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L'objet de médiation, à la fois objet et médiation
par Serge Tisseron Psychanalyste


Après avoir été longtemps méprisée, l'image est aujourd'hui considérée comme une médiation importante des savoirs. Pourtant, la conception des images que nous avons en Occident est inadéquate. Nous voulons croire que nous aimons les images parce qu'elles voudraient dire quelque chose. Comme si, derrière notre intérêt pour une image, il y avait toujours un intérêt pour son «sens caché».
Mais parler de l'image exclusivement en terme de signification, c'est bloquer la dynamique du désir qui s'y joue et permet d'en jouir. Les images que nous regardons n'ont pas seulement le pouvoir de faire sens. Elles ont aussi le pouvoir de nous contenir et le pouvoir d'exister pour nous comme lieu de transformations multiples. Le drame d'une pensée de l'image en terme de signification, c'est qu'elle prétend réussir à la constituer en opérateur de transformations sans accepter d'abord de la constituer en territoire à explorer. Moyennant quoi, elle manque la vérité de notre rapport à l'image. Si les images n'avaient pas le pouvoir de nous accueillir en elles et de mettre en route certaines opérations psychiques, elles ne seraient jamais constituées par nous en «images», c'est-à-dire en objets porteurs de certaines significations.
Il faut, ici, apprendre à nous démarquer totalement de l'idée qu'une image serait un signe ou un ensemble de signes. Toute image est d'abord, pour son spectateur, un moyen de transport. On peut dire les choses autrement. Les images ont des significations, mais elles ont d'abord des aspects formels qui sont autant de voies d'accès à elles et de relations possibles à l'intérieur d'elles. La preuve en est que nous ne recevons pas une image de la même façon lorsque nous sommes assis dans une salle de cinéma, allongés sur le canapé de notre salon, en train de pianoter sur un clavier d'ordinateur ou d'agiter un joystick.
Par ailleurs, l'image implique le corps, et le corps ne prend son sens qu'à travers les liens que nous établissons avec nos semblables. Se trouver seul face à la même image ou avec d'autres change totalement nos réactions. Entre les spectateurs d'une même image en contact proche, des émotions sont partagées, des gestes sont ébauchés qui sont ou non accompagnés par les autres spectateurs, parfois des commentaires fusent, bref chacune des réactions de chacun est portée et amplifiée par celles des autres ou au contraire inhibée par elles. L'ensemble de ces attitudes ne participe pas seulement, comme on le croit trop souvent, à l'expression des émotions et des sentiments face aux images. Elle est une condition de leur assimilation. Elles font partie aussi des médiations du savoir.
La page d'origine était là
http://www.comu.ucl.ac.be/grems/agenda/dispositif/resumes/tisseron.htm