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Philosophie
Peter Sloterdijk - Le scandaleux
Entretien avec Elisabeth Lévy


Deux nouveaux livres de cet adepte de Nietzsche, considéré comme l'un des philosophes actuels les plus sulfureux, paraissent cette semaine (voir encadré). Certaines de ses prises de position ont provoqué un tollé en Europe. Le clonage, l'éducation, la sagesse, le bonheur, la guerre... il répond au Point.

Il est aujourd'hui de bon ton de citer Peter Sloterdijk. Mais il serait injuste de réduire à un effet de mode le succès de ce philosophe allemand que l'on pourrait décrire comme un anti-Habermas - lui préfère se présenter comme un nietzschéen de gauche. En tout cas, ses lecteurs se multiplient en Allemagne comme en France, un pays qu'il connaît bien et dont il pratique parfaitement la langue. Peut-être est-ce parce qu'il est l'un de ceux qui prennent leur époque à bras-le-corps ? Manipulations génétiques, bouleversement de la culture, mutation anthropotechnique, disparition des frontières : rien de ce qui fait - peut-être - notre avenir n'effraie ce post-heideggérien séduit par les charmes de la technoscience. En 1999, il avait fait scandale en énonçant, au cours d'un colloque, les « Règles pour le parc humain ». Les pro et anti-Sloterdijk s'étaient invectivés par voie de presse. La consécration, universitaire et médiatique, est pourtant venue, puisqu'on l'a, à 54 ans, nommé recteur de la Hochschule für Gestaltung, où il enseigne la philosophie et l'esthétique, puis choisi pour succéder au critique Marcel Reich-Ranicki comme animateur d'une émission de télévision culturelle.
En attendant, celui qui s'inquiétait alors de la disparition de l'humanisme lettré affiche aujourd'hui un optimisme surprenant. Le monde dans lequel vivra sa fillette, âgée d'une dizaine d'années, ne semble plus l'inquiéter. Et, tout en poursuivant son oeuvre, il jouit avec appétit des plaisirs de la vie. C'est que ce géant aime l'amour, la belle langue, la bonne chère et les promenades à vélo autour de sa maison de Grignan, dans la Drôme, où il séjourne régulièrement. Très allemand, sans doute, mais aussi tellement français... -

LE POINT : Lors de la publication des « Règles pour le parc humain », l'évolution de l'humanité vous inquiétait. Aujourd'hui, votre inquiétude semble s'être muée en adhésion au monde qui vient. Pourquoi ?

P. SLOTERDIJK : Après la Seconde Guerre mondiale, la philosophie continentale est devenue une sorte d'herméneutique de la catastrophe. Comprendre le cauchemar, se pencher au-dessus de l'abîme, telle était la tâche principale de la pensée. Et les philosophes devaient aussi s'engager à ce que jamais leurs textes ne puissent servir d'alibi aux horreurs à venir. D'où l'orientation vers une philosophie gothique, terme par lequel les Anglais ont dénommé une certaine littérature, qui fait de l'horreur le sublime du peuple. Au XIXe siècle, dans les domaines littéraire, musical et même idéologique, s'était développé le sens de l'amusement par l'annonce de terreur. Après la guerre, la situation générale de la pensée a favorisé le retour du gothique dans les théories. Dès mon premier livre, « Critique de la raison cynique », j'ai rompu avec cette stratégie de la fraternité de la terreur.

LE POINT : Peut-être, alors, reconnaîtrez-vous avoir changé de stratégie pour répondre à cette terreur. Vous situez-vous encore dans la filiation du cynisme grec que vous invoquiez alors ?

P. SLOTERDIJK : Je n'ai jamais été un vrai cynique. Je n'en ai pas les moyens. En effet, être un cynique cohérent exige des qualités physiques et morales qui me font défaut. Le dernier grand cynique véritable de notre époque a été Cioran, qui menait une vie monastique informelle. Mais être le moine d'un désespoir privé coûte cher, parce que vous êtes tous les jours confronté à des réfutations de votre choix, à la preuve que le bonheur n'est pas aussi éloigné, aussi transcendant. Le cynisme, c'est la décision de ne pas se dissoudre dans le bonheur.

