Essai de compte-rendu de lintervention faite lors de la rencontre
:
« Gardarem lUtopie » à Bieuzy les eaux le 15
Octobre 2000
Eduardo Colombo commence par distinguer lutopie comme anarchie
et lanarchisme comme mouvement de lutte social et politique. Il
établit une relation entre lutopie comme anarchie et la
visée de changement social et politique. Il explique que lutopie
prend de multiples formes, lutopie qui lintéresse
est lanarchie. Il a choisi de traiter de lutopie comme anarchie,
il nous dit quil parlera de lanarchisme comme mouvement
politique le moment venu. Ce qui lui semble important de remarquer,
cest que de la même façon que lutopie na
pas de fin (il y a toujours de nouvelles utopies qui apparaissent et
il y en aura certainement toujours de nouvelles) lanarchie na
pas de fin, toujours elle nous interroge, elle est à reprendre
sans arrêt. Lanarchie est une variante de lutopie
qui est un ensemble didées qui visent la transformation
sociale et politique. Lanarchie nest pas une utopie qui
cherche à décrire une société parfaite au
sens où cela a été développé lors
des interventions précédentes à propos des auteurs
étudiés au cours de cette rencontre. Il a choisi de nous
parler de lutopie vue comme anarchie ou de lanarchie vue
comme utopie.
Pour lui, la question est de savoir où est lesprit de lutopie,
est-il dans limaginaire dune personne (comme Godin qui était
le sujet de lintervention précédente), ou était-il
dans la Commune ? Il pense quelle était sur le pavé
de Paris, parce que cétait là quil y avait
une dimension collective pour le changement social et politique. Pour
lui, lutopie a toujours une dimension collective sociale. Lutopie
a mille visages, lutopie qui lintéresse est celle
qui a le sens de la négation de ce qui est et qui se vit dans
un collectif social.
Il revient sur la présentation dont a parlé Ronald Creagh,
à propos de limage de Don Quichotte. Cette image est sur
le document de présentation de ce week-end. Cette image de Don
Quichotte avait été utilisée par un journal étudiant
argentin en lutte contre la dictature militaire. Dans ce journal Eduardo
Colombo et ses camarades avaient inclus un texte, une traduction extraite
dun journal publié à la fin du siècle dernier
à Buenos Aires en langue française, ce journal sappelait
« La Liberté ». Ils avaient traduit et publié
lédito qui était une utopie davant le mouvement
ouvrier. Le contenu du texte préconisait la révolution
de suite, lutopie cétait faire ce quon veut,
une sorte dAbbaye de Thélème. Il estime que cétait
lexpression de leur jeunesse romantique et dans ce cadre l'image
de Don Quichotte était bien placée. Puis Eduardo Colombo
explique quil sest rendu compte que cette image montrait
en fait où est lUtopie. Où est lutopie ? Demande-t-il.
Dans lespace ou dans le temps ? La réponse, pour lui, est
dans lespace et pas seulement dans le temps comme on le dit habituellement.
Il explique que nous avons souvent accès à lutopie
par des descriptions qui viennent de nos ennemis. Pour lui, il est normal
que les dominants critiquent lutopie. Mais il faut aller au-delà
de la vision de lutopie comme transformation sociale vue par nos
ennemis. Lutopie est critiquée par le marxisme comme étant
une pensée davant la science, davant la rupture épistémologique
décrite par Althusser. Ce courant critique lutopie comme
une critique sociale qui se fonde sur le désir, qui est dans
les nuages, cest un fantasme alors que le marxisme propose la
science avec des étapes qui vont nous amener à la fin
à la société sans classe. Il sagit dune
vision de lhistoire, dune eschatologie * dans la théorie.
Aujourdhui nos ennemis nous renvoient à la réalité,
qui est le capitalisme géré par la démocratie parlementaire.
Pour eux, lutopie est totalitaire, ce sont des idées formelles
et rigides qui ne peuvent conduire quau Goulag, à la société
massifiée dominée par un État autoritaire. Ces
critiques défendent la base du libéralisme, du capitalisme.
