Ce qu'il y a d'insupportable pour la conscience philosophique post-moderne,
(celle qui est affranchie des promesses des grands récits du
XIXe siècle), c'est que puisse venir s'étaler, avec
une brutalité sans éclat ni brillant, la pire des vérités
politiques, à savoir que s'est épuisée l'essence
de l'homme comme zôon politikon, que la communauté à
laquelle l'homme appartient est une communauté politique sans
sujet politique pour la constituer. Avec la disparition de cette catégorie
philosophique fondatrice de la réflexion politique occidentale
et sans laquelle toute tentative pour penser le politique risque bien
aujourd'hui de venir s'échouer, ce sont les fondements mêmes,
les principes, sur lesquels reposaient jusqu'à il y a peu l'imaginaire
de nos sociétés démocratiques, qui sont ébranlés.
Les concepts les plus heuristiques, et au plan pragmatique les plus
efficaces de la politique, perdent leur crédit et se révèlent
comme pures fictions : le citoyen, le peuple, le contrat, les droits.
La critique de l'humanisme par Heidegger s'en trouve conséquemment
bouleversée, voire dépassée. Le problème
n'est plus de produire une critique de l'humanisme en raison du fait
que cette posture philosophique s'est révélée
incapable de dégager l'humanitas de l'homme de son animalitas,
pour retrouver une essence de l'homme authentique à laquelle
il n'est pas certain que les Grecs de l'époque de Platon aient
vraiment cru, mais de dévoiler sous les figures de l'humanisme,
en apparence hospitalières, les masques de la domination la
plus perfide, perfide en ce sens qu'ils interdisent d'adjoindre à
l'oppression la "conscience de l'oppression" (Marx). Le
problème ne peut plus être de penser les conditions sous
lesquelles une figure plus humaine de l'humain pourrait être
produite ou simplement pensée ce qui semble être
le fonds commun de pensées aussi différentes et politiquement
ennemies que celles de l'Ecole de Francfort et de Heidegger, quand
bien même, à la différence du second, les premiers
aient cru à la nécessité de restaurer un "humanisme
authentique", croyance que devait guider le pur pathos réactif
de l'après Auschwitz et fabriquer, chez Adorno notamment, une
conscience ténue du malheur et de la faute mais de penser
les conditions de l'expérience politique réelle dans
laquelle ce qui était appelé par la philosophie classique
à se surmonter et à se dépasser (l'homme), est
pratiquement rabattu vers son animalité la plus nue. Il ne
s'agit plus de penser, à travers le prisme humaniste, en quoi
l'homme peut devenir plus humain, mais à la lumière
de la biopolitique contemporaine, en quoi l'animalisation mais
aussi peut-être la bestialisation - devrait triompher des plus
hautes figures de l'humain. Autrement dit, l'analyse politique ne
peut plus s'énoncer dans les termes de la promesse, que celle-ci
soit politique, d'essence révolutionnaire devant engager toute
la collectivité, ou éthique, d'essence réformiste,
qui invite pour sauver l'homme et son avenir à formuler de
nouveaux impératifs catégoriques qui puissent être
fondateurs d'une responsabilité nouvelle, seule à même
d'orienter humainement la praxis, mais devrait s'articuler autour
d'une stricte analytique du présent, pour laquelle l'avenir
équivaut, pour parler à la manière de Kant, comme
objet transcendantal. Autrement dit encore, tant qu'on ne s'est pas
débarrassé de cette attitude humaniste hautaine par
laquelle le philosophe s'affirme comme "maître à
penser" ou "fonctionnaire de l'humanité", on
se rend aveugle, non à l'imminence de la "catastrophe"
qui, en raison même de l'essence du temps et de la nature du
pouvoir moderne, est nécessairement dans l'ordre des possibles,
mais à ce qu'il y a de réellement catastrophique dans
la réalité du présent.
Que les propos d'un Peter Sloterdijk [1] puissent, en Allemagne comme
en France, être prétexte à scandale et à
affaire, c'est ce qui indique avec une clarté inquiétante
l'état de la réflexion en ce tournant de siècle.
Passée la tempête structuraliste dont l'immense mérite
aura été de nous permettre de nous déprendre,
pour quelques instants, du subjectivisme et de ses apories, et en
même temps de nous affranchir de l'humanisme politique de droite
comme de gauche qui tous deux affirmaient, sous des modalités
et par des moyens différents, la réalisation prochaine
de l'humain sur terre, les esprits studieux se sont remis au travail,
et, oubliant jusqu'à la dimension critique de l'uvre
de ceux auxquels ils réclament pourtant leur part d'héritage,
mettent leur talent au service d'un utilitarisme politico-social qui
donne à la social-démocratie triomphante son arôme
spirituel et son supplément d'âme. Qu'accompagnant le
rajeunissement politique des dirigeants de la "Troisième
voie", la réflexion philosophique soit elle-même
obligée de se rajeunir, c'est-à-dire de se schröderiser,
de se blairiser, de se jospiniser, d'abandonner par conséquent
cette insupportable tendance continentale à la critique tous
azimuts du pouvoir et de ses valets, critique décrétée
aujourd'hui sommet de la ringardise, voilà qui peut expliquer
non seulement que les pires platitudes infra philosophiques en ses
différentes variantes éthiques puissent tenir lieu de
pensée, mais surtout que tout ce qui s'affirme avec trop d'assurance
comme "critique de l'humanisme" soit désigné
à la vindicte publique sous les qualificatifs peu amènes
de crypto-fasciste ou de crypto-totalitaire.