LE POINT : Vous avez également comparé le processus mondial à une party de suicidaires...

P. SLOTERDIJK : Il s'agissait alors de se débarrasser de cet héritage de l'école de Francfort, qui a marqué mes premiers travaux. Cette matrice théorique de la gauche classique était pour moi une sorte de consensus dont il fallait d'autant plus s'affranchir qu'elle se présentait sous la forme d'un discours de résistance à l'opinion dominante du pays. En se prétendant le représentant d'une pensée minoritaire, au bord de l'extinction, Adorno a exercé une pression idéologique sur des strates entières de la pensée contemporaine. D'un point de vue biographique, c'était tout à fait correct car il appartenait à une génération qui ne s'était sauvée de l'Holocauste que par l'émigration. Mais ses positions, légitimes, sont devenues anachroniques au milieu des années 70.

LE POINT : J'insiste sur votre changement de ton...

P. SLOTERDIJK : Il faut distinguer un pessimisme méthodologique d'un pessimisme existentiel. Le pessimisme méthodologique s'impose parce que penser au pire est le fondement même de l'analyse. Mais le métier de professeur consiste à penser au pire tout en menant une vie heureuse. J'ai bien essayé, comme personnage psychologique, d'être aussi désespéré que les théories que je tenais des maîtres de notre génération. Il m'a fallu vingt ans pour retrouver la capacité de méditer le pire tout en adoptant une attitude existentielle tournée vers le bonheur. Car le devoir de l'homme est d'être heureux. Si on veut échapper au piège du ressentiment, il faut vouloir le bonheur.

LE POINT : Quand vous parlez des biotechnologies et même de technique en général, vous ne faites guère preuve de pessimisme méthodologique. Au contraire, vous brocardez ceux qu'inquiètent, par exemple, les expériences d'un Antinori...

P. SLOTERDIJK : L'important est de ne pas anticiper l'avenir à partir de nos expériences du passé. Dans une société plus ou moins médiévale, une véritable innovation technologique produit une révolution. Mais aujourd'hui, alors que nous avons accumulé une expérience extraordinaire, l'introduction modérée et contrôlée de quelques innovations dans la manipulation de la substance génétique chez l'homme, les plantes ou les animaux ne constitue plus une attaque folle. Les conquêtes actuelles sont des processus extrêmement réglementés. Chaque « citoyen épistémologique » - information ou invention - qui réclame le droit d'immigration dans notre société n'obtient un statut civil parmi nous qu'après un examen serré. Mais la culture de la peur dans laquelle nous vivons repose sur une image de la nouveauté comme envahisseur.

LE POINT : Votre point de vue ne cache-t-il pas un rêve démesuré de maîtrise ?

PETER SLOTERDIJK : En réalité, le hasard est le dernier allié de l'inconscient catholique des Européens vis-à-vis de leurs choix existentiels. Dans la société, il y a un parti plutôt protestant, plutôt activiste, qui accepte la fatalité de pouvoir choisir. Et il y a un parti typologiquement catholique - au regard non de la profession de foi mais de l'attitude mentale - pour lequel seul le hasard est habilité à faire des choix. Dès lors que la procréation est le fruit de hasards divers, on ne doit pas s'en mêler. Cette attitude catholique est redoutablement forte, même en Allemagne, où une grande coalition de la superstition veut que le hasard génétique décide à notre place.

LE POINT : Mais si la religion du hasard dépérit, pourra-t-on encore connaître des expériences de la finitude humaine ?

P. SLOTERDIJK : Ce qui vient après la religion du hasard, c'est la sagesse même, la sagesse dans le savoir-faire. La manipulation totale sera à jamais une idéologie idiote. Alors, les premiers à se servir de la nouvelle génétique seront nécessairement les fous, des gens abominables. Antinori prouve qu'il existe toujours des rencontres interdélirantes entre des scientifiques et des non-scientifiques. Il est certain qu'il représente la possibilité qu'a l'homme de science d'aujourd'hui de se mettre au service du délire de la clientèle. Mais j'ai rencontré une dizaine de chercheurs dans ces domaines, et je n'ai jamais vu de scientifiques aussi modérés, prudents, angoissés même, par ce qu'ils font.

