus généralement la production
culturelle qui dans le fordisme commence à acquérir
un caractère de masse, transforme radicalement les modes
de perception collective : en particulier, la différence
entre auteur et public tend à perdre son caractère
unilatéral. « Elle n'est plus que fonctionnelle, elle
peut varier d'un cas à l'autre. Le lecteur est à tout
moment prêt à passer écrivain [auteur] »
[14]. La technique du film, comme celle du sport, suscite la participation
du public en tant que « connaisseur », en tant qu'expert.
Le public-masse, ce nouvel « expert » qui veut intervenir
en tant qu'« auteur », devient le sujet adéquat,
tant en matière de réception que de production des
oeuvres. Cette transformation du public en « expert »,
Benjamin a le mérite de la relier aux transformations du
travail et à la disparition de la séparation entre
travail intellectuel et travail manuel, comme le met en valeur,
de manière paradigmatique, la production cinématographique.
La constitution de l'ouvrier collectif et celle du public sont les
deux faces d'un même processus : l'ouvrier est confronté
à la chaîne de montage, et le public, sur un mode similaire,
se trouve confronté à des enchaînements d'images.
Le travail et la perception sont tous les deux orientés par
les dispositifs machiniques.
Ce que nous voulons souligner, c'est qu'à la différence
des analyses de Tarde, ici, le public et ses instruments de régulation
ne produisent pas seulement contrôle et sécurité,
mais ils tendent à devenir directement productifs (producteurs
de valeurs mais aussi d'autres formes de création et d'innovation
collectives).
8. Le concept de public, comme l'ont analysé Tarde et Benjamin,
semble se diffuser et occuper une place centrale dans les analyses
du post-fordisme. En effet, que le post-fordisme soit considéré
en tant que mode de production entraîné et dirigé
par l'économie de l'information, ou qu'il soit appréhendé
comme la forme de généralisation de la « relation
de service », dans les deux cas, il semble que se confirme
l'analyse de Tarde selon laquelle « tous les groupes sociaux
tendent à se constituer en public ».
La forme du travail, les processus d'assujetissement du welfare
et la figure du consommateur sont redéfinies par des rapports
et des méthodes de régulation, qui renvoient toutes
à des modes de gestion du public et non à une discipline
ou à une bio-politique. Le travail, la consommation et la
vie tendent à devenir des flux (comme disait Tarde) qui revêtent
en même temps une forme moléculaire et collective [15]
; ils se caractérisent de plus en plus par leur « aspect
aléatoire » et leur « imprévisibilité
» ; ils deviennent des « phénomènes de
série » qui doivent être « considérés
à l'intérieur d'une certaine durée »
et concernent une « multiplicité nombreuse »,
comme l'écrivait Foucault à propos de la population.
Mais, au moment où le « public » s'impose comme
la forme générale du rapport social, il entre lui-même
en crise, parce que la réversibilité qui s'instaure
entre « perception et travail » (public et auteur),
comme l'annonçait Benjamin, devient une réalité
dans l'économie de l'information. Formes collectives de la
perception, formes collectives de la création, renversement
du rapport entre auteur et public, rôle actif du spectateur,
toutes ces déterminations, en fonction desquelles Benjamin
définissait la « production culturelle », deviennent
réalité mais dans l'indistinction-réversibilité
du travail et de la perception.
Les différences entre travail manuel et travail intellectuel,
entre auteur et public, entre producteur et consommateur, entre
machines qui produisent la valeur et celles qui produisent la perception,
entre production matérielle et production sémiotique,
sont redéfinies en termes productifs dans l'économie
de l'information, qui devient ainsi le modèle paradigmatique
et la tendance réelle du développement.
9. L'économie de l'information est la nouvelle machine de
capture « des forces et des signes », produit des mouvements
de déterritorialisation (comme phénomènes historiques
et collectifs), qui en se soustrayant aux codes et aux processus
d'assujetissement propres à l'usine, au welfare et au spectacle,
défont les vieilles stratifications (de l'organisme, du langage,
de la vie) et déterminent de nouveaux agencements collectifs
de production de subjectivité.
