"On dirait qu'il est temps pour nous d'inventer un nouveau cycle."
Noir désir.
Le Pen : Un problème électoral mais en même temps
un symptôme socio-politique
Partout en France, les différentes manifestations contre l'extrême
droite (plus de 100 000 personnes ce lundi ) nous montrent bien la double
face de la situation politique actuelle. D'un coté nous avons
ce que certains appellent un séisme électoral avec la
présence de Le Pen au deuxième tour des élections
présidentielles. De l'autre coté, dans la rue, une très
forte et rapide mobilisation de gens dont manifestement une bonne part
n'ont pas voté Jospin.
Les analyses médiatiques et politiciennes veulent restreindre
la situation politique à un problème électoral
et mettent l'accent sur l'explosion des scores de l'extrême droite.
Ce n'est pas vrai : le score de l'extrême droite aujourd'hui est
quasi identique à celui de 1995 où Le Pen et De Villiers
réunis faisaient déjà près de des voix.
Ce à quoi on assiste plutôt, c'est la cristallisation d'un
courant radical et national à droite et ceci depuis de nombreuses
années. Les problèmes que pose ce courant affectent aujourd'hui
une partie du champ politique.
Le fait qu'il s'approche des commandes de l'Etat ne doit pas masquer
qu'il est en même temps un symptôme d'un autre problème
socio-politique qui, lui, concerne avant tout ceux et celles qui estiment
que les choses ne peuvent durer ainsi.
Le problème de la reconversion de nos désirs Ce qui n'a
pas marché cette fois-ci lors des élections, c'est que
beaucoup de gens ont refusé de jouer une fois plus le jeu de
la gauche gouvernementale. Jospin nous avait promis en 97, la régularisation
des sans-papier, nous avons eu Chevènement. Il avait promis des
avancées sociales, nous avons eu l'explosion de la précarité
et de la flexibilité. De ses promesses d'ouverture sur le débat
autour du cannabis, nous n'avons eu qu'une répression accrue
sur ce problème.
La gauche gestionnaire fonctionne comme une machine électorale
de capture des désirs des gens. Mais depuis vingt ans, elle n'a
rien su proposer pour créer de nouvelles formes sociales qui
permettraient d'exprimer, de réaliser et de développer
les désirs des gens, que ce soit ceux des femmes, des gays et
lesbiennes, des étrangers, des jeunes. Bien au contraire, il
s'est agi pour elle de reconvertir, de recoder ces envies dans des problèmes
qui ne sont pas les problèmes de nos vies quotidiennes (restructuration
de l'économie française et du monde du travail, construction
d'un empire européen pour peser dans le guerre économique
).
Ce qu'elle nous a proposé, c'est une adaptation au renouveau
du capitalisme avec comme seul horizon celui d'un cadre cravaté,
d'un homme pressé, qui sait se motiver lui et ses collaborateurs
aux joies du libéralisme et à la concurrence généralisée
de tous entre tous. Et ceci en laissant aux machines entrepreneuriales,
au MEDEF, la possibilité de capter la coopération sociale
à leurs profits aux détriments de nos propres vies. Car,
pour les autres, ceux qui n'en n'ont pas les moyens ou qui refusent
cet avenir, c'est l'imposition d'une vie précaire et/ou "Mac'Donalisée"
faite de petits boulots (CDD, Intérim, et CDI précaires)
et de contrôle social normalisant (politique d'insertion, Pare,
police des
incivilités
)
Une politique des passions tristes
Si la classe politique (et la gauche en ce qui nous concerne) s'est
jetée sur le hème de l'insécurité et d'un
nationalisme dépassé, c'est bien pour tenter de colmater
ce gouffre qui se construit entre les politiques menées et les
désirs des gens. Il faut tenir les gens à la fois en leur
faisant peur (délires sécuritaires) et en construisant
des situations de fragilité, de précarité qui rendent
objective cette peur (précarisation du monde du travail, appauvrissement
d'une large partie de la population, contexte concurrentiel dur
,
construction de ghettos sociaux et générationnels
).
La politique de la gauche gouvernementale est ainsi une véritable
politique des passions tristes où règne la peur, la tristesse,
le reniement et le cynisme, le repli sur soi et par la même une
diminution de notre puissance d'agir et de penser.
Notre problème actuel n'est peut-être donc pas seulement
de constituer un contre-pouvoir face à Le Pen, mais bien plutôt
de regagner une puissance collective (comme les rassemblements de résistance
globale comme Seattle, Millau, Gênes
) en s'appuyant sur
nos désirs.
Résister, c'est créer
mais inventer, c'est une aventure à plusieurs. C'est à
nous tous, personnes, collectifs, groupes, de produire des nouvelles
formes d'actions et de pensées vivantes
Alors regardez, là
il reste de la place, à vous
d'écrire la suite
et pas seulement sur du papier
Du possible, on étouffe !!!!
Une multitude de gens.
Ce tract a été distribué dans la région
de Nantes entre les deux tours des éléctions présidentielles
au printemps 2002