Ces critiques de lutopie sont toujours énoncées
par des gens qui veulent perpétuer le pouvoir qui ont peur de
lutopie incarnée qui, elle, vise à la non-reproduction
de la domination, de la hiérarchie.
Pour lui, lutopie doit être vue comme une manifestation
fondamentale de limaginaire social, une critique radicale. La
société vit avec du sens, sens qui est donné par
un imaginaire qui définit la place de chacun et lorganisation
institutionnelle, cest le nomos, la règle, la loi. Qui
détermine les règles ? Ce sont les hommes, dit-il. Pourtant
cette règle reste sous la dépendance dune fondation
basée sur le passé, sur quelque chose qui est en dehors
de nous, sur un mythe qui nous vient des ancêtres. Les hommes
sont soumis et esclaves de cette formation, de leur propre formation.
Il explique que lon peut voir limaginaire social selon deux
moments : En premier lieu, il y a un moment qui vient davant nous,
qui sappuie sur une disposition originelle, la loi est extérieure
et linstitution est basée sur une hétéronomie.
Limaginaire collectif vient davant nous. Puis dans un second
temps, cet imaginaire collectif est capté, exproprié par
un groupe qui prend en charge la capacité globale de la société.
Il sagit dune élite qui est en relation avec Dieu
ou avec les ancêtres. La loi, les règles sont comme une
révélation sociale dans les mains des dominants qui justifie
la hiérarchie.
Il développe ensuite sa vision de lutopie. Lutopie
est une construction imaginaire radicale contrairement à la construction
symbolique dans laquelle nous vivons et qui est dans la dépendance
du réel, qui, elle, est déjà construite. Lutopie
au contraire nest pas réelle et elle veut devenir réelle.
La construction de sens est une construction sociale dans la pensée.
Dans la science létude pour comprendre le réel sappuie
sur des idées (en dernier ressort sur les formules mathématiques
qui sont des idées). Pour le domaine social et politique le désir
est présent, cest une différence notable. Le désir
est toujours là, mais cest un désir construit socialement.
Il sagit de la relation à lautre. Le langage et lhistoire
se construisent sur la base dun imaginaire, sur le désir
dobtenir ce quon a perdu. Il pense quil faut introduire
de la psychologie dans la sociologie, comme il faut introduire de la
politique en théorie. Il parle alors de ce quon appelle
« lobjet perdu » en psychologie, cest cette
pleinitude qui se perd pour tout le monde, car il faut quitter le sein
maternel à un moment ou un autre. Ce sentiment de pleinitude
continue de vivre en nous. Selon son approche, on peut le vivre de deux
façons :
1 / Soit on cherche à revenir au passé par le recours
au mythe, mythe qui est une fondation symbolique, une explication de
lorigine de ce qui est. Tout le monde connaît lâge
dor qui est une grande figure de cette voie.
2 / Soit on cherche à aller plus loin, on se projette dans le
futur. On vise la société de demain, où nous serons
tous libres et égaux.
Il poursuit en disant que, pour nous anarchistes, cest la seconde
solution qui est valable. L'utopie est alors le contraire du mythe.
Il faut aller plus loin pour trouver lidéal perdu. Mais
lutopie qui lintéresse nest pas lutopie
que lon nous présente habituellement. Que ce soit Campanella
ou Thomas More, ils ferment lutopie à partir du réel
qui contient Dieu. Il pense quun monde sans Dieu, cest à
la base de lautonomie humaine. Pour lui, lutopie comme anarchie
est contenue dans limage de la ligne dhorizon. Cest
une vision qui garde toujours la même distance devant nous, il
y a toujours laltérité en face de nous. Il estime
que lhorizon qui recule sans cesse ne nous empêche pas davancer.
Si on considère que lutopie comme lanarchie, quel
essai de définition peut-on en donner ? Lanarchie est du
coté de lutopie, elle est irréalisable, cest
toujours un futur idéal. Lanarchisme comme mouvement le
concrétise dans une époque donnée. Mais cela se
fait avec notre vision humaine daujourdhui, et ce qui veut
dire quil y aura toujours une négation de ce qui est, ce
quil nomme lutopie comme anarchie ou lanarchie comme
utopie.
