Jaccuse la République Française, 200 ans après
la révolution, de faire aux étrangers un sort qui bafoue
de manière permanente les principes fondamentaux de LIBERTÉ,
ÉGALITÉ, FRATERNITÉ, sur lesquels elle prétend
sappuyer.
Jaccuse nos gouvernants de remettre en cause la LIBERTÉ
pour les étrangers présents en France dy vivre de
manière permanente et stable. On déstabilise délibérément
cette population présente parfois depuis la guerre dAlgérie
sur le territoire. On met tout en oeuvre pour transformer ces étrangers
réguliers en clandestins. On fait une application restrictive
et tatillonne des conditions relatives au séjour.
Jaccuse également nos gouvernants dempêcher
régulièrement les étrangers venus sinstaller
seuls en France, de pouvoir vivre LIBREMENT en famille. On rend quasiment
impossible le regroupement familial.
Je les accuse aussi, de réduire à néant la LIBERTÉ
daller et venir. On restreint, sans cesse les conditions dentrée
des étrangers en France lorsquils viennent du Sud. Parce
quon a décidé de ne plus leur laisser comme autrefois
les miettes du festin des pays riches. Parce que les trente glorieuses
passées leur travail nest plus nécessaire à
ceux qui les ont tant exploités.
Jaccuse la République :
- de nier le principe dÉGALITÉ du citoyen devant
la loi. On empêche les immigrés daccéder à
un certain nombre de droits politiques et sociaux;
- dempêcher ainsi bon nombre détrangers daccéder
au marché du travail malgré les possibilités concrètes
quils ont de le faire ;
- de supprimer pour ceux qui ne sont pas en situation régulière
laccès à léducation ;
- de nier à lécole la diversité des cultures
et de ne pas savoir faire fructifier leurs richesses ;
- de réduire le principe dÉGALITÉ du citoyen
devant la loi à celui de lÉgalité de létranger
devant limpôt ;
- de renvoyer aux lendemains qui votent le droit des étrangers
de participer avec nous à des choix qui les concernent comme
nous.
Jaccuse la République Française dignorer
le principe de FRATERNITÉ.
Je laccuse de tenir un double langage sur le droit de tout individu
à se réfugier sur le territoire national. Elle affirme
dune part quil sagit dun droit absolu alors
que dautre part elle pratique une politique de refoulement aux
frontières des demandeurs dasile et quelle entretient
une politique restrictive en matière dattribution du statut
de réfugié politique.
Je laccuse finalement, sous couvert de mener une politique de
fermeté à légard des étrangers irréguliers,
de mettre en oeuvre avec une cohérence redoutable mais inacceptable
une politique répressive à lencontre de tous les
étrangers. Le discrédit est jeté sur toute cette
population livrée de ce fait à tous les abus du contrôle
policier.
Jaccuse la République Française, qui se proclame
celle des droits de lhomme, de nenvisager lEtranger
que comme le passager provisoire ou indésirable dun État
de non droit.
Avant hier, les Rousseau, les Voltaire et les Montesquieu, nont
pas su dénoncer lesclavage et le commerce de la Traite.
Hier, les Socialistes de la IV ème République nont
pas voulu remettre en cause le colonialisme. Nous voulons aujourdhui
une politique qui combatte résolument le racisme. Nous ne voulons
plus dun droit qui rime avec EXCLUSION, DISCRIMINATION et SUSPICION.
LE COLLECTIF DU DIX JUIN 1989
* Ce texte est la réédition en 1997 dun
document réalisé en 1989 lors dune mobilisation
contre le projet de loi Joxe.