Le problème du relativisme
par Robert Tremblay, du cégep du Vieux Montréal
Introduction
On entend souvent dire que tout est relatif. Cette expression signifie
que toutes les opinions se valent, car elles s'expliquent toutes par
le point de vue d'une personne, surtout si on considère son éducation,
son époque, sa culture, la famille dans laquelle il a vécu, ses traumatismes
infantiles et toutes sortes de facteurs qui ont pu influencer ses opinions.
La proposition "tout est relatif" signifie donc que les opinions
d'une personne sont relatives à son environnement et qu'elles sont,
d'une certaine manière, justifiées par lui. Une vérité n'est pas vérité
en elle-même, dans l'absolu, mais seulement du point de vue relatif
de la personne qui l'énonce ou qui y croit. Ces idées résument bien
ce qu'on entend par le relativisme.
Le relativisme est une philosophie très souvent spontanée qui a pour
effet de faire équivaloir toutes les opinions. Par exemple, quelqu'un
peut dire que l'homosexualité est anormale ou immorale. L'autre répondra
que c'est relatif. En effet, poursuivra-t-il, dans l'Antiquité grecque,
l'homosexualité et même la pédophilie étaient bien vus, et considérés
comme supérieures à l'hétérosexualité. En outre, pour un homosexuel,
l'homosexualité est une chose normale, dont il peut être fier. Certains
hétérosexuels respectent les homosexuels, et comptent des amis parmi
eux. D'autres les détestent. Tout est relatif! Au fond le problème du
relativisme est le suivant: est-il vrai que toutes les opinions s'équivalent
parce que tout est relatif?
La relativité des préférences personnelles
Il est certain que la plupart des gens acceptent cette idée dans le
domaine des préférences personnelles. Quelqu'un aime la crème glacée
aux bananes et quelqu'un d'autre la déteste. C'est relatif. Une autre
maxime dit: les goûts ne se discutent pas. Cela signifie que dans le
domaine des préférences, chacun a droit à ses opinions, et qu'il est
de toute façon inutile d'argumenter là-dessus. En effet, dans le domaine
des préférences, la plupart des gens acceptent l'idée que les opinions
personnelles en matière de goût ne se discutent pas vraiment et s'équivalent.
Le goût est largement une affaire de culture et d'habitudes personnelles.
La plupart des Occidentaux sont rétifs à manger des insectes comestibles,
mais n'hésitent pas à croquer des crevettes. Dans certains pays, le
grillon est un met de choix. On ne peut pas affirmer dans l'absolu que
tel goût est supérieur à un autre. Quelles que soient les valeurs nutritionnelles
objectives des ténébrions (de petits vers blancs comestibles), bien
des gens refuseront toujours d'y goûter. Ont-ils tort? Ont-ils raison?
Poser ces questions nous amènent à accepter l'idée que c'est une affaire
de goût personnel, et qu'il est inutile d'en débattre.
Pourtant même dans ce domaine la relativité n'est pas complète. La haute
cuisine est toujours meilleure que la cuisine rapide, quelles que soient
vos préférences particulières. Les petits restaurants français, vietnamiens,
californiens ou mexicains font le plaisir des gourmets. N'importe quelle
cuisine élaborée, préparée par un cuisinier d'expérience, sera plus
appréciée que la pizzeria du coin. Ainsi, on voit que même dans le domaine
des goûts, la relativité est relative!
La relativité esthétique
Peut-on dire la même chose dans d'autres domaines? Prenons le cas de
la musique. En apparence, la situation est la même. Certaines personnes
aiment la chansonnette et d'autres ne jurent que par le "hard rock";
certains préfèrent le jazz et d'autres ne peuvent en supporter deux
notes. Nous aurions tendance à dire que tout est relatif et que les
opinions musicales se valent toutes. Pourtant, il est peu probable qu'un
chanteur qui fausse soit apprécié, peu importe son style! Une personne
qui connaît la musique, sans égard à ses préférences personnelles, reconnaîtra
que Bach est un grand musicien et que les Beatles ont beaucoup innové.