Il continue son développement en déclarant que le bonheur
nest pas une notion politique. Le bonheur nappartient pas
au mouvement révolutionnaire. Le bonheur appartient à
la sphère personnelle. La lutte politique, elle, se bat pour
légalité et la liberté.
Il dit que lanarchie est la figure de lespace politique
non hiérarchique et égalitaire qui se définit par
lautonomie du sujet en action. Lacteur social nest
pas un sujet avec une substance ontologique. Lindividu nest
pas le sujet. Le sujet cest ce qui se construit par laction
même, action qui est collective. Il constate quon pense
avec les autres. Pour lanarchie, le sujet est collectif, la grève
cest collectif, laction se fait en groupe. Dans lanarchie,
lespace politique a pour base lautonomie du sujet de laction,
lautonomie de laction du sujet.
Il affirme que cette démarche sappuie sur deux postulats
:
Le premier postulat : Lanarchie dans lhistoire est un relativisme
radical, les valeurs ont une histoire, elles sont dans lhistoire,
mais il refuse dadopter une vision historiciste. Les valeurs sont
toujours relatives, et, selon son approche, il y a toujours des valeurs
postulées comme universelles.
Le second postulat : Lanarchisme est un pari qui est basé
sur le principe de préférence. Pour lui, nous navons
pas lassurance de notre position, nous préférons
la liberté pour tout le monde et nous sommes contre lesclavage.
Cette position ne peut pas être fondée, elle ne sappuie
pas sur un principe externe à lhumanité, cest
un choix interne. Ici, selon son point de vue, nous sommes dans lethos
de lanarchie. Pour lui, il est évident que nous préférons
la dignité à lignominie. Il explique que nous pensons
que cest mieux, mais que dautres personnes peuvent préférer
le contraire. Selon son approche, comme il est impossible de fonder
nos choix sur une idée externe à lhumanité,
nous savons que cest un problème interne à la société
humaine. Dans cette vision de lanarchie, développée
par Eduardo Colombo, nous construisons ainsi une société
non-hierarchique basée sur lautonomie contre lEtat
qui est la hiérarchie même. Lidée de lEtat
est opposée à lanarchie. La liberté, dans
ce cadre, est une condition nécessaire pour légalité.
La construction dun espace social de ce type exige légalité.
Il continue son exposé en disant que lanarchie est un
mouvement collectiviste qui est basé sur lentraide, sur
la solidarité. On peut discuter longtemps sur son origine dans
lhistoire. Il est exact que ces idées apparaissent dans
une société datée. Toutes les formes particulières
se construisent à partir dune fonction sociale. A partir
de ce qui est, on peut choisir le conformisme ou opter pour la voie
révolutionnaire. Si on cherche à comprendre pourquoi on
choisit lune ou lautre voie, cela nous renvoie, selon son
approche, à la discussion sur linternalisation de lautorité,
ce qui est un autre débat.
Lanarchie est une construction innatteignable. Sur la base philosophique
de lutopie comme anarchie le mouvement anarchiste, lanarchisme
se concrétise, se définit en fonction des conditions sociales
ici et maintenant. Le passé est important, mais il pose la question
de savoir pourquoi ce passé est toujours volé aux libertaires.
Par exemple, la révolution espagnole est presque toujours présentée
à travers la vision communiste, alors que cétait
un petit parti, que la population vivait la révolution selon
des idées libertaires. Il faut sapproprier le passé
pour fonder le futur daujourdhui, pour définir un
autre futur. Laction révolutionnaire se vit dans le monde.
Lutopie a besoin de devenir un mouvement daction sociale,
lutopie réelle et vraie est dans laction révolutionnaire.
Effectivement lutopie a besoin de théorie, a besoin dun
imaginaire. Mais au moment de Godin le fondateur du Familistère,
il pense que lutopie cétait la Commune.