LE POINT : Cette foi en la sagesse humaine ne contredit-elle pas votre constat mélancolique sur la crise profonde de l'humanisme lettré ?

P. SLOTERDIJK : Nous sommes au seuil d'un nouveau compromis de la culture dans lequel l'humanisme traditionnel devra régler ses affaires avec la troisième culture dont il n'a jamais pris acte. Et la troisième culture, ce ne sont ni les sciences dures ni les humanités, mais tous les savoirs des ingénieurs. Lorsque Wilhelm von Humboldt et quelques autres ont inventé l'Université moderne à l'époque des guerres napoléoniennes - ce qu'on a appelé le néohumanisme prussien -, il y a eu entre la France et l'Allemagne un dialogue de grande envergure sur la manière dont il fallait éduquer les êtres humains dans cette nouvelle époque. Et la réponse fut un mélange de néoclassicisme et de néoréalisme. Faire la paix entre les savants et la tradition classique, réconcilier l'humanisme de Weimar avec la culture des machines, ce fut la lutte culturelle du XIXe siècle. Dans l'avenir, nous aurons une nouvelle formule forte qui intègre les savoirs techniques et la culture des ingénieurs à ce courant de base qu'est la littérature, le premier art de l'écriture. Le progrès ne naît jamais du renoncement. Les Européens n'ont jamais rien oublié. Ils ont toujours intégré de nouvelles technologies dans des formes toujours plus complexes.

LE POINT : L'avenir, selon vous, passe par la sortie de l'individualisme classique. Toute votre oeuvre récente, en particulier « Sphères », porte sur l'être-ensemble. « Chaque être est accompagné », écrivez-vous. Il faut radicaliser l'idée du lien, « louer le transfert et réfuter la solitude ».

P. SLOTERDIJK : Il nous faut aujourd'hui être révisionnistes par rapport à l'ensemble de pensées caractérisées comme « l'époque de la métaphysique ». J'ai donc participé au procès contre la substance et sa solitude. Notre culture a commis une erreur fondamentale en parlant du sujet humain seul : elle est allée trop loin dans la volonté d'analyser. Il faut s'arrêter au « deux ». L'individualisme métaphysique des Occidentaux parle de l'être humain dans une terminologie qui convient plutôt aux étoiles, aux grains de sable, à des individus physiques qui ne connaissent pas l'extase de l'être-voisin.... Les êtres humains sont selon moi des êtres surréels, littéralement, parce qu'ils vivent dans la surréalité de leurs liens toujours réciproques et toujours asymétriques.

LE POINT : Parlons un peu politique. Pour vous, le combat de la droite contre la gauche a longtemps été celui du lourd contre le léger : la gauche correspondait au désir d'alléger l'existence, la droite à la pesanteur. Cette distinction est-elle encore pertinente, dès lors que rien n'est plus léger que le capitalisme d'aujourd'hui ?

P. SLOTERDIJK : Oui, la flexibilité a changé de camp. Le capitalisme qui propose d'alléger la vie occupe la place de l'ancienne gauche dont la clientèle classique était composée de ceux dont la vie était trop dure. On devenait un personnage de gauche en partageant la vie de ceux qui ne mènent pas une vie facile. Au fond, tout cela est très simple. Il ne s'agit pas de morale abstraite mais d'une idée concrète de la justice.

LE POINT : De là à en appeler, comme vous l'avez fait, à une internationale des patrons...

P. SLOTERDIJK : Mais oui, les patrons partagent le destin des travailleurs. Ils font un travail concret et difficile... Je ne parle pas de la nouvelle leaderclass frivole, mais de ceux qui s'engagent pour la production de biens concrets. Ces patrons-là se retrouveront aux côtés de l'ancien prolétariat, parce qu'ils ont les uns et les autres conscience de contribuer à une production. Il existe vraiment une nouvelle opposition entre production et spéculation.

LE POINT : Est-ce qu'être de gauche au sens d'alléger la vie ne supposerait pas d'assumer un certain conservatisme, conservatisme que vous prêtez avec un peu d'ironie aux gens qui possèdent des bibliothèques et des caves à vin ?

