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La Croyance économique : les économistes entre science et politique.
Frédéric Lebaron. Paris : Seuil, 2000. 260p. (Liber).
ISBN 2-02041171-7

Origine : http://www.ac-versailles.fr/PEDAGOGI/ses/traveleves/fichlect/lebaron1b.htm

Résumé
« Les économistes ont aujourd'hui une position centrale dans le processus de reproduction de l'ordre social, qui fait d'eux une '' banque centrale de croyance économique '', mais cette fonction objective n'est pas le produit d'une simple intention […] elle est le résultat non voulu des propriétés spécifiques d'un champ ». « Ce champ, faiblement intégré, produit et entretient, comme le champ religieux, une croyance collective légitimée mais qui est légitimée par la référence à la science ». L'analyse sociologique montre que cette croyance repose « avant tout sur l'affinité entre des dispositions, des positions et des prises de position, visions particulières du monde qui apparaissent fortement liées, par une relation de nature statistique, à la distribution des capitaux au sein de l'espace social ».

Commentaire critique
Quiconque connaît la boîte à outils de Pierre Bourdieu se doute un peu du résultat auquel conduit son application au petit monde des économistes et de leurs théories. Le concept de champ a, par exemple, pour fonction d'éviter deux types opposés de réductionnisme, interne et externe, celui qui consisterait à croire aux croyances des économistes, donc à reconnaître aux théories économiques cette scientificité qu'elles revendiquent, et celui qui consisterait à déduire directement le discours économique de l'idéologie présumée des agents sociaux qui le produisent. L'autonomie, toute relative, de ce champ, explique à la fois la forme des prises de position, par exemple l'usage des mathématiques, et l'efficacité de la contribution de l'économie à la reproduction de l'ordre social (fatalisme des « lois » économiques).
Cette impression de connaître déjà ce que l'on est supposé découvrir, ne doit pas dissuader d'entrer dans le détail de l'argumentation. Pour deux raisons au moins : parce que certaines « vérités » évidentes pour les indigènes sont bonnes à être diffusées à l'extérieur de la tribu ; parce que la critique sociologique de l'économie est l'un des moyens de résister à l'économisme.
Quant aux limites de l'exercice, elles étaient également prévisibles. L'image du champ paraît souvent déformée, partielle, voire un peu poussiéreuse (la comparaison de citations de Barre, de Malinvaud et Hoang-Ngoc Liêm est-elle significative ?). La question fondamentale des facteurs explicatifs de l'évolution de la croyance économique est contournée (avant que la théorie néoclassique devienne hégémonique, marxistes et keynésiens occupaient le devant de la scène…). On aimerait en savoir un peu plus sur cette « théorie économique sociologique » qui pourrait s'imposer par la grâce de sa supériorité « scientifique » et deviendrait « l'un des lieux d'une transformation rationnelle du monde », etc.
Autant d'insatisfactions qui ne condamnent pas cette démarche mais invitent à l'approfondir et à l'enrichir rapidement, au risque sinon de conforter dans leur refus de toute remise en question ces mêmes économistes que l'on prétendait mettre au pilori… Ce serait dommage, car il y a beaucoup à faire, notamment en matière de formation.

Contact : Ses at ac-versailles.fr

Fiche réalisée par Marcel Montréal, professeur au lycée Romain-Rolland d'Argenteuil.
Fiche de lecture publiée à l'origine sur le site du CNDP