L'époque suspectant tous ceux qui voudraient encore s'autoriser
de Nietzsche ou d'Heidegger, et d'une manière générale
tout ce qui a voulu échapper depuis un siècle à
l'humanisme qu'il fût communiste ou libéral, pour
reprendre la distinction opérée par Merleau-Ponty dans
Humanisme et Terreur on aurait pu à l'avance deviner
le sort qui serait réservé à Sloterdijk.
Que l'opinion philosophique dominante soit conforme au marché
de l'opinion publique, et que de plus en plus le philosophème
soit immédiatement déchiffrable par l'opinion publique,
voilà qui ne fait que traduire l'immense faculté adaptative
de l'humanisme contemporain. Car, misant tout sur l'éducation
l'humaniste est celui qui est éduqué par les
humanités vecteur essentiel de l'humanisation, et chacun
pouvant constater l'échec patent de l'éducation sitôt
que celle-ci ne s'adresse plus à une élite mais à
la masse, il n'est plus d'autre recours, pour ne pas entamer le dogme
humaniste, que d'inverser le principe : si l'éduqué
ne peut s'élever jusqu'au maître, le maître doit
pouvoir s'abaisser au niveau de l'élève. Dans les deux
cas, l'objectif de l'égalité mais une égalité
d'apparence, qui ne fait que celer la violence latente du rapport
éducateur/éduqué est atteint, la distinction
gommée en apparence, et le credo démocratique égalitaire
renforcé.
La faute de Sloterdijk est là : elle est d'avoir rappelé
que toute éducation est dressage, et que l'homme, selon le
mot de Nietzsche, n'est que "bête démente et triste".
[2] Elle est dans son refus de maintenir la fiction homme et ses attributs,
de savoir avec trop d'assurance que toute politique, et donc aussi,
ou surtout, toute politique de l'éducation, est désormais
bio voire zoo politique, que le sujet du droit de la
pensée moderne s'identifie toujours plus comme "l'animal
grégaire" de Nietzsche, que comme "l'homme libre"
de la Déclaration des droits, que l'espace public est davantage
le maillage des relations de biopouvoir les plus inégalitaires
que le lieu transparent et affranchi de tout litige où la discussion
doit triompher des conflits.
En un mot, ce qui rend Sloterdijk coupable, c'est d'avoir rappelé
ce principe élémentaire mais occulté par l'illusion
contractualiste [3], que la politique, ça n'est ni le consensus,
ni la paix, mais une sorte de guerre, et que "dans cette perspective,
l'humanisme est le complice naturel de toute horreur commise sous
le prétexte du bonheur de l'humanité". [4] On comprendra
que le problème n'est évidemment pas de "choisir"
entre le thème du pastorat platonico-nietzschéen ou
celui de l'autonomie de la philosophiekantienne, entre l'option biopolitique
ou celle, contractualiste, de la démocratie apaisée,
et qu'en un mot il n'appartient pas au philosophe de penser l'avenir
radieux de la communauté ; car ce serait maintenir l'illusion
que nous pouvons choisir, ou que la volonté humaine a encore
quelque importance en un monde où il faut bien se demander
si le vouloir se laisse encore renvoyer au lieu possible d'un sujet
de la volonté (individu ou classe).
Si l'analyse biopolitique dévoile la "finalité
sans fin" du pouvoir moderne d'inspiration libérale
- comme pouvoir totalitaire (au sens arendtien où la Loi est
intégralement suspendue dans ce face à face du pouvoir
et de la "vie nue" des populations et des corps vivants),
si rien ne nous autorise à penser que ces formes de gouvernementalité
extrêmes sont des accidents de l'histoire que la peur rétrospective
devrait désormais empêcher par on ne sait trop
quel sursaut moral des États ou des peuples force est
de constater que l'extraordinaire développement des biosciences
et des biotechnologies donne aujourd'hui tout son sens au projet de
la biopolitique moderne. L'impératif à double face
du "faire vivre, laisser mourir", maxime du pouvoir moderne
qui suspend le principe de la souveraineté, nous autorise à
entrevoir, pour le siècle à venir, les formes nouvelles
que peut prendre la "menace". La dépolitisation de
l'animal politique et l'épuisement de son essence, constitutive
selon Aristote de la communauté politique comme communauté
d'hommes libres, l'animalisation croissante du sujet vivant, dans
nos démocraties plus que jamais respectueuses des droits de
l'homme, éventuellement sa bestialisation sous les traits du
non assimilable, du non intégrable, du non régularisable,
tout cela nous permet de spéculer à bon droit sur les
formes futures de la biopolitique et les effets de puissance décuplés
que sa configuration plus "performante" pourrait produire.