P. SLOTERDIJK : Pour être conservateur, il faut posséder des biens qui méritent d'être gardés et transmis. Tous les collectionneurs de vins savent que ce ne sont pas eux qui boiront les meilleures bouteilles. Et c'est valable pour toutes les cultures matérielles dont on peut souhaiter la survie pour une autre génération d'utilisateurs. Voilà une définition assez élégante et en même temps convaincante d'un bon conservatisme. Si rien ne mérite d'être préservé, il devient absolument inutile de lutter pour l'accès des masses aux biens des élites.

LE POINT : Une école où l'on transmet les savoirs mérite-t-elle, dans cette perspective, d'être conservée ?

P. SLOTERDIJK : L'éducation tout entière est essentiellement une activité conservatrice. Un enseignant progressiste est un conservateur qui s'est caché le côté rétro de son activité. Un véritable éducateur ne songerait pas à proposer, comme vient de le faire notre nouveau ministre de la Culture en Allemagne, d'introduire la musique pop dans l'enseignement des écoles. Cette folie prétendument progressiste cache un noyau vide ou réactionnaire. Pour résumer, je dirais qu'il faut être conservateur à l'égard des richesses acquises. On ne peut pas appartenir à une civilisation quand on la méprise absolument. La civilisation ce n'est pas seulement le savoir-faire, c'est le savoir-apprécier-la-richesse. Et être de gauche, c'est combattre la pauvreté dans tous ses domaines et toutes ses expressions.

LE POINT : Est-ce cela, la gauche nietzschéenne dont vous vous réclamez ?

P. SLOTERDIJK : Oui, Nietzsche est précisément le partisan, le prophète de cette richesse sans mauvaise conscience - à condition, évidemment, de ne pas adhérer à une conception idiote de la richesse. Sans amour de la richesse, on reste toujours dans la politique du ressentiment. Et celle-là, c'est le grand échangeur qui mène trop facilement sur les autoroutes fascisantes.

LE POINT : Le risque est-il ce « fascisme d'amusement » que vous avez évoqué ?

P. SLOTERDIJK : Je réserve ce terme « fascisme d'amusement » à des phénomènes appartenant strictement au registre médiatique. Je pensais à la chasse aux sorcières et, plus largement, à la transplantation de la feria dans le système parlementaire, là où l'on pouvait espérer un débat. C'est ce que j'appelle la société de l'arène. Le cirque romain l'a emporté sur le stade qui hébergeait l'athlétisme à la grecque. Et l'arène romaine, c'est le lieu de naissance du fascisme d'amusement.

LE POINT : Pour vous, le véritable danger fasciste de l'avenir réside aux Etats-Unis.

P. SLOTERDIJK : Il est effrayant de voir avec quelle facilité la sentimentalité, le ressentiment et le bellicisme peuvent envahir la Maison-Blanche. L'invraisemblance de la forme de vie démocratique est beaucoup plus palpable quand on vit aux Etats-Unis, parce que l'hétérogénéité de la société y est telle que, sans un délire partageable, la société se dissoudrait d'un instant à l'autre. Et il faut renouer le prétendu contrat social à chaque instant. C'est parce qu'ils ont appris à publier toute leur personnalité qu'il est si plaisant de parler avec des Américains, alors que nous, à l'image des aristocrates d'autrefois, nous celons nos secrets de famille. L'arrière-pensée est une spécificité européenne. Ici, on fait la conversation, mais on garde toujours le plus intéressant pour soi.

LE POINT : Mais croyez-vous au choc des civilisations ?

P. SLOTERDIJK : Le choc des civilisations est derrière nous : vous savez, Huntington est un recycleur d'idées. Son génie est d'avoir réussi à revendre notre bonne vieille guerre contre les Turcs aux Américains, qui n'ont pas de frontière commune avec les Turcs. Si on veut vraiment savoir où on en est du choc des civilisations, il faut lire la correspondance dans laquelle Voltaire encourage la tsarine Catherine à attaquer l'Empire musulman au nom de la civilisation et lui donne la bénédiction des Lumières pour mener cette guerre civilisatrice. C'est ça le choc des civilisations. Et les Américains ont avalé la pilule...

