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Nicolas Sarkozy : une année de glissement sécuritaire
LEMONDE.FR 30.07.10
Vives réactions après les propos de Nicolas Sarkozy sur la sécurité

Origine : http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/07/30/nicolas-sarkozy-un-an-de-glissement-securitaire_1394210_823448.html

En intégrant à son discours une proposition émanant du Front national – la déchéance de nationalité pour certains délits – Nicolas Sarkozy atteint le point d'orgue d'une année de glissements sémantiques et d'appels du pied en direction de l'extrême droite.

Le fiasco du débat sur l'identité nationale.

Tout commence en septembre 2009. Après l'affaire de l'EPAD (le fils du président a un temps brigué la direction de l'établissement public d'aménagement de La Défense, avant de se retirer face au tollé provoqué par sa candidature), Nicolas Sarkozy est au plus bas dans les sondages. Même sa base électorale lui retire sa confiance. A quelques mois des régionales, il est urgent de réagir. L'Elysée relance alors les annonces sur la sécurité : un déplacement éclair en Seine-Saint-Denis, le temps d'aller dénoncer les "voyous", en novembre, mais surtout, le lancement d'un "grand débat sur l'identité nationale".

Cette idée du ministre de l'immigration Eric Besson, qui souhaite définir ce qu'est "être français", donne lieu à une surenchère de postures nationalistes, voire xénophobes, et de dérapages autour de l'islam et des Français d'origine maghrébine. Il faut dire que Nicolas Sarkozy a demandé, en privé, à ses ministres, de faire "du gros rouge qui tache". Mais devant le tollé suscité par le débat, le chef de l'Etat préfère laisser à François Fillon le soin d'assister au colloque prévu, le 4 décembre 2009, sur la question.

Quand Sarkozy cite Barrès.

Le 13 novembre 2009, Nicolas Sarkozy profite d'un déplacement à La Chapelle-en-Vercors pour se lancer dans une longue tirade sur ce qu'est et n'est pas la France. Un discours qui emprunte à Maurice Barrès pour mieux exalter les valeurs du terroir et évoque à plusieurs reprises les racines chrétiennes du pays, tout en vantant le "métissage".

L'appel à "la discrétion" des musulmans.

Quelques jours plus tard, le 9 décembre, le chef de l'Etat publie une tribune dans Le Monde, en pleine polémique sur le référendum organisé en Suisse au sujet de l'interdiction des minarets. "Au lieu de vilipender les Suisses parce que leur réponse ne nous plaît pas, mieux vaut nous interroger sur ce qu'elle révèle", écrit le chef de l'Etat, qui promet de tout faire pour que ses "compatriotes musulmans se sentent des citoyens comme les autres", mais demande à chacun de pratiquer son culte avec une "humble discrétion".

"Combat" contre l'immigration clandestine à Mayotte et en Corse.

En janvier 2010, Nicolas Sarkozy profite d'un déplacement à Mayotte, où débarquent de nombreux immigrés illégaux, pour évoquer "le combat", "encore loin d'être gagné", contre ce phénomène. Quelques jours plus tard, en Corse, il promet : "Je ne laisserai pas de nouvelles filières d'immigration se développer en France."

Retour à la sécurité.

Lors de ses vœux aux "travailleurs de la Saint-Sylvestre", Nicolas Sarkozy se dit "choqué" par une fusillade qui a tué un adolescent à Lyon. "Nous allons nous occuper de ces bandes cette année. Nous devons repenser notre politique en ce domaine et adopter des mesures sévères pour combattre la possession et l'utilisation d'armes à feu par des voyous", promet le chef de l'Etat. Le 16 février, l'Assemblée adopte la loi Loppsi, qui renforce les mesures d'identification et de vidéosurveillance et autorise l'instauration d'un couvre-feu pour les mineurs de 13 ans.

Le Quick halal.

Courant février, une polémique naît de la décision d'un restaurant Quick d'expérimenter la vente de burgers halal dans plusieurs de ses restaurants. Plusieurs politiques de droite et de gauche s'indignent, dont Luc Chatel, porte-parole du gouvernement, expliquant qu'il n'est "pas un fana du communautarisme".

La violence au secours de l'UMP aux régionales.