Les mouvements collectifs de déterritorialisation ont contredit,
détruit et détourné les formes historiques
du travail, qui hiérarchisaient et commandaient l'ensemble
du travail social et déterminaient ce qui était productif
(le travail ouvrier) et ce qui ne l'était pas (le travail
des femmes, des enfants, des artistes, des vieux, etc.). Aux dispositifs
d'assujettissement du welfare, orientés vers la reproduction
de la force de travail, les mouvements des femmes et des étudiants
ont opposé des revendications centrées sur la spécificité
propre de chaque mouvement. Et c'est sur la base de ce « rapport
à soi » et à partir de processus autonomes et
indépendants de subjectivation, que le mouvement des femmes
entre en rapport et en conflit avec le pouvoir, et rompt ainsi ce
lien de subordination, que le bio-politique avait créé,
où la « reproduction » se trouvait soumise à
la reproduction économique du travailleur. Au langage qui
hiérarchisait et commandait la multiplicité des sémiotiques,
sous l'impérialisme du signifiant et du symbolique, la déterritorialisation
a imposé la pluralité des flux et des formes de sémiotisation
non-humaine et non-conscientisée. Au « spectacle »,
qui entravait les virtualités d'un « public-expert
» et l'empêchait d'intervenir « activement »,
les mouvements ont opposé de nouvelles formes de communication
et de création.
En général, nous pouvons dire que les mouvements refusent
que le corps soit réduit à un « mécanisme
» et à un « organisme », que la reproduction
du corps soit assimilée aux processus « biologiques
» de reproduction de l'espèce. Pour se libérer
de manière positive de ces formes d'assujetissement fordistes,
ils produisent des agencements de subjectivité centrés
sur le corps et sur le temps (de la vie). Mais un corps qui s'étend
du moléculaire au cosmique et à un temps non chronologique.
10. Le post-fordisme articule et développe des changements
de paradigme que le concept de « spectacle » avait simplement
annoncé. L'indistinction de l'image et de l'objet, du réel
et de l'imaginaire, de l'essence et du phénomène,
n'annonce pas la « disparition du monde » ni la «
fin de l'histoire », mais une conception du réel qui
devient de plus en plus artificiel, processuel, virtuel. Les flux
qui déstructurent le travail, la vie, le spectacle ne peuvent
pas être caractérisés uniquement du point de
vue de leur pouvoir de déterritorialisation. Ils doivent
aussi et surtout être définis en tant qu'intensité.
La déterritorialisation opérée par les mouvements
(comme phénomènes historiques et collectifs) à
la fin des années soixante, emporte avec elle la distinction
entre « temps de travail » et « temps de vie »,
et libère ainsi le temps de ses « cristallisations
» fordistes. Elle défait le temps-mesure et fait émerger
un temps-création, le temps-puissance dont les virutalités
ne peuvent plus être régulées ni contraintes
par la division entre « temps de travail » et «
temps de vie ». Le capitalisme doit assumer ce nouveau plan
d'immanence temporelle et il doit redéfinir, en fonction
de ce temps-puissance, son système de valorisation et d'exploitation.
Alors, quand nous disons que le « travail » coïncide
avec la « vie », il faut éviter certains malentendus
productivistes et vitalistes, car il ne s'agit pas de la subordination
d'une catégorie par une autre, mais d'un changement de paradigme
qui appelle une redéfinition du travail et de la vie. Le
travail s'étend et recouvre la vie ; ce processus ne peut
se réaliser sans qu'un changement profond affecte la nature
de ces catégories. « Bios » ne peut plus se limiter
aux seuls « processus biologiques d'ensemble », de la
même façon, le travail ne peut plus être défini
en référence à la division entre usine et société,
travail manuel et travail intellectuel. Le travail échappe
aux tentatives qui sont faites de l'assimiler à un mécanisme
sensori-moteur comme la vie échappe aussi à sa réduction
biologique. Non seulement, travail et vie tendent vers la réversibilité
mais ils sont redéfinis par le « virtuel » en
tant qu'ouverture et création.
11. La critique du « travail » doit être aussi
une critique du concept de « vie ». Le refus de réduire
la vie aux « processus biologiques de reproduction de l'espèce
» est un phénomène de la plus grande importance.
Une analyse géniale de Foucault montre comment l'émergence
du bio-pouvoir a permis« l'inscriptionduracisme à l'intérieur
des mécanismes de l'État ». En effet, comment
le pouvoir moderne de normalisation pourrait-il exercer le droit
ancestral de vie et de mort, dès lors qu'il assume une fonction
de développement, de contrôle et de reproduction de
la vie ?