LE POINT : La vie, écrivez-vous, ne se justifie que par la générosité. Mais comment distinguer cette générosité nietzschéenne de l'humanitarisme plat des bons sentiments ?

P. SLOTERDIJK : C'est une distinction difficile. Certains bons chrétiens estiment être les meilleurs des nietzschéens. Selon eux, Nietzsche aurait sous-estimé le côté généreux du christianisme, insistant sur le ressentiment de celui-ci sans comprendre que la figure du saint, comme celle du sage antique, est porteuse de l'idée de dépense inconditionnelle. Nietzsche aurait-il à son tour manqué de générosité en ignorant cet aspect sublime du christianisme ? Cela dit, aujourd'hui, les impôts ont remplacé la sainteté. Chaque millionnaire, à l'image de saint Martin, donne la moitié de son manteau sans être canonisé.

LE POINT : Les responsables américains ne trouvent pas de mots assez durs pour parler de la France et de l'Allemagne, lesquelles seraient simultanément « ringardes » - la « vieille Europe » - et capitulardes. Le rapprochement de nos deux pays contre la guerre en Irak constitue-t-il la base d'une Europe susceptible de s'opposer à l'Amérique ou traduit-il une volonté de sortir de l'Histoire?

P. SLOTERDIJK : Il faut être reconnaissant au ministre de la Guerre des Etats-Unis, Rumsfeld, pour sa grossièreté productive : l'idée que la France est un problème et que l'Allemagne est un problème constitue la pure vérité. Malheureusement, les propos du ministre ne contiennent aucun élément laissant penser qu'il cherche à comprendre la nature du problème. Il additionne tout de même les deux Etats qui refusent et les oppose au groupe, plus important, de ceux qui disent oui - avec ce résultat que l'Europe semble scindée entre un camp compatible avec Bush et un camp incompatible. C'est visible, même si c'est faux. Admettons-le : une faille parcourt effectivement le monde occidental, mais sa ligne de rupture n'apparaît pas du fait des vulgarités de Rumsfeld. La vieille Europe, dignement représentée par la France et l'Allemagne, est la fraction avancée de l'Occident, celle qui, sous le coup des leçons données par le XXe siècle, s'est convertie à un style culturel post-héroïque - et à son pendant politique. Les Etats-Unis restent au contraire totalement attachés aux conventions affectives et politiques de l'héroïsme. Des héros du type de Rumsfeld et de Bush sont emplis par la croyance que c'est au bout du compte la force qui rend libre, et que la culture et les lois ne valent que par beau temps. La querelle concerne le sens de la « réalité » : Rumsfeld estime que les Etats-Unis sont les adultes sur la scène mondiale et qu'ils pratiquent la realpolitik ; les pays problématiques en Europe pensent plutôt qu'à Washington c'est l'infantilisme réel qui est au pouvoir.

Peter Sloterdijk


« Si l'Europe s'éveille. Réflexions sur le programme d'une puissance mondiale à la fin de l'ère de son absence politique » (Mille et Une Nuits, 96 pages, 10 e). Ecrit en 1994, ce texte apparaît aujourd'hui singulièrement prémonitoire.
« Ni le soleil ni la mort, jeu de piste sous forme de dialogue avec Hans-Jürgen Heinrichs » (Pauvert, 340 pages, 25 e).
Une promenade, souvent polémique, à travers les grands thèmes de l'oeuvre de Sloterdijk, autrement dit dans le monde de demain. Son oeuvre est vaste et d'un accès plus ou moins facile.
On lira avec plaisir les textes de ses conférences, publiés par Mille et Une Nuits : les « Règles pour le parc humain » (2000), « La domestication de l'être » (2000), « La compétition des bonnes nouvelles » (2002).
Il serait dommage, cependant, de se priver de ses livres précédents : « Sphères » (Pauvert 2002), « Dans le même bateau » (Rivages, 1996) ; « Essai d'intoxication volontaire » (Calmann-Lévy, 1999) et « Critique de la raison cynique » (Bourgois, 1987).


Journal Le Point Le point 14/02/03 - N°1587 –

Le lien d'origine : http://www.lepoint.fr/edito/document.html?did=126616