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Y a-t-il un antiraciste dans le marigot politique ?
Georges BIRAULT


Depuis une dizaine d’années, le racisme fait périodiquement la une des journaux. L’épisode actuel est en partie dû au discours de Le Pen lors de l’université d’été du Front National, affirmant « l’inégalité des races ». Depuis on a vu monter au créneau les hommes politiques de droite et de gauche. Toubon y va de sa loi contre le racisme, les partis de gauche mettent en place un comité de vigilance. Les élections de 98 se profilent à l’horizon. La lutte des sans-papiers continue.

Une des forces du système actuel est d’arriver à cacher le racisme réel qui est à l’oeuvre ! Les médias jouent un rôle primordial. L’éclipse de la vérité se fait par la mise en spectacles de ce que disent où vivent les gens. Ces différents spectacles médiatiques recherchent l’émotion. Si l’émotion est trop forte, elle peut servir momentanément ceux et celles qui luttent et peut se retourner contre le pouvoir (dans ce cas, les médias revoient rapidement la mise en scène). Mais l’émotion a aussi pour objet d’éloigner le spectateur de la raison, de la réflexion. Elle le rend extérieur à l’événement, alors qu’il se croit proche de l’acteur. Pour un même sujet, les spectacles sont juxtaposés de telle sorte que le spectateur ne puisse voir les liens, les contradictions. Ainsi, le spectateur en retirera l’impression que tout se vaut, l’incitant à la passivité.

La question du racisme peut illustrer ces phénomènes.
18 mars, 300 sans-papiers occupent l’église de St Ambroise et demandent une régularisation collective. Leur lutte va connaître de nombreuses péripéties (plusieurs expulsions, création d’un collège de médiateur, ...). Les médias parlent de cette lutte et nombreux sont les spectateurs émus par la situation des parents d’enfant français, des couples mixtes, des personnes présentes en France depuis plus de 10 ans, .... Mais cette émotion n’entraîne pas un soutien actif. La mise en avant de personnalités civiles ou religieuses pour accroître l’effet médiatique, peut aussi être à double tranchant : poids des personnalités, lutte pour la valorisation personnelle, sans parler du Hic de l’abbé Pierre avec l’affaire Garaudy.
Les questions posées par la lutte des sans-papiers ne sont pas débattues : rapports Nord-Sud, Liberté de circulation de tous les habitants de cette planète. Le consensus émotionnel permet de ne pas remettre en cause le consensus sur la politique xénophobe et raciste mis en oeuvre par l’Etat français depuis 1974.

Mai-juin 96, le Front national refuse d’être qualifié d’Extrême droite.
Le Front National est en mal de respectabilité pour devenir un parti en situation de prendre le pouvoir. Il a donc lancé une campagne qui se caractérise (entre autres choses) par toute une série de demande de "droit de réponse" aux journaux qui ont accolé les termes "extrême droite" à Front national. La justice a donné gain de cause au FN et a condamné plusieurs quotidiens dont "Le Monde" et "Libération" à publier des droits de réponse du FN, du Club de l'Horloge (nouvelle droite) et du quotidien "Présent".
Quelle est l'argumentation du FN ?
Le Pen a estimé que "la sémantique est aujourd'hui un des terrains de l'affrontement intellectuel et politique" et que "les mots ont une importance capitale". Ce qualificatif "est dans le monde médiatique toujours associé à la violence". "Quand il y a un attentat, un incendie, un meurtre, des violences, on dit: 'on ne néglige pas la piste d'extrême droite', et on associe toujours ce mot à ces images", déclare Le Pen. et il ajoute "Après, il suffit de l'associer systématiquement au Front national pour obtenir une espèce d'image subliminale", une "image politiquement connotée".
Plus brutalement, le quotidien Présent affirmait mardi 11 juin que ce terme veut dire "raciste, nazi, etc, et ce sont là des délits".

Les dirigeants du Front national ont compris depuis longtemps l'importance de la société du spectacle. La sémantique dans ce cadre prend toute son importance. Le FN veut que les médias montrent de lui une image qui fasse oublier qu’il est synonyme de violence, de meurtre, ...
L'explication du quotidien Présent est plus crue et bien plus significative. En effet elle pose la question suivante : "Peut-on accuser le Front National, Présent, Le Club de l'Horloge, les satellites du FN de RACISTES ?".
Selon les termes de la loi, ils s'en défendent, criant à qui veut l'entendre qu'ils n'ont rien contre les arabes, les noirs, les indiens, .... que les noirs méritent autant de respect que les blancs. En conséquence, la légalité républicaine ne peut rien leur reprocher. S'ils étaient racistes, ils seraient en situation permanente de délit. Alors, tous les partis, associations, syndicats de l'hexagone qui se revendiquent de la défense des droits de l'homme, de la lutte contre le racisme, seraient en droit de porter plainte. Ils ne le font pas !