« Le racisme, c'est la condition sous laquelle on peut exercer
le droit de tuer... Bien entendu, par mise à mort, je n'entends
pas simplement le meurtre direct, mais aussi tout ce qui peut être
meurtre indirect : le fait d'exposer à la mort, de multiplier
pour certains le risque de mort ou, tout simplement, la mort politique,
l'expulsion, le rejet, etc. » [16]
Le racisme permet d'établir entre « ma vie et la mort
de l'autre » une relation qui n'est pas d'ordre militaire
ou belliqueux, mais de type biologique. Le racisme n'est donc pas
la survivance d'un passé archaïque mais le produit de
mécanismes étatiques liés aux méthodes
les plus modernes et progressistes de gestion de la vie. Le nazisme,
qui réalisera totalement « l'extrapolation biologique
de la thématique de l'ennemi politique », n'est pas
un mal obscur qui soudainement contamine le peuple allemand mais
l'extension absolue du bio-pouvoir, qui parviendra à généraliser
le droit souverain de tuer (« homicide absolu et suicide absolu
») [17].
Lorsque, dans l'après-guerre, le bio-politique est strictement
subordonné à la reproduction de la « société
du travail », les mécanismes étatiques qui le
régulent ne cessent de produire et d'alimenter le «
racisme ». La production du racisme est uniquement contrecarrée
par les conflits de classe, qui, à l'encontre même
des partis de gauche [18], détournent le bio-politique et
lui opposent des processus d'auto-valorisation. Mais, toujours selon
l'analyse de Foucault, il faut bien souligner que le « socialisme
» (dans le sens marxien du terme : socialisme du travail)
produit et reproduit nécessairement le racisme. Cela est
particulièrement vrai dans les périodes où
l'intégration des institutions du mouvement ouvrier, de l'État
et du welfare est la plus forte. C'est le cas des soi-disant pays
« communistes » où l'explosion des conflits raciaux
et ethniques, après la chute du mur de Berlin, peut être
interprétée comme le pur produit d'un bio-politique
« ouvrier » sans lutte de classe. Mais c'est aussi le
cas de pays où la gauche est parvenue au pouvoir, comme en
France, et a recréé les conditions d'un rapport très
étroit entre travail, vie et État. Le Pen et les politiques
d'immigration ne sont donc pas le produit de la France profonde
mais des mécanismes républicains de gestion de la
vie. Mais, c'est le cas aussi de l'Europe, qui en voulant reproduire
la « société de l'emploi », crée
une situation où elle se vit comme assiégée
de l'intérieur et de l'extérieur par l'immigration
(les étrangers). L'idéologie démocratique du
« travail pour tous » réactualise « l'extrapolation
biologique de la thématique de l'ennemi politique ».
Il est donc de la plus grande importance que le bio-politique ne
soit pas assimilé à la « reproduction de l'espèce
» et à la reproduction de la société
de « plein emploi ». Le concept de vie doit être
redéfini en fonction d'un temps-puissance, c'est-à-dire
en fonction d'une capacité à réorienter les
mécanismes du welfare contre l'État et contre le travail.
Quand nous parlons d'une vie a-organique qui doit se substituer
à la conception d'une vie assimilée aux « processus
biologiques d'ensemble », nous nous référons
à la nécessité d'inventer des agencements de
subjectivité qui correspondent à ce temps-puissance.
12. Travail et vie ne sont pas définis par l'économie
et le bio-politique mais par une nouvelle dimension de l'activité,
qui requalifie le « produire » et le « reproduire
de l'espèce » à partir d'une conception du temps-puissance.
Aux formes d'assujettissement de type fordiste (formes du travail,
du welfare et du spectacle), les mouvements opposent des agencements
de subjectivité « ordinaires », qui se définissent
par leur capacité à « affecter et à être
affecté ». La déterritorialisation permet de
se défaire des formes de travail, de vie et de langage qui
enferment les forces sociales dans les impératifs de la valorisation,
en promouvant une activité qui se réfère uniquement
aux « forces et aux signes, aux mouvements et à la
puissance qui les constitue ».
