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Le mythe du départ


Lorsqu'un occidental part en voyage c'est magnifique, sa curiosité, son ouverture d'esprit lui permet de se faire des amis et l'aventure se termine en bonne diplomatie, n'est-ce pas Monsieur Marco Polo !
Le voyage c'est notre ami Montaigne, mais aussi les marins, les explorateurs, les ethnologues. La découverte est entreprenante exploratrice, donc novatrice.
Partir c'est bien sûr porter la civilisation n'est-ce pas messieurs les missionnaires, les médecins, les colons, les marchands et les instituteurs, n'est-ce pas messieurs les jésuites.

Lorsqu'on part on peut agréablement céder à l'attrait de l'exotisme, chercher la vie simple, naturelle et libre et refuser l'artifice frelaté de la vie moderne, c'est un gage d'authenticité pour les artistes en particulier au XIX° siècle, n'est-ce pas Monsieur Gauguin !
Lorsque le travailleur occidental part avec abnégation il aide sa famille et ses proches avec son épargne. Le départ peut être régional comme pour beaucoup de provinciaux à Paris, n'est-ce pas messieurs les Auvergnats, les Bretons et autres Corréziens ou Alsaciens ! Mais ce départ peut concerner des contrées plus lointaines comme l'Amérique, n'est pas messieurs et mesdames les Acadiens, les Basques ou montagnards de la vallée de Barcelonnette !

Lorsque l'étudiant part apprendre à l'étranger et que de surcroît il travaille durant ses études, quelle ténacité, quelle force de caractère ! Lorsque cet étudiant rencontre une fille du pays d'accueil et qu'une histoire d'amour se développe c'est superbe. L'idylle peut devenir un facteur de renforcement de l’amitié entre les peuples si l'étudiant revient sur les lieux de son exil et qu'il a réussi, n'est-ce pas Monsieur Chirac !

Lorsqu'un combattant de la liberté choisit l'exil volontaire et qu'ensuite il devient une figure nationale et internationale le mythe s'enfle, n'est-ce pas Monsieur De La Fayette et Monsieur De Gaulle !

Lorsque l'exil est dû à la contrainte la nostalgie peut donner lieu à la création poétique, n'est-ce pas Monsieur Virgile ou Monsieur Hugo !

Lorsqu'on part pour découvrir de nouvelles formes d'échanges humains pour l'économie, ceci ouvre de nouvelles voies pour l'humanité, la valorisation est à hauteur du facteur risque, celui-ci montre que l'audace paie et c'est Venise qu'on loue ou la route des épices, voire les rallies ou les raids internationaux, n'est-ce pas Monsieur Citroën !

Lorsque le voyage permet des transferts de technologie, de produits ou de plantes ce sont des facteurs supplémentaires pour la variété de nos ressources, des atouts pour le développement, n'est-ce pas Monsieur Darwin !

Lorsque les solidarités familiales ou villageoises fonctionnent, elles deviennent des contributions que la communauté apprécie et reconnaît par des gratifications symboliques, n'est-ce pas Mon Oncle d'Amérique !
Même lorsque la conquête est à l'ordre du jour on justifie, D'Alexandre aux romains jusqu'au colonialisme l'empire est bon, n'est-ce pas Monsieur Napoléon !

Mais lorsqu'on aide le "Sud" c'est notre souci des autres qui se manifeste, c'est humanitaire et pas pour écouler nos surplus, c'est bien sûr pour le développement pas pour conquérir des marchés.

Si on nous parle de nos interdits alimentaires ou de nos fétiches ce sont évidemment les signes de notre grande spiritualité. Nos coutumes sexuelles sont le fruit de la civilisation, de notre avancée humaine, n'est-ce pas Monsieur Sigmund !

Si on insiste de façon désagréable sur le tourisme sexuel et le trafic d'enfants, on répondra que certes ce n'est pas glorieux, mais que nous sommes en train d'y remédier, nous prenons des mesures !

