Depuis une dizaine dannées, le racisme fait périodiquement
la une des journaux. Lépisode actuel est en partie dû
au discours de Le Pen lors de luniversité dété
du Front National, affirmant « linégalité
des races ». Depuis on a vu monter au créneau les hommes
politiques de droite et de gauche. Toubon y va de sa loi contre le racisme,
les partis de gauche mettent en place un comité de vigilance.
Les élections de 98 se profilent à lhorizon. La
lutte des sans-papiers continue.
Une des forces du système actuel est darriver à
cacher le racisme réel qui est à loeuvre ! Les médias
jouent un rôle primordial. Léclipse de la vérité
se fait par la mise en spectacles de ce que disent où vivent
les gens. Ces différents spectacles médiatiques recherchent
lémotion. Si lémotion est trop forte, elle
peut servir momentanément ceux et celles qui luttent et peut
se retourner contre le pouvoir (dans ce cas, les médias revoient
rapidement la mise en scène). Mais lémotion a aussi
pour objet déloigner le spectateur de la raison, de la
réflexion. Elle le rend extérieur à lévénement,
alors quil se croit proche de lacteur. Pour un même
sujet, les spectacles sont juxtaposés de telle sorte que le spectateur
ne puisse voir les liens, les contradictions. Ainsi, le spectateur en
retirera limpression que tout se vaut, lincitant à
la passivité.
La question du racisme peut illustrer ces phénomènes.
18 mars, 300 sans-papiers occupent léglise de St Ambroise
et demandent une régularisation collective. Leur lutte va connaître
de nombreuses péripéties (plusieurs expulsions, création
dun collège de médiateur, ...). Les médias
parlent de cette lutte et nombreux sont les spectateurs émus
par la situation des parents denfant français, des couples
mixtes, des personnes présentes en France depuis plus de 10 ans,
.... Mais cette émotion nentraîne pas un soutien
actif. La mise en avant de personnalités civiles ou religieuses
pour accroître leffet médiatique, peut aussi être
à double tranchant : poids des personnalités, lutte pour
la valorisation personnelle, sans parler du Hic de labbé
Pierre avec laffaire Garaudy.
Les questions posées par la lutte des sans-papiers ne sont pas
débattues : rapports Nord-Sud, Liberté de circulation
de tous les habitants de cette planète. Le consensus émotionnel
permet de ne pas remettre en cause le consensus sur la politique xénophobe
et raciste mis en oeuvre par lEtat français depuis 1974.
Mai-juin 96, le Front national refuse dêtre qualifié
dExtrême droite.
Le Front National est en mal de respectabilité pour devenir un
parti en situation de prendre le pouvoir. Il a donc lancé une
campagne qui se caractérise (entre autres choses) par toute une
série de demande de "droit de réponse" aux journaux
qui ont accolé les termes "extrême droite" à
Front national. La justice a donné gain de cause au FN et a condamné
plusieurs quotidiens dont "Le Monde" et "Libération"
à publier des droits de réponse du FN, du Club de l'Horloge
(nouvelle droite) et du quotidien "Présent".
Quelle est l'argumentation du FN ?
Le Pen a estimé que "la sémantique est aujourd'hui
un des terrains de l'affrontement intellectuel et politique" et
que "les mots ont une importance capitale". Ce qualificatif
"est dans le monde médiatique toujours associé à
la violence". "Quand il y a un attentat, un incendie, un meurtre,
des violences, on dit: 'on ne néglige pas la piste d'extrême
droite', et on associe toujours ce mot à ces images", déclare
Le Pen. et il ajoute "Après, il suffit de l'associer systématiquement
au Front national pour obtenir une espèce d'image subliminale",
une "image politiquement connotée".
Plus brutalement, le quotidien Présent affirmait mardi 11 juin
que ce terme veut dire "raciste, nazi, etc, et ce sont là
des délits".
Les dirigeants du Front national ont compris depuis longtemps l'importance
de la société du spectacle. La sémantique dans
ce cadre prend toute son importance. Le FN veut que les médias
montrent de lui une image qui fasse oublier quil est synonyme
de violence, de meurtre, ...
L'explication du quotidien Présent est plus crue et bien plus
significative. En effet elle pose la question suivante : "Peut-on
accuser le Front National, Présent, Le Club de l'Horloge, les
satellites du FN de RACISTES ?".
Selon les termes de la loi, ils s'en défendent, criant à
qui veut l'entendre qu'ils n'ont rien contre les arabes, les noirs,
les indiens, .... que les noirs méritent autant de respect que
les blancs. En conséquence, la légalité républicaine
ne peut rien leur reprocher. S'ils étaient racistes, ils seraient
en situation permanente de délit. Alors, tous les partis, associations,
syndicats de l'hexagone qui se revendiquent de la défense des
droits de l'homme, de la lutte contre le racisme, seraient en droit
de porter plainte. Ils ne le font pas !
