Le féminisme ces derniers temps sest battu sur deux terrains
:
le terrain de la parité,
le terrain social.
Si pour certaines la parité est une question de sexe et non pas
de genre, cette dissociation là ne va pas de soit pour toutes
et tous. C'est parce que nous avons un genre imposé qui nous
discrimine que nous réclamons en tant que sexe la parité.
Quand au terrain social il rappelle que les femmes majoritairement sont
dans une classe sociale défavorisée, aussi le temps partiel
imposé est refusé de la part d'associations féministes
(le collectif pour le droit des femmes).
Ces deux axes ne questionnent pas " le privé ".
Par rapport à ce que pourraient être les droits des
homosexuel-le-s, quelles sont les positions de quelques féministes
ou lesbiennes médiatiques ?
Ex aequo n° 22, article de Marie Jo Bonnet : "des
avantages de l'union libre".
Et nous revoilà du côté de la nature "le concubinage
se constate par la possession d'un état de couple naturel".
Lorsque l'on oppose le concubinage au PaCS je m'oppose, comme
beaucoup d'entre nous, à cette position qui laisse intact l'ordre
symbolique et nous catégorise encore (nous les femmes) dans un
en deçà, un avant le social.
Enfin, certaines militantes n'ont pas à choisir le mode de vie
de la plupart des homosexuel-les, à nous d'avoir le choix.
Ex aequo n° 29 (août-septembre 99), article de
Christine Delphy "l'homosexualité, loin d'être subversive
en elle-même, dans les revendications qu'elle porte aujourd'hui
se place du côté des privilégiés".
" ... on risque de marginaliser ceux et celles qui désirent
rester célibataires" [...] "Le PaCS ne remet pas en
cause le mariage, puisqu'il vient le conforter dans cette évolution,
en s'inscrivant lui aussi dans le moule de l'amour romantique et de
la sexualité obligatoire".
Cette position confond le couple, les contrats.
Or, le PaCS a quand même le mérite de délier couple,
procréation et filiation et de séparer couple et éternité
(fini les promesses de fidélité).
Et si certaines veulent interdire aux homosexuel-les un mode de vie
(le couple) au nom d'une identité au sens d'identiques et d'interchangeables,
je ne leur donne pas ce droit là : les lesbiennes ont le
droit d'être différentes les unes des autres, sans qu'un
modèle de vie l'emporte sur l'autre.
Ces affirmations dénotent d'une méconnaissance : le PACS
contrairement au mariage délie couple et sexualité, c'est
le mariage qui lie couple et sexualité. Le fait de vivre ensemble,
donc de partager des biens et des charges, devrait quand même
donner le droit de choisir son type de contrat (pas de contrat, le concubinage,
le PaCS, le mariage). Si je refuse certains contrats, il me paraît
logique ensuite de ne pas bénéficier d'abattements sur l'héritage,
ou du transfert de bail. On se demande où se situe la position
de privilégié, si ce n'est dans l'imposition commune.
Discours de la coordination lesbienne nationale à
la tribune de la Lesbian & gaypride le 26 juin 99
" La coordination lesbienne prend position en faveur de la reconnaissance
des couples de même sexe et soutient la proposition de loi sur
le PaCS [...] Cependant pour la coordination, le PaCS ne doit pas être
un instrument insidieux d'intégration aux modes de vie dominants".
Ouf enfin une position pour le PaCS et la reconnaissance des couples
de même sexe.
Mais l'on sent un certain tiraillement : d'un côté l'écrasante
majorité des lesbiennes qui veut la reconnaissance des couples
de même sexe et de l'autre côté le lesbianisme radical
(voir positions citées plus haut) qui fait pression.
Le mariage
Ex aequo n° 29 (août-septembre 99), article de
Christine Delphy
".. le mariage est une institution qui met l'homme en situations
de droits exorbitants par rapport à la femme et aux enfants [...]
revendiquer le mariage c'est revendiquer un privilège qui bénéficie
aux hommes mariés contre les femmes, aux couples contre les célibataires.
[...] c'est un manque de réflexion absolu : on veut des privilèges
des plus privilégiés de l'autre système sans se
demander à qui ça coûte ..."