Lorsqu'un travailleur du Sud part et épargne ici et qu'il envoie de l'argent au pays c'est forcément parce qu'il refuse de consommer dans nos pays, qu'il refuse de développer l'économie qui le fait vivre.

Lorsque les réfugiés disent fuir leur pays, en fait ils détournent les procédures. Au cas où ils auraient eu besoin de faux papiers comme Jean Moulin pour s'enfuir ce sont des faussaires, n'est ce pas messieurs de l'Ofpra !
Lorsque les étudiants viennent se former ici, ce sont des dangers soit parce qu'ils veulent rester ici, soit parce qu'ils agissent pour des intérêts contraires à ceux de l'Occident.

Lorsque les voyageurs arrivent du Sud, ils sont suspects, leur attirance pour les lumières de la ville est un signe de rusticité.

Lorsque les transferts de technologie ou de connaissance vont vers le Sud c'est du vol, on le sait bien ils ne paient pas les brevets et les copient honteusement. Tout le monde sait qu'ils ont du mal à rembourser leurs dettes, n'est-ce pas Monsieur le FMI et Madame la Banque Mondiale !.

Lorsque les pays du Sud mettent en place des barrières douanières, ce sont des obstacles au libre commerce mondial, n'est-ce pas Monsieur le Gatt et Madame l'OMC.

Lorsque les relations familiales et locales fonctionnent ce sont bien sûr des filières, n'est-ce pas messieurs les ministres de l'Intérieur.
L'économie informelle ou peu monétarisée c'est du trafic, n'est-ce pas Monsieur Cuq !

Les coutumes religieuses différentes sont le signe d'une civilisation peu avancée et pas encore débarrassée de l'esprit primitif ou féodal, On ne parle plus de mentalité pré-logique au niveau universitaire, mais la supériorité de la civilisation occidentale est encore un bon argument contre les islamistes incapables d'accéder à la laïcité nécessaire au développement de l'Etat Nation. Cet argument n'est pas spécifique à Le Pen, n'est-ce pas Monsieur Bernard Henri Lévy !

Les pratiques sexuelles sont bien évidemment la marque d'un état social arriéré puisqu'elles sont liées à l'oppression des femmes. Si une histoire d'amour a lieu entre un immigré et une occidentale c'est forcément abject.
Leur façon de faire la guerre prouve leur cruauté sanguinaire, la machette quelle horreur ! Il est vrai que les radiations nucléaires c'est bien plus propre !

Il est clair que tout concourt à valoriser les occidentaux dans leur départ pour la découverte et qu'à l'inverse la qualification des non-occidentaux tend à les dévaloriser et les présenter comme des barbares. La fourberie, la duplicité, le parasitisme, la paresse, la violence, la cruauté, l'arriération mentale sont des thèmes récurrents pour qualifier les comportements des habitants de l'Orient ou du "Sud". Si on emploie la notion de raffinement, elle est immédiatement accolée à celle de torture comme pour la Chine. Le thème de l'envahissement est lui aussi très présent, c'est valable pour les arabes, mais aussi pour les asiatiques, le fameux "péril jaune" !

On peut s'étonner des propos sur le bruit et l'odeur d'un candidat à la présidence de la République et s'en moquer en chanson une fois qu’il est devenu Président, mais il faudrait faire ce travail pour notre culture entière. Les rapports Nord / Sud se doublent du rapport séculaire entre l’Orient et l’Occident. D’ailleurs qui a décidé que nous étions l’Occident ?

Ce qui prouve que nous sommes loin du départ du mythe !

Philippe Coutant Nantes le 5/12/96


Ce texte a été publié dans la brochure éditée par Im'Média et No Pasaran "Sans-papiers Chronique d'un mouvement", il a été repris dans la brochure "Xénophobie et anti-racisme" publiée conjointement par No Pasaran et Alternative Libertaire de Bruxelles
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