Discussion :
Remarque sur lutopie de Thomas More que Michèle Madonna-Desbazeille
estime être une société où Dieu est exclu,
une utopie pour la liberté des hommes. Pour elle, les utopies
sont des propositions qui montrent dans lhistoricité le
possible ici et maintenant. Elle estime que cest le cas aussi
pour Godin.
Eduardo Colombo : Il pense que labsence de Dieu ne prouve rien.
Dans la bible, la tour de Babel aussi était une utopie et Dieu
était contre. Pourtant les hommes ont voulu le faire et lont
fait.
Eduardo Colombo se demande si Godin est plus utopiste seulement parce
quil construit. Pour lui, lutopie est la négation
de ce qui est. Il existe une différence entre le contenu formel,
le contenu cognitif dune utopie et la fonction utopique qui est
une force, une force critique. Gustave Landauer dit que lutopie
vit clandestinement dans la réalité sociale. En elle-même,
lutopie comme anarchie est une image de laltérité.
Laction se vit en situation, la révolution est laction
révolutionnaire. Cela se transforme en institution si la révolution
triomphe, cest normal.
La dimension critique existe dans lutopie même. Il constate
quon nous oppose le goulag pour nous dire que lutopie na
pas de sens. Mais la critique du goulag existait déjà
avant la révolution de 1917. Malatesta le répète
en 1918. Si larmée et lEtat sont utilisés
pour lutter contre les ennemis de la révolution, ils sont aussi
utilisés pour la domination, ils peuvent être utilisés
pour la domination, cest ce qui sest passé. Eduardo
Colombo pense que nous retrouvons ici la cassure de la Première
Internationale. Le débat portait sur lautonomie du mouvement
ouvrier contre le parti avec des chefs et la masse des autres. Au moment
de la création de lISR (lInternationale Syndicale
Rouge dans les années vingt) laction révolutionnaire
passe dans les mains des chefs. Eduardo Colombo dit quon peut
le voir par ce qui sest passé ensuite, mais on le savait
déjà avant, dit-il. Les ennemis de lutopie défendent
les acquis du point de vue du monde de la domination, ils défendent
une organisation sociale inégalitaire. Cest ce que lon
constate en France aujourdhui. On parle beaucoup de la mondialisation,
il faut le dire cette mondialisation est la forme actuelle du marché
capitaliste.
Michèle Madonna Desbazeille défend lidée
que lutopie est une idée dune société
sans État. A la question sur la présence des esclaves
dans lUtopie de Thomas More elle répond quil sagit
en fait dune mauvaise traduction, qu'en réalité
ce sont des « servant », des serviteurs.
René Schérer intervient en disant quil a beaucoup
apprécié la différence appliquée à
lutopie, utopie qui serait subordonnée soit sur une idée
extérieure ou sur une idée interne. Lidée
extérieure étant fondée sur une transcendance et
lutopie interne basée sur limmanence. Pour lui, lutopie
qui sappuie sur la transcendance est un savoir pédagogique.
LEtat serait comme un savant, et le savoir échappe aux
individus. Par contre limmanence, dont lidée a été
développée par Deleuze et Guattari, permet une appropriation
de lutopie par les sujets eux-mêmes. Il explique que lon
trouve cela chez Proudhon sous la forme de : « la capacité
politique des classes laborieuses ». Ce qui équivaut à
ne pas se décharger de ses compétences sur les autres.
Il pense que le blocage vient dune attitude bien synthétisée
par une phrase quil a vu sur un mur de la faculté à
Mexico, une phrase dont il se souvient dont il cite la formulation en
espagnol, puis il nous livre la traduction : « On ne parle pas
à la place dun autre parce quil en sait mieux ».
Eduardo Colombo appuie cette déclaration en rappelant que Proudhon
a expliqué quon croyait à tort que lautorité
existe sans voir la force sociale qui est à sa source. Lautorité
est un produit de la société, cest le problème
de lhétéronomie. Le pouvoir en général
sappuie sur le passé, sur un mythe fondateur. La vision
révolutionnaire propose un monde qui nest pas encore là,
mais dont la construction commence ici et maintenant. Il dit que souvent
on nous objecte quil faudra attendre 2000 ans avant de le voir,
ce à quoi il rétorque que cest pour cette raison
quil faut commencer tout de suite, parce que si on ne fait rien
il faudra attendre 2001 ou 2010.
