§ La délégation se pratique pour des tâches
précises, pas pour des personnes. Le retour devant le groupe
permet de rendre compte devant les personnes qui mandatent. Le regroupement
collectif essaie de garder le contrôle sur ce qui est dit en son
nom. Ensuite, la révocabilité peut devenir nécessaire,
si l’écart devient trop important. Mais, comme cela peut
faire très mal, la discussion reste le moyen privilégié
pour débattre des divergences.
§ Distribuer l’autorité au plus grand nombre permet
ne pas encourager la monopolisation de l’autorité dans
la durée. La rotation des tâches et des postes est une
méthode toujours valable, malgré les difficultés
que nous rencontrons pour la mettre en œuvre.
§ Quand on se trouve en position d’autorité, il est
important de consulter d’autres personnes.
§ Il est possible d’acquérir des responsabilités,
même quand on n’en jamais pris. Nous pouvons développer
différentes facettes de nos compétences. Il est possible
de se former pour acquérir de nouvelles capacités. L’apprentissage
est normal et nécessaire. Pour apprendre, il faut du temps et
parfois faire des erreurs. Il faut donc laisser les autres apprendre
et leur en donner les moyens.
§ L’accès aux ressources doit être égalitaire.
Les groupes peuvent essayer de s’organiser pour que cela soit possible,
ce qui peut demander plus de temps pour la réalisation des tâches.
§ Le processus essais / erreurs, la méthode “ Recherche
/ Action ” permettent l’auto-formation, la diffusion des
acquis et le développement de l’esprit critique.
§ Il est possible d’éviter l’institutionnalisation
et y veiller contribue à maintenir la démocratie en bon
état. La question des permanents est en débat. Les anarcho-syndicalistes
refusent les permanent/es, symptôme de la bureaucratisation des
syndicats. La notion de permanent/e politique renvoie à celle
de révolutionnaire professionnel/le et d’avant-garde, c’était
la théorie léniniste du parti. La question des permanents
techniques reste en discussion, nous savons qu’il n’est
pas si simple de différencier les deux. Pourtant, il arrive que
dans nos collectifs nous en ayons besoin et les solutions ne sont pas
évidentes. En n’en discutant pas, on nie le problème,
et quand nous en parlons, nous avons beaucoup de mal à trouver
des solutions viables dans la durée. Nous sommes donc face à
une difficulté assez délicate à résoudre.
§ Quand on ne trouve pas de volontaire, certains groupes proposent
le tirage au sort pour la distribution des responsabilités.
§ Le système d’autorité est souple, ouvert
et temporaire, ce qui n’est jamais gagné !
§ La question : “ Qui décide de l’autorité
au sein du groupe ? ” reste centrale. Nous pouvons l’examiner
régulièrement.
§ La “ parité ” femmes / hommes est un objectif
à ne pas oublier, de même que toutes les parités,
qui concernent les autres différences liées à la
domination des groupes humains les uns sur les autres.
§ La transmission des personnes un peu expérimentées
vers les personnes qui débutent est à reprendre à
l’arrivée de chaque nouvelle génération militante,
c’est à dire souvent.
§ L’information est à diffuser à tout le monde
et tout le temps. Ceci est valable pour toutes les infos.
§ Les Zapatistes ont proposé une méthode d’expression
avec les mains, pour que les discussions collectives se déroulent
plus démocratiquement et pas seulement avec la parole et en fonction
de la distribution habituelle du pouvoir machiste. L’emploi de
cette méthode permet de se sentir plus en confiance et d’être,
à moyen terme, plus efficaces en donnant la parole à tout
le monde, même si cela prend du temps.
§ Les méthodes actives de l’éducation libertaire
peuvent nous servir, elles ne sont pas seulement destinées aux
jeunes en vacances ou à l’école primaire.
§ Nous ne militons pas que par altruisme, nous le faisons aussi
par désir et parce que nous en avons besoin. Nous faisons de
la politique aussi pour nous-mêmes, et pour de multiples raisons,
raisons que, parfois, nous ignorons au niveau conscient.