Arrêtons là les citations ...
Les affirmations C. Delphy donnent un pouvoir à la loi que
la loi na pas, car ce nest pas le fait de se marier qui crée
la dépendance.
Aujourd'hui ce nest pas le contrat de mariage qui crée
la dépendance (il nexiste plus dinégalité
entre les femmes et les hommes dans la loi), mais bien les rôles
respectifs, la distribution des taches, du travail et les catégories
sociaux professionnelles des deux partenaires.
Ce n'est pas le fait de se marier qui va genrer deux lesbiennes l'une
en virilité l'autre en féminité ....
Dans tous les cas cette affirmation nest pas compréhensible,
si ce nest à confondre contrat de mariage et rôles
respectifs.
Nous retrouvons les arguments des plus réactionnaires qui veulent
faire croire qu'il n'existe qu'une seule famille dans le réel,
la plus conformiste.
Il y a confusion entre sexe, couple, filiation et rôles sociaux,
pour les homogénéiser en deux genres hommes/femmes, père/mère,
fils/mère.
Enfin, le féminisme a t il interdit aux femmes les postes de
pouvoir ?
Le féminisme refuse t-il aux femmes le droit d'obtenir des postes
de pouvoir sous prétexte que cela revient à s'intégrer
dans une société dite patriarcale ?
Bien sur que le mariage est à modifier : suppression de l'imposition
commune, déliaison entre couple et filiation (voir notre manifeste),
mais je préfère la position constructive de dire ce qu'il
y a lieu de modifier, plutôt que de tout rejeter.
Les homosexuels
Ex aequo n° 22, interview de Maya Surduts : "les
homosexuels sont quand même du côté du pouvoir".
"Le lobby homosexuel est plus fort que celui des femmes, les homosexuels
sont quand même du côté des hommes, donc du pouvoir
et de l'argent". [...] Dans sa plate-forme, le collectif pour le
droit des femmes revendique le droit de choisir sa sexualité
et son orientation sexuelle...".
L'axe social du féminisme, classifie hâtivement pour éluder
assez vite la question des droits.
Il est vrai que les conseils dadministration et les directions
sont peuplés dhommes et les caisses des supermarchés
tenues en majorité par des femmes dont le temps partiel et la
flexibilité des horaires sont imposés.
Sur laxe de la parité nous pouvons souhaiter quelle se fasse
pour les conseils dadministration et les caisses des supermarchés.
Mais bizarrement le féminisme si prompt à dire aux homosexuel-les
qu'ils/elles revendiquent des privilèges, oublie hâtivement
que la parité est quelque part une demande de partage de privilèges.
Bilan
Les voix médiatiques de ce féminisme là (sans doute
minoritaire) ne portent pas les revendications des lesbiennes.
La volonté de ce féminisme là :
veut une identité homosexuel-le hors du champ symbolique
(pas de contrat, tout au plus le concubinage),
refuse le couple en tant que tel, ce qui revient à dénier
les droits liés au fait d'être en couple, et à refuser
de prendre en compte une réalité
confond rôles sociaux et contrats : rejet complet du mariage (sans
proposer des modifications),et malaise avec le PaCS, non pas pour proposer
des améliorations mais parce qu'il s'agit de couples, suppose qu'il
ne peut exister qu'une réalité du couple, comme nous le
laissent entendre les voix les plus conservatrices, à savoir un
couple injuste : homme/femme, père/mère, fils/mère,
Refuse de voir que deux femmes ou deux hommes PaCSés ou mariés
délient de fait couple et genres.
Ces amalgames ont pour conséquences de faire le jeu des homophobes
qui nous classifient en "en deçà", et qui se
qualifient eux comme la norme. C'est refuser la diversité pour
la dualité.
Ces positions rappellent les positions des années 70 sur le féminisme
où l'on entendait que les femmes ont un autre rapport au pouvoir,
ou qu'elles n'avaient pas à revendiquer l'intégration à
la société.
Enfin arretons de nous déclarer subversif. Qu'est ce que le subversif
?
