|
Origine http://home.nordnet.fr/~cdelattre/sansnom
cdelattre at nordnet.fr
http://www.eurowrc.org/06.contributions/2.contrib_fr/08.contrib.fr.htm
Toutes des putes... sauf maman !
Le Travail domestique : le privé est politique... et économique
Femmes et précarité : les chômeurs sont des
chomeuses !
En France, plus d'une femme sur trois est victime de violence !
Debout les gars réveillez-vous !
Luttes antipatriarcales... Et les hommes, dans tout ça ?
Langage et sexisme
Le patriarcat est un système universel, omniprésent
depuis des millénaires. Pourquoi une telle pérennité
? Tout simplement parce que le patriarcat est avant tout un conditionnement.
Les religions, ont bien entendu, un rôle essentiel dans ce
formatage des consciences. Elles sont le premier pilier du patriarcat,
ainsi l'interdit sexuel et l'infidélité sont toujours
plus grave pour une femme. L'idée force des religions c'est
que la femme est impure par essence, dans de très nombreuses
religions le sang menstruel est le symbole même de leur souillure.
Dans les religions polythéistes les divinités féminines
ont été reléguées au second plan, dans
les religions monothéistes Dieu est mâle ; il s'agit
bien de Dieu le père, archétype de l'autorité
et du pouvoir
C'est en nous imposant ce genre d'images que le patriarcat nous
conditionne, nous avons tous intériorisé ce qu'une
femme doit être et ce qu'un homme doit être. Le système
patriarcal s'insinue jusque dans l'inconscient collectif féminin
et masculin et détermine jusqu'à nos comportements
les plus courants et les plus intimes.
L'éducation est la base du conditionnement patriarcal :
ce sont les jouets genrés par exemple. Les petites filles
reçoivent des poupées et des balais pour se préparer
à leur future condition de mère et de ménagère,
les petits garçons reçoivent des pistolets afin de
mieux intégrer que l'agressivité est un trait de caractère
noble et viril. Pire encore, les jouets qui stimulent les apprentissages
intellectuels (Légo, Mécano) sont plus souvent offerts
aux petits garçons. Plus tard, à l'école, on
fera faire du foot aux petits garçons, pour leur apprendre
la compétitivité, de la gymnastique aux petites filles
pour qu'elle deviennent gracieuses.
Il est évident que les éducateurs (même s'il
s'agit le plus souvent d'éducatrices) n'attendent pas les
mêmes performances physiques des garçons que des filles,
et de fait n'ayant pas les mêmes exigences, leur développement
moteur est différent. Il en est de même pour les performances
intellectuelles : il a été montré que les enseignants
(hommes ou femmes) donnaient plus souvent la parole aux garçons.
Ceux-ci sont par conséquent plus stimulés. Ce phénomène
apparaît dès l'école maternelle et devient de
plus en plus criant au fil de l'avancée dans le parcours
scolaire. Les bacs dévalorisés (tel l'ancien bac G)
sont pour les filles, les filières scientifiques l'apanage
des garçons. De même il y a plus de garçons
que de filles qui font des études longues. Bien évidemment,
les filles n'ont pas moins de capacités intellectuelles que
les garçons (la bosse des maths n'est pas dans le chromosome
Y) ; mais les filles comme les enseignant(e)s ont intégré
l'équation : «fille = nulle en maths», ainsi
quand les difficultés apparaissent, moins d'efforts sont
déployés pour les dépasser. C'est de cette
manière que l'on rend vrais les présupposés.
C'est la même logique qui est en uvre quand on dit que les
filles ont plus de maturité. C'est parce qu'on les a éduquées
différemment : les filles font l'apprentissage de la responsabilité
plus tôt, qu'il s'agisse de tâches ménagères,
ou de veiller sur les plus petits. Cette éducation genrée
a des conséquences profondes sur le développement
des individus. On a montré qu'en dehors de toute considération
d'origine sociale, les adolescentes ont une moins bonne estime d'elles-mêmes
que les adolescents. Ceci perdure à l'âge adulte, ce
qui explique que les femmes entreprennent moins.
Dès l'enfance la petite fille se doit de correspondre à
un certain nombre de normes comportementales et physiques : sa poupée
Barbie est à l'image de ce à quoi elle devra ressembler
quand elle sera grande. Ces normes sont extrêmement contraignantes
et complètement en dehors de la réalité (pour
exemple le canon de la mannequin qui mesure 1m 80 pour 55 kilos).