Le concept de « bios » est donc redéfini non
seulement de manière extensive (il ne s'oppose plus au travail
et au « spectacle ») mais aussi de manière intensive
en fonction du nouveau plan d'immanence qui caractérise le
post-fordisme. Travail et vie sont qualifiés comme affects
(par leur capacité d'affecter et d'être affecté),
en fonction de leur puissance et de leur intensité et, par
conséquent, du temps. Si la perception, la mémoire,
l'intellect, la volonté se transforment, selon une intuition
de Bergson, en différents « types de mouvement »,
alors les affects sont également composés de flux,
de différentiels d'intensité, de synthèses
temporelles. Les forces et leurs affects « se confirment essentiellement
dans la durée », au même titre que les phénomènes
sociaux (comme le concept foucaldien de « population »
nous l'a montré). Les forces et leurs affects sont eux-mêmes
des « cristallisations de temps », des « synthèses
temporelles » d'une multiplicité de vibrations, d'intensité,
de « minuscules perceptions ».
Le temps, selon une intuition profonde du marxisme, est la trame
de l'être. Mais selon des modalités en rupture avec
la capture du temps que réussit l'économie («
le temps de travail », le biologique (« le temps de
la vie ») et le « spectacle » (« le temps
vide d'un renvoi infini à l'actuel et au virtuel »).
13. L'économie de l'information et ses dispositifs électroniques
et numériques peuvent exprimer utilement et de manière
empirique cette implication intensive et extensive du « temps
» (de la vie). En termes intensifs, les technologies électroniques
et numériques donnent consistance (en le reproduisant) à
ce nouveau plan d'immanence qui est fait d'intensités, de
mouvements, de flux a-signifiants, de temporalités. La perception,
la mémoire, la conception entrent en rapport avec le nouveau
plan d'immanence tracé par les flux électroniques
et numériques. Les technologies électroniques et numériques
réalisent (en les reproduisant) la perception, la mémoire,
la conception comme autant de mouvements différents, de «
rapports entre flux » et de « synthèses temporelles
». De façon extensive, ce sont toujours ces machines
qui recouvrent avec leurs réseaux la totalité de la
société et de la vie.
Les technologies numériques et électroniques organisent
matériellement la réversibilité entre corps
individuel et pratiques sociales.Le collectif en nous et le collectif
extérieur à nous sont interconnectés par le
biais de machines qui les traversent et les constituent.
Les machines électroniques et numériques fonctionnent
comme des moteurs qui accumulent et produisent non plus de l'énergie
mécanique et thermodynamique, mais justement cette «
énergie » a-organique. Des machines qui cristallisent,
qui accumulent, reproduisent et captent le temps de la vie et non
plus seulement le temps de travail. Ici, c'est le numérique
et non plus la statistique, comme chez Tarde, qui possède
la capacité de saisir (de synthétiser) le moléculaire
et le collectif, qui caractérise aussi bien la nature que
le « social » [19].
Le numérique permet d'appréhender et de reproduire
aussi bien les « petites vibrations » et leur dynamique
temporelle, dont l'intensité constitue la vie, que les «
actes sociaux », pour nous exprimer comme Tarde, définis
non plus comme « faits » mais comme tendances et variations,
dont l'extension constitue là aussi la vie.
14. Le concept de vie contenu dans l'expression « temps de
vie » renvoie donc tout d'abord à la capacité
d'affecter et d'être affecté, à son tour déterminée
par le temps et par le virtuel. L'économie de l'information
[20] capture, sollicite, régule et tente de composer ce nouveau
rapport entre les « forces et les signes » d'un côté
et les dispositifs collectifs organisés à travers
des moteurs temporels de l'autre. C'est en ce sens que l'économie
de l'information peut être identifiée avec la «
production de subjectivité ».
Les formes du réseau et du flux expriment en même temps
la capacité que possèdent ces dispositifs de saisir,
non seulement les formes de coopération et de production
de subjectivité, caractéristiques de la nouvelle capacité
d'« agir », mais aussi les formes de coopération
et de production de subjectivité fordiste et pré-fordiste,
qui se reproduisent à l'intérieur de l'économie-monde.
A l'instar de la monnaie [21], ils expriment la nouvelle forme de
commandement.
