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Propagande, publicité, information et désinformation
Serge Tisseron


Si le XXe siècle mérite une mention spéciale, c'est bien dans le domaine de la fabrication d'images destinées à orienter les croyances et les comportements, notamment politiques. La publicité, aujourd'hui, est le laboratoire de ces recherches. Leur moteur est toujours le désir de faire partie d'un groupe, directement ou indirectement.

Certaines fois, la publicité joue directement sur ce désir. C'est le cas des publicités pour " l'Oréal " organisées autour du slogan " parce que je le vaux bien ". Ces publicités flattent, amusent ou intriguent leurs spectateurs. Mais d'autres publicités, au contraire, dérangent et malmènent leurs spectateurs. Pour venir à bout de ce dérangement, ils n'ont que deux solutions : soit ils parlent de cette publicité et ils augmentent alors son impact, soit ils achètent le produit et c'est pour eux une façon de se rassurer sur le caractère normal de leur émotion parce qu'ils ont l'impression de se rattacher au groupe de tous ceux qui consomment le même produit après avoir éprouvé le même malaise. Le moteur essentiel de telles images est donc leur impact émotionnel dérangeant, et c'est notamment la stratégie utilisée par la marque " Benetton ". Plus le spectateur d'une image est malmené par elle, plus il est tenté d'emprunter le chemin qui lui est indiqué dans cette image pour résoudre son malaise. La publicité nous permet ainsi de comprendre ce qu'est une image violente : c'est une image qui ne nous pousse pas à penser, mais à agir, et cette définition concerne les images verbales, parlées ou écrites, autant que les images visuelles.

Pour lutter conte cet effet des images, il nous faut d'abord prendre la mesure du fait que ce n'est pas notre conviction intellectuelle, mais notre adhésion émotive et corporelle aux images qui est le vrai danger. Nous savons bien que les images ne sont pas le vrai, mais nous ne pouvons pourtant pas nous empêcher d'y croire ! Pour nous protéger de cela, trois directions doivent être privilégiées.
La première est de comprendre que ce sont les failles dans les images qui permettent de déjouer leurs pièges hypnotiques : toutes les images qui n’introduisent pas le jeu du doute portent un risque hypnotique et, inversement, toutes les images hypnotisantes sont des images qui n'introduisent pas le jeu du doute.

La deuxième direction est d'apprendre à utiliser les images comme une source d'information sur elles-mêmes, et notamment sur la manière dont elles ont été fabriquées.

Enfin, la troisième est de les utiliser comme une source d'information sur soi, en partant des effets émotifs, sensoriels et corporels que certaines images ont sur nous pour tenter d'en comprendre les causes en liaison avec notre histoire personnelle. Le questionnement sur les effets des images sur soi n'est pas seulement l'occasion de faire d'elles une source permanente d'information sur notre histoire et notre personnalité. Elle est aussi une manière d'introduire à une circulation permanente de l'information dans le dialogue familial et citoyen.

8 Juin 2000 : Propagande, publicité, information et désinformation
Conférencier : Serge Tisseron
Né en 1948

Statut : Psychiatre et psychanalyste, enseignant en psychopathologie à l'Université de Paris VII (Censier), chargé d'une recherche sur " les effets des images chez les enfants et les adolescents " par le Ministère de la Culture, la Direction de l'action sanitaire et sociale, le CSA, et le CNC.
Diplômes : Docteur en médecine, et en psychologie.

PUBLICATIONS :
Serge Tisseron a publié plus de cinquante articles dans des revues spécialisées (il est membre du comité de rédaction des Cahiers de Médiologie), une dizaine d'ouvrages personnels (parmi lesquels : Tintin chez le psychanalyste, Aubier, 1985, Psychanalyse de la bande dessinée, PUF, 1987, Secrets de famille, Mode d'emploi, Ramsay, 1996, Le mystère de la Chambre Claire, Les Belles Lettres, Archimbaud, 1996, Le bonheur dans l'image, Les empêcheurs de penser en rond, 1996, Y a-t-il un pilote dans l'image ?, Aubier, 1998, Comment l'esprit vient aux objets, Aubier, 1999, etc.), et participé à une trentaine d'ouvrages collectifs.

Spécialité :
Spécialiste de la bande dessinée, de Tintin en particulier (qu'il a le premier analysé sous un angle psychanalytique), ses recherches se sont orientées dans deux directions : d'une part, les secrets de famille et la honte qui les accompagne, d'autre part, les diverses formes d'images qui nous environnent (s'intéresse à la photographie, propose une théorie psychanalytique des images).

Associations :
Président de la Société de Thérapie Familiale Psychanalytique, il fait également partie de nombreuses associations à caractère scientifique, nationales et internationales, et il est régulièrement consulté comme expert autour de la question des images (Ministère de la jeunesse et des sports, Ministère de la culture, Direction de la protection judiciaire de la jeunesse, Direction de l'action sanitaire et sociale, Office d'évaluation des choix parlementaires).

Particularités :
Vivement intéressé par la bande dessinée sous un angle psychanalytique, Serge Tisseron est lui-même dessinateur humoriste et auteur de bandes dessinées (Les oreilles sales, aux Éditions Les Empêcheurs de penser en rond, par exemple). Il a d'ailleurs réalisé, en 1975, sa thèse de médecine en bandes dessinées (parue aux Éditions Savelli, en 1987).


Résumé de la conférence donnée dans le cadre de l'Université de tous les savoirs