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Expulsons ! Expulsons !
Déjà en 1995


"Il faudrait expulser 20 000 clandestins chaque année !"

Interview de Jean-Claude Barreau paru dans Libération du Samedi 30 Septembre 1995
et Dimanche 1er Octobre 1995

Editeur, écrivain et ancien prêtre chargé des mineurs délinquants, Jean-Claude Barreau est conseiller pour l'immigration de Jean-Louis Debré, fonction qu'il a occupé auprès de Charles Pasqua. Président de l'Office des Migrations Internationales (OMI) de 1989 à 1991, il avait été démis de son poste après la parution de son livre controversé De l'Islam en général et du monde moderne en particulier (le Pré aux Clercs). En 1992 il a publié De l'immigration en général et de la nation française en particulier. Il est aussi président de l'Institut National des Etudes Démographiques (Ined).

Vous suivez les questions immigration depuis plusieurs années. Quelle évolution avez-vous constaté dans les flux migratoires ?
Quand en 1989, j'ai dit que l'immigration n'était pas arrêtée, j'ai été confronté à une levée de boucliers. Cette négation de la vérité a duré longtemps. Actuellement , il y a un peu plus de 110 000 entrées régulières par an en France (Chiffre à peu près stable depuis cinq ans. 1990 : 115 916, 1992 : 135 972.). Elles étaient de 200 000 à 300 000 en 1974, avant que l'on ne ferme les autorisations de travail. Même en resserrant au maximum, on ne peut espérer en diminuer beaucoup le nombre. Elles ne posent d'ailleurs aucun problème particulier. Ce qui pose problème, c'est l'immigration des clandestins, que j'appelle des fraudeurs.

De quels pays viennent les immigrants réguliers ?
Majoritairement du Maghreb, de Turquie - ce qui est nouveau -, du Sud Sahara, puis du sous-continent indien et d'Extrême-Orient, et d'Europe de l'Est, en particulier de Roumanie. A la vague d'immigrants judéo-chrétiens d 'il y a trente ans a succédé celle des ressortissants du tiers-monde aux moeurs et aux milieux culturels plus éloignés des nôtres. Le statut des immigrants a également changé. 80% d'entre eux ne travaillent pas, ce sont des femmes accompagnées de leurs enfants; des étudiants, des demandeurs d'asile. Il y a vingt ans ils cotisaient infiniment plus qu'ils ne recevaient. Aujourd'hui ils sont plutôt allocataires.

Qu'ont changé les lois Pasqua votées en 1993, plus contraignantes pour les clandestins ?
Les lois doivent être accompagnées d'une action globale qui passe aussi par une action diplomatique forte envers les pays d'émigration, réticents à reprendre leurs ressortissants. En raison de sa traditionnelle politique de coopération, la France peut mener cette action. Cette nouvelle politique vient d'être mise en oeuvre par le Ministère des Affaires Etrangères et commence à porter ses fruits. Cependant le nombre des fraudeurs en France est grand. Si je me fonde sur les 50 000 qui se font prendre chaque année, je dirai que beaucoup d'autres échappent au contrôle. C'est un problème grave, car ils sont contraints au travail au noir, à la délinquance. Ils viennent en surcharge des réguliers et aux mêmes endroits. En 1994, nous n'avons réussi qu'à effecteur 12 000 reconduites à la frontière sur ces 50 000 répertoriés. Les autres ont laissés en liberté. Ce sont en quelque sorte des clandestins officiels. L'idée du ministre est de reconduire les fraudeurs le plus vite possible afin de respecter la loi. Il veut parvenir à faire reconduire 20 000 personnes par an avec une phase intermédiaire à 15 000. Un fois atteint ce seuil de dissuasion, nous espérons que le nombre des fraudeurs diminuera, le risque devenant trop grand pour eux. Rappelons que le fraudeur dépense beaucoup d'argent pour venir ici (faux papiers, passeurs, etc.).

Comptez-vous multipliez les expulsions par charters ?
Il y en a eu six depuis juin : deux vers l'Afrique noire, quatre vers la Roumanie. Mais il est impossible d'en organiser à date fixe. Cela dit, rien ne s'oppose légalement aux renvois groupés, contrairement à ce que prétend le président de la Ligue de Droits de l'Homme. La Convention Européenne des Droits de l'Homme interdit les jugements collectifs, pas les reconduites groupées. Nous faisons très attention à n'expulser que des fraudeurs reconnus.

On réprime les clandestins, qu'en est-il de leurs employeurs ?
La DICCILEC (L'ancienne PAF, Police de l'Air et des Frontières. La Direction Centrale du Contrôle de l'Immigration et de Lutte contre l'Emploi Clandestin a été créée par Charles Pasqua et est dirigée par le préfet Robert Broussard.), créée le 15 janvier 1994, est chargée de lutter contre les employeurs de clandestins. En plus des fortes amendes qui leur sont infligées, le ministre voudrait y ajouter les fais de retour au pays de leurs employés.

Les lois Pasqua ont engendré des aberrations. Notamment pour les couples mixtes ou les enfants entrés irrégulièrement en France, quand ils arrivent à leur majorité. Envisagez-vous des régularisations ?
Si on arrive çà considérablement réprimer l'immigration clandestine, on sera plus libre pour régler les cas humains. Rien n'empêchera de régulariser les cas juridiques inextricables, comme nous l'avons fait pour les parents d'enfants français. Avant de parler de régularisation, il faut parler de sévérité.