Même si quelqu'un préfère le classique, à condition qu'il y habitue
son oreille, il devra reconnaître que certains musiciens de jazz sont
d'excellents compositeurs. Bien entendu, personne n'est obligé de faire
cette démarche, mais dans le domaine esthétique, comme dans le domaine
des goûts, certains critères de qualité existent, peu importe le style.
Nous pouvons donc conclure à nouveau que la relativité est relative!
Le relativisme moral
Venons-en maintenant aux jugements de valeur. Encore ici, pour bien
des gens à notre époque, toutes les valeurs s'équivalent. En effet,
ce qui est mal un jour, est bien le lendemain, ce qui est mal dans un
pays, est bien dans l'autre. À l'intérieur d'une même société, de nombreux
codes moraux cohabitent avec plus ou moins de bonheur. Les féministes
défendent l'accès à l'avortement sur demande, alors que des chrétiens
fanatiques font sauter des cliniques d'avortement en les comparant aux
fours crématoires! Certaines personnes ne semblent vivre que pour l'argent
ou le pouvoir, alors que d'autres ne recherchent que le plaisir des
sens ou la jouissance esthétique. On dit bien qu'il y a des valeurs
communes, comme le respect des droits de la personne ou la tolérance,
mais celles-ci ne sont qu'un vernis apposé sur une diversité foncière,
ou, malheureusement, il faut bien reconnaître que parfois les droits
sont bafoués et l'intolérance triomphe. Dans une telle tour de Babel
morale, il y en a beaucoup qui sont nostalgiques d'une époque ou la
morale dominante était largement partagée et très respectée. Cela doit-il
nous amener à penser que toutes les valeurs morales s'équivalent et
que toutes les opinions sont également respectables? Les gens ne sont-ils
que des automates qui répètent bêtement les valeurs de leur époque et
de leur milieu?
Étant donné la diversité des échelles de valeurs, il est très difficile
de prétendre que la relativité morale n'existe pas: c'est un fait évident.
Bien entendu, les personnes qui ont un code moral très ferme, penseront
qu'eux seuls sont dans la vérité et que tous les autres sont dans l'erreur.
C'est précisément à cette idée que s'oppose le relativisme moral: un
comportement n'est bien ou mal que du point de vue de celui qui le croit
bien ou mal. Par contre, le relativisme moral a une limite. En effet,
cette attitude d'ouverture, repose sur une valeur bien déterminée: la
tolérance. Ainsi le relativiste moral, ne peut pas remettre en question
la tolérance, qui est à la base de sont point de vue. Pour lui, la tolérance
est bien, et l'intolérance est mal. Par conséquent, il s'opposera à
l'absolutisme moral. Sur cette question, il cessera de prétendre que
toutes les opinions se valent, puisqu'il pense que le relativisme est
meilleur que l'absolutisme, car il est plus tolérant de la diversité.
En outre, certaines valeurs semblent avoir une portée plus universelle
que d'autres, même si elles ne sont pas toujours respectées: par exemple,
le soutien et la protection des enfants. Il n'y a pas de société où
les abuseurs d'enfants sont des héros! Encore ici, nous voyons que le
relativisme a une limite.
La relativité dans l'interprétation des faits
Enfin, examinons les jugements de faits. Peut-on dire que dans le domaine
des faits, tout est relatif? À première vue, non. "L'eau bout à
100° centigrades" ne semble pas être une question d'opinion personnelle.
C'est un fait prouvé, établi scientifiquement, et il y a des millions
de faits de ce genre. Pourtant, on remarque aisément que pour les gens
du XIIe siècle "la Terre est plate" était une vérité de ce
genre. De la même façon, les déistes croient que "Dieu a créé le
monde" est un fait, et non une opinion relative, car pour eux s'il
y a une création, ça prend un créateur! Bien que tautologique, cet argument
leur paraît indubitable. Un autre exemple peut nous éclairer: quand
des policiers enquêtent sur un accident, ils constatent toujours que
les différents témoins ont des point de vue divers et quelquefois divergents
sur le même événement. Il semble donc que les faits soient aussi matière
à interprétation. Un fait n'est un fait qu'à l'intérieur d'un certain
système d'interprétation et de perception des choses.