Elles peuvent conduire à des maladies mentales comme l'anorexie
(maladie exclusivement féminine occidentale et contemporaine),
qui est bien entendu liée au culte de la maigreur et du «corps
parfait» si répandu dans les médias. Les femmes
ont tellement intériorisé cette nécessité
de correspondre à une multitude de normes, qu'elles en arrivent
à accepter de subir ou de s'auto-infliger des souffrances
corporelles. Ainsi, nombre de femmes africaines ont parfaitement
intégré la nécessité de l'excision pour
elles comme pour leurs filles ; toutes proportions gardées
la logique est la même quand une femme s'épile à
la cire bouillante, elle obéit à deux postulats indéracinables
: 1 - il faut souffrir pour être belle ; 2 - le poil n'est
pas féminin (mais pourquoi serait-il masculin puisqu'il pousse
chez les deux sexes ?). Il en est de même pour les régimes
tyranniques complètement déséquilibrés
et totalement injustifiés (le régime est d'abord un
acte médical quand le poids devient un problème de
santé).
Nous participons tous, homme ou femme, à la perpétuation
du patriarcat car nous l'avons intériorisé. Ce conditionnement
est constamment renforcé par ce que nous vivons, lisons,
voyons Cela nous porte, même inconsciemment, à reproduire
des comportements sexistes. C'est à nous tous, hommes et
femmes, d'en prendre conscience pour briser cette spirale infernale.
Anne TURLURE
Illustration : Samuel SYLARD (d'après BURKI)
------------------------------------------------------
Toutes des putes... sauf maman !
C'est maintenant un vieux poncif : une femme est soit une mère
soit une putain. Entre ces deux extrêmes, point d'existence
possible !
La pute Si l'oppression patriarcale est présente dans tous
les domaines de la vie des femmes, elle devient particulièrement
«palpable» en matière de sexualité.
Une femme n'est jamais considérée comme sujet de
désir mais comme objet de désir. On ne lui reconnaît
pas la possibilité d'être active dans son désir.
Une femme qui manifeste celui-ci est une salope, une garce, une
nymphomane Un homme qui présente les mêmes comportements
est un Don Juan, un séducteur
Une femme n'a pas d'autres options que de se laisser solliciter,
étant entendu qu'elle adore ça. Si elle s'avisait
de dire non, elle deviendrait soit une coincée, soit une
allumeuse. Si une femme a donné un signe d'assentiment ou
si son attitude a été interprétée comme
telle, elle ne peut plus faire marche arrière sans léser
gravement l'homme. La situation inverse n'existe pas, il n'y a pas
d'allumeur. Une femme violée est ainsi toujours plus ou moins
soupçonnée d'être responsable de ce qu'elle
a subi.
De même, ne pas «aimer les hommes» est pour une
femme une terrible faute. Si les homosexuels hommes sont victimes
d'hostilité parce qu'ils ne correspondent pas au modèle
du mâle dominant, les lesbiennes sont victimes d'une plus
grande violence encore car en tant que femmes, elles devraient être
naturellement dévolues aux hommes.
La mère Quand elle n'est pas un objet sexuel une femme ne
peut avoir d'autre vocation que d'être mère (encore
qu'il soit possible d'être les deux successivement ou simultanément).
Une femme est censée s'épanouir dans la maternité.
Si elle ne veut pas d'enfant, c'est qu'elle est anormale. Dans ce
contexte, tout ce qui touche au contrôle des naissances est
un enjeu de taille : il s'agit toujours de contrôler la sexualité
et le corps des femmes.
La contraception et l'avortement sont des droits acquis de haute
lutte, perpétuellement remis en cause par les intégristes
de tous poils mais aussi par les «modérés».
Rappelons que seules les femmes occidentales ont la possibilité
de recourir à des moyens fiables de contrôle des naissances.
En France, de nombreuses inégalités perdurent. La
contraception et l'I.V.G. restent quasi inaccessibles pour les mineures,
les femmes sans papiers, celles qui sont sur la Sécu d'un
mari qui ne veut pas en entendre parler et surtout celles qui n'ont
pas les moyens. En effet, toutes les pilules ne sont pas remboursées
(stérilets, diaphragmes, spermicides le sont encore moins),
car l'on considère qu'il s'agit de médicaments de
confort. Le Viagra va être remboursé.
L'avortement quant à lui reste un véritable parcours
de la combattante du fait des délais bien trop courts, des
innombrables embûches posées par les médecins
et les personnels hospitaliers «à clause de conscience»,
ou tout simplement du manque criant de Centres d'I.V.G. publics.
A noter que l'avortement n'est toujours pas légalisé
en France, il est simplement dépénalisé, c'est
tout dire.
