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« Drogues, contre la criminalisation de l’usage »
par Théo Simon, éditions du Monde Libertaire, Paris, Janvier 2002
Note de lecture


Le livre commence par le débat sur la définition de la drogue. Il montre qu’il ne s’agit pas seulement de produits mais plutôt d’un usage, d’un comportement qui peut être lié à un produit interdit ou non comme c’est le cas pour l’alcool, mais aussi pour la télévision. Cet état comportemental est lié à la dépendance, la tolérance et la nocivité. Ensuite l’auteur s’attache à faire un état des lieux de la situation dans notre pays. Il en conclue que nous sommes toutes et tous des drogué/es à des degrés divers. Dans toute société humaine, le besoin d’évasion, l’usage de produits pour obtenir du plaisir et l’euphorie existe. Ce qui change, c’est la façon dont c’est vécu et installé culturellement. La fuite est d’autant plus nécessaire que l’on vit dans une société violente, oppressive et privée de sens, ce qui bien notre cas. Il se prononce ouvertement contre la négation des personnes, contre la perte de contrôle sur sa vie et contre la fuite permanente qui sont les caractéristiques de la toxicomanie.

Théo Simon (nom d’auteur/e pris par un ensemble collectif) note l’absurdité des justifications politiques de l’interdit porté sur les drogues et en particulier sur l’usage du cannabis. Face à cela, il promeut l’auto-organisation pour aller vers le contrôle de nos vie. Il pense qu’il faut développer un rapport de force sur ce thème en lien avec les autres aspects de la domination. Il analyse le fonctionnement de la circulation de ces produits interdits. Autour de la prohibition se développe un marché florissant et une répression sévère. Les sommes en jeu sont très importantes. Les moyens mis à la disposition de la répression sont énormes. Sur le plan mondial ceci se double d’une lutte géopolitique.
Théo Simon déconstruit avec efficacité les arguments qui sont censés fonder l’interdit. Il aborde évidemment la question du contrôle social lié à cet aspect de notre vie. Il fournit des conseils pratiques et juridiques pour se défendre.

La question de la normalité comportementale débouche sur la discussion sur l’autonomie possible ou non dans le contexte actuel. Il aborde avec lucidité les liens qui unissent les divers éléments du système. Le capitalisme contemporain avec le productivisme et le culte de la compétition encourage et soutient l’usage toxicomane au cœur même de la société. On le constate facilement pour les sportifs et pour instrumentalisation des animaux et des plantes, de l’Epo aux Ogm il y a bien la même logique. Dès lors, il n’est étonnant que l’usage des psychotropes médicamenteux soient banalisés et source de profits et normalisation. La rentabilité et le corps marchandise sont une banalité dans notre situation.

Il s’interroge et nous interroge alors sur la société dans laquelle nous vivons et quelle société nous désirons. Tout ceci amène Théo Simon à poser à nouveau la question de l’autonomie des luttes et celle de l’organisation sociale et politique de la société actuelle. Ce livre collectif est le fruit de la lutte depuis plusieurs années, ceci explique sa clarté et sa prudence nuancée puisqu’il ne nie pas les dangers des produits dont il est question ici ; ceci explique aussi pourquoi la position de ces libertaires a évoluée et peut continuer à s’améliorer. Au-delà de la dépénalisation de l’usage du cannabis qui est central dans le livre (comme l’est le souhait d’une possible auto-production), il s’agit bien d’un livre politique parce qu’il montre bien les ramifications du problème de l’interdit porté sur la drogue dans les divers secteurs de notre société. C’est un livre qui pose, à mon avis, la question de la biopolitique libertaire, même si le collectif de rédaction n’emploie pas ce concept. Il est question de la subjectivité, du rôle des institutions, du conflit entre la culture productiviste et la culture plus calme et soucieuse du respect des personnes et de la nature. Il est également question de politique militante et de stratégie pour les luttes dans ce domaine. Contre les techniques de contrôle dans notre contexte d’individualisation et de totalisation capitaliste, la gouvernementalité gestionnaire semble être moins violente, mais elle fait preuve d’une redoutable efficacité. Ce livre nous rappelle avec lucidité et pertinence que le pouvoir moderne est une administration de la vie, il contrôle et gouverne la vie avec ou sans marie-jeanne. Face à tout, cela le livre de Théo Simon pose la question de notre biopolitique à nous libertaires en matière de drogues (télévision, alcool, militantisme et internet compris).

Philippe Coutant, Nantes le 7 Février 2002


Cette note de lecture a été publiée dans la revue "Les temps Maudits" de la CNT dite " Vignoles " La CNT Vignoles