Pourtant cette relativité de l'interprétation rencontre aussi une limite.
Même si les gens croyaient que la Terre était plate dans le passé, ils
se trompaient. Car objectivement elle est ronde, et nous avons de nos
jours bien des preuves de ce fait. La Terre n'est pas devenue ronde
avec Galilée! Il existe donc des faits qui ne sont pas relatifs aux
interprétations divergentes: certains ont la vérité, et d'autres se
trompent. Ainsi, toutes les opinions ne se valent pas. L'opinion du
savant spécialiste d'un domaine est généralement supérieure à celle
d'un ignorant! Pourtant, même les plus grands spécialistes se trompent
quelquefois, car l'erreur est humaine. on peut donc dire que si dans
le domaine des faits, la relativité des opinions paraît moins grande,
elle ne disparaît pas tout à fait sous les preuves de la science, surtout
dans les domaines ou la scientificité (le degré de preuve) est moins
élevée: dans les sciences humaines, par exemple. Bien des faits "établis
scientifiquement" dans le passé se sont avérés être des erreurs
totales ou des supercheries. Il est douteux que nous soyons la première
culture infailible de l'histoire! Au contraire, il est probable que
les générations futures riront de nos erreurs! Sans tomber dans le relativisme
total, on voit qu'il ne faut pas tomber non plus dans la confiance sans
limite en nos connaissances actuelles.
Toutes les opinions se valent-elles?
En conclusion, nous ne pouvons pas accepter le relativisme total qui affirme
que toutes les opinions se valent. En effet, ce relativisme, qui repose
sur une certaine ouverture d'esprit, rencontre de sérieuses limites. Dans
le domaine des préférences, il y a des goûts plus développés que d'autres.
Dans le domaine esthétique, il existe quelques critères de qualité pour
définir les grandes oeuvres. Dans le domaine moral, le relativisme total
est incohérent, puisqu'il repose lui-même sur une certaine échelle de
valeurs posée comme vraie: la tolérance, l'ouverture aux autres, le respect
mutuel. Enfin, dans le domaine des faits, la liberté dans l'interprétation
des faits se heurte aux critères de l'objectivité dans les sciences. Pourtant,
entendu dans un sens modéré, le relativisme s'appuie sur des constatations
solides: la diversité réelle des goûts, des critères esthétiques, des
codes de valeurs morales, des interprétations du monde matériel. Il semble
donc que si un relativisme total est une position intenable, l'absolutisme
est une position bornée et peu sensible à ces phénomènes de diversité.
Un relativisme modéré (un relativisme relatif!) est une position philosophique
qui correspond bien au défi posé. En effet de ce point de vue, toutes
les opinions ne se valent pas, car certaines sont plus articulées, plus
objectives, plus fécondes que d'autres. Par contre, face à deux opinions
également articulées mais divergentes, il n'est pas possible de décréter
qu'une d'elle soit tout à fait supérieure à l'autre, car il vient un point
de la discussion où tout est affaire de perspective. Le relativisme contient
donc une part de vérité.
Une argumentation contre le relativisme
par Jean Laberge, du cégep du Vieux Montréal
On entend couramment dire "En matière de morale (avortement, clonage,
euthanasie), toutes les opinions se valent.", "Chacun a sa
perception des choses, ses valeurs; personne n'a tort.", "On
ne doit pas juger les autres, car on ne vit pas ce qu'ils vivent",
etc. Pour bon nombre d'entre nous, ces phrases paraissent receler une
grande sagesse. En philosophie, cette prétendue sagesse populaire prend
le nom de relativisme.
Lorsqu'on l'examine de près, on s'aperçoit que le relativisme comporte
de très sérieuses difficultés. Il est loin d'être la sagesse que plusieurs
croient. Le problème du relativisme est complexe, car il peut prendre
diverses formes. Mais, d'abord, il convient de faire une importante
distinction entre le relativisme culturel et le relativisme
moral. Comme on le verra, on ne peut conclure de la vérité du second
à partir de l'affirmation du premier.