Hans Jonas a sans doute raison lorsqu'il affirme que "le plus
grand des pouvoirs s'accouple ( désormais) avec le plus grand
vide, la plus grande capacité avec le plus petit savoir du
à quoi bon". [5] On restera néanmoins sceptique
quant à la capacité de tous les nouveaux impératifs
catégoriques [6] à combler le "vide éthique"
qui rend plus menaçante encore la puissance de la volonté
de puissance. Sans doute la philosophie s'arrête-t-elle là
: au moment où nous aimerions promettre, mais où nous
savons avec une lucidité froide, en elle-même effrayante,
que nous ne le pouvons pas.
Selon Foucault, la politique moderne a suivi deux grandes orientations,
la première en direction du corps individuel, la seconde dans
celle du corps-espèce. D'un côté le corps comme
objet à dresser, élever, éduquer et discipliner,
de l'autre la population, dont il faut maîtriser le flux, qu'il
faut contrôler et surveiller par mille moyens, qu'il faut prendre
en charge par "toute une série d'interventions et de contrôles
régulateurs". [7] Dressage et régulation sont à
partir des XVIIe-XVIIIe siècles, les deux grands objectifs
d'un pouvoir dont Foucault a montré la transformation radicale
à l'âge classique. Jusqu'alors, le souverain était
l'héritier du droit romain dont il conservait, sous une forme
diminuée et atténuée, le "droit de vie et
de mort" sur ses sujets. Encore doit-on préciser que ce
droit de vie et de mort n'était en fait que "le droit
de faire mourir ou de laisser vivre". [8] Le souverain, on le
voit, disposait de la vie de ses sujets sous une forme essentiellement
négative : en retenant son droit de tuer (ce qui constitue
la règle), ou, exceptionnellement, en le faisant jouer. C'est
ce type de pouvoir, qui est codé par le droit, dont la forme
et la nature sont essentiellement juridiques, qui va disparaître
au XVIIIe siècle.
Alors, le pouvoir ne sera plus "droit de prise" : sur les
choses, les biens ou les vies. Au contraire, l'analyse de Foucault
montre que "le droit de mort tendra dès lors à
se déplacer ou du moins à prendre appui sur les exigences
d'un pouvoir qui gère la vie". [9] Disons que, si "contractualité"
il y a, elle se donne à voir dans la limitation de la souveraineté
en ce qui concerne l'ensemble des prélèvements, et l'extension
rapide des procédures de contrôle des individus et des
populations. Le déplacement de la souveraineté du monarque
à l'ensemble du corps social a pour condition que ce dernier
"puisse assurer sa vie, la maintenir ou la défendre".
[10] Dès lors, ce n'est plus le droit qui est au centre de
la préoccupation du pouvoir, mais la vie.
Le vitalisme est né en politique bien avant qu'il soit une
théorie médicale ou philosophique. On comprend alors
pourquoi le médecin et le philosophe seront au XIXe siècle
les auxiliaires indispensables d'un pouvoir dont la forme, positive
en ce sens qu'il doit faire vivre, faire croître des forces,
et en définitive assurer le bien-être au moins minimum
de ceux sur qui il s'exerce, est la condition sine qua non du développement
du capitalisme.
Si l'on admet que s'est maintenue dans nos sociétés,
depuis plus de deux siècles, cette configuration biopolitique,
par rapport à laquelle l'analyse juridico-humaniste joue à
contre-temps, on doit pouvoir tirer un certain nombre de conséquences
:
a / Par rapport à la représentation philosophique classique
de l'homme comme zôon politikon, cet être "dont le
telos le plus élevé est de vivre dans une polis"
[11], l'analyse biopolitique des relations de pouvoir dans les sociétés
occidentales modernes donne à l'animalité de l'homme
une place inattendue. Pour les Anciens, l'animalité est un
donné que doivent transcender la praxis et la lexis. Malgré
tous les efforts modernes pour séparer définitivement
humanité et animalité, l'enquête généalogique
du pouvoir en Occident (ici il faudrait croiser les lectures de Foucault
et de Nietzsche) montre que, pour les Modernes, ce qui est donné,
ce qui va de soi, c'est la nature politique de l'homme ; au contraire,
ce qui est mis en question, qui interpelle et fait problème,
qui est objet de savoir et point d'appui pour les stratégies
de pouvoir, c'est la nature vivante, à la fois comme corps
individuel et comme corps-espèce. C'est en ce sens que Foucault,
rompant avec l'évidence moderne de la politique, écrit
: "L'homme, pendant des millénaires, est resté
ce qu'il était pour Aristote : un animal vivant et de plus
capable d'une existence politique ; l'homme moderne est un animal
dans la politique duquel sa vie d'être vivant est en question".