Face à la campagne du FN, les médias ont porté le débat sur la liberté d’expression des journalistes, faisant jouer cette corde émotionnelle « Le FN, c’est le grand méchant loup qui veut nous bâillonner ». La question de fond sur la « substitution » du racisme biologique par le racisme différentialiste n’a été ni posée, encore moins débattu.
Le racisme différentialiste consiste à dire que puisqu'il ne peut y avoir hiérarchie des races, des cultures, ... celles-ci ne doivent pas pour autant se mélanger, au contraire, elles doivent être séparées, cloisonnées. Ce qui fait dire à Le Pen qu'il aime bien les arabes mais chez eux, et d'appliquer le principe : je préfère les français aux étrangers, les gens de ma région aux français, mes voisins aux gens éloignés, mes enfants à mes voisins, ....
C'est bien ce racisme différentialiste qui est à l'oeuvre dans la construction à l'Europe, dans les conflits au Rwanda, en ex-yougoslavie. Il est aussi à l'oeuvre en France dans toutes les lois votées depuis 20 ans concernant l'immigration.


Août 96 : Le Pen et l’inégalité des races.
Université d’été du FN, Le Pen déclare que les races ne sont pas égales. Emotion de nouveau ! Le Pen vient de franchir l’innommable. Pour les médias, Le Pen revendique le racisme biologique, une des origines du nazisme, de la Shoah.
Plus l’émotion est forte, plus le pouvoir où ceux qui le veulent, l’instrumentalise, pour se blanchir et renforcer leur pouvoir. En effet, que constate-t-on ?
- Les mêmes (Juppé en tête) qui mettent en oeuvre le racisme et la xénophobie d’état, expulsent les sans-papiers, se présentent comme les défenseurs des libertés, qualifient Le Pen de raciste, xénophobe,
- Les mêmes (Toubon et Debré en tête) qui présentent une nouvelle loi anti-immigrés (Le gouvernement va représenté une loi durcissant les lois Pasqua pour faciliter les expulsions),veulent faire voter une nième loi antiraciste. Elle punirait de 300 000F d’amende et d’un an d’emprisonnement « le fait de diffuser un message portant atteinte à la dignité, à l’honneur ou la considération d’une personne, ou d’un ou plusieurs groupes de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance, à une ethnie, une nation, une race ou une religion, qu’elle soit ou non déterminée ». Avec une telle loi, gare à tous et celles qui oseraient manifester contre les sectes catholiques anti-avortements, la venue du pape en août 97 à Paris.
- Le PS, le PCF, le Parti radical socialiste, Le Mouvement des Citoyens et les verts ont décidé de "constituer un comité de vigilance contre l'extrême-droite, chargé de conduire tout type d'action de nature à faire régresser le racisme et la xénophobie. Tout ce beau monde se montre à la télé. Vite oubliée, la politique xénophobe du PS quand il était au gouvernement. Vite oublié, les bulldozers du PCF contre les foyers d’immigrés.

Pour être élu, la fin justifie les moyens.
Dans deux élections partielles le 15/09/96, deux candidats de droite ont été élus grâce à un front républicain (RPR, UDF, PS, PCF, MEI - MEI Mouvement des Ecologistes Indépendants). Si pour de nombreux électeurs, il est nécessaire de battre le FN pour ne pas étouffer, on est en droit de se poser des questions sur les objectifs des dirigeants politiques. Y aurait-il un racisme honorable (racisme et xénophobie d’état) face au racisme différentialiste du FN ? Ne serait-ce pas plutôt les élections des députés en 1998 qui les préoccupent avant toute autre chose. On peut constater que pour gagner les élections, les dirigeants politiques sont prêts à tout. Clinton lance son armée contre l’Irak, Eltsine contre les Tchétchènes. En France, les immigrés sont les boucs émissaires. Jospin n’hésite pas à dire que s’ils reviennent au pouvoir en 1998, les expulsions seront nécessaires. Seul changement, elles se feront dans la dignité !

Le spectacle antiraciste des partis institutionnels n’est que la façade d’une politique raciste et xénophobe de l’Etat, collant au programme du FN.

Georges BIRAULT Nantes le 27/09/96


Cet article est paru dans le numéro de Septembre 1996 de No Pasaran, bulletin mensuel du Réseau du même nom.
Le réseau No Pasaran No Pasaran Cet article a été repris dans la brochure "Xénophobie et anti-racisme" publiée conjointement par No Pasaran et Alternative Libertaire. Alternative Libertaire Belgique