Le livre commence par le débat sur la définition de la drogue.
Il montre quil ne sagit pas seulement de produits mais plutôt
dun usage, dun comportement qui peut être lié
à un produit interdit ou non comme cest le cas pour lalcool,
mais aussi pour la télévision. Cet état comportemental
est lié à la dépendance, la tolérance et la
nocivité. Ensuite lauteur sattache à faire un
état des lieux de la situation dans notre pays. Il en conclue que
nous sommes toutes et tous des drogué/es à des degrés
divers. Dans toute société humaine, le besoin dévasion,
lusage de produits pour obtenir du plaisir et leuphorie existe.
Ce qui change, cest la façon dont cest vécu
et installé culturellement. La fuite est dautant plus nécessaire
que lon vit dans une société violente, oppressive
et privée de sens, ce qui bien notre cas. Il se prononce ouvertement
contre la négation des personnes, contre la perte de contrôle
sur sa vie et contre la fuite permanente qui sont les caractéristiques
de la toxicomanie.
Théo Simon (nom dauteur/e pris par un ensemble collectif)
note labsurdité des justifications politiques de linterdit
porté sur les drogues et en particulier sur lusage du cannabis.
Face à cela, il promeut lauto-organisation pour aller vers
le contrôle de nos vie. Il pense quil faut développer
un rapport de force sur ce thème en lien avec les autres aspects
de la domination. Il analyse le fonctionnement de la circulation de ces
produits interdits. Autour de la prohibition se développe un marché
florissant et une répression sévère. Les sommes en
jeu sont très importantes. Les moyens mis à la disposition
de la répression sont énormes. Sur le plan mondial ceci
se double dune lutte géopolitique.
Théo Simon déconstruit avec efficacité les arguments
qui sont censés fonder linterdit. Il aborde évidemment
la question du contrôle social lié à cet aspect de
notre vie. Il fournit des conseils pratiques et juridiques pour se défendre.
La question de la normalité comportementale débouche sur
la discussion sur lautonomie possible ou non dans le contexte actuel.
Il aborde avec lucidité les liens qui unissent les divers éléments
du système. Le capitalisme contemporain avec le productivisme et
le culte de la compétition encourage et soutient lusage toxicomane
au cur même de la société. On le constate facilement
pour les sportifs et pour instrumentalisation des animaux et des plantes,
de lEpo aux Ogm il y a bien la même logique. Dès lors,
il nest étonnant que lusage des psychotropes médicamenteux
soient banalisés et source de profits et normalisation. La rentabilité
et le corps marchandise sont une banalité dans notre situation.
Il sinterroge et nous interroge alors sur la société
dans laquelle nous vivons et quelle société nous désirons.
Tout ceci amène Théo Simon à poser à nouveau
la question de lautonomie des luttes et celle de lorganisation
sociale et politique de la société actuelle. Ce livre collectif
est le fruit de la lutte depuis plusieurs années, ceci explique
sa clarté et sa prudence nuancée puisquil ne nie pas
les dangers des produits dont il est question ici ; ceci explique aussi
pourquoi la position de ces libertaires a évoluée et peut
continuer à saméliorer. Au-delà de la dépénalisation
de lusage du cannabis qui est central dans le livre (comme lest
le souhait dune possible auto-production), il sagit bien dun
livre politique parce quil montre bien les ramifications du problème
de linterdit porté sur la drogue dans les divers secteurs
de notre société. Cest un livre qui pose, à
mon avis, la question de la biopolitique libertaire, même si le
collectif de rédaction nemploie pas ce concept. Il est question
de la subjectivité, du rôle des institutions, du conflit
entre la culture productiviste et la culture plus calme et soucieuse du
respect des personnes et de la nature. Il est également question
de politique militante et de stratégie pour les luttes dans ce
domaine. Contre les techniques de contrôle dans notre contexte dindividualisation
et de totalisation capitaliste, la gouvernementalité gestionnaire
semble être moins violente, mais elle fait preuve dune redoutable
efficacité. Ce livre nous rappelle avec lucidité et pertinence
que le pouvoir moderne est une administration de la vie, il contrôle
et gouverne la vie avec ou sans marie-jeanne. Face à tout, cela
le livre de Théo Simon pose la question de notre biopolitique à
nous libertaires en matière de drogues (télévision,
alcool, militantisme et internet compris).
Philippe Coutant, Nantes le 7 Février 2002
Cette note de
lecture a été publiée dans la revue "Les temps
Maudits" de la CNT dite " Vignoles "
La CNT Vignoles
|