Enfin il n'existe pas de contraception masculine, ce n'est pas
que cela soit irréalisable, mais les laboratoires n'investissent
pas dans ce domaine de recherche : les hommes ne se sentent pas
concernés. Tout ce qui tient de la fécondité
et de la reproduction est à la charge des femmes, une fois
encore.
Anne TURLURE
-------------------------------------------------------------
Le Travail domestique : le privé est politique...
et économique
La problématique du travail domestique est fondamentale.
En, effet, si la double journée des femmes salariées
est, on le verra, une réalité, c'est aussi un des
facteurs-clés qui motive le retour au foyer de certaines
femmes et l'abandon de leur vie professionnelle, notamment avec
l'arrivée d'enfants. Il est symptomatique que cette question
ne se pose quasiment jamais pour les hommes, dont la tâche
prioritaire reste le travail professionnel.
La responsabilité ainsi imposée aux femmes en matière
de gestion du ménage sert en retour aux patrons à
justifier d'un salaire moindre et le temps partiel pour les femmes
en raison de leur moins grande disponibilité.
Le déséquilibre reste tout autant important dans
la répartition des tâches domestiques. Selon l'INSEE,
en 1986, un homme actif consacre en moyenne 45h par semaine (transports
compris) pour le travail professionnel et seulement 20h par semaine
au travail domestique (ménage, courses, enfants, factures).
Soit un total de 65h par semaine. Pour une femme active, la répartition
est de 36h par semaine en moyenne pour chaque, soit un total de
72h. Le plus significatif concerne les inactifs : un homme sans
emploi consacre 27h40 par semaine à la maison. Un femme sans
emploi y consacre 44h par semaine ! Le chômage et les vacances
n'existent donc pas pour les femmes.
« Gratuité du travail domestique »
Mais le caractère fondamental du travail domestique, ce
n'est pas qu'il est fait à la maison, c'est qu'il est gratuit
! Et c'est au mouvement féministe qu'il revient d'avoir le
premier analysé en termes économiques ce caractère
gratuit du travail domestique, travail accompli pour l'essentiel
par les femmes. Bien avant les années soixante, les femmes
ont toujours travaillé. Et pas toujours à la maison.
Ce fut le cas dans l'agriculture, où la production familiale
a toujours été faite avec la participation des femmes.
Par ailleurs, on estime qu'elles ont toujours représenté
entre le quart et le tiers du salariat. Ce qu'elles n'ont jamais
maîtrisé, encore moins que les prolétaires,
c'est l'attribution d'une valeur à leur travail, en particulier
celui effectué pour le compte de leur mari et de leur famille.
Le travail ménager a pourtant une valeur économique
bien réelle, au même titre que n'importe quelle autre
production. Mais cette valeur échappe aux femmes. Par exemple,
si la plupart des ménages préfère acheter de
la nourriture brute, non cuisinée, c'est qu'elle est moins
chère. Le travail nécessaire pour la cuisiner chez
soi est considéré comme gratuit. Le fait est que ce
sont encore les femmes qui, majoritairement, accomplissent cette
production. Elles sont donc volées de la valeur de leur travail,
valeur représentée très exactement par l'écart
de prix entre la nourriture brute et la nourriture cuisinée
que l'on trouve dans le commerce.
Cette spoliation de la valeur du travail des femmes ne pouvait
pas être sans conséquence après leur entrée
massive dans le salariat : si le travail des femmes à la
maison ne vaut littéralement rien, pourquoi le travail qu'elles
effectueraient à l'extérieur vaudrait-il quelque-chose
? La non-valorisation du travail des femmes a donc tendance à
se transmettre et se perpétuer au salariat, par des salaires
moindres, on l'a vu, et par la dévalorisation des métiers
où elles sont cantonnées (secrétariat, nettoyage,
enfance, soins, services personnels). On retrouve d'ailleurs dans
ces branches du salariat une autre catégorie de personnes
opprimées : les étrangers.
Dès lors, entre une société où les
femmes sont condamnées à être enfermées
à la maison pour effectuer gratuitement le travail domestique,
et une société où le nettoyage est pris en
charge par des bonnes ou des sociétés de nettoyage
(employant majoritairement des femmes sous-payées), la petite
enfance par des crèches (et donc des femmes sous payées)
et des écoles primaires (idem), pendant que les hommes se
font servir le café par leur secrétaire (femme...),
la différence n'est pas une différence de nature,
mais une différence de degré.
Bertrand DEKONINCK
-------------------------------------------------------------
Femmes et précarité : les chômeurs
sont des chomeuses !
Le patriarcat n'a pas attendu le capitalisme pour exister et prospérer.
