Cet événement s’est bien passé. L’organisation
collective autogérée a bien fonctionné. Contrairement
à ce que dit Presse Océan du 8 Août 2009, l’autogestion
ça marche.
« Ils veulent tout se réapproprier, sans aucun système
de hiérarchie. Mais l'autogestion n'a jamais été
un mode de fonctionnement politique ».
http://www.presseocean.fr/actu/actu_detail_-Le-visage-des-encagoules-_11425-1029236_actu.Htm
Il y a eu une bonne mobilisation politique. Les remerciements des
personnes engagées localement lors de la dernière
AG étaient clairs. La pluralité des approches écologiques
et politiques était bien présente. Il y a eu beaucoup
d’actions tout au long de la semaine.
Le Camp Climat avait parfois un aspect camp de vacances, ce qui
était aussi le signe que les personnes présentes s’y
sentaient bien et qu’il était possible de vivre des
modes d’être différents. L’intensité
et l’authenticité étaient au rendez-vous. Nous
avons baigné dans « cette étrange unité
qui ne se dit que du multiple » dont parle Daniel Colson.
Il estime que c’est une des définitions possibles de
l’anarchie, suivant en cela la proposition de Deleuze et Guattari
dans Mille Plateaux, livre paru en 1980.
http://raforum.info/spip.php?article2039
Pour ma part, j’ai, entre autres, participé à
l’accueil du dôme « écoute », je
trouve que c’est une évolution intéressante.
Prendre en charge ce type d’activité dans les réseaux
militants est important au même titre que l’accueil
général, s’occuper des enfants, l’espace
médical, la légal team, les infokiosks, la zone de
gratuité, le média center, le suivi des médias,
…
Les prises de décisions par consensus ont à la fois
bien fonctionné et montré leurs limites, me semble-t-il.
À 600 et en présence d’une réelle pluralité
de positions, le consensus ne peut pas exister tout le temps. Il
a été possible sur l’organisation interne du
camp. Mais, l’exemple de la séparation entre le Camp
Climat et la Semaine des Résistances montre qu’à
un moment ou à un autre que les discussions ne peuvent pas
toujours déboucher sur un consensus. Les débats qui
ont suivi l’auto-réduction au Super U de Vigneux le
montre également.
De plus, sur le rapport aux médias, il n’y a pas eu
complètement consensus. Le leader des Désobéissants,
Xavier, s’est exprimé en donnant son nom et son pedigree
à la journaliste de Libération.
http://www.liberation.fr/terre/0101584078-camp-action-climat-le-champ-des-partisans
Ceci n’est pas très étonnant puisque cette
personnalité partage les mêmes codes sociaux que les
médias dominants : personnalisation des interventions, tendance
à imposer sa vision des choses en réunion, forte propension
au comportement de chefferie, reproduction évidente de la
langue « macho ».
http://1libertaire.free.fr/Languemacho.html
Si vous ne savez pas qui est Xavier, tapez « Xavier désobéissants
» dans Google web, puis dans Google images et vous aurez toutes
les infos qu’il vous faut.
Les médias se sont comportés comme on le craignait
: peu d’enquêtes réelles sur le terrain, confusion
entre la Semaine des Résistances et le Camp Climat, incompréhension
de la consigne adoptée par le camp et ironie sur notre désir
de mettre en œuvre des médias libres dans Rue 89 en
particulier. Nous avons eu droit à une comparaison avec la
« Corée du Nord » dans Libération, à
un jugement politique assez inhabituel pour nous, mais typiquement
masculin dans Marianne : « Il y a beaucoup de femmes (et de
gens en général) assez belles, et cela est souvent
le signe de la vitalité d'un courant politique. »,
à un article écrit par la police dans Presse Océan,
dans Marianne encore, à la diffusion du point de vue de Renan
Dantec, qui s’autorise à parler au nom de tous/tes
les écologistes présents/es sur place. Cette personne
a fondé la radio Alternantes il y a bien longtemps. Maintenant,
il est devenu, de son propre aveu, un notable local. Il est adjoint
de Ayrault à la mairie de Nantes et il n’a jamais envisagé
de quitter son poste. L’escroquerie politique a bien fonctionné,
une nouvelle fois.
Seul Hervé Kempf, qui écrit dans le Monde, a compris
ce qui se passait. Il a écrit deux livres récemment
:
« Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, »
éditions du Seuil, Paris, 2009
« Comment les riches détruisent la planète
», éditions du Seuil, Paris, 2007,
Voici un extrait de ses articles :
« La Semaine a cependant connu une animation continue, avec
de nombreux débats et la présence, pour la première
fois en France, d'un Camp action climat. Celui-ci, organisé
par "un collectif d'individus", visait à démontrer
qu'il est possible de vivre avec une empreinte écologique
minimale et selon des modes d'organisation non-hiérarchique.
