On peut se demander si ce ne sont pas deux modalités et conséquences
du même phénomène dans le cadre contemporain : loppression
des femmes.
Dans les deux cas il y a une érotisation du corps féminin
et une utilisation pour le spectacle et la marchandise.
Dans le cas de la pub on utilise limage de la femme, la mise en
scène du désir pour vendre des produits, diffuser des images.
Ces images ont également un rôle identificatoire pour les
individu-es.
Dans la pornographie il y sans doute plusieurs phénomènes
en jeu : la misère affective et sexuelle dun certain nombre
de personnes ; et le fait que de voir une situation érotique ou
dêtre dans le contexte dune situation érotique
provoque une excitation chez les humains. On pourrait considérer
que ceci constitue la base de la demande.
Loffre cest évidemment la marchandise et le spectacle.
Il y a effectivement une réalité industrielle dans la production
des vidéos, des objets ou des produits pornos, une activité
bien structurée et efficace. Le corps féminin est une marchandise,
une matière première. La marchandisation en médecine
utilise les corps pour les transplantations dorganes ou de tissus
biologiques, ici cest pour vendre des produits classés «
X ».
Le corps est réduit aux parties génitales, il est morcelé,
rarement on voit le visage de la ou des femmes. Les postures sont souvent,
ou presque toujours, celles des jambes ouvertes, des reins cambrés,
des fesses offertes, des bras relevés, etc... La femme est passive,
cest un objet disponible et consommable immédiatement.
Ici, il ny pas de relation entre deux êtres qui ont du désir
lun-e pour lautre et se donnent du plaisir mutuellement. Les
rapports sexuels sont mécaniques, comme une technique toujours
identique. Il ny pas de relation, si ce nest lutilisation
du corps des femmes. Il y a une survalorisation de la pénétration,
de la puissance masculine machiste (identifiée à lérection),
la femme est de fait un objet de capture pour lhomme. Le plaisir
féminin est absent, hors de propos; les caresses, la tendresse
ça nexiste pas dans ce contexte. Les mots utilisés
sont dévalorisants, voire injurieux. La violence est un thème
présent de façon récurrente, jusquau viol parfois
(souvent exprimé dans les phantasmes valorisés par le porno).
Les représentations à loeuvre sur le plan symbolique
sont toujours le mêmes : la maman et la putain.
Tout cela (porno et pub) se développe dans un contexte où
lespace public est rempli ou presque saturé de sexualité.
On a limpression quil ny plus de tabous ; par exemple
lhomosexualité, la sodomie, le sexe oral ne sont plus considérés
comme des perversions. On a parfois le sentiment quon parle beaucoup
de sexe dans cette société, y compris à la télé.
Certaines analyses disent que cest le résultat dévoyé
de la libération sexuelle. La femme objet est omni-présente,
limage du désir est partout. Mais on a limpression
que plus on en parle, plus on le voit, plus on est dépossédé
de la possibilité de le réaliser. Cest un peu comme
la politique qui sature lespace commun de citoyenneté, de
paroles politiques et qui nous la confisque par le système parlementaire
et médiatique.
Pour qualifier la porno il est admis parfois quil sagit dune
évolution du système de la prostitution. Les macs sont devenus
producteurs et diffuseurs de films, propriétaires de sex-shops,
de boîtes échangistes, les femmes prostituées deviennent
actrices, hôtesses, vendeuses, objets et images marchandisées
sous diverses formes.
Nous navons pas à faire à la répression sexuelle
du XIX° siècle, mais à un utilisation de la sexualité
et du corps, de limage des femmes dans un cadre post-moderne. Le
capitalisme évolue et sait utiliser le désir pour se reproduire.
La situation des femmes, les représentations collectives névoluent
pas beaucoup. On peut même poser lhypothèse que comme
en politique la représentation actuelle est une caricature, un
leurre politique et un leurre sexuel. Limage est plus importante
que le réel, la passivité lemporte sur laction
libre. La gestion marchande et spectaculaire, la reproduction du système
étouffe le désir, la sexualité libre et la possibilité
de la libération des femmes. Si un lien peut se faire entre le
sexe et la politique, dans les deux cas la situation des femmes est un
bon indice de la situation : lémancipation est encore à
venir. Lapparence de la libéralisation des moeurs cest
encore le règne du faux dans le contexte contemporain. La domination
machiste continue en se modifiant.
Philippe Coutant Nantes le 10 / 3 / 99
|