Jacques Gury donne son point de vue sur la critique du XX° siècle
qui se sert du communisme pour dire que lutopie est dangereuse
et inefficace. Il rappelle que le concept dhumanité chez
Oscar Wide est une notion qui est toujours à découvrir.
Il cite aussi Anatole France qui a écrit que sans utopie on vivrait
plus mal, que sans ce rêve généreux il ny
aurait pas eu de réalité bienfaisante. Il pense quil
ne faut pas être trop pessimiste pour sentir la novation dans
lesprit de lutopie, lesprit novateur est là.
Eduardo Colombo nous rappelle que Oscar Wide était lié
par sa famille au courant socialiste anarchiste de son époque.
Sa mère a été proche de Kropopkine à Londres.
Anatole France soutenait les anarchistes au moment des dures répressions
du début du siècle. Il dit quil existe des connexions,
que ce sont des textes à relire **.
Madame X : Elle remercie Eduardo pour son lien entre lanarchie
et lutopie. Elle pose la question de la société
hiérarchisée. Elle se demande comment en sortir ? Elle
pense que léducation est fondamentale pour avancer dans
ce cadre.
Eduardo Colombo cite une lettre de Kropopkine qui estime quun
mot comme lanarchie implique une révolution copernicienne.
Avec la description du monde de Copernic, cest toute la pensée
du monde qui a changé. Galilée qui a vécu longtemps
après Copernic na pas pu le dire publiquement bien quil
sache que Copernic avait raison, il lavait démontré.
Avec Copernic cest une vision du monde qui change, cest
un changement vis à vis de la position de lEglise qui change,
cest la science toute entière qui est bouleversée,
cest lécole qui évolue. Il sagit dun
changement global. Cest pareil pour lanarchie, cela concerne
des changements dans léducation, dans la famille, une remise
en cause de la hiérarchie. Il développe son point de vue
en disant que nous savons que nous sommes pris dans une dynamique où
on essaie de changer nous mêmes, mais nous savons aussi quil
faut changer la société. Pour lui, nous savons quil
faut changer lhomme pour changer la société et quil
faut changer la société pour pouvoir changer lhomme.
Souvent on nous présente cela comme une aporie, une contradiction.
Mais Eduardo Colombo dit que ce nest pas contradictoire, cest
lévolution qui explique le rapport de la poule et de loeuf.
Il pense que pour nous cest pareil, nous sommes dans un processus
en mouvement et lévolution est le mouvement lui-même.
Être révolutionnaire cest voir le changement, puis
on essaie de traduire cela dans lexpérience sociale. Lutopie
anarchie est une révolution globale vis à vis de lautorité
et cela se passe aussi dans notre tête puisque lon sait
que nous avons lautorité en nous. Lutopie comme anarchie
est la négation de ce qui est cela implique une réflexion
personnelle, plus tout le reste qui en découle. Pour léducation,
il est certain, selon son point de vue, que nous devons changer de méthode,
cest la même chose pour les rapports homme / femme.
Lim-modérateur Ronald Creagh m'autorise à poser
une dernière question. J'explique que je suis daccord avec
la présentation de lhétéronomie qui justifie
la domination et pour considérer que lautonomie interne
à la société humaine est à la base de la
lutte contre la domination. Ce qui reste en question, à son avis,
cest ce qui se passe vis à vis du pouvoir dans notre mouvement.
Je demande : Comment faire pour ne pas reproduire le pouvoir dans nos
luttes ?