Les quelque six cents participants ont ainsi vécu en quasi-autonomie
énergétique (éoliennes, plaques solaires, générateur
à huile végétale), utilisé des toilettes
sèches, mangé bio et végétarien, trié
et minimisé la quantité de déchets. Organisés
en plusieurs villages, ils ont aussi expérimenté la
démocratie directe, basée sur la prise de décision
au consensus, l'absence de leaders, la répartition et la
rotation des responsabilités...
Mêlant des personnes d'inspirations diverses (anarchistes,
autonomes, "baba-cools", écologistes) et d'une
moyenne d'âge nettement inférieure aux milieux militants
traditionnels, le camp a vécu parfois en opposition avec
les associations qui organisaient la Semaine de la résistance.
Quelques membres du Camp ont ainsi déchiré des drapeaux
des stands des mouvements (Verts, Attac, Parti de Gauche, NPA,...)
qui s'étaient joints à la Semaine. La philosophie
mise en œuvre tout au long de celle-ci a cependant montré
la possibilité de renouvellement des démarches de
lutte, face à des formes militantes qui s'essoufflent parfois.
Hervé Kempf »
Source :
http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/08/10/premiere-francaise-pour-le-camp-action-climat-et-ses-nouvelles-formes-militantes_1227187_3244.html
Ce que constate Hervé Kempf, c’est que, sans le savoir,
nous avons réalisé le souhait de Félix Guattari.
Désir qu’il avait exprimé dans son livre «
Les trois écologies » paru en 1989. Il pensait qu’il
ne fallait pas séparer l’écologie environnementale,
le rapport à la nature, de l’écologie politique,
les rapports sociaux, de l’écologie existentielle,
le rapport à soi-même. Nous avons donc mis en œuvre
une nouvelle politique qui a essayé de respecter ces trois
approches. Cette politique a été imaginée théoriquement
il y a 20 ans, mais elle n’a pas été souvent
mise en œuvre dans notre pays. Il est important de noter que
ceci n’a pas été fait depuis une posture d’avant-garde
ni du point de vue d’un maître libérateur.
Plusieurs personnes ont posé des questions sur la position
de No Pasaran. Ce groupe a choisi de rester au sein de la Semaine
des Résistances. Ceci n’a pas étonné
les camarades de la région nantaise. Plusieurs hypothèses
sont possibles :
Le désir de certaines personnes de faire du profit et de
garder une place d’exception a dû pousser à rester
du côté du commerce et des organisations politiques
classiques. La notion de place d’exception est identifiable
quand une personne en position d’influence demande aux autres
ce qu’elle ne s’applique pas à elle-même.
D’autre part, il est possible de regarder les manières
de faire de la politique qui étaient présentes à
cet endroit à ce moment-là. Dans ses travaux sur le
pouvoir, Michel Foucault est arrivé à cette conclusion
:
Le pouvoir n’est pas localisé que dans l’appareil
d’État «… rien ne sera changé dans
la société si les mécanismes de pouvoir qui
fonctionnent en-dehors des appareils d’État, au-dessous
d’eux, à côté d’eux, à un
niveau beaucoup plus infime, quotidien, ne sont pas modifiés
»
Michel Foucault, « Pouvoir et corps », Dits et écrits,
T. II, 1975, p. 757.
http://leportique.revues.org/index625.html
Il y avait bien deux options différentes cet été
à Notre Dame des Landes.
L’une, celle de la Semaine des Résistances, qui était
basée sur la similitude avec le monde qui nous entoure :
présence du commerce, des médias, apparitions sur
le marché politique classique, chefferies diverses et variées.
L’autre solution était basée sur la différence,
sur une certaine séparation d’avec le monde environnant.
On peut parler de lignes de fuite personnelles et collectives. [*]
Il ne s’agissait pas de proposer des solutions pour la gestion
politique de tout le pays, mais de mettre en oeuvre nos idées
sans attendre une hypothétique révolution. C’était
le choix du Camp Climat, une option autogestionnaire sans commerces,
sans médias ni porte-parole autoproclamés ou intervenants
extérieurs dûment labellisés. Il n’y avait
pas de réponse sur la totalité de la vie, mais la
discontinuité était bien là. C’était
assez incertain au départ, mais le désir de différence
était assumé ouvertement. Les acquits des expériences
militantes passées ont été une bonne base pour
ce choix. On pense bien sur à No Border, au Vaaag lors du
G8 à Evian, à divers campings militants, à
des morceaux de vie en squat, à certains contres sommets
et Camps Climats, à des modes de vie nomades, etc.