[12]
Sans doute pour les Anciens la politique a-t-elle, comme l'a remarqué
Hannah Arendt, ce caractère de rareté qui en fait chose
exceptionnelle, dans toutes les acceptions du terme. Elle est le destin
des meilleurs, de ceux qui auront à s'occuper des affaires
des autres, de ceux de qui dépend le bonheur de la communauté.
Et si l'on songe que la philosophie elle-même n'est sans doute
née que de la profonde aspiration à réformer
la politique réelle, qu'en son temps Platon jugeait désastreuse,
on apercevra mieux encore ce caractère si précieux.
Le mot de Finley est juste : l'existence politique est un telos élevé,
un but que l'on n'atteint pas sans peine. C'est l'existence politique
qui doit permettre aux hommes de devenir meilleurs, de s'élever
au plus haut stade de l'humanité, manifestant ainsi ce qu'il
y a en eux de divin.
Avec la Modernité, la politique perd ce caractère de
rareté et d'exception. Elle a changé d'objectif. Elle
ne concerne plus l'élite des citoyens mais toutes les parties
du corps social. La Révolution française et la Déclaration
des droits sont évidemment le plus bel emblème de cette
transformation, par laquelle l'Occident a inventé une nouvelle
forme de l'exercice du pouvoir, que nos manuels scolaires d'histoire
appellent démocratique. D'exceptionnelle, la politique devient
la règle. L'existence politique n'est plus un telos éloigné
et sublime, la liberté l'idéal à bâtir,
puisque l'égalité des droits est inscrite désormais
dans la "nature" même des individus. On comprend alors
que, entre parties égales, il ne peut y avoir que contrat,
c'est-à-dire association ; et que le but de ce contrat est
non seulement de rendre possible l'existence commune de toutes les
parties assemblées, mais encore d'assurer, par tous les moyens,
la vie du Tout.
Il convient encore d'observer au moins deux choses :
aa /. Il n'y a sans doute pas d'exemple plus frappant dans l'histoire
des sociétés humaines, d'un si grand écart entre
la manière dont les hommes se racontent la naissance de leur
société à travers la fable contractualise d'une
part, et, d'autre part, la façon dont ce pouvoir, à
l'intérieur de ces sociétés, tend à s'exercer.
Le mythe du contrat que des contemporains de Rousseau, Hume
notamment, se sont employés à démonter
n'a d'autre fonction que d'occulter ce qui constitue le fondement
même de la politique pour les Anciens, notamment pour Aristote
: à savoir que la politique se construit comme opposition des
riches et des pauvres, qu'elle est dans son principe même partage
entre ce qui a sa part à l'exercice du pouvoir et ce qui ne
l'a pas. En ce sens on peut admettre avec Marx que là où
il y a eu de la politique, il y a eu aussi "lutte des classes".
Aux XVII et XVIIIe siècles, l'idée de contrat
qui doit elle-même accoucher d'autres fictions à l'efficace
avérée : le peuple, la nation c'est l'idée
selon laquelle la communauté est communauté d'amis,
que le lien politique entre les membres du souverain est un lien d'amitié
qui fonde l'unité du corps social comme peuple, dont l'existence
se définit dès lors par opposition à ce qui est
hors de lui ou autre que lui. Pour les Modernes, la politique
c'est-à-dire la politisation de toutes les parties du corps
social, et dans chacune de ces parties de ce qu'il y a de plus intime,
i.e. la vie de chaque individu - a été la condition
même de la survie de la communauté comme nation. Et malgré
tous les appels à l'oubli de la politique, il n'est peut-être
pas de société pour laquelle l'injonction à exister,
individuellement ou collectivement, comme sujet politique, n'a été
plus forte.
ab / Mais dans le même temps, quand s'élaborent les philosophies
du contrat et les philosophies de l'histoire qui sont autant d'appels
pathétiques à la formation d'un peuple chimérique,
les technologies biopolitiques de pouvoir qui se raffinent, viennent
épuiser la définition traditionnelle de l'homme comme
zôon politikon. Si les sociétés modernes ont besoin
de s'inventer un peuple, elles n'ont nul besoin de conserver la catégorie
antique du citoyen quand bien même il faut maintenir
cette catégorie dans le discours, et en particulier dans le
discours éducatif. Dès lors, le Peuple est moins l'unité
organique des citoyens assemblés ou la classe majoritaire dont
la conscience de classe s'exprimerait dans la praxis, que la masse
informe, qu'il faut élever comme animaux domestiques
comme "animaux prévisibles", dirait Nietzsche
et dresser comme chiens de garde ou chiens de race, chez qui il faut
aussi développer l'instinct guerrier et le goût du sang,
en lui donnant l'illusion de sa grandeur et de sa puissance (de là
tous les sentiments nationalistes qui dominent dans les sociétés
du XIXe siècle). Définissant ce qu'il entend sous le
terme État, Nietzsche écrit : "Une horde quelconque
de bêtes de proie blondes, une race de maîtres et de conquérants,
qui, dotée d'une organisation guerrière et ayant la
force d'organiser pose sans hésiter ses formidables griffes
sur une population peut-être infiniment supérieure en
nombre, mais encore inorganisée et errante. Voilà le
commencement de l'Etat sur terre : on s'est débarrassé,
je pense, de la rêverie qui le faisait commencer par un contrat".