1. Le relativisme culturel
Le relativisme culturel énonce que les normes, modèles culturels, de
même que les règles morales, diffèrent d'une culture ou d'une société
à l'autre. Les façons de faire l'amour, de se vêtir, d'obéir à l'autorité,
de mourir, d'éprouver des sentiments, etc. diffèrent d'une culture ou
d'une société à l'autre. Des études sociologiques ont montré par exemple
qu'il y a une grande diversité en ce qui concerne les normes régissant
le comportement sexuel avant le mariage. Sur 158 sociétés étudiées,
65 les encouragent; 43 les approuvent sous certaines conditions; 6 ont
tendance à les désapprouver; 44 les condamnent et les sanctionnent (Voir
Schaefer, R.T., Sociology, N.Y., 1989, p. 82). Devant une telle
diversité, les chercheurs en sciences humaines concluent à l'évidence
qu'il n'y a pas de modèle culturel universel en ce qui concerne les
normes et les règles sexuelles avant le mariage.
L'anthropologue français Lucien Levy-Bruhl (1857-1903) a soutenu le
relativisme culturel dans son célèbre ouvrage La Morale et la
Science des Moeurs. Selon lui, les codes moraux ne sont que les moeurs
et les coutumes d'une société érigées en système. Quatre cent ans plutôt,
son compatriote, Michel de Montaigne (1533-1592), soutenait la thèse
du relativisme culturel et concluait au scepticisme en matière de morale.
L'ethnologue américain Ruth Benedict (1887-1948) défendit la même thèse
dans son étude comparative qu'elle consacra aux Indiens du sud-ouest
des États-Unis. La morale, selon elle, différe d'une société à l'autre;
ce n'est qu'un terme commode désignant l'ensemble des habitudes sociales
reconnues. On pourrait citer en outre les noms de Franz Boas (1858-1942)
et de Margaret Mead (1901-1978), dont les études portant sur les Esquimaux
du Nord de l'Amérique, sur les sociétés des îles de Samoa, de la Nouvelle-Guinée,
etc., permirent d'amasser quantité de faits étayant le relativisme culturel.
Le relativisme culturel se présente donc une réalité factuelle établie
par les sciences humaines, en particulier par la sociologie, l'anthroplogie
et de l'ethnologie. Tout étudiant en sciences humaines en a attendu
parler. Pour lui, c'est une chose qui va de soi. D'ailleurs, son appartenance
à une société pluraliste et multiculturelle confirme chaque à jour la
validité du relativisme culturel. Pour la sociologie, c'est devenu presqu'un
"dogme".
Toutefois, d'autres études contestent ce "dogme". Clide Kluckohn
(1905), en particulier, a fait valoir que s'il y a diversité au niveau
des normes ou des règles morales, il est loin d'être clair
qu'il y ait diversité au niveau des principes moraux. "Il
ne faut pas voler" est une règle morale. "Agit toujours de
telle façon que le plus de gens possibles du groupe survivent et prospèrent"
est un principe moral qui, selon Kluckohn, semble universel, même pour
un groupe ou une société qui n'adopte pas la règle morale sanctionnant
le vol. Il est également établi que le tabou de l'inceste est universel;
que toutes les cultures ont un code moral et des lois protégeant la
propriété des biens; qu'aucune ne tolère le mensonge, le vol et le meurtre
tout azimuth.
Malgré les faits qui la supporte, la thèse du relativisme culturel est
loin d'être prouvée. Il importe toutefois de noter que, même s'il advenait
que le relativisme culturel soit vrai, il ne s'ensuivrait pas que le
relativisme moral le soit également. La vérité du premier n'implique
pas la vérité de l'autre. En d'autres mots, on ne peut pas justifier
le relativisme moral sur la base du relativisme culturel.