L'économie de l'information nous permet de critiquer le concept
de travail parce que ce n'est plus son temps mais celui de la vie
qui est devenu le moteur des formes de coopération. Il ne
s'agit plus seulement du fait que le travail intègre des
fonctions de contrôle de la puissance technique, de la science,
et des forces intrinsèquement sociales mais il s'agit d'un
changement dans sa nature même. C'est le développement
de la capacité d'affecter et d'être affecté
qui est au fondement des formes de coopération. Les forces
intrinsèquement « humaines » (perception, mémoire,
intelligence, imagination, langage) et leurs affects sont déshumanisés
parce que directement connectés par le biais des machines
cybernétiques et électroniques aux flux cosmo-molléculaires
et aux dispositifs collectifs. Ces machines déterminent un
plan d'immanence dans lequel la séparation entre «
perception » et « travail », entre corps et esprit,
entre objectif et subjectif, perd son caractère unilatéral
et crée les conditions d'un nouveau pouvoir de métamorphose
et de création.
15. Le temps de la vie dans le post-fordisme renvoie en premier
lieu, non pas aux processus biologiques dont nous parle Foucault,
mais à la « machine temps ». Le temps de vie
est le synonyme d'une complexité de sémiotiques, de
forces et d'affects qui participent à la production de la
subjectivité et du monde. Le temps de vie correspond à
la multiplicité des « actes sociaux », qui se
définissent comme tendances et variations. Le temps de vie,
c'est aussi le « devenir minoritaire » de la «
subjectivité quelconque » qui ne se définit
pas comme totalité mais par la force de sa singularité
et sa capacité à se métamorphoser. Le temps
de vie, c'est enfin une définition du politique qui ne renvoie
plus à la « biologie » mais à une politique
du « virtuel ». Travail et exploitation, mais aussi
« auto-valorisation » et « révolution »
sont redéployés par cette nouvelle définition
de la vie.
PS : 1997 Maurizio Lazzarato. Article publié dans la revue
Futur antérieur, numéro 39-40, éditions Syllepse,
septembre 1997.
[1] « Le cycle de la production immatérielle »
inFutur antérieur, n°16, 1993.
[2] Il faut considérer ces différents points comme
les notes d'un travail en cours.
[3] Foucault Michel, Il faut défendre la société,
Gallimard, 1997, p. 216.
[4] En réalité, ces dernières mettent en question,
comme nous le verrons, le concept de public.
[5] Tarde Gabriel, L'opinion de la foule, Ed. Félix Alcan,
Paris, 1901, p. VI.
[6] Ibid., p. 11.
[7] Il y a une différence évidente entre cette définition
du « public » et la définition habermassienne
qui est centrée sur le concept de « sphère publique
bourgeoise ».
[8] Ibid., p. 219.
[9] Ibid., p. 219.
[10] Deleuze Gilles, Pourparlers, 1972-1990, Les éditions
de Minuit, 1990, p. 244.
[11] Nous avons introduit la théorie de Tarde, non seulement
parce qu'elle anticipe le développement des techniques de
contrôle et de régulation des « publics »,
mais surtout parce qu'elle tente d'introduire la « révolution
moléculaire » en sociologie. Il y a des similitudes
entre le monde physique, chimique et astronomique, qui est constitué
uniquement de « répétitions », de mouvements
atomiques et de vibrations (« atomes d'un même corps
et ondes d'un même rayon lumineux »), et le «
monde social » qui n'est fait que de « répétitions
», de flux infinitésimaux et moléculaires, d'imitations
(imitation sous forme de mode, imitation sous forme de tradition).
[12] Foucault nous donne des exemples de mécanismes «
disciplinaires » et « régulateurs » dans
la « cité ouvrière » du XIXème
siècle. Les premiers fonctionnent comme « une sorte
de police qui s'exerce spontanément par le biais de la disposition
spatiale de la ville » et la distribution architectonique
des familles (chacune dans une maison) et des individus (chacun
à sa place). Les mécanismes régulateurs, au
contraire, « concernent la population en tant que telle et
déterminent des comportements spécifiques ».
Il s'agit de mécanismes liés aux systèmes d'assurance
maladie et de retraite, aux règles d'hygiène, à
la sexualité et à la procréation, aux soins
donnés aux enfants et à la scolarité. Ces mécanismes
sont fondamentalement référés aux « pressions
que l'organisation même de la ville exerce sur les populations
». Les séries temporelles se trouvent donc subordonnées
à l'organisation de l'espace. La cité post-moderne
articule différemment, dans ses mécanismes de contrôle,
le rapport entre espace et temps, en accordant la priorité
au temps.