Laquelle des deux lesbiennes qui vivent en couple exclusif, est la plus
subversive : celle qui a une relation non avouée avec une autre
femme (merci la duplicité) ou celle qui n'en sait rien ? Aucune
des deux ? Alors celle qui n'est pas en couple, vit d'aventures est alors
subversive ? Ou celle qui vit en couple mais a d'autres relations avouées
?
L'homosexualité n'a en aucun cas à être un laboratoire
social, ou un idéal social.
LES COUPLES
Certaines féministes et lesbiennes radicales refusent les droits
associés aux couples. Comme si une féministe pouvait affirmer
que les femmes doivent refuser des postes de pouvoirs car ces derniers
sont une insertion dans la société. Ces arguments nous
paraitraient discriminants et peu porteurs de réalisme.
Nous savons toutes qu'il est nécessaire de se battre sur le terrain
de l'égalité donc de l'insertion sociale, et sur le terrain
d'une plus grande justice sociale.
Paradoxalement les affirmations qui décrètent le couple
comme non subversif, privilégié, et le comparent au mariage
le plus traditionnel, refusent de voir et d'analyser les évolutions
de notre société et les diversités.
Le couple n'allie pas obligatoirement : amitié, amour, sexualité.
Il fut même un temps ou une majorité de couples alliaient
cellule économique de production (exploitations agricoles, commerçants)
et amour, sexualité, procréation, filiation. Aujourd'hui
il nous apparait comme évident que la rémunération
pour les femmes n'est pas liée au couple, la procréation
et la filiation non plus.
Si nous observons les couples de lesbiennes (et je pense que les couples
hétérosexuels doivent aussi avoir la même diversité),
il existe plusieurs formes de couples :
les couples où l'on vit ensemble,
les couples où l'on ne vit pas ensemble,
les couples qui demandent la fidélité sexuelle,
les couples qui ne la demandent pas,
les couples sans amitié, juste pour être ensemble, avec
ses mensonges,
les couples d'amitié,
reste à définir l'amour....
Une chose est sure l'amitié ne suppose pas obligatoirement le couple
car nous avons plusieurs amies, l'amour reste à définir,
mais il n'est pas obligatoirement lié au couple, enfin la sexualité
n'est pas vécue seulement au sein du couple.
Une fois cette réalité constatée, nous pouvons
faire retour sur la question de la subversion. Par subversion l'on entend
liberté sexuelle sans couple ? Mais qu'est ce que certaines veulent
dire ? Car ce ne sont pas des "célibataires lesbiennes"
qui sont "contre" le couple ou la reconnaissance du couple,
non il y a des couples parmi elles, certaines vivent ensemble depuis
longtemps.
Lorsqu'il y a déliaison entre la sexualité et le couple,
lorsque le couple n'oblige pas à de l'exclusivité sexuelle,
le couple dure plus longtemps. C'est un paradoxe apparent que de constater
que ce qui peut être perçu comme non subversif (la liaison
amour-sexualité) font que les relations changent plus souvent,
elles s'apparenteraient à de l'amour libre.
Par contre ce qui peut être perçu comme subversif la non
exclusivité sexuelle, fait durer les couples. Qu'est ce qui va
émousser l'amour si ce n'est le temps, les évolutions des
individues, donc du moyen ou long terme.
Que peut bien vouloir dire ce refus de vouloir les mêmes droits
ou des droits découlant de la vie à deux ? En fait le
terrain ne se situe jamais au niveau du droit, mais la plupart du temps
au niveau symbolique.
L'enjeu pour certaines est bien le subversif, être du côté
du subversif, sans s'interroger le moins du monde sur le subversif.
Pour d'autres ce serait faire en sorte que les couples se font et se
défond plus souvent tout en déliant amour et sexualité.
Là encore c'est quelque part refuser d'analyser la réalité.
Le couple avant tout est une alliance, une alliance sociale, vis à
vis d'une réalité sociale qui est somme toutes assez dure.
Etre deux, c'est plus facile que d'être seule. Pour certaines d'une
façon cynique elles peuvent se dire : si il y a de l'amitié
tant mieux, de l'amour tant mieux et de la sexualité aussi,
y coller une illusion de subversion pourquoi pas (on est en couple sans
y être).
Adresse du lien d'origine
http://ourworld.compuserve.com/homepages/forumfeminist/folesfeminsit.htm
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