2. Le relativisme moral
Le relativisme moral (désormais nous parlerons du relativisme
tout court) énonce que ce qui est bien ou correct pour un individu ou
une société n'est pas bien ou correct pour un autre individu ou une
autre société. Le relativisme énonce donc une thèse morale ou
normative quant à ce qui est bien ou mal. Le relativisme culturel
énonce, lui, une thèse factuelle, et on ne peut fonder une
thèse morale ou normative sur une thèse factuelle. Pourquoi
donc ? Parce qu'on ne peut fonder ce qui est bien ou correct sur le
simple fait que bon nombre de gens ou de sociétés font (ou ne font pas).
L'appel à la majorité n'est pas un argument valable, c'est même un sophisme!
En d'autres termes, bien qu'une vaste majorité de sociétés interdisent
les relations sexuelles entre les parents et les enfants, ce fait
en lui-même ne constitue pas une raison suffisante pour blâmer et
récrier comme immorale toute pratique incestueuse. Et ce n'est pas parce
qu'une vaste majorité de sociétés ont des coutumes et de moeurs différentes
que c'est une bonne raison pour dire que voler, mentir ou tuer sont
des actions morales sans fondement véritables. C'est donc sur un autre
plan que ces conduites peuvent être réprouvées.
3. Une argumentation contre le relativisme
Si le relativisme culturel ne permet pas de fonder le relativisme, existent-ils
de bonnes raisons d'y croire? Le relativisme représente une attitude
positive de tolérance à l'égard des opinions souvent divergentes des
autres. Combien de fois entend-t-on dire : "Tu as tes raisons de
penser comme tu le fais; et j'ai les miennes de penser comme je pense.
Chacun a droit de penser ce qu'il pense et personne n'a le droit de
dicter aux autres ce qu'il faut penser et faire !" Il est évident,
cependant, que l'idée que nous devrions être tolérants est elle-même
un jugement moral qui ne peut servir à justifier le relativisme. Il
serait incohérent de vouloir chercher à le justifer sur la base d'une
règle morale qui serait elle-même soustraite aux exigences relativistes
! En effet, un relativiste total devrait accepter aussi bien l'intolérance
que la tolérance !
Plusieurs arguments ont été avancés en faveur du relativisme: aucun
d'eux n'est vraiment convaincant. En réalité, le relativisme repose
sur lesubjectivisme; mais celui-ne présente de graves diffcultés.
Pire encore, des objections sérieuses, certaines dévastatrices, ont
été formulées contre le relativisme. Voici notre propre argumentation
contre le relativisme:
(1) Celui qui épouse le relativisme s'engage au conformisme social
ou légal.
(2) Le conformisme social ou légal n'est pas acceptable.
(3) De plus, le conformisme social ou légal rend impossible le progrès
en matière de morale.
=> (C) Par conséquent, le relativisme n'est pas valable.
Examinons chacune de ces prémisses à tour de rôle.
Prémisse (1).
Celui qui épouse le relativiste s'engage au conformisme social ou légal.
Le relativisme soutient que le seul fondement de ce qui est bien ou
correct réside dans ce que le groupe ou la société auquel on appartient
autorise et sanctionne. Dans toute société, il y a des règles qui assurent
le bon fonctionnement de la société dans son ensemble et ces règles
sont les lois qui règlementent formellement beaucoup de nos comportements.
Est-il bien ou mal de voler ? Il est mal de voler, déclare le relativiste,
car, dans notre société, il y a des lois qui punissent le vol.
Ce qui est moral (bien ou mal), selon le partisan du relativisme, c'est
ce qui est conforme à la loi, c'est-à-dire ce qui est légal. Le relativiste
épouse donc une forme de conformisme social ou légal. S'il fait le bien,
c'est parce que la loi l'exige, et non parce qu'il s'y sent moralement
tenu. Il évite par exemple de conduire en état d'ébriété, non parce
qu'il trouve préférable, souhaitable, estimable, louable, d'éviter de
mettre en danger la vie des autres, mais principalement par crainte
des pénalités qui pourraient en résulter s'il se faisait prendre. Pour
le relativiste, agir moralement, c'est donc agir en conformité avec
la légalité et la normalité. Pour lui, est moral ce qui est socialement
acceptable et légal. Il ne peut en être autrement puisque pour le relativisme,
la "morale" ce n'est rien d'autre que l'ensemble des règles
auxquelles la plupart des gens de sa société soumettent généralement
dans un mileu donné, à une époque donnée. Quelqu'un agit bien s'il fait
comme tout le monde, suivant le " code moral " en vigueur.