Mais c'est peu dire que ce dernier tire profit de la domination
exercée sur les femmes et des discriminations à leur
encontre. En mettant en concurrence tous contre tous, le capitalisme
utilise tous les facteurs de divisions qui lui sont offerts : nationalité,
régularité du séjour pour les sanspapiers,
mais aussi le sexe.
Pour les femmes, l'oppression est double, et le chemin jusqu'à
l'égalité reste encore bien long. C'est ainsi que
les pauvres, de par le monde, sont en majorité des femmes,
tout comme les chômeur-se-s ou, phénomène plus
récent, les précaires.
La précarité touche davantage les femmes
Le taux de chômage féminin, sur les 15 dernières
années est resté globalement une fois et demi plus
important que celui des hommes. Il était de 13,8% contre
10,2% à la fin 98.
D'autre part, les contrats de travail des femmes sont globalement
plus précaires que ceux des hommes. Par exemple, dans la
fonction publique (grande employeuse de précaires), 31% des
femmes ne sont pas titulaires de leurs postes contre 23% des hommes.
La précarité a aussi une autre forme : le temps partiel.
Les salarié-e-s à temps partiel sont dans une entreprise
celles et ceux qui ont le plus faible taux de salaire horaire, qui
ont moins d'avantages sociaux et restent à l'écart
des promotions, qui accumulent le moins de points de retraite et
d'ancienneté. Ce sont aussi les plus vulnérables aux
licenciements. Le temps partiel, s'il est de plus en plus répandu
et imposé, est de plus en plus imposé aux femmes :
en 1982, 16,4% des femmes étaient à temps partiel
contre seulement 1,9% des hommes ; en 1998, elles étaient
31,4% à temps partiel contre seulement 5,6% des hommes. Elles
représentent au total 84% des salarié-e-s à
temps partiel. Et 75% d'entre elles ne l'ont pas choisi.
Les smicards sont majoritairement des smicardes
On a, dans le domaine de l'inégalité des salaires
entre hommes et femmes, la conjugaison de deux phénomènes
auxquels s'ajoutent la précarité : le cantonnement
des femmes dans des métiers dévalorisés ; l'inégalité
salariale à qualification égale. En 1996, un tiers
des femmes à temps complet était payée moins
de 1,3 fois le S.M.I.C., contre seulement un cinquième des
hommes. Les femmes sont surreprésentées dans quelques
domaines professionnels, qui sont principalement des postes d'employées
(secrétariat, commerce de détail) et/ou de domesticité
sociale (nettoyage, enfance, services de restauration et d'hôtellerie,
santé, aide sociale). Même dans le secteur associatif,
qui échappe en partie à la logique capitaliste, elles
n'ont guère le choix qu'entre six secteurs d'activités,
qui constituent 60% de l'emploi associatif féminin. Les professions
sont d'ailleurs d'autant plus dévalorisées qu'elles
se féminisent. C'est le cas par exemple de l'enseignement
primaire, aujourd'hui majoritairement assuré par des femmes.
De plus, même s'il a tendance à se réduire
lentement, l'écart salarial entre hommes et femmes, à
diplôme et expérience professionnelle égaux,
reste très important : 27,2% en France en 1998.
Dernier fait majeur de ces dernières années : les
écarts se creusent maintenant entre une frange de la population
féminine qui commence à accéder aux postes
à responsabilité et l'immense majorité des
femmes, dont la situation s'est aggravée, principalement
en raison de l'accroissement de la précarité.
Bertrand DEKONINCK
-------------------------------------------------------------
En France, plus d'une femme sur trois est victime de violence
!
C'est ce que révèle un questionnaire diffusé
par le Centre national d'Information sur les Droits des Femmes entre
décembre 1999 et mars 2000. Violence conjugale, viol, violence
au travail (les femmes actives, salariées ou chômeuses,
sont quatre fois plus nombreuses à se déclarer victime
de violence), violence physique ou psychologique La violence que
les femmes subissent est multiple.
Violence conjugale
C'est au sein de la famille que la violence s'exerce en premier
lieu, sur les filles, les femmes ou les concubines. La femme appartient
à l'homme. Lorsque celle-ci est ravalée au rang de
bien, esclave sexuelle et domestique, il peut en user comme bon
lui semble. S'il n'a plus légalement le droit de vie et de
mort sur sa femme et ses enfants, dans les faits c'est encore trop
souvent le cas. Chaque année des femmes meurent sous les
coups de leur mari ou compagnon. La violence conjugale, bien que
fort répandue, reste un sujet tabou. Le phénomène
est parfois minimisé par des médecins, qui refusent
de signer les certificats d'incapacité, par la police qui
ne prend pas toujours ces situations au sérieux et bien souvent
par les femmes victimes de violence elles-mêmes. Cette violence
est tout autant physique que psychologique et revêt de nombreuses
formes : coups et blessures, viols, menaces, climat de terreur,
humiliation perpétuelle. A la violence s'ajoute la plupart
du temps la dépendance financière et psychologique
des femmes envers leur compagnon, dépendance que celui-ci
entretient alors avec soin.