Les sondages prédisent une défaite aux régionales pour le parti présidentiel. Dans les derniers jours de la campagne, Nicolas Sarkozy et François Fillon multiplient les discours sur l'insécurité et la lutte contre la délinquance, promettant une action rapide contre les "voyous" et des moyens renforcés pour la police.

La fin des régionales est marquée par l'affaire Soumaré.

Sur la foi de mauvais renseignements judiciaires, des élus UMP accusent leur adversaire socialiste dans le Val-d'Oise d'être un "délinquant multirécidiviste". Ils doivent s'excuser lorsque le procureur de Nanterre dément les accusations. Au premier tour de l'élection, et malgré ces mois de campagne sur les thématiques sécuritaires, le FN retrouve son niveau électoral de 2007. L'UMP a échoué à conserver les voix prises au parti d'extrême droite. Et une partie de son électorat du centre droit n'a pas cautionné ce discours trop autoritaire et s'est abstenu.

Annonces sur les violences scolaires.

Prenant acte de son échec, Nicolas Sarkozy annonce une série de mesures censées lui redonner une crédibilité en matière de sécurité. Eric Besson présente un projet de loi destiné à aider l'administration à renvoyer plus facilement des sans-papiers dans leur pays d'origine. Le 5 mai, le chef de l'Etat promet des internats fermés et évoque la possibilité de suspendre les allocations des parents d'enfants délinquants (mesure déjà existante mais pas appliquée).

Polémique sur le voile intégral.

Depuis décembre, l'Assemblée polémique sur une résolution désapprouvant le voile intégral et un projet de loi visant son interdiction. A La Chapelle-en-Vercors, en novembre, Nicolas Sarkozy assure que "la France, ce n'est pas la burqa". Début avril, l'affaire rebondit lorsqu'une conductrice est verbalisée pour port du voile intégral. Elle refuse de payer l'amende et fait entrer en scène son mari, Liès Hebbadj, qui assume sa polygamie et moque les autorités. Brice Hortefeux et Eric Besson annoncent alors réfléchir à un moyen de le "déchoir de sa nationalité".

Un ministre condamné pour "injure à caractère raciste".

Le 4 juin, Brice Hortefeux est condamné à 750 euros d'amende et 2 000 euros de dommages et intérêts pour injure à caractère racial. C'est la première fois qu'un ministre de la Ve République en exercice est condamné pour un tel motif. Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) avait porté plainte suite à la diffusion par Le Monde.fr d'une vidéo où l'on voit le ministre, discutant avec un militant d'origine maghrébine, expliquer : "Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes." Brice Hortefeux fait appel, et reste en poste.

Loi sur l'outrage au drapeau.

Une fois encore, un fait divers donne lieu à une polémique qui se solde par une loi. En avril, un concours de la FNAC de Nice récompense une photo où un homme s'essuie le postérieur avec un drapeau français. Le député UMP des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, le "M. Sécurité" de l'UMP, s'insurge et en appelle au ministère de la justice. Ce dernier proteste à son tour contre un "acte inadmissible". Et propose de renforcer le droit. Par un décret du 23 juillet 2010, l'outrage au drapeau est désormais passible d'une amende de 1 500 euros.

Annonces contre les gens du voyage.

Suite à des violences consécutives à la mort d'un jeune voyageur, Nicolas Sarkozy convoque une réunion à l'Elysée. Il en ressort une série de mesures répressives faisant l'amalgame entre Roms (le plus souvent d'origine étrangère) et gens du voyage : démantèlement des camps illégaux, reconduite à la frontière… Plus quelques déclarations provocatrices, comme celle de Brice Hortefeux, qui explique "que beaucoup de nos compatriotes sont à juste titre surpris en observant la cylindrée de certains véhicules qui traînent les caravanes".

Samuel Laurent

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Vives réactions après les propos de Nicolas Sarkozy sur la sécurité
LEMONDE.FR 30.07.10

http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/07/30/vives-reactions-apres-les-propos-de-nicolas-sarkozy-sur-la-securite_1394212_823448.html

Le virulent discours de Nicolas Sarkozy sur la sécurité, prononcé vendredi 30 juillet à la préfecture de l'Isère et dans lequel le chef de l'Etat a menacé de déchoir de la nationalité française toute personne d'origine étrangère qui porterait atteinte à la vie des représentants de l'autorité publique, a provoqué de vives réactions.