§ L’identification et la projection sont des phénomènes
psychiques liés à notre vie sociale. Ils peuvent conduire
à annihiler toute distance entre soi et le groupe. Ceci peut
provoquer des drames existentiels en cas de conflit. C’est aussi
ce qui explique pourquoi nous nous sentons attaqué/es personnellement,
quand il y a des tensions entre les groupes ou entre les personnes militantes.
§ Nos affects, nos émotions font partie de notre vie militante.
Eduardo Colombo, psychanalyste et théoricien libertaire, parle
des groupes politiques comme des “ chaudrons affectifs ”,
où les tensions d’amour ou de désamour se portent
sur la politique et l’idée libertaire, parce que c’est
la définition de nos regroupements. Il explique que dans le passé,
ces tensions se vivaient souvent à l’intérieur de
groupes religieux et les débats portaient sur la religion qui
était la base des collectifs de cette époque. La notion
d’hérésie servait de prétexte à la
liquidation symbolique des personnes ou des groupes. Les querelles ont,
pour partie, un contenu humain et affectif.
§ Autogérer les activités collectives nous confrontent
à la question des figures d’autorité. Gérard
Mendel, autre psychanalyste engagé dans les années soixante-dix
au côté des autogestionnaires, remarque que ceci peut provoquer
une culpabilité que l’on ne comprend pas et qui s’exprime
par des conflits irrationnels, en nous-mêmes et dans les groupes.
C’est notre façon de nous construire face à l’autorité
des parents lorsque nous sommes enfants, qui se rejoue sans que nous
en ayons conscience. De plus, comme nous sommes partisan/nes de l’autogestion,
c’est à dire de l’autonomie politique, nous ne pouvons
pas accuser une instance extérieure à nous-mêmes
pour rejeter la responsabilité et l’origine de nos problèmes
hors de nous. C’est en interne, individuellement et collectivement
que nous avons à résoudre ces difficultés.
§ Il n’y pas de garanties, jamais et nulle part. En conséquence,
développer l’esprit critique est fondamental. La diffusion
des résultats des sciences humaines dans l’étude
du pouvoir et du comportement humain au niveau individuel et collectif
est une nécessité. Ceci fait partie de la recherche /
action que nous mettons en œuvre. Le travail pour se former peut
être important, comme celui nécessaire pour acquérir
la maîtrise des techniques, dont nous avons besoin pour notre
autonomie. Comme le dit Sloterdijk, nous pouvons essayer de penser froid
et de vivre chaud, même si ce n’est pas toujours facile.
En faisant l’inverse, la vie froide nous rend déprimé/es
et pas toujours très fier/ères de notre existence.
§ La cohérence entre nos idées et nos actes est un
objectif toujours devant nous L’étude et le bilan de nos
activités peut permettre de prendre un peu de distance de temps
en temps et de ne pas reproduire toujours les mêmes erreurs.
Philippe Coutant Nantes le 6 Octobre 2003
Cet ensemble est largement inspiré du texte de Jo Freeman, une
féministe américaine, qui a écrit “ La tyrannie
de l’absence de structures ”, et plus particulièrement
de sa conclusion sur les “ Principes de structuration démocratique
”.
Notre différence porte sur la notion de “ garantie ”.
Elle pense que les méthodes qu’elle a collecté et
qu’elle propose sont une garantie. Pour ma part, je pense qu’il
n’existe aucune garantie.
Le texte de Jo Freeman est publié sous forme de brochure par IOSK
Editions de Grenoble et diffusé par l’Infokiosque :
Squat des 400 Couverts, 10 traverse des 400 Couverts, 38000 Grenoble.
Il est disponible sur Nantes auprès des membres d’IndyMédia
et sur Internet :
http://infokiosques.net/IMG/rtf/la_tyrannie_de_l_absence_de_structure.rtf
et sur : JFreeman01.html
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