[13] En d'autres termes, l'aventure de la politique n'est pas autre
chose, selon Nietzsche, que la continuation de la guerre à
l'intérieur des "remparts terrifiants" de l'Etat,
guerre qui, une fois assurés la puissance et le triomphe des
maîtres, doit être régulée de l'intérieur
par des techniques de dressage et de domestication, "jusqu'à
ce que cette matière première, le peuple, les semi-animaux,
ait fini non seulement par devenir malléable et docile mais
aussi par être formée". [14] On le voit : pour Nietzsche,
la politique vise le bios, ce qu'il y a en l'individu de matière
vivante, d'instinct de vie, pour en maîtriser la puissance,
en atténuer les effets possibles. Pour Nietzsche, toute politique
est biopolitique en ce sens que "politique" signifie moins
la conquête des droits et l'auto-affirmation de la communauté
comme communauté d'hommes libres que l'opposition des puissants
et des faibles et la domination des forces vives ascendantes sur les
forces morbides déclinantes.
b / Nietzsche parle ici des origines. Mais il faut bien entendre que
pour ce philosophe qui avait défini la tâche de la pensée
comme "diagnostic du présent", l'enquête généalogique
est aussi bien analyse des conditions politiques de l'époque
qui est sienne. De la même manière, pour Foucault, l'archéologie
du pouvoir moderne doit permettre de rendre compte du présent.
Nous faisons l'hypothèse qu'il doit être possible de
suivre les analyses de Foucault l'idée que la biopolitique
est fondée depuis deux ou trois siècles sur la double
technologie du dressage de l'individu et de la régulation des
populations pour comprendre la configuration du pouvoir dans
les sociétés démocratiques hyper-développées
du XXe siècle, et, chemin faisant, tirer un certain nombre
de conclusions.
L'hypothèse biopolitique peut s'énoncer ainsi : à
partir du XVIIIe siècle, "pour la première fois
sans doute dans l'histoire, le biologique se réfléchit
dans le politique". [15] On peut penser que, peu à peu,
à partir du moment où nos sociétés vont
accorder une importance exceptionnelle, par le retrait de "l'imminence
de la mort" (lorsque la mort ne menace plus directement, par
les épidémies, les sociétés européennes),
au phénomène de la vie, quand l'impératif du
"faire vivre" deviendra l'obsession des Etats-nations qui
se (re)constituent dans toute l'Europe du XIXe siècle, le biologique
va en quelque sorte absorber le politique, et dissoudre la capacité
politique du sujet, individuel et collectif, dans son animalité
la plus nue, objet de toutes les sollicitations et de toutes les attentions
[16]. Si l'hypothèse foucaldienne est fondée, il faut
conclure que, dans cette configuration, le droit ne peut plus s'énoncer
comme droit d'avoir des droits, mais comme droit d'être vivant
par opposition à tous ceux à qui ce droit est
dénié, qu'ils soient ceux que l'on fait mourir (Juifs
et Tziganes sous le nazisme), ou que l'on laisse mourir (les Damnés
de la terre des temps présents, sidéens et affamés
en Afrique, pauvres et tuberculeux de la Russie de Poutine, inventeurs
de nouvelles formes d'habitat : le terrier humain, Peuple tchétchène
dont le monde contemple le spectacle sans fin de sa mort lente).D'une
certaine manière, ce n'est plus à la politique de dire
à l'homme quels sont ses droits, ou quels ils pourraient être,
mais au biologique de fixer la norme qui doit dire ce qui peut vivre,
et ce qui peut mourir. La norme devient alors le critère d'un
"système de valeurs" nouveau, dans lequel les catégories
de dignité et d'indignité à la vie sont les seules
efficaces.
Le recul de la Loi et l'apparition de la norme comme forme essentielle
de la limite a eu et continuera d'avoir des effets aussi incontrôlables
qu'effroyables sur la vie des individus et des populations les moins
intégrés à la vie sociale normalisée.