Eduardo Colombo répond simplement ainsi : « En essayant
de ne pas le reproduire nous-mêmes ! ». Il sexplique
en disant que le mot pouvoir a plusieurs sens et que cette polysémie
présente des dangers. Le premier sens du mot pouvoir est celui
qui rend compte de la capacité de faire, le second sens est celui
qui est lié à la hiérarchie, à lasymétrie
et au fait dobéir. Le premier sens comme capacité
est le pouvoir même de lhomme, sa puissance. Il faut bien
remarquer quil existe une utilisation du pouvoir qui est différente
suivant les personnes. La capacité situationnelle est différente
suivant les gens. Mais cette capacité nest pas une différence
hiérarchique. On sait que certains sont plus forts, que certains
ont plus dintelligence que dautres, que dautres sont
plus émotifs, etc. La distribution de ces capacités est
aléatoire. On pourrait résumer sa vision de lutopie
anarchie comme « un pouvoir sans domination ». Pour lautorité
Eduardo Colombo pense que cest identique, il existe deux sens.
Le pouvoir, la domination sont en nous, il dit que nous sommes nés
dans une société de domination. Par contre, ce qui est
aberrant cest la guerre entre les groupes qui nient leur proximité.
Il se demande : Est-ce que lunion est impossible parce que nous
vivons dans un monde hiérarchique ? Il estime que nous devons
combattre la domination dehors, dans la société et dedans,
dans nos mouvements. Il pense que les deux marchent ensemble, que lon
ne peut pas séparer un domaine de lautre. Il termine son
intervention en disant que nous ne pouvons pas attendre pour combattre
la domination dans la société que nous en ayons fini avec
le pouvoir chez nous.
* En cherchant les définitions du concept « eschatologie
», jai trouvé deux définitions qui se rejoignent
:
1 / Doctrine relative aux fins dernières de lhomme (eschatologie
individuelle) et à la transformation ultime du monde (eschatologie
collective).
2 / Ensemble des croyances concernant les fins dernières de l'homme
et du monde.
Le mot est lié au contexte religieux. Dans le marxisme leschatologie
concerne le sens de lhistoire qui va des sociétés
primitives au communisme. La fin dernière est contenue dans lobjectif
quest le communisme, celui-ci devait permettre la réconciliation
de lhomme avec lui-même par la réalisation de légalité
et la justice.
** Oscar Wilde sest exprimé ainsi :
« Une carte de lunivers qui ne contient pas lutopie
ne mérite pas un seul coup doeil, car elle omet lunique
terre que lhumanité redécouvre toujours et quand
lhumanité la découvre, elle porte ailleurs ses regards
et voit une terre encore meilleure et appareille à nouveau. Le
progrès cest lutopie réalisée. »
Anatole France a notamment écrit :
« Sans les utopistes dautrefois les hommes vivraient
misérables et nus dans des cavernes. Ce sont les utopistes qui
ont tracé les lignes de la première cité. Il faut
plaindre le parti politique qui na pas ses utopistes. Des rêves
généreux sortent les réalités bienfaisantes.
Lutopie est le principe de tout progrès et lesquisse
dun avenir meilleur.»
Post scriptum : Jai réalisé ce compte rendu à
partir de notes, cest ce que jai retenu de cette intervention.
Un autre auditeur, Bernard, ma aidé en me communicant les
citations exactes de la fin. Ce point de vue est subjectif, les formulations
ne correspondent pas forcément à ce quEduardo Colombo
aurait écrit sil avait rédigé ce texte lui-même.
Il est publié avec son accord. Pour connaître plus précisément
sa pensée il est possible de se référer à
son article intitulé « Anarchisme, obligation sociale
et devoir dobéissance. » publié dans le
numéro 2 de la Revue Réfractions de lété
1998, numéro qui a pour titre « Philosophie politique
de lanarchisme ».
Pour se procurer cette revue il est possible décrire à
cette adresse :
Les amis de Réfractions, B. P. 33, 69571 Dardilly cedex
Cet article est présent sur le site Internet consacré
à la revue Réfractions :
http://www.refractions.plusloin.org/textes/refractions2/index.html
Il est également accessible sur le site consacré à
LInstitut de Recherche sur lAnarchisme de lUniversité
de Montpellier animé par Ronald Creagh :
http://melior.univ-montp3.fr/ra_forum/fr/individus/colombo_eduardo/
Philippe Coutant, Nantes le 24 Novembre 2000