Prémisse (2).
Le conformisme social ou légal n'est pas acceptable.
Est-ce que le conformisme social ou légal est acceptable ? Non. D'une
part, parce qu'il y a de mauvaises lois qui interdisent ce qui n'est
pas mal. Une loi qui exige que l'on dénonce toute personne qui parle
contre le gouvernement par exemple. Personne ne voudrait s'y conformer,
sachant que les personnes dénoncées seront emprisonnées, torturées et
probablement tuées. Même si c'est une loi, nous devrions lui
désobéir. D'autre part, il y a de mauvaises lois qui prescrivent quelque
chose de mauvais: une loi exigeant la ségrégration raciale dans les
hôtels et les restaurants par exemple. Le conformisme légal n'est donc
pas acceptable.
Prémisse (3).
De plus, le conformisme social ou légal rend impossible le progrès en
matière de morale.
Il n'y a pas de place pour les anti-conformistes et les réformateurs
dans le genre de société conformiste auquel nous engage le relativiste.
En effet, dans une société relativiste, tout le monde est conformiste.
Par ailleurs, les lois seraient édictées à l'unanimité, puisque la contestation
ou la critique individuelle n'a aucun sens. Il n'y a pas non plus de
progrès moral possible. L'histoire de l'humanité regorge d'exemples
de réformateurs et d'anti-conformistes dont le point de vue, isolé au
départ, a gagné ensuite de plus en plus d'adhérents. Si la société avait
été relativiste, jamais nous aurions vu ces grands réformateurs, tels
Socrate, Jésus, Luther, Rousseau, Marx, Martin Luther King, Gandhi,
Mao Tsé-Toung, et j'en passe, sortir de la masse afin de lutter contre
l'esclage et l'oppression des démunis, et faire progresser la reconnaissance
des droits de l'homme, des Noirs, des femmes et des animaux. Ces réformateurs
ont critiqué certaines lois, habitudes, coutumes ou moeurs des sociétés
dans lesquelles ils vivaient. Ils les ont critiqués parce qu'ils les
jugeaient moralement inadmissibles. Ils ont fait appel à des idées définissant
le bien et le mal, par opposition à ce que pensaient la plupart des
gens à leur époque. Il n'est pas facile de dire ce qu'est le bien et
le mal, mais c'est une idée que la plupart d'entre nous comprennont,
à moins d'être des conformistes obéissant servilement aux règles sociales,
comme nous y invite le relativisme.
Conclusion (C).
Par conséquent, le relativisme n'est pas valable.
Lorsqu'on développe la conception de la société à laquelle nous engage
le relativisme, on peut conclure que le relativisme n'est certainement
pas une position philosophique valable.
Références
Claire DENIS, David DESCENT, Jacques FOURNIER, Gille MILLETTE, Individu
et société. Montréal, McGraw-Hill, 1991.
John HOSPERS, Human Conduct. Problems of Ethics. New York, 1982,
2e édition, chapitre 1.
Kai NIELSEN, Reason and Practice. A Modern Introduction to Philosophy.
New York, Harper & Row, 1971, chapitre 23. Peter SINGER, éd., A
Companion to Ethics, Londres, Blacwell, Blackwell Companions to
Philosophy, 1993, pages 38-39.
Les liens des pages origines
Le relativisme par R. Tremblay http://www.cvm.qc.ca/encephi/CONTENU/ARTICLES/relatif.htm
Contre le relativismepar J. Laberge http://www.cvm.qc.ca/encephi/CONTENU/ARTICLES/contrel.htm
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