Si la loi fixe la limite au-delà de laquelle l'individu ne
peut se maintenir qu'en acceptant d'exister dans l'illégalité,
si, par conséquent c'est la transgression, volontaire ou inconsciente,
qui donne à la loi sa densité ontologique, la norme,
au contraire, ne tire la culpabilité que du seul fait patent
d'exister de telle ou telle manière, d'être ceci plutôt
que cela : le Juif est coupable en tant que Juif, le Koulak en tant
que Koulak, le Kosovar en tant que Kosovar. La norme ne dit pas ce
qu'il faut faire ou ne pas faire, mais ce qu'il faut être ou
ne pas être. Elle ne présuppose par conséquent
aucun système éthique (au sens traditionnel) qui oriente
la faculté judiciaire de la société en réglant
l'ordre dans lequel les châtiments doivent être proportionnels
aux fautes, puisque l'existence même de ceux qui ne coïncident
pas avec la norme suffit à définir la culpabilité.
A partir de là, le problème est moins de savoir jusqu'où
s'étend le domaine du permis, et où commence celui de
l'interdit, que d'essayer d'entrevoir jusqu'où la puissance
possible d'un pouvoir qui fonctionne à la norme peut s'étendre.
On dira que nos sociétés sont des sociétés
de droit, ce qui devrait nous prémunir des excès ou
des dérives d'un tel pouvoir.
On rappellera seulement, pour parer à cette objection, que
les États totalitaires, dans lesquels le pouvoir de la norme
a été poussé au plus loin de ses possibilités,
étaient aussi des sociétés où il y a du
droit, et qu'il n'y a, malgré les apparences, pas de sociétés
qui légifèrent plus que les sociétés totalitaires.
On ne s'étonnera pas que dans les sociétés normalisatrices
dans lesquelles le biopolitique a remplacé le juridico-politique
et le souci de faire vivre le corps social celui de définir
la puissance de la souveraineté et ses limites, le pouvoir
ait eu tant besoin des sciences, biologiques et sociales, pour régler
sa propre puissance et définir ce qui entre dans la norme,
et ce qui n'y entre pas. La critique historique de la psychologie
et de la sociologie, des dérives du darwinisme, a été
faite sans qu'il soit besoin d'y revenir ici [17].
Que ces sciences aient accompagné et soutenu la naissance du
racisme d'Etat au XIXe siècle ne peut que renforcer l'hypothèse
de l'existence d'un savoir-pouvoir biopolitique qui s'est lui-même
constitué quand les États ont pris l'objectif de gérer
la vie des hommes et des populations, avec les effets redoutables
qu'on a pu observer durant tout le XXe siècle.
De Le Bon et Vacher de Lapouge à Carrel, psychologues et médecins
s'emploieront à établir la liste de tous les déshérités
que les sociétés contemporaines ne peuvent compter que
comme "inaptes".
Au début du XXe siècle, un certain Dugard, pourfendant
l'égalitarisme de l'Ecole républicaine, définissait
trois catégories d'inéducables : les dégénérés,
les arriérés ou instables, enfin les élèves
limités qui "sans paraître tout à fait anormaux
et après avoir même donné des espérances,
atteignent vers treize ou quatorze ans le terme de leur évolution
progressive, et dont les facultés vont dès lors en se
dégradant". [18] Saluant la création par une loi
du 15 avril 1909 d'internats spéciaux subventionnés
par l'Etat, chargés d'accueillir les enfants les plus "arriérés",
il se montre plus inquiet quant à ceux des deux autres catégories
: "Que faire de la foule de ces êtres à demi anormaux
que l'on retrouve jusque dans l'Enseignement secondaire, et pour qui
les programmes n'ont pas été conçus ?" [19]
Que faire ? dit Dugard, quand on sait qu'il n'est point de savoir
qui puisse transformer le débile "et l'amener à
l'humanité normale" ? A cette question, l'histoire s'est
chargée d'apporter une réponse.
Il est vrai que, éclairés que nous sommes par un siècle
d'eugénisme savamment pratiqué, et jusque dans les régimes
les plus policés (le Danemark démocratique par exemple),
nos sociétés ont appris à ne plus poser cette
si angoissante question du que faire.
Et pourtant, il n'est pas certain que l'actuel développement
hyperbolique - des biosciences et des biotechnologies ne soit
pas la réponse masquée à cette question qui continue
de tarauder notre idéal de perfection humaine. Disons que,
à la question que faire, nous tendons de plus en plus à
substituer celle du comment faire. L'exemple des thérapies
géniques, et généralement l'idée de manipulations
génétiques, illustrent remarquablement la marche d'une
société qui, accrochée aux basques de ses médecins
bricoleurs de gênes en qui elle confie aujourd'hui tous ses
espoirs, définit, avec une insouciance confondante, le modèle
de l'humain du siècle à venir, épuré de
toute pathologie, non plus prévisible mais prévu, et
peut-être avant même sa fécondation. Dans le cas
des "enfants bulles", condamnés à vivre en
milieu stérile en raison d'un déficit immunitaire très
grave, la thérapie génique constitue évidemment
un "immense espoir", puisqu'il s'agit de faire vivre ce
qui ne devait pas vivre. [20] Il y a là, en apparence au moins,
un exemple de biopolitique "positive". L'objectif avoué
étant de tordre le cou au hasard biologique, de sorte que l'exceptionnelle
monstruosité soit rendue simplement impossible, on peut pourtant
se demander si ne se profile pas ici une nouvelle forme d'eugénisme,
qui consisterait moins à laisser ou faire mourir les individus
non assimilables à une norme, qu'à intervenir dans le
processus même de la nature (Arendt) pour que l'être à
venir soit conforme à ce que la société a défini
comme normal. Demandons-nous seulement si ne s'invente pas sous nos
yeux une nouvelle version du partage entre ce qui est digne de vivre
et ce qui ne l'est pas, partage dont le critère serait moins
le sang ou la race, que, plus prosaïquement, la santé.
