Origine : http://www.ledevoir.com/2003/12/06/42282.html
Au Canada un juge reconnaît l'incapacité des tribunaux
à maîtriser les hommes violents
Les ordonnances ne sont que des bouts de papier, dit le magistrat
Édition du samedi 6 et du dimanche 7 décembre 2003
Saint John's, T.-N. - Un juge de Terre-Neuve vient d'écrire
noir sur blanc ce que de nombreuses femmes affirment depuis des
années: les ordonnances du tribunal interdisant aux hommes
violents de contacter leurs victimes sont sans effet.
«Une cour doit comprendre que les ordonnances qu'elle émet
afin de protéger les femmes contre les hommes jaloux et possessifs
ne sont que des bouts de papier. Elles sont sans pouvoir ou autorité»,
a récemment statué Wayne Gorman, juge à la
Cour provinciale.
Le magistrat a rendu ce jugement dans le cadre d'une enquête
sur le cautionnement d'un homme qui n'avait pas tenu compte d'ordonnances
précédentes.
M. Gorman a écrit que le pouvoir de ces ordonnances tenait
à leur exécution par la police et aux conséquences
prévues par le tribunal à l'intention de ceux qui
ne les respectent pas.
La preuve tragique
«Le nombre de femmes tuées dans ce pays par des hommes
jaloux et possessifs, auxquels la cour avait ordonné d'éviter
tout contact avec elles, constitue la preuve tragique de l'incapacité
de la justice à reconnaître le danger qu'implique la
violence survenant lors de relations intimes et la preuve de son
incapacité à protéger les femmes contre de
tels hommes», a écrit le juge dans le texte de sa décision.
M. Gorman a tenu ces propos dans le cadre de la cause de Roger
Randell. Âgé de 22 ans, cet homme de Roddickton, à
Terre-Neuve, fait face à 39 chefs d'accusation, la plupart
impliquant la violation d'ordonnances du tribunal.
Randell avait formulé une requête de libération
sous caution en novembre mais le juge avait fait remarquer que l'homme
avait sans cesse violé les ordonnances rendues afin de l'empêcher
de contacter son ancienne compagne, qu'il avait agressée
par le passé.
Randell a comparu en cour à Corner Brook mardi et a plaidé
coupable dans le cas de deux des 39 accusations (violation d'une
ordonnance lui imposant un couvre-feu et d'une autre ordonnance
lui interdisant de boire). Il a été condamné
à une peine de 60 jours de prison. Les autres accusations
feront l'objet de procédures l'an prochain.
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