[13] La catégorie « spectacle » nous fait saisir
toute la complexité du paradigme fordiste et nous amène
aussi au seuil d'un autre monde. Le spectacle n'est pas la définition
« sociologique » d'un aspect particulier de la société
(les média et le public) mais traduit toute la subordination
du réel au capital. C'est la raison pour laquelle le rapport
entre image et objet, entre concept et réalité, entre
vrai et faux, tend à s'inverser. La limite de la théorie
de « la société du spectacle » est d'enregistrer
ce déplacement uniquement du « point de vue du capital
», du « point de vue du spectacle ».
[14] BENJAMIN Walter, « L'oeuvre d'art à l'époque
de sa reproduction mécanisée », in Écrits
français, Gallimard, 1991, p. 158.
[15] Dans le travail, à la limite, on se dirige vers une
configuration qui comprend d'un côté, l'« entreprise
individuelle » et de l'autre, une socialisation de l'économie-monde
toujours plus déterritorialisée et collective. Sociologiquement,
ce sont l'intermittence (la précarité, dans la terminologie
capitaliste), le mouvement (la mobilité), la métamorphose
(la polyvalence), qui définissent en termes temporels l'activité.
[16] Ibid., p. 228-229.
[17] Le grand économiste Kalecki a montré comment
les premières politiques du welfare state et de la gestion
« keynésienne » de la dette publique ont été
expérimentées par le nazisme.
[18] Il y a peu de temps encore, le racisme « ouvrier »
du PCF, par exemple, se caractérisait non seulement par une
hostilité envers les étrangers en général,
mais encore plus spécifiquement envers leur présence
dans l'usine (affrontements très durs entre OS maghrébins
et ouvriers professionnels français pendant la période
fordiste). Ces affrontements (on peut penser à la destruction
avec un bulldozer d'un centre d'hébergement pour immigrés,
par une municipalité communiste) ne sont pas généralisables
à tout le parti ; même s'ils n'ont pas été
formalisés dans une ligne politique, ils n'en sont pas moins
révélateurs de l'ambiguïté de la politique
communiste sur ce terrain.
[19] Je me suis largement étendu sur ces thématiques
dans Videofilosofia, la percezione del tempo nel post-fordismo,
Manifesto Libri, Roma, 1997.
[20] Selon l'Observatoire Mondial des Systèmes de Communication,
l'ensemble des industries de l'information (Audiovisuel, Informatique,
Télécommunication) représentera 6,3% du PIB
mondial en l'an 2000, alors qu'il en représente aujourd'hui
5,7%, soit l'équivalent du marché mondial de l'automobile.
Selon le « Conseil des Télécommunications »
japonais, en 2010, l'ensemble des technologies de l'information
représentera 6% du PIB. A titre de comparaison, l'industrie
automobile représentait, en 1990, 4,6% du PIB du Japon. Selon
le « World Telecommunications Developement Report »
de l'année 1995, « le secteur de l'infocommunication
(l'ensemble des télécommunications, de l'informatique
et de l'audiovisuel), croît à un taux presque deux
fois plus élevé que celui du reste de l'économie.
Aujourd'hui, pour chaque millier de dollars gagné ou dépensé
dans le monde, 59 concernent directement ou indirectement, l'infocummunication
».
Il faut aussi remarquer que la valeur ajoutée dans le secteur
n'est pas produite en priorité par les industries de production
d'équipements, mais par la production et la gestions de services.
Actuellement, par exemple, le marché des équipements
de télécommunications totalise 0,39% du PIB mondial
et le marché des services 1,83%, soit au total 2,22%. En
l'an 2000, en admettant un taux de croissance annuel de la production
intérieure brute mondiale de 2,2%, la part relative de chacun
de ces marchés dans le PIB mondial sera de 0,4% et 1,97%.
Donc plus de 3/4 de la production est assurée par les services.
[21] L'argent, en tant que cristallisation du temps, est le premier
mécanisme de contrôle et de régulation capitaliste
qui « permet ou induit certains comportements » à
travers des séries temporelles. Il faut peut être comprendre
en ce sens l'affirmation de Deleuze selon laquelle « l'homme
moderne n'est plus l'homme enfermé mais l'homme endetté
».
Origine : http://biblioweb.samizdat.net/article.php3?id_article=61
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