Il a fallu du temps pour que cette solution émerge. Il y
a bien eu une accumulation d’acquits personnels et collectifs
pour que tout cela prenne forme. L’accord collectif ne portait
pas sur un programme commun. Lors de la préparation l’union
s’est faite sur la brochure de présentation, qui n’est
pas une plateforme politique classique. Cette autogestion s’est
donnée des règles et les a appliquées. Il s’agit,
encore une fois, de s’appuyer et de parier sur les foyers
de forces présents. La notion de pouvoir existe toujours,
mais du côté de la puissance, du « pouvoir de
faire » pas du « pouvoir sur ». Cette option en
actes a produit un effet de vérité : nous n’avons
pas besoin de leader qui nous dise ce que nous devons faire, on
le fait ici et maintenant. Tout ceci prouve, une nouvelle fois,
que le pouvoir est lié à un système relationnel.
D’autre part, l’invention, la créativité
étaient réelles. C’est une ouverture politique
importante, localement et au niveau hexagonal. La place des femmes
dans ce processus a été déterminante, je les
remercie pour tout cela.
Pour ce qui concerne la suite, nous savons que les sarcasmes, l’ironie,
les provocations, les insultes, la violence verbale, les intimidations
physiques, la culpabilisation, les tentatives de blocage ou de fermeture,
l'instrumentalisation des choses et des personnes vont continuer,
au moins localement. Mais, notre autonomie et l’ouverture
à l’autogestion seront basées sur un précédent.
Nous savons maintenant que c’est possible, nous l’avons
vécu au Camp Climat.
Pour les personnes qui s’intéressent aux phénomènes
de chefferies dans le milieu militant, il est possible de se reporter
au texte intitulé : « Comment devenir un bon dirigeant
politique en dix leçons ? » écrit en Juin 1996.
http://1libertaire.free.fr/10lessons.html
La fourmi fait grise mine, la cigale a bien chanté cet été,
mais elle sait qu’elle ne sera pas prise au dépourvu
quand la bise sera venue.
Philippe Coutant, Nantes le 26 Août 2009
Note : La notion de « ligne de fuite » a été
développée par Gilles Deleuze. Il est possible de
se référer à cet article :
« Gilles Deleuze et Félix Guattari : La machine à
gazouiller ! » de Guillaume Ollendorff disponible à
cette adresse :
http://1libertaire.free.fr/Guattari6.html
Nouvelles de NDL
Mail de Philippe le Vendredi 11 septembre 2009
Bonjour
Tout à l’heure j’ai discuté avec un habitant
de la région de Notre dame des Landes.
J’ai demandé des nouvelles de ce qui se passait sur
place.
Voici un résumé de ses réponses :
Ce qui s’est passé cet été a dynamisé
la mobilisation, les gens de la région sont contents de tout
cela, comme cela a été dit lors de la dernière
AG.
Maintenant, la lutte est connue dans toute le Bretagne.
Le groupe de personnes qui s’est installé à
la Gaîté est bien perçu.
C’est un groupe nombreux qui a la pèche et c’est
bien !
Du coup, cela donne des envies d’initiatives locales.
La crainte que cela se passe mal avec les chasseurs est levée.
Il y a eu des discussions, le projet d’occupation est connu
et accepté.
Les échanges montrent que la mobilisation s’amplifie.
Une autre crainte : l’auto-réduction au super u, qui
aurait pu provoqué une coupure entre les personnes radicales
et les mobilisations locales.
Ce n’est pas la sensation qu’ont les gens sur place.
L’Acipa a viré un journaliste de Presse Océan,
qui ne voulait pas revenir sur l’article du 8-8 2009.
Le directeur du super u est connu pour plusieurs raisons et peu
apprécié
localement :
* il est favorable à l’aéroport ;
* il n’a pas respecté ses engagements vis à
vis de la commune de Vigneux
pour l’aménagement du terrain et de la voirie ;
* il a réussi à virer toutes les anciennes employées.
Il a utilisé le
harcèlement moral pour les faire craquer. Plusieurs sont
encore en dépression. Il a embauché des femmes plus
jeunes pour les payer moins cher.
Le boycott local fonctionne encore assez bien.
Les gens du coin ne semblent pas traumatisés/ées par
ce qui s’est passé là-bas.
La réaction contre l'article de Presse Océan est
en discussion.
La configuration des diverses situations s’est modifiée.
Bien sur, il y a encore des difficultés et des blocages.
Il est indéniable que la lutte avance et que les choses sont
plus claires tant du côté positif que du côté
négatif. Nous devons donc continuer à renforcer cette
lutte.
Ph Coutant, Nantes le 11/09/2009
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