"Le président de la République a pris la lourde responsabilité de faire des étrangers et des personnes d'origine étrangère ceux et celles qui seraient responsables de l'insécurité", déclare la Ligue des droits de l'homme dans un communiqué. "Ce qui est en cause, ce n'est plus le débat légitime en démocratie sur la manière d'assurer la sécurité républicaine, c'est l'expression d'une xénophobie avérée. Quelle que soit la légitimité que confère l’élection, aucun responsable politique ne détient le mandat de fouler aux pieds les principes les plus élémentaires de la République, et de désigner à la vindicte des millions de personnes. Le président de la République et son gouvernement mettent ainsi en œuvre une stratégie de la tension, en espérant sans doute retrouver un électorat perdu, au risque de mettre en péril la paix civile."

L'Union syndicale des magistrats fait remarquer par la voix de son secrétaire général, Laurent Bedouet, que la déchéance de la nationalité française "pose des problèmes éthiques et constitutionnels. Sur quels critères va-t-on pouvoir déchoir quelqu'un de la nationalité française ? Quel est le rapport entre la déchéance de la nationalité et la lutte contre la délinquance ? C'est un nouvel effet d'annonce. A chaque nouveau fait divers, une nouvelle loi. On connaît, c'est un rideau de fumée législatif qui cache la dramatique diminution des moyens de la police".

SUPPRESSION DE 11 000 POSTES DE POLICIERS

Le Parti socialiste comme les Verts ont insisté sur "l'échec" de la politique de sécurité du président, soulignant que le chef de l'Etat était "responsable de la suppression de 11 000 postes de policiers et gendarmes depuis 2007". "Nicolas Sarkozy a dressé à Grenoble le bilan d'échec de sa politique sécuritaire et d'immigration" a déclaré Jean-Christophe Cambadélis. "Le président de la République se propose pourtant de continuer." Pour les Verts, "l'inflation des lois, le durcissement des mots ne feront pas oublier la diminution des postes et l'augmentation des violences".

"M. Le Pen et sa fille n'ont plus besoin de parler, la copie parle à leur place", a pour sa part estimé le député vert Noël Mamère. "On a le sentiment que le président de la République ne sait plus quoi inventer pour reconquérir son électorat perdu. […] Il souffle sur les braises d'un pays qui n'a pas besoin qu'on lui invente de nouveaux boucs émissaires, […] on se demande où il va s'arrêter."

Pour Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche), "la nationalité acquise ne doit pas être remise en cause pour des raisons de droit commun sauf à créer une catégorie nouvelle de sous-Français conditionnels". "Le président devrait prendre garde que sa condition de fils d'immigré ne permette pas demain de le déchoir de sa nationalité s'il venait à être poursuivi ou condamné, à tort ou à raison, du fait des conséquences de ses accointances avec les milieux d'affaires", poursuit-il. "Seul le régime du maréchal Pétain a eu recours à la remise en cause de la nationalité comme politique d'ensemble. La déchéance de la nationalité française est une mesure inefficace, stupide et anti-républicaine."

"Un Etat de droit ne fait pas la guerre, pas plus au terrorisme qu'aux criminels", a enfin commenté l'ancien premier ministre Dominique de Villepin.

A droite, le député UMP Thierry Mariani a annoncé qu'il comptait déposer un amendement allant dans le sens des déclarations du président dans la prochaine loi sur l'immigration afin de rétablir "une disposition qui existait dans la loi française jusqu'en 1998 et qui permettait la déchéance de la nationalité française pour tout étranger condamné pour un crime à au moins cinq ans de prison ferme dans les dix ans suivant son acquisition de la nationalité française. Cette disposition avait été supprimée par la garde des sceaux de l'époque, la socialiste Elisabeth Guigou".

Le Front national a de son côté affirmé, par la voix de son vice-président Bruno Gollnisch, être le seul parti "à sonner l'alarme et à dénoncer les graves déséquilibres sociaux engendrés par la folle politique d'immigration massive et incontrôlée mais orientée vers le communautarisme". "Vous vous étiez engagé à la maîtrise de l'immigration. Rien n'a été fait. […] Commencez, M. le président de la République, par nous débarrasser des voyous étrangers, et nous ferons de la place pour les nôtres dans nos prisons", écrit-il dans une lettre ouverte à M. Sarkozy.