Article 1.
PENSER LE GENRE : QUELS PROBLEMES ?
par Christine Delphy
Cet article fournissant beaucoup de références à
des travaux tradtionnels, nous ne présentons que l'introduction
et la conclusion de l'auteur , entrecoupé des titres de paragraphes
qui posent la progression de sa réflexion.
" Je vais soutenir l'idée que dans la plupart des travaux
actuels, y compris féministes, sur le genre, on trouve un présupposé
non-examiné : celui d'une antécédence du sexe sur
le genre, et, que si ce présupposé est explicable historiquement,
il n'est plus justifiabible théoriquement. Son existence constitue
un frein à penser le genre, c'est-à-dire à examiner
toutes loes hypothèses sans parti-pris préalable : le
flou de la conceptualisation est lié - dans un lien de causalité
réciproque - aux contradictions que l'on relève dans le
domaine politique entre le désir de se débarasser de la
domination et la peur de perdre des catégorisations qui semblent
dondamentales;
Le point commun aux impasses intellectuelles et aux contradictions politiques
est l'incapacité ou le refus de penser de façon rigoureuse
le rapport entre division et hiérarchie. On peut même dire
que la question du rapport entre sexe et genre est non seulement parallèle
à celle du rapport entre division et hiérarchie, mais
qu'elle est la même question.
Je n'arriverais pas cette fois au terme que je m'étais fixé,
l'examen de la cosmogonie qui explique à mon sens ces obstacles.
J'argumente que pour connaître la réalité, et donc
pour pouvoir éventuellement la changer, il faut abandonner ses
certitudes, et accepter l'angoisse, temporaire, d'une incertitude accrue
; et que le courage d'affronter l'inconnu est la condition de l'imagination
; et que la capacité d'imaginer un monde autre est un élément
essenteil de la démarche scientifique : qu'elle est indispensable
à l'analyse du présent ..." Des rôles sexuels
au genre.
Sexe et genre.
Divisions, différences et classifications.
La hiérarchie forcément antérieure à la
division.
IMAGINATION ET CONNAISSANCE :
"Ce que seraient les valeurs, les traits ou la personnalité
des individus, la culture d'une société non-hiérarchique,
nous ne le savons pas ; et nous avons du mal à l'imaginer. Mais
pour l'imaginer, il faut déjà penser que c'est possible.
C'est possible. Les pratiques produisent les valeurs, d'autres pratiques
produiraient d'autres valeurs.
Peut-être est-ce cette difficulté à dépasser
le présent, liée à la peur de l'inconnu, qui nous
brident dans nos élans utopistes comme dans nos progrès
sur le plan de la connaissance, pourtant les deux sont nécessaires
l'un à l'autre. Que l'analyse du présent soit nécessaire
à la construction d'un autre futur, point n'est besoin de le
démontrer ; mais ce qui est moins reconnu, c'est que l'utopie
constitue l'une des étapes indispensables de la démarche
scientifique, de toute démarche scientifique. Or, ce n'est qu'en
imaginant ce qui n'existe pas que l'on peut analyser ce qui est ; car,
pour comprendre ce qui est, il faut se demander comment cela existe.
Et pour se demander comment cela existe, il faut se livrer à
deux opérations : la première, je l'ai décrite
plus haut : supposer qu'on ne connaît pas la réponse même
si on croît là connaître ( la fameuse suspension
du jugement) ; la deuxième c'est supposer - même si c'est
contraie à l'évidence des sens - que cela pourrait ne
pas exister .
Pour conclure, je dirai que peut-être ne pourrons-nous vraiment
penser le genre que le jour où nous pourrons imaginer le non-genre
... Mais si Newton l'a fait pour des pommes, nous pouvons bien le faire
pour des femmes que nous sommes. "
Novembre 2000
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