Dans un courrier, elle interpelle les centrales syndicales. C'est une
lettre peu banale que Malika Zediri, une des animatrices de l'association
de chômeurs Apeis, vient d'adresser à trois confédérations syndicales
– CFDT, CGT et FO. Un "retour sur manif" plutôt amer à propos du
défilé des électriciens et gaziers qui avait réuni, le 3 octobre,
plusieurs dizaines de milliers de personnes dans la capitale. "Je voudrais
me faire l'écho de comportements ou déclarations entendues ce jour-là",
écrit-elle en préambule aux dirigeants syndicaux destinataires de son
courrier.
Dans sa lettre, elle annonce être allée, elle aussi, manifester avec une
trentaine de membres de son association. "Les services publics, dans
les associations de chômeurs, nous savons à quel point nous en avons besoin
et nous savons aussi à quel point ils pourraient être améliorés",
explique-t-elle. "Nous étions beaucoup de femmes, de jeunes filles
maghrébines, nous étions gaies, puis la manif est passée", poursuit
Mme Zediri. Avec la CFDT, indique-t-elle, nous avons eu peu de contacts
ou des contacts "franchement hostiles".
Puis vint FO. "Cela a été méprisant du début jusqu'à la fin, à tel
point que cela a failli dégénérer plusieurs fois", souligne-t-elle.
Et d'évoquer "ce militant couvert de badges qui m'a prise par l'épaule
dans un geste paternaliste pour me dire : "Le boulot, cela se mérite,
apprends donc à te lever à 4 heures du matin"." Et de citer cet
autre militant FO qui interpelle une jeune femme chômeuse de l'Apeis :
"Avec la paire de nibards que tu as, tu devrais quand même trouver
des gosses à garder."
Quand la CGT est passée, ajoute Mme Zediri, une partie des troupes avait
déjà "arrosé" largement la manif et un cran supplémentaire a été franchi.
"On a eu droit alors à un festival d'interpellations du type "je t'achète
ton canard si tu suces", ou encore "je le prends si tu couches"."
C'est à ce moment-là, indique-t-elle, qu'une "jeune copine qui faisait
sa première manif a éclaté en sanglots". Mme Zediri, habituée
des défilés syndicaux, constate : "C'est la première fois que
je vois cela. Dans certains cortèges, il y avait un côté "on est en java,
c'est normal donc de se conduire comme cela"."
Et elle interpelle les centrales dans son courrier : "Quelle différence
entre ce que nous avons entendu pendant cette manif et le jeune qui entreprend
dans les mêmes termes les nanas au bas de sa cage d'escalier ?"
"C'était une belle manif,conclut-elle, mais au final, il nous
est resté comme une drôle d'impression, nous avons trouvé du mépris, des
insultes, du sexisme. On s'est senties véritablement agressées."
Cet article est paru dans le journal LE MONDE le 02.11.02
Le lien d'origine de l'article sur le sexisme en manif :
http://www.lemonde.fr/imprimer_article/0,6063,296665,00.html
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