Après la date butoir de dépôt des dossiers le 1er novembre dernier,
après celle du 30 avril initialement annoncée comme fin de la procédure
de régularisation, il semblait bien promis juré !
que le 31 mai serait enfin la bonne. On allait enfin pouvoir tirer un
bilan définitif de la " régularisation " au sens où lentend
la gauche plurielle.
Encore raté. À la mi-mai, au vu des quelque 50 000 régularisés, du
même nombre de refusés, denviron 13 000 dossiers en cours de régularisation
et de la multitude de recours qui sont dors et déjà entamés par
les sans-papiers condamnés à retourner dans la clandestinité, sur les
150 à 180 000 dossiers déposés initialement, Chevènement a déclaré que
" la procédure de régularisation serait close avant la fin de l'été
".
Le bilan que lon peut en tirer à l'heure actuelle est sensiblement
le même que précédemment. En refusant deffectuer une régularisation
globale des sans-papiers, en restant dans le cadre des lois Pasqua-Debré
quil na pas abrogé, le gouvernement sest enfermé dans
la même logique mortifère que ses prédécesseurs. Des milliers de célibataires,
de jeunes sans attache ailleurs quen France, de débouté-e-s du
droit dasile, mais aussi de femmes seules, concubines, veuves,
divorcées ou répudiées, se voient refuser un titre de séjour, parce
quil en a été décidé ainsi dès le départ (1).
Des méthodes iniques
Tous les moyens sont bons pour arriver au quota de refus et dexpulsions
décidé par Chevènement. En témoigne ce qui suit. À Lille, le 5 mai,
Diop Abdoulaye, qui fait partie du comité des sans-papiers, a été arrêté
dans un café par des policiers en civil. Ce sans-papiers mauritanien
a alors été placé en rétention. Diop était arrivé en France, en 1990,
fuyant des massacres qui frappaient les populations noires de ce pays.
Demandeur dasile, il travaille, puis voit sa demande dasile
refusée. Le gouvernement tentera de lexpulser vers la Mauritanie.
Mais le gouvernement raciste et esclavagiste de ce pays refuse de lui
reconnaître la nationalité mauritanienne. Diop est donc ramené en France
où il est condamné à de la prison et à une interdiction de séjour pour
s'être opposé à son expulsion (!). Il avait donc vu dernièrement sa
demande de régularisation logiquement refusée par la préfecture du Nord
pour cause dinterdiction de séjour. Toutefois, un recours le concernant
était déjà entamé. Rien ny fait. Le 9 mai, Diop est emmené au
consulat du Sénégal à Lille, où la préfecture tente de le faire passer
pour Sénégalais, à laide dun document établi par ses soins
où elle le présente comme tel, afin dobtenir un laissez-passer
du consul ! Face au refus de ce dernier, elle a fini par obtenir
de la Mauritanie un laissez-passer et que Diop y a été expulsé le 14
mai. Lors de la dernière rencontre entre le Comité de Lille et la préfecture,
cette dernière, embarrassée, a fait savoir quelle diligenterait
une commission denquête et que Diop serait rapatrié si une faute
avait été commise.
La France accueille le monde, la gauche expulse !
Tout ceci illustre parfaitement limmense et arbitraire arnaque
quaura représenté la circulaire Chevènement du 24 juin 1997. Le
gouvernement ne sait plus quoi faire de ce guêpier.
Datermoiements en atermoiements, il espère que les énergies sessouffleront
et que les solidarités se briseront. Alors que ce dossier aurait dû
être refermé avant la Coupe du Monde, le gouvernement se retrouve avec
une menace bien réelle, parmi dautres, de troubles au milieu de
la liesse populaire.
Ça doit angoisser ferme dans les salons de la haute. Des fois que des
malpolis, des mal-blanchis viendraient salir limage de marque
" Footix-MacDo " qui sera celle de la France durant un mois.
Limage dun pays où tous les citoyens-spectateurs se retrouveraient
unis pour crier " Au chiotte larbitre ! " avec
un drapeau " BBR " (2)
à la place du cerveau
À cela sajoute le souci dun nouveau dossier : la double
peine (prorogée dans la loi Chevènement (3).
La grève de la faim de Lyon a commencé à percer dans les médias nationaux.
Pour peu que la grève de la faim se prolonge encore un peu jusqu'à lapproche
du premier coup denvoi, et le " Pays des Droits de l'Homme
" verra sa réputation internationale une nouvelle fois entachée.