Les femmes victimes de violences conjugales, comme dans le cas
du viol, sont toujours soupçonnées d'être plus
ou moins responsables de ces violences. Ce qui n'est pas socialement
admis, ce n'est pas qu'un homme soit violent, c'est qu'une femme
se laisse faire : si elle reste auprès de son bourreau, c'est
qu'elle «y trouve son compte».
De l'insulte au viol
La violence que les femmes subissent, qu'elle ait lieu en famille,
au travail ou partout ailleurs, revêt souvent un caractère
sexuel, de l'insulte au viol. Le patriarcat transforme la sexualité
en instrument d'oppression. Les femmes sont des proies, les hommes
des prédateurs. Le vocabulaire sexuel en témoigne,
et les analogies guerrières ou de chasse sont nombreuses
: on ferre une femme, on la prend, on la saute... De toutes façons,
elle est passive. Cette vision de la sexualité est encore
renforcée par les clichés que véhicule généralement
la pornographie. Celle-ci est de plus en plus répandue et
facile d'accès. Les adolescents d'aujourd'hui y font leur
apprentissage sexuel avec toujours les mêmes stéréotypes
: ceux de la femme passive, objet prêt à consommer,
toujours partante et sur laquelle on éjacule comme on lui
cracherait dessus. Cet apprentissage de la sexualité qui
ne peut se vivre autrement que comme une prédation violente
crée un climat d'insécurité permanente pour
les femmes. Dans la rue, dans le métro, au travail et même
parfois chez des proches, refuser de répondre au désir
des hommes, c'est s'exposer au minimum à l'insulte, au pire
au viol ou au meurtre.
Pourquoi s'étonner alors que les viols soient si nombreux
et, parmi eux, que les viols collectifs commis par des adolescents
soient en augmentation ? On s'imagine souvent que le viol est le
fait de pervers, de malades. Il s'agit au contraire d'un problème
social : c'est la société qui crée les violeurs.
Le viol n'est pas le résultat d'une pulsion sexuelle incontrôlée
mais un instrument de domination. En prison par exemple, les prétendus
forts, les caïds, violent les soi-disant faibles (jeunes, hommes
«efféminés», homosexuels) pour leur signifier
qu'ils sont au bas de la hiérarchie, pour les ravaler au
rang de «gonzesse». Ainsi, celui qui servira d'esclave
sexuel au sein de la cellule sera aussi astreint aux taches ménagères.
La violence sur les femmes est physique, psychologique et surtout
sociale. C'est bien le système qui la crée. La violence
est à la fois une conséquence et un instrument du
patriarcat. En France comme en Afghanistan, pour les femmes violées
ou battues ici, lapidées là-bas, brûlées
vives ou excisées ailleurs, il est des combats que l'on ne
peut plus remettre à demain.
Anne TURLURE
-------------------------------------------------------------
Debout les gars réveillez-vous !
La lutte contre le patriarcat et le sexisme n'est pas qu'une
"histoire de bonnes femmes" !
Depuis longtemps, des hommes se sont élevés contre
l'oppression des femmes : Condorcet fut de ceux-là, mais
aussi bien d'autres, anonymes ou pas. La Commune de Paris (1871)
prononça l'égalité entre femmes et hommes.
Certains hommes ont soutenu les femmes dans leurs revendications
légitimes à l'accès aux droits politiques et
économiques (droit de vote et d'éligibilité,
droit au travail, à un salaire égal...), d'autres
se sont investis dans le mouvement néo-malthusien pour le
droit à l'avortement et à la contraception. Mais leur
action se cantonnait, en gros, au soutien des revendications féministes,
ce qui n'était déjà pas rien !
Par contre, pour ce qui est de la réflexion et de l'analyse
de l'implication des hommes dans la perpétuation du système
patriarcal, il faut attendre les années 1970 et l'émergence
du M.L.F. pour que des hommes commencent à s'interroger et
à agir. Cette prise de conscience aboutit alors à
la constitution de «groupes d'hommes». On y discute
des rapports hommes/femmes, de la virilité, des rôles
sociaux sexués, de la sexualité masculine, et de bien
d'autres thèmes touchant à l'identité masculine.