En tout cas, on peut penser que cette survalorisation du corps sain
et de la santé n'est que la réponse nécessaire
à plusieurs décennies de biopolitique, et que si les
moyens pour répondre au problème de la sélection
ont changé en s'adoucissant considérablement
le problème continue cependant d'être posé
dans des termes à peu près identiques. L'Occident n'en
a pas fini avec ses microbes et ses bacilles, dont il n'est sans doute
pas exagéré de dire que l'éradication au moins
partielle a été la condition d'une pacification de la
société mais au prix d'un basculement des sociétés
démocratiques dans le totalitarisme. On peut bien voir dans
le Docteur Knock la figure peu scrupuleuse du médecin libéral
qui profite de la maladie pour asseoir sa fortune. Il représente
bien mieux le type même du médecin de l'avenir
c'est-à-dire d'aujourd'hui dont l'acte thérapeutique
ne se conçoit que sous les impératifs de la biopolitique,
pour qui l'intérêt propre comme l'intérêt
du malade sont dépassés par un intérêt
bien supérieur : celui de faire venir la population à
l'existence médicale, fût-ce en la rendant malade réellement,
et en mettant "tout un canton au lit". [21]
Comment, dès lors, définir la communauté "politique"
moderne ? Faut-il la définir comme communauté nationale,
et maintenir l'illusion que ce qui, à l'intérieur de
ladite communauté, fait lien, c'est, pour parler à la
manière de Renan, les ancêtres communs et l'aspiration
à une "communauté de destin" ? L'idée
d'une communauté dont la légitimité historique
serait bâtie sur un "droit du sang" ou un "droit
du sol" a-t-elle encore un sens ? Sans doute le discrédit
dont souffrent tout autant l'idée de nation et l'idée
de citoyen, provient-il du fait que ces notions sont justement périmées
et que la conscience politique identitaire classique a disparu pour
faire place à une exigence nouvelle des hommes envers l'Etat,
à qui il est fait injonction de faire vivre, et ce dans des
conditions optimales, c'est-à-dire en bonne santé, à
l'abri des vaches folles, des poulets dioxinisés, des rillettes
à la listériose, des pollutions marines et des tempêtes
intempestives. On pourrait alors définir la communauté
biopolitique moderne, à l'intérieur de laquelle les
ralliements et les solidarités les plus larges peuvent enfin
advenir en eux-mêmes destructeurs de la lutte des classes
- par le fait que, d'ancienne communauté de sang ou de destin
qu'elle était, celle-ci s'est transmuée en communauté
des êtres vivants (il faut bien lire ici le participe présent,
et non l'adjectif).
L'optimisation de la vie grâce aux "progrès"
des sciences biomédicales vient légitimer la dislocation
des frontières nationales, qui opposaient entre elles, il y
a peu, des communautés de sang et d'intérêt, et
rassemble désormais ceux que le développement du capitalisme
a placés en position de peuples sains, en bonne santé,
donc en vainqueurs. Ce qui suppose sans doute une reconstitution de
l'ennemi dans notre imaginaire. Le nouveau partage du monde s'organise
selon ce critère-là : d'un côté des peuples
vivant, toujours mieux, toujours plus, des sociétés
qui reculent au plus loin l'échéance de la mort, qui
en font une affaire toujours plus privée, dont les technologies
se raffinent toujours davantage et rendent plus sévères
encore les "conditions d'accès" à la normalité
; de l'autre, des peuples mourant, pour qui la mort est la grande
affaire publique inutile de les localiser qui en sont
encore à soigner paludisme et SIDA à l'aspirine, ou
en se remettant à quelque grigri, à l'heure où
l'Occident soigne ses malades à coup de multi-thérapies
extrêmement coûteuses.