Face à la campagne du FN, les médias ont porté
le débat sur la liberté dexpression des journalistes,
faisant jouer cette corde émotionnelle « Le FN, cest
le grand méchant loup qui veut nous bâillonner ».
La question de fond sur la « substitution » du racisme biologique
par le racisme différentialiste na été ni
posée, encore moins débattu.
Le racisme différentialiste consiste à dire que puisqu'il
ne peut y avoir hiérarchie des races, des cultures, ... celles-ci
ne doivent pas pour autant se mélanger, au contraire, elles doivent
être séparées, cloisonnées. Ce qui fait dire
à Le Pen qu'il aime bien les arabes mais chez eux, et d'appliquer
le principe : je préfère les français aux étrangers,
les gens de ma région aux français, mes voisins aux gens
éloignés, mes enfants à mes voisins, ....
C'est bien ce racisme différentialiste qui est à l'oeuvre
dans la construction à l'Europe, dans les conflits au Rwanda,
en ex-yougoslavie. Il est aussi à l'oeuvre en France dans toutes
les lois votées depuis 20 ans concernant l'immigration.
Août 96 : Le Pen et linégalité des races.
Université dété du FN, Le Pen déclare
que les races ne sont pas égales. Emotion de nouveau ! Le Pen
vient de franchir linnommable. Pour les médias, Le Pen
revendique le racisme biologique, une des origines du nazisme, de la
Shoah.
Plus lémotion est forte, plus le pouvoir où ceux
qui le veulent, linstrumentalise, pour se blanchir et renforcer
leur pouvoir. En effet, que constate-t-on ?
- Les mêmes (Juppé en tête) qui mettent en oeuvre
le racisme et la xénophobie détat, expulsent les
sans-papiers, se présentent comme les défenseurs des libertés,
qualifient Le Pen de raciste, xénophobe,
- Les mêmes (Toubon et Debré en tête) qui présentent
une nouvelle loi anti-immigrés (Le gouvernement va représenté
une loi durcissant les lois Pasqua pour faciliter les expulsions),veulent
faire voter une nième loi antiraciste. Elle punirait de 300 000F
damende et dun an demprisonnement « le fait
de diffuser un message portant atteinte à la dignité,
à lhonneur ou la considération dune personne,
ou dun ou plusieurs groupes de personnes en raison de leur origine
ou de leur appartenance, à une ethnie, une nation, une race ou
une religion, quelle soit ou non déterminée ».
Avec une telle loi, gare à tous et celles qui oseraient manifester
contre les sectes catholiques anti-avortements, la venue du pape en
août 97 à Paris.
- Le PS, le PCF, le Parti radical socialiste, Le Mouvement des Citoyens
et les verts ont décidé de "constituer un comité
de vigilance contre l'extrême-droite, chargé de conduire
tout type d'action de nature à faire régresser le racisme
et la xénophobie. Tout ce beau monde se montre à la télé.
Vite oubliée, la politique xénophobe du PS quand il était
au gouvernement. Vite oublié, les bulldozers du PCF contre les
foyers dimmigrés.
Pour être élu, la fin justifie les moyens.
Dans deux élections partielles le 15/09/96, deux candidats de
droite ont été élus grâce à un front
républicain (RPR, UDF, PS, PCF, MEI - MEI Mouvement des Ecologistes
Indépendants). Si pour de nombreux électeurs, il est nécessaire
de battre le FN pour ne pas étouffer, on est en droit de se poser
des questions sur les objectifs des dirigeants politiques. Y aurait-il
un racisme honorable (racisme et xénophobie détat)
face au racisme différentialiste du FN ? Ne serait-ce pas plutôt
les élections des députés en 1998 qui les préoccupent
avant toute autre chose. On peut constater que pour gagner les élections,
les dirigeants politiques sont prêts à tout. Clinton lance
son armée contre lIrak, Eltsine contre les Tchétchènes.
En France, les immigrés sont les boucs émissaires. Jospin
nhésite pas à dire que sils reviennent au
pouvoir en 1998, les expulsions seront nécessaires. Seul changement,
elles se feront dans la dignité !
Le spectacle antiraciste des partis institutionnels nest que
la façade dune politique raciste et xénophobe de
lEtat, collant au programme du FN.
Georges BIRAULT Nantes le 27/09/96
Cet article est paru dans le numéro de Septembre 1996 de No
Pasaran, bulletin mensuel du Réseau du même nom.
Le réseau No Pasaran
No Pasaran Cet article a été repris dans la brochure
"Xénophobie et anti-racisme" publiée
conjointement par No Pasaran et Alternative Libertaire. Alternative
Libertaire Belgique