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Chaude rentrée sociale ou simple soubresaut ?


Le conflit des routiers et autres « petits » patrons a marqué la rentrée sociale. Ce conflit a révélé les tiraillements du capitalisme actuel dont une partie reste basée sur le local alors que les maîtres (finances, multinationales) résonnent à l’échelle mondiale. La soumission à l’industrie automobile en général l’emporte sur toute autre alternative. Dans ce cadre quel est l’objectif principal du plan Jospin-Fabius de redistribution du « trop perçu » par l’état ?

120, 140 points de blocage. Les transporteurs routiers suivis par les ambulanciers, taxis et agriculteurs sont en colère. L’augmentation de l’essence et du gasoil bouffe leur marge.
L’Europe vivait depuis une vingtaine d’années sur un pétrole à bon marché. Et voilà un nouveau choc pétrolier !

Dans les années 70, le coût énergétique aurait été immédiatement reporté sur les prix. L’inflation faisait partie de la boite à outils des patrons et commerçants. Et les clients payaient les additions.
Aujourd’hui, les coléreux nous disent qu’ils ne peuvent répercuter les coûts sur leurs clients, ceux-ci ne sont plus d’accord. Et oui, au royaume du capitalisme, de l’économie de marché, le client est roi !

Mais le client, c’est qui ? Les fonctionnaires ? Non. Les salariés ? Non. Alors qui ? Les patrons. Bingo vous avez gagnez le million !

Externalisation et sous-traitance.
Et oui, c’est connu, les patrons rechignent toujours à payer, sauf quand ça les arrange. Et là ça ne les arrange pas. Ils ont même tout fait pour ne plus avoir à payer. Ils ont sorti de l’entreprise, externalisé, depuis longtemps tout ce qui ne relève pas de la fonction première de l’entreprise : transport, gardiennage, nettoyage, entretien, etc. Ces activités ont été transférées à des sous-traitants qui sont parfois des filiales de l’entreprise donneuse d’ordre.
Pour les patrons qui sous-traitent, le gain est énorme. La flexibilité, les charges, la gestion de l’emploi sont reportés sur le sous-traitant. Ils les soumettent à de fortes contraintes que renforce la concurrence. Les sous-traitants (qui subissent eux aussi une certaine forme de précarité) reportent ces contraintes sur les salariés dont les horaires sont élastiques, très mal payés, en CDD. La syndicalisation est très faible et là où les syndicats existent, ils y sont rarement tolérés.

Dans ce conflit, on voit bien l’intérêt pour les donneurs d’ordre. L’augmentation du gasoil est reportée sur le transporteur, à lui de se débrouiller. Les marges du donneur d’ordre sont peu affectées, sauf si le conflit vient à bloquer l’économie. Seillière, le patron du MEDEF intervient pour tancer les patrons troublions. Il est inadmissible « que les français soient pris en otages » comprenez les multinationales (Bouygue, promodès, Renault, Peugeot, …). En même temps, Seillière prend date pour les futurs conflits de salariés qui bloquent l’économie, la demande d’interdiction, du moins de limitation du droit de grève est sous-jacente à sa déclaration.
La déclaration de Seillière, patron des patrons, renforce l’intransigeance d’un gouvernement de gauche contre les petits patrons avec qui sympathisent 88% des français selon un sondage entendu toute la journée des 7 et 8 septembre. La part de l’essence dans le budget des familles devient insupportable et devient le catalyseur de toutes les rancœurs contre la TIPP et les taxes en général.