Ces hommes ont en commun le refus de l'aliénation et du conditionnement
des hommes par le patriarcat, le rejet des stéréotypes
et «valeurs» qui leur sont imposé-e-s (violence,
compétition, mépris des femmes, des homosexuel-le-s,
etc). Leur but est de remettre en cause, individuellement et collectivement,
la place et le rôle des hommes dans la société.
Tout cela est toujours d'actualité, et ces débats,
réflexions et actions sont toujours mené-e-s.
Après la première «génération»
de groupes d'hommes (peu nombreux mais actifs) qui vécut
jusqu'au milieu des années 80, de nouveaux groupes sont apparus
depuis une dizaine d'années, avec des approches diverses
(thérapeutique, libertaire...). En Europe a été
créé en 1997 le Réseau européen d'hommes
proféministes, afin de mettre en commun les réflexions
et actions antisexistes.
Ce type de «militantisme» reste encore, hélas
! assez (trop) marginal. En effet, bien peu d'hommes sont prêts
à jeter au panier leurs privilèges (sociaux, sexuels,
politiques, économiques...) et leur position de «mâles
dominants» : quels avantages y auraient-ils ? Simplement celui
de refuser d'être conditionné, de jouer un rôle
dont on ne veut pas/plus, de pouvoir construire son identité
et vivre sa vie comme on l'entend ; celui aussi de refuser de dominer,
d'exploiter et d'opprimer (consciemment ou non) plus de la moitié
de l'humanité ; enfin, et surtout, celui de participer à
la construction d'une société où la liberté,
l'égalité et la fraternité ne seraient pas
que des mots gravés aux frontispices des édifices
publics mais une réalité pratique et vivante ! Société
qui n'aura pas l'ombre d'une chance d'exister tant que les hommes
acceptent (et perpétuent) le fait que les femmes soient le
«parent pauvre» de l'humanité, mineures à
vie, exploitables, corvéables, violables et battables (entre
autres ignominies) à merci. Alors, «debout les gars,
réveillez-vous...» !
Laurent
----------------------------------------
Luttes antipatriarcales... Et les hommes, dans tout ça
?
Depuis les années 70, le mouvement féministe a permis
la prise de conscience et la dénonciation publiques de l'oppression
des femmes par un système pluricentenaire : le patriarcat.
Bien que trop souvent considéré-e-s par les hommes
que comme des "histoires de bonnes femmes", les questionnements
et revendications féministes en ont quand même interpelé
plus d'un. Certains hommes, solidaires des luttes des femmes et
ne voulant pas en rester au simple soutien (via manifs ou pétitions),
ont alors et depuis entamé une réflexion, personnelle
et collective, sur la place et le rôle que leur assigne le
patriarcat. Réflexion qui reste hélas ! toujours d'actualité,
mais (ou plutôt : car) trop peu menée.
"C'est l'histoire de mecs..." : des groupes d'hommes
contre le patriarcat, d'hier à aujourd'hui
Les "pionniers" Les premiers groupes d'hommes apparaissent
au cours des années 70 (1975 en France). Y seront abordés
des thèmes comme la sexualité, la paternité,
la violence, la pornographie, la contraception masculine, l'homosexualité,
l'identité masculine, la virilité, les rôles
sociaux et sexués... En France, ce travail est essentiellement
le fait de groupes tels l'Association pour la recherche et le développement
de la contraception masculine (ardecom), ou de la revue Types-paroles
d'hommes, qui fonctionnèrent tant bien que "mâle"
jusqu'au milieu des années 1980, puis sombrèrent peu
à peu...
La nouvelle vaguelette Depuis une dizaine d'années, de nouveaux
groupes d'hommes sont apparus, avec des démarches et des
orientations variées : approche thérapeutique au Québec,
où un réseau d'hommes s'est constitué à
l'initiative du psychanalyste Guy Corneau , approche libertaire
(mouvance des squatts, camping antipatriarcal mixte, etc.). En 1997
s'est créé un Réseau européen d'hommes
proféministes , rassemblant des hommes antisexistes de tous
horizons. Par contre, nous trouvons des groupes dont le discours
est plus ou moins (et plutôt plus que moins !) réactionnaire,
antiféministe, etc., tels les mouvements pour la condition
paternelle en France ou les Promise Keepers aux USA. On peut aussi
se demander si le regain d'intérêt religieux de certains
hommes - surtout dans sa version dure : "intégrismes"
musulman, chrétien, juif... - ne fait pas partie de cette
dynamique-là ! La religion constitue en effet l'un des piliers
du patriarcat et offre un refuge, un bastion, aux hommes qui ne
supportent pas la remise en cause de leur identité, de leur
place (dans la famille, la société), et surtout de
leur pouvoir (sur la famille, la société, et sur les
femmes en particulier) !
