Le meurtre dHabid à Toulouse est la triste démonstration de limpunité
dont jouit la police. Cétait pour ses raisons que la FASTI avait
réuni associations et organisations les 6 et 7 décembre. Cétait
aussi dans ce sens que réagit lObservatoire des libertés publiques
après le meurtre dHabib. Le poids toujours grandissant donné à linstitution
policière pour gérer lexclusion et la misère, pour ficher le citoyen
comme on peut voir avec le projet STIC sur lequel nous reviendrons dans
un prochain numéro, doit nous inciter à nous organiser pour ne pas laisser
sinstaller sans réaction lordre sécuritaire.
La police hors la loi, ça suffit !
Suite à la mort dun jeune français de 16 ans dorigine
magrébine, tué la nuit du 13 au 14 décembre 98, à Toulouse, nous vous
proposons divers témoignages de personnes issues du quartier. Habib,
tel était son nom, a été tiré comme un lapin par un policier. Il nest
pas mort de suite. Ayant réussi à se cacher sous une voiture, il est
mort après avoir agonisé durant 3 heures. 3 jours dextrêmes violences
ont alors enflammé le quartier du Mirail situé au Sud Est de Toulouse.
Quelques réactions :
Un Responsable du Centre Culturel Reynerie. Il y a de gros problèmes
de cohérences entre les divers partenaires. Cest-à-dire entre
les familles, lEducation Nationale, la Police, les acteurs sociaux.
Tant quil ny aura pas ce lien, il y aura des crises. On
est tous responsables. Il faut que les différents acteurs travaillent
ensemble, pour avoir des objectifs communs par rapport à lavenir
des quartiers. Tant au Mirail, que partout en France. Plutôt que de
faire continuellement du replâtrage, il faut injecter intelligemment
de largent. Si lon attend que les jeunes cassent des voitures
pour trouver des solutions, cest la fin des haricots. Avec lhistoire
dHabib, on va balancer plus de fric dans les associations. Et
alors ? Non. Il faut que tous les partenaires soient là : élus, tissus
associatif, gens du quartier... Il faut que des mini tables rondes sorganisent
et que lon sinterroge réellement : Vers quoi veut-on que
le quartier évolue ? Que doit-on faire pour les années à venir ? (...)
Nous cest facile, on a un salaire, on gagne notre croûte, à côté
de ça, on a des jeunes sans aucune perspective, dans le flou total.
(...) Ce nest pas le problème des jeunes de banlieues, cest
le problème de notre société en général. On est dans une société où
lon ne se parle plus. Les gens sont greffés à leurs portables.
Ils ne se connaissent pas, narrivent plus à se rencontrer et à
discuter. Il est là le problème. (...)
Responsable communication SEMVAT (transports urbains toulousains) Dimanche
13 décembre, 17 h., le conducteur ( 2 ans dancienneté) du bus
n°13, qui fait la liaison Bellefontaine-Reynerie-Mirail, se retrouve
face à une troupe de jeunes, en plein milieu du quartier de la Reynerie.
Les jeunes ont des barres à la main. Le chauffeur flippe, ferme les
portes. Les jeunes sénervent. Le pare-brise explose. Le chauffeur
est blessé à la main par un éclat de verre. "Tu ouvres ton bus.
On ne ten veux pas, ni aux passagers. On veut seulement ton bus."
Le conducteur et les passagers descendent. Le chauffeur se fait bousculer,
prend un coup au ventre. Des jeunes du quartier qui le connaissaient
lentourent et le protègent. "On va temmener à lhôpital",
lui lancent 4 jeunes. Et ils le transfèrent directement aux urgences
de lhôpital Purpan. Alors quils auraient pu le laisser à
un point SEMVAT. Ils ont préféré le déposer directement eux-mêmes. "Je
navais pas peur, je les connaissais", a déclaré le chauffeur.
Une Travailleuse Sociale. La tension était ces derniers temps de plus
en plus forte. On a assisté à une présence accrue des CRS qui stationnaient
sur le quartier Reynerie, Empalot, Bourbaki. Ils contrôlaient plusieurs
fois les mêmes personnes. Et ce, depuis septembre 98. Rien ne légitimait
cette présence. Aucune réponse concrète des autorités concernant cette
présence.
Malgré les différentes mesures prises par le gouvernement pour aider
les jeunes à trouver un job, nous constatons sur le quartier, que les
emplois-jeunes nont pratiquement pas concerné les jeunes du Mirail.
Cest fou, mais ce nest pas le public ciblé par ce type demplois.
Le père de famille, qui voit son gamin de 20-22ans, sans emploi, lui
met une certaine pression. Cette tension fait que le jeune va la répercuter
sur quelquun ou quelque chose dautre. Là, il y a eu un mort.
Et il y en aura dautres. (...)
Rencontres de la fasti
Il y a un an, le 6 et 7 décembre 1997, la FASTI (Fédération des Associations
de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés) organisait une rencontre
nationale des jeunes pour la citoyenneté, aboutissement de plusieurs
rencontres locales où la réflexion et les débats avaient été poussés
loin autour du racisme, des discriminations et de lexclusion,
en abordant de nombreux thèmes : le logement, la santé, la justice,
lemploi, lécole, la culture.... Un besoin très urgent dorganiser
un débat national sur les relations entre les jeunes, la police et la
justice avait été exprimé en conclusion de cette rencontre. Quelques
jours plus tard, des événements dramatiques se sont produits en région
parisienne (Dammary les Lys) et à Lyon ? Deux jeunes sont morts dans
un climat de tension extrême avec les forces de police.
Après un long travail local et national de préparation et réflexion,
à linitiative de la Commission jeunesse de la FASTI (dont le réseau
issu des rencontres de 1997), une rencontre nationale sur le thème de
la Police et de la Justice a eu lieu à Paris le samedi 12 décembre 1998.
Quatre vingt personnes, majoritairement des jeunes, venus de 15 villes
de France (Roubaix, Le Havre, Fréjus, Bordeaux, Nantes...) ainsi que
des représentants du Syndicat de la magistrature, du Syndicat des avocats
de France, de lUNSA-Police et de lObservatoire des libertés
publiques (M. Rajsfus) ont fait un état des lieux et mis en commun leurs
expériences, leurs vécus, leurs analyses.
Cette rencontre a permis de constater que la situation se dégrade. Les
difficultés soulignées à plusieurs reprises dans les relations entre
la police et les citoyens, plus particulièrement entre la police et
les jeunes, persistent et saggravent. Dans une société où de larges
franges de la population sont de plus en plus marginalisées, au lieu
dapporter les réponses adéquates aux véritables problèmes sociaux,
la répression policière devient lunique solution proposée.
Les participants ont affirmé leur volonté :
- de mettre en place un réseau national pour être capables de réagir
aux dérapages de la police et de la justice et dinterpeller systématiquement
ces deux institutions afin de créer les conditions nécessaires pour
le dialogue et léchange,
- dinciter les citoyens à sinformer de leurs droits et devoirs,
à exiger leur application et de favoriser les actions locales et nationales
allant dans ce sens.
- dorganiser de nouvelles rencontres sur ce sujet dans les mois
à venir.
Alors que les mêmes participants se retrouvaient dans une ambiance festive
à un concert organisé pour loccasion, dans la nuit de samedi à
dimanche, un toulousain de 17 ans, est tué dune balle tirée "accidentellement"
par un policier "qui le soupçonnait davoir commis un vol"...
Fasti Décembre 1998
Le lien d'origine : Habib tué par la police à toulouse
http://www.multimania.com/duruti/janv99/habid.html
La Fasti possède un site http://www.fasti.org/