On a là une concrétisation de « l’exploitation des immobiles par les mobiles à l’épreuve » tel que l’explique Botlanski et Chiapello dans « Nouvel esprit du capitalisme » page 451 :460. Les marchés financiers les plus mobiles dominent les multinationales qui dominent les états, les entreprises qui dominent et exploitent les salariés. Le « juste à temps », les contrats de qualité qui incluent la garantie des prix, la position d’infériorité et le refus de s’attaquer aux donneurs d’ordre, font que les syndicats des patrons routiers, agricoles, taxi, ambulances ne se sont pas tournés contre les multinationales, aux bénéfices inimaginables (Total 22 milliards de bénéfice). Ils se sont tournés vers l’état . Or celui-ci voit sa marge de manœuvre limitée par les contraintes du marché, les règlements européens et internationaux (CEE, OMC). Les patrons veulent que l’état déréglemente, diminue leurs taxes tout en leur garantissant leurs marges de profit. Ce n’est pas nouveau, et l’état exécute cette fonction depuis toujours. Par exemple, les aides à l’emploi ont pour but entre autre de garantir les marges des patrons, l’état prenant en charge tout ou partie des charges sociales.

Le transport indispensable à la mobilité.
Le transport devient un élément clef de la société capitaliste. Mais tout en étant un point fort, essentiel, il est aussi un point faible quand celui-ci fait défaut. Il en est de même pour quelques autres domaines : téléphone, informatique, on l’a vu avec la peur du bogue de l’an 2000.

Parce que c’est un point fort pour la société, le rôle assigné à l’état est d’assurer que le transport fonctionne bien. Dans ce but, il améliore les routes, finance des autoroutes, des ronds points, des périphériques, … . Il rationalise la profession, prend des mesures qui obligent les petits patrons à s’organiser, à faire le ménage en leur sein en éliminant les petits.

Sous couvert de sécurité, l’état développe la surveillance et le contrôle. Contrôle qui renforce l’Europe forteresse, car il ne s’agit pas simplement de contrôler les matières transportées, mais aussi les passagers avec ou sans papiers.

Transporter quoi ? Pour faire quoi ? Comment ?
Les médias se sont émus des verts qui, ayant fait savoir qu’ils faisaient une indigestion de couleuvres, menaçaient de quitter le gouvernement. Du coup, le débat sur l’énergie n’a pas totalement passé à la trappe.
Le nombre de camion augmente chaque année. Cela coûte de plus en plus chère à la société (route, accidents, pollution). Les médias nous présente cette augmentation comme inéluctable, elle accompagne la reprise économique. Il faudrait donc nous préparer à supporter encore plus de pollution, de nuisance, … Si la pollution fait la une des médias (chaque individu est concerné dans son propre corps, les cordes sensibles, émotionnelles sont mises en jeu, et ça marche), la question de savoir ce qui est transporté, pour quoi faire et comment n’est pas mise en débat.
Que transporte les camions ? de où à où ? Il serait intéressant d’y regarder de plus près. Quand on voit du lait provenant de Hollande dans une région de production laitière comme la Bretagne, on peut se poser des questions ?
Ces questions ne sont pas posées pour de multiples raisons, mais une domine les autres : depuis la deuxième guerre mondiale, l’industrie du transport est le moteur de l’économie dans les pays dits industrialisés. La priorité est donnée à la voiture et au camion sur tous les autres moyens de transport (en dehors de l’industrie aéronautique -avion et fusée - qui tire elle aussi une partie de l’économie européenne). De la création à la casse de la voiture ou du camion (mine, sidérurgie, fabrication, entretien) en passant par le complexe routier et autoroutier, les assurances, les garagistes, l’aide aux accidentés handicapés, ce sont des centaines de milliards et des centaines de milliers d’emplois qui sont en jeu.
Personne n’ose en parler, remettre cela en question. C’est le contraire qui se passe, tout est fait pour le renforcer. Pour se justifier, l’emploi est appelé à la rescousse. Chaque métropole veut son usine automobile créatrice d’emplois. Une ville enrichit son image quand sur l’axe routier principal, les enseignes de toutes les marques de voiture s’alignent. Au nom de l’emploi, le débat est interdit. (voire le problème de la redevance TV).