Des raisons qui ont pu (et peuvent) faire en sorte que les hommes
bougent un peu...
Quelle furent - quelles sont - les motivations de ces "pionniers"
antipatriarcaux à s'engager sur un terrain si difficile et
pénible, sous le regard méfiant des féministes
et l'oeil moqueur de leurs "frères" ?
C'est surtout pour eux la ferme volonté de refuser le rôle
d'oppresseur, ainsi que les nombreux avantages que le patriarcat
leur donne. C'est le refus des différentes formes de violences
masculines permettant cette domination. C'est aussi le refus du
conditionnement et de la reproduction éternelle des stéréotypes
patriarcaux : le "héros" (l'autiste !), qui ne
parle jamais de sa vie sentimentale, et surtout pas avec les copains
! ; le "conquérant", et sa sexualité agressive
; le "chef de famille", dont la seule perspective est
de s'épuiser au travail ; les clichés de "bandes
d'hommes" au stade, au bar, à l'armée... Ce conditionnement
peut devenir insupportable pour ceux qui correspondent peu aux clichés,
pour ceux qui ont choisi de rompre avec le patriarcat, et particulièrement
pour les homosexuels, pour qui il n'y a pas de place dans la logique
"traditionnelle" patriarcale. Mais l'homosexuel profite
quand même des inégalités économiques,
une des caractéristiques du patriarcat (un salaire plus élevé,
moins de difficulté à trouver du travail...). Car
si l'homosexuel est et reste un traître à la sacro-sainte
virilité et au "clan" des hommes, il est et reste
quand même toujours... un homme ! À condition, bien
sûr, que son homosexualité ne soit pas visible, assumée
ou qu'il ne soit pas "efféminé" - suprême
trahison ! Toutefois, les souffrances et l'aliénation des
hommes dûes au patriarcat n'ont littéralement rien
à voir avec l'oppression des femmes. La souffrance engendrée
chez les hommes antipatriarcaux est, en général, la
conséquence d'un choix : celui de ne pas/plus supporter le
système patriarcal. De plus, ils ont toujours la possibilité
de "s'arranger", partiellement ou complètement,
avec celui-ci pour être tranquilles. Même les hommes
les plus conscients restent susceptibles de reproduire ou ranimer
les comportements les plus anachroniques : des "rechutes"
terribles dans les réflexes patriarcaux sont, hélas
! plutôt la règle que l'exception. Une méfiance
et une vigilance profondes des militants antipatriarcaux envers
eux-mêmes et leurs camarades restent indispensables. La lutte
féministe - qui était déjà à
l'origine des efforts de ces hommes - doit rester la référence
primordiale, l'orientation générale pour eux. Ce n'est
toutefois pas un appel à (ni une excuse pour) se vautrer
dans le canapé et laisser les efforts idéologiques
aux femmes ! Au contraire, messieurs, nous avons du boulot : il
nous faut acquérir la conscience de notre implication dans
les mécanismes de domination, en se posant quelques questions,
en appuyant là (surtout) où ça fait mal ! Quels
aspects du patriarcat perpétuons-nous ? Quel décalage
y a-t-il entre nos idées et nos pratiques ? Comment éviter
de réemployer ces mécanismes et ces comportements
de domination ? Comment découvrir et définir nos identités
individuelles au-delà du conditionnement collectif ?
L'existence de rapports de domination et d'exploitation étant
incompatible avec l'idéal - et a fortiori la pratique - humaniste,
de tels rapports paraissent difficilement justifiables par un militant.
"Le privé est politique" est un "mot d'ordre"
qui appartient et aux hommes, et au féminisme. Il serait
donc dommage que des hommes passent à côté de
telles réflexions.
Martin Zumpfe et Laurent Laloy
-----------------------------------------------------
Langage et sexisme
De plus en plus, la discrimination sexiste est nommée, reconnue
et parfois combattue dans certains domaines (économique,
social). Dans celui du langage, beaucoup se penchent sur le problème
du genre de la langue (dominée par le genre masculin) et
souhaitent la féminisation. Le débat est loin d'être
terminé, parce qu'il fait également appel à
des pratiques langagières.
Ces pratiques trouvent leurs racines dans des préjugés
sexistes. « Les progrès sont lents, les racines des
préjugés sont profondes », disait Voltaire.
Pour un petit garçon, grandir dans un pays où les
petites filles ne vont pas à l'école (parce qu'elles
n'y ont pas le droit) peut le laisser développer le préjugé
que les filles n'ont pas la capacité intellectuelle d'apprendre.