L'immigration n'a pas été un enjeu des dernières campagnes électorales. Paradoxalement, le FN a poursuivi sa progression. Quelles est votre explication ?
Tous les hommes politiques à l'exception d'extrémistes ont, sur la nécessité de maîtriser les flux migratoires, une opinion voisine. Quand elle était premier Ministre, Edith Cresson disait : "les gens ne croient plus." C'est cette défiance qui en grande partie a causé la montée d'un certain extrémisme. Pour la première fois aujourd'hui, il y a une volonté commune à l'Elysée, à Matignon et à l'Intérieur pour que baisse significativement le nombre de clandestins. Si nous n'y parvenions pas, on risquerait de compromettre l'intégration des réguliers.

Propos recueillis par Dominique Simonot
et Denis Demompion


Texte publié dans le bulletin du Gasprom (Asti de Nantes, affilé à la Fasti) avec le texte suivant comme commentaire.


Expulsons ! Expulsons !

C'est le maître mot de Barreau. Le Pen peut dormir tranquille, ils ont commencé la purification, il sera toujours temps de l'achever plus tard.

Nos dirigeants ont un phantasme obsessionnel, fermer les frontières et arrêter l'immigration. Pour eux, la préférence nationale, l'Europe forteresse, c'est une base évidente, ce n'est plus la peine de le dire. L'intégration n'est citée qu'en regard des expulsions.
La raison en est simple, les immigrés sont "des ressortissants du tiers-monde aux moeurs et aux milieux culturels plus éloignés des nôtres". Avant il n'y avait pas de problèmes c'était une vague d'immigration "judéo-chrétienne".
Ceux qui étaient appelés les "pollacks" et autres "ritals" n'ont pas été victimes de discriminations et du racisme, non jamais !
Les thèses du F. N. sont bien là, oui il n'y a pas de doute, vous n'avez pas rêvé. C'est l'Islam et le tiers-monde le danger. On ne parle pas encore d'envahissement, un peu de patience ça viendra !
Idem pour les allocations, "il y a vingt ans, ils cotisaient infiniment plus qu'ils ne recevaient". Bel aveu de la spoliation des immigrés qui avait cours dans le passé. Certes c'est une bonne chose de le reconnaître, mais pour la conclusion :"maintenant ils sont principalement allocataires", c'est une des banalités xénophobes du FN qui s'exprime ici. Le droit doit être différent selon que l'on soit "français " ou "étranger".
Je croyais que l'égalité était un des principes de base de nos institutions issues de la philosophie des lumières. Je ne sais pas si j'ai raté une étape mais le constat st simple : la nouvelle droite avec son racisme différentialiste n'a pas seulement contaminé la pensée publique, non c'est bien plus que cela, c'est devenu la pensée officielle ! Monsieur Barreau peut encore se dire démocrate, bravo !

Selon ce planificateur d'expulsions 50 000 "clandestins" sont détectés chaque année en France. Pour lui c'est net, ces clandestins sont des fraudeurs et de nouveaux arrivants. Tout le raisonnement est bâti sur ce point.
"L'humanitaire", oui mais après le seuil de dissuasion. Il y a quelque temps un vieux pétainiste reconverti dans la social-démocratie avait popularisé la notion de seuil de tolérance. Aujourd'hui le seuil c'est celui des expulsions. De l'un à l'autre il y a le passage à l'acte. Que l'on ne se trompe pas "avant de parler de régularisation, il faut parler de sévérité". Pour cette conception il est évident que l'intégration serait compromise si on n'expulsait pas assez.
C'est limpide, on expulsera encore, les charters c'est bien, le nombre d'expulsés doit augmenter, les cas "inextricables" c'est pour après. Quand ?
Barreau, l'organisateur de voyage "en aller simple contraint", ne peut pas répondre, des "clandestins" il y en aura encore pendant longtemps. On sait que les lois actuelles séparent les familles, bannissent, expulsent, désintègrent, précarisent, suspectent, fragilisent, discriminent, légitiment les tracasseries administratives, les abus de pouvoirs, etc. On sait que ce ne sont pas seulement les nouveaux arrivants qui sont concernés. On sait qu'un grand nombre de personnes expulsées ne sont pas des fraudeurs, mais des personnes qui ont été transformées en "clandestins" par l'administration française. Alors comment pourrait-il y avoir de "l'humanitaire" avec cette méthode, puisque c'est la loi même qui crée les "clandestins" et les "inextricables".

D'autre part si la pression internationale pour venir ici est si forte, il faudrait s'interroger sur les causes des départs, donc sur la situation internationale et chercher des solutions non-impérialistes.
Non ce que fera la France c'est d'échanger sa coopération contre des charters de personnes expulsées. Le Ministère des Affaires Etrangères soumis au Ministère de l'Intérieur, le contraire d'une vision "mondialiste" qui fonde notre militance

Quand serons-nous capable d'expulser la xénophobie ?

PH. C. Nantes le 8/10/95.


Commentaire du texte de Barreau qui précède paru lui aussi dans le Bulletin du Gasprom.Il a été republié dans la brochure "Xénophobie et antiracisme" éditée conjointement par le Réseau No Pasaran et le journal Alternative Libertaire Bruxelles
Alternative Libertaire Belgique


Le réseau No Pasaran No Pasaran