On comprend dès lors tout l'intérêt que les nations
riches peuvent entrevoir à dresser entre vivants et mourants
un cordeau sanitaire qui doit protéger la vie de ceux qu'il
faut faire vivre loin de toute contamination potentielle. On se souviendra
en particulier avec quelle angoisse les pays européens accueillirent
la nouvelle d'épidémies de fièvres hémorragiques
en Afrique, hautement contagieuses, mais moins ravageuses que les
guerres et génocides qui ensanglantent régulièrement
le continent noir. La récente intervention de l'OTAN au Kosovo
a sans doute aussi cette signification-là : non pas celle d'imposer
par la force au dernier bastion communiste-nationaliste européen
les conditions de la logique libérale mondiale, pas davantage
de montrer qui est le maître du Nouvel ordre mondial
comme si les nationalistes panslaves pouvaient encore l'ignorer
mais de rappeler que le mythe du sang et de la race purs n'est plus
dans l'ordre des possibles politiques des nations riches qui ont défini
le domaine d'inclusion des zones géographiques où il
faut coûte que coûte maintenir la vie, qu'il faut inclure
par tous les moyens au monde des vivants. Victimes de la biopolitique
serbe, qui, selon une logique récurrente expérimentée
en Bosnie, avait lié sa propre survie comme nation à
l'éradication de l'ennemi considéré comme menace
biologique pour l'identité nationale, le peuple kosovar a été
« lheureux » bénéficiaire des effets
de la biopolitique européenne qui lie sa survie à l'absence
de troubles virtuellement désintégrateurs à l'intérieur
du territoire européen. La Tchétchénie ou le
Timor, le Kurdistan ou la Sierra Léone, ne peuvent bien sûr
prétendre à pareil traitement, puisque leur éloignement
géographique les écarte de facto des bénéfices
de l'interventionnisme européen ou américain. Là,
donc, on peut laisser mourir, sans que nos démocraties s'en
offusquent outre mesure. D'autre part, les dispositifs de contrôle
doivent évidemment opérer sur un autre plan : du côté
de la surveillance des populations, et de leurs déplacements.
Le contrôle des "flux" de populations aux frontières
des ensembles géopolitiques riches on parle évidemment
des flux pour désigner les pauvres du sud, pas les millions
de touristes qui fréquentent annuellement nos musées
et visitent Paris en bateau-mouche et le refoulement de tout
ce qui n'est pas décodable par la norme communément
acceptée, est évidemment le signe manifeste du grand
partage opéré par le biopouvoir : ce qui ne peut pas
vivre ici, ce qui donc est condamné à vivre là
où éventuellement on ne peut plus vivre, signale simplement
que se reconstitue aujourd'hui le camp sous un jour nouveau : excentré,
invisible, comme reste de ce qui n'est pas inclus à la société
des hommes vivant. S'agit-il de cynisme ? Rien n'est moins sûr.
Il faut plutôt admettre et cela n'a évidemment
rien de très prometteur - qu'il est dans la "nature"
du biopouvoir d'opérer une sélection rigoureuse entre
ce qui présente les signes de la vitalité, et ce qui
n'offre à voir que des symptômes morbides. Si l'on songe
par ailleurs que les images de la vie et de la santé ne se
construisent sans doute qu'en opposition à celles de la mort
et de la maladie, si le normal ne peut se dévoiler que sur
fond de pathologie, on comprendra qu'il est "vital" pour
nos sociétés que se maintienne un domaine qui
concerne la moitié de l'humanité où la
mort rôde et menace.
"Philosopher n'est qu'une autre façon d'avoir peur
"
L.- F. Céline.
[1] Peter Sloterdijk, Règles pour le parc humain, Le Monde
des débats, octobre 1999, pp. I-VIII.
[2] Friedrich Nietzsche, La Généalogie de la Morale,
Gallimard, Coll. Folio, 1985 , p.105.
[3] Sur ce point voir Moses I. Finley, L'Invention de la politique,
Flammarion, Coll. Champs, 1985, p. 21.
[4] Le Monde des Débats, octobre 1999, p. V.
[5] Hans Jonas, Le principe responsabilité, Flammarion, coll.
Champs, 1995, p.60.
[6] "Même chez le vieux Kant, écrit Nietzsche, l'impératif
catégorique sent la cruauté". Généalogie
de la Morale, deuxième dissertation, § 6.
[7] Michel Foucault, La Volonté de savoir, Gallimard, 1976,
p. 183.
[8] Ibid., p. 178.
[9] Ibid., p. 179.
[10] Ibid.
[11] Moses I. Finley, op.cit., p. 52.
[12] Michel Foucault, op.cit., p. 188.
[13] Nietzsche, op. cit., p. 106.
[14] Ibid.
[15] Michel Foucault, op.cit., p. 187.
[16] Sur la question de la "vie nue", voir le livre de Giorgio
Agamben : Homo sacer, Le Seuil, 1997.
[17] On pourra notamment consulter le livre de Pierre-André
Taguieff : La couleur et le sang, Doctrines racistes à la française,
Editions mille et une nuits, 1998.
[18] M. Dugard, L'évolution contre l'éducation, Hachette,
1910, p. 19.
[19] Ibid., p. 20.
[20] Le Monde, 30 décembre 1999, p. 28.
[21] Jules Romain, Knock, Gallimard, 1924, Acte III, scène
IV.
Le lien d'origine :L'Ecole des mines de Nancy => http://www.mines.u-nancy.fr/