De même, grandir dans un pays où « 10 000 femmes
et un cochon sont dehors, ILS sont » ne prédispose
pas à reconnaître une égalité entre genres,
donc rapidement entre sexes.
Le sexisme dans le langage Pour la linguiste Marina Yaguello :
« La langue est un système symbolique engagé
dans les rapports sociaux. [...] La langue est aussi, dans une large
mesure un miroir culturel qui fixe les représentations symboliques
et se fait l'écho des préjugés et des stéréotypes,
en même temps qu'il alimente et entretient ceux-ci. »
Trois cas de sexisme dans la langage :
Qui parle ? Le langage, la possibilité de s'exprimer nous
met en position de pouvoir. Pour assurer celui-ci, il est essentiel
de le garder, de contrôler la parole des autres. Dans de nombreuses
cultures, les femmes n'ont même pas le droit à la parole.
Dans les sociétés occidentales, les femmes ont pris
une place, notamment socio-économique, dans la société
qui les amènent de plus en plus à prendre la parole
en dehors de la sphère privée. Pourtant, de nombreuses
observations scientifiques montrent que les hommes coupent beaucoup
plus la parole que les femmes et monopolisent le discours. La parole
prise, ou donnée, n'est pas forcément écoutée,
ni prise en compte : discours d'une femme terminée par un
quolibet ; dernière phrase de femme reprononcée par
un homme avant qu'il n'entame son propre discours
Comment parle-t-on ?
Les hommes et les femmes utilisent un langage différent.
Par exemple, les femmes sont nettement plus enclines à utiliser
et à préférer un langage de prestige, plus
correct, que les hommes. Il existe principalement deux explications
à ce phénomène : un désir d'ascension
sociale de la part des femmes qui prennent la parole comme forme
d'action, afin d'accéder à l'égalité,
voire au pouvoir ; et, selon le préjugé « les
hommes sont jugés sur ce qu'ils font, les femmes sur leur
paraitre », les femmes seraient plus sensibles au prestige
langagier. On peut dire plutôt que les femmes sont plus «
légalistes », car plus souvent soumises aux règles,
et les hommes plus en rapport de compétition : le verbe devient
force physique. Le langage ne se résume pas à des
mots, un style. C'est aussi un langage corporel, des intonations
de voix, un débit. La différence physique donne aux
hommes une voix plus forte, plus grave. Cet état de fait
peut-être utilisé pour couper la parole des femmes,
par exemple. On a observé que celles-ci ont un débit
plus rapide que les hommes parce qu'elles sont peur d'être
coupées ? , ce qui incite plus difficilement à
l'écoute attentive.
Que dit-on ? Enfin, quels sont les mots à notre disposition
pour parler. Quelle est la part de sexisme dans notre vocabulaire
? Les écrits à ce propos sont de plus en plus nombreux.
Marina Yaguello est une des premières auteures françaises
à s'être penchée sur la question. À partir
d'une étude sur la définition du mot « femme
» dans différents dictionnaires, elle établit
un corpus de mots d'où il ressort deux grands champs lexicaux
: celui de la mère et celui de la prostituée. De même,
le langage qui désigne les femmes utilise beaucoup la métonymie
(un tout réduit à une partie) : en l'occurrence, une
femme est réduite à un cul, un con ou une viande ;
mais aussi les métaphores animales ou alimentaires: cochonne,
poule, chou. On retrouve le préjugé : « les
femmes sont à vendre, ou à prendre ». Elles
ne sont ni à vendre, ni à prendre.
Pistes de réflexion Pour que les femmes accèdent
enfin à un traitement égalitaire, de nombreux domaines
de la vie privée, sociale, économique et politique
sont à reconsidérer sous un angle non-sexiste. Le
langage couvre tous ces domaines, c'est pourquoi il représente
un enjeu considérable ; c'est pourquoi, il n'est pas superflu
d'engager un débat sur la révision non sexiste du
vocabulaire et de la grammaire. La lutte pour l'égalité
est aussi une lutte contre la langue du mépris. Il est donc
nécessaire de se pencher sur les préjugés sexistes,
de les cerner, de les expliquer et de tenter de les démonter.
Car, si attitudes et comportements positifs peuvent s'entendre au
sens individuel, ils peuvent aussi être partagés par
tous les membres du groupe, de même que les préjugés
et les comportements discriminatoires. Il nous faut surveiller,
dénoncer et combattre ces préjugés, mais aussi
que chacune et chacun se juge aussi soi-même et entende son
propre discours.
Annie Amoureux
|
|