Pourtant, il a de quoi être rassuré, le gouvernement : les grandes
centrales syndicales ont annoncé quelles ne joueraient pas au
trouble fête pendant la coupe. Dautre part, concernant les sans-papiers,
peut-être nest-ce quune impression personnelle, mais il
semblerait que les soutiens se fassent de plus en plus discrets :
quelques milliers de personnes seulement lors de la dernière manifestation
nationale le 16 mai, peu dorganisations représentées au delà de
lextrême-gauche
Ni P.C.F., ni Verts, ni C.G.T
Les
problèmes de mobilisation sont réels.
Pour le gouvernement, la tâche la plus urgente est pour l'heure de
neutraliser tout mouvement de protestation et den finir en douceur
avec la procédure de régularisation. Il y a fort à parier que cette
clotûre évitera tout écart médiatique, tant il est vrai quil importe
pour le gouvernement de continuer à faire croire que, malgré tout, il
régularise. Il semblerait que la stratégie envisagée se rapprocherait
davantage dune application progressive de la loi Chevènement en
lieu et place dune procédure de régularisation qui mourrait en
quelque-sorte delle-même.
Contre les expulsions
La situation est donc dans une grande incertitude pour les sans-papiers.
Il est impossible de savoir si le gouvernement prendra cependant le
risque dintensifier les refus et les expulsions dans les semaines
à venir en profitant du couvercle médiatique et footbalistique qui pèsera
sur les luttes sociales. La mobilisation sera difficile et les collectifs
ne peuvent guère compter que sur leurs propres forces et leurs soutiens
les plus proches. Peut-être quelques " irresponsables " qui
sopposent aux expulsions parviendront-ils à détourner suffisamment
les caméras des stades ? On ne peut que le souhaiter si lon veut
éviter que les avions qui amèneront les supporters ne repartent avec
leur lot de sans-papiers menottés.
Peut-être y aura-t-il suffisamment de monde qui rêveront tout haut
de fraternité, dun monde sans frontière ni centre de rétention
(4), où les gens seraient libres
daller et venir, de sinstaller, de fuir les dictatures ou
la misère avant de mieux les combattre ? Peut-être y-aura-t-il quelques
personnes qui préféreront accompagner ceux qui luttent pour leur vie
plutôt que soutenir ceux qui jouent à la baballe pour des millions de
francs ? La Coordination nationale préparerait une nouvelle manifestation
nationale à Paris pour le 20 ou 27 juin, en pleine Coupe du Monde.
Bertrand Dekoninck - groupe Humeurs noires (Lille)
(1)La situation des femmes immigrées et/ou sans
papiers a rarement été évoquée et se trouve complètement ignorée dans
la circulaire Chevènement ainsi que dans la loi quil a produite.
Elle pose pourtant des problèmes spécifiques et celles-ci ne disposent
pas des mêmes droits, en pratique, que les hommes. À noter : la
naissance à Paris dun " Réseau pour lautonomie juridique
des femmes immigrées et réfugiées " lancé par la FASTI qui regroupe
dores et déjà, outre celle-ci, la Maison des Femmes, la Coordination
nationale des sans-papiers, le collectif féministe Ruptures. On peut
le contacter à la Maison des Femmes (fax : 01 43 43 42 13) ou à
la F.A.S.T.I. (fax : 01 43 64 04 73)
(2) " BBR " : Bleu-Blanc-Rouge,
initiales très prisées par le FN et par les employeurs soucieux de faire
des offres demploi avec préférance nationale sans tomber sous
le coup de la discrimination raciale
(3) Celle-ci est parue au Journal officiel et
la première circulaire dapplication est partie en direction des
préfectures. Ses dispositions (en particulier le prolongement de la
durée de la rétention à douze jours) vont donc commencer à entrer en
vigueur.]
(4)Le 8 mai à Vottem en Belgique, un groupe dune
vingtaine de " citoyens conscients et responsables " sest
barricadé à lintérieur du futur " centre fermé pour illégaux
" afin de protester contre les expulsions et la politique de limmigration
en Belgique. Ils en furent expulsés une douzaine d'heures plus tard
par la police. des procès sont à craindre. Tous les renseignement dans
le n° de juin du mensuel belge Alternative libertaire.]
Le lien d'origine sur un page de la FA Les femmes sans-papières
http://federation-anarchiste.org/ml/numeros/1126/article_1.html
L'adresse de la Fasti Fédération des associations de soutien
aux travailleurs immigrés
(FASTI) - http://www.fasti.org
58, rue des Amandiers 75020 Paris
Ttéléphone : 01 58 53 58 53 Fax 01 58 53 58 43
La Fasti possède un site http://www.fasti.org/