Les conséquences sur l’environnement sont catastrophiques (effet de serre, maladies, tempêtes, …). Tant que le pétrole était à son plus bas, la TIPP avait pour but de limiter la consommation. Ce qui d’ailleurs n’a jamais été prouvé. Car la société est organisée de telle façon qu’il est quasiment impossible aujourd’hui de ne pas avoir de voiture. C’est une cause d’exclusion. Par contre la TIPP a été une manne importante pour l’état. Impôt indirect injuste qui taxe de la même façon le smicard que le millionnaire.
Comme toutes les taxes, il est plus facile de les créer que de les supprimer. Mais avec l’augmentation du pétrole la TIPP devient de plus en plus impopulaire, d’autant plus que personne ne voit trop à quoi elle sert en matière de lutte contre la pollution. Les villes sont toujours aussi polluées, le transport c’est toujours autant la galère. Le français devient de en plus schizophrène, chaque soir en regardant l’indice de pollution à la télé, il rêve d’un environnement non pollué, d’une bouffe saine, d’une bonne santé, et chaque matin il recommence à polluer, à mal manger, à angoisser sur sa santé.

Les choix libéraux de Fabius et Jospin.
Les caisses de l’état débordent, les impôts font des petits. Tous ceux st celles qui croient encore dans ce gouvernement de gauche ont du avaler une nouvelle couleuvre. Le trop plein a-t-il été redistribué à ceux et celles qui en ont besoin ? Non. Pour Fabius, il n’est pas question d’augmenter le RMI, les allocations. Fabius et Jospin ont privilégié les classes moyennes. Celles-ci sont le vivier électoral de la gauche plurielle. Il est donc important pour le PS de les choyer pour qu’elles ne basculent pas à droite, voire à l’extrême droite.
La redistribution de l’argent aux classes moyennes va relancer la consommation :
· de la communication (Internet, téléphone, informatique), ce qui est important pour financer indirectement les fameuses start-up de l’informatique, la nouvelle économie ;
· de l’habillement (avoir une bonne image de soi) ;
· du loisir d’autant que les 35 heures sont sensées avoir libéré tu temps libre. Là aussi, les classes moyennes vont financer les industries du loisir (agences de voyages, aéronautique, cinéma, etc)
Ces mesures n’ont pas pour objectif de renforcer l’exploitation économique, ni la répression. Il s’agit de faire adhérer les classes moyennes au système pour pouvoir maintenir la domination capitaliste. Car il ne s’agit pas de permettre aux classes moyennes d’acquérir des biens essentiels à leur vie, ils sont essentiels de la part du capitalisme pour affermir une domination de type mentale qui passe déjà par la consommation, la publicité, l’image de soi, le sport, le spectacle, …

Personne n’a trouvé le plan Fabius scandaleux. Les verts s’en sont pris à la vignette supprimée comme si elle était réellement un frein à la consommation. Fabius aurait bien supprimé la redevance TV, mais quoi faire des 1500 salariés qui basés à Rennes gèrent cette redevance - à bas le travail inutile et partageons la richesse pas la misère - . Pas de débat sur l’impôt. Celui sur le revenu (le moins injuste du système actuel) est diminué alors que la TVA, l’impôt le plus inique, est maintenue.

Pourtant, même dans une société capitaliste, d’autres choix étaient possibles qui auraient favorisé d’autres domaines. Par exemple, prendre des mesures économiques incitant à mettre en œuvre d’autres sources d’énergie (vent, solaire), matière où la France est le plus mauvais élève. Favoriser d’autres moyens de transports : rail, eau ; de subventionner les transports en commun pour qu’ils deviennent réellement concurrentiels avec la voiture. - gratuité des transports en commun - . Favoriser les pays du sud - annulation de la dette – Ils ont fait preuve d’un aveuglement et d’un mépris envers les revendications élémentaires des exclus de la classe moyenne : logement, santé, conditions de vie, école, …

Jospin et Fabius ont une vue à si court terme qu’ils n’ont même pas vu le conflit des routiers arriver. Espérons que d’autres conflits moins corporatistes et porteurs d’espoirs lui succéderont et que l’analyse critique rejoindra un jour les mouvements sociaux.

Georges Birault Nantes le 11 septembre 2000.