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CE QUE VEULENT LES FEMMES


Film américain (2001) de Meyers Nancy, avec Mel Gibson, Helen Hunt, Marisa Tomei
« Succès professionnel et… féminins, Nick Marshall se considère comme l’homme idéal. Un jour, une femme se voit confier le poste qu’il briguait. Et, à la suite d’un accident, il peut désormais entendre ce que pensent les femmes. Un « don » peu banal qui peut être utile » - Pil’L’hebdo-n°123 -

Il (le héros) prend conscience que les femmes souhaitent être comprises, être aimées pour elles, être respectées, être prises en considération, qu’elles ne pensent pas toujours du bien des hommes, qu’elles pensent beaucoup et souvent, à croire même qu’elles ne font que penser. Il comprend également que, contrairement à l’idée reçue, les femmes ne font pas une fixation sur le sexe de l’homme, mais que ce sont eux qui sont obsédés par leur propre sexe, par leur capacité sexuelle.
Ce sont les côtés, disons, plutôt positifs du film.
C’est vrai, le « héros », en mesure d’entendre les pensées des femmes comprend certaines choses, et essaie de modifier son comportement, mais pas toujours positivement.
Il en profite notamment pour piquer les idées de sa « belle » collaboratrice….. et ramasser les lauriers, même si « the happy End » oblige, il fait son « mea culpa » à la fin.
Il refuse ses responsabilités et préfère mentir à la jeune femme avec qui il a eu une relation, en lui faisant croire qu’il est homo…. Plutôt que de lui dire qu’il ne ressent rien et qu’il n’a pas envie de renouveler « l ‘expérience ». Et s’il lui dit ceci, d’accord c’est parce qu’il a entendu qu’elle pensait qu’elle préférerait qu’il soit homo, que de savoir qu’elle ne peut pas lui plaire. Alors, on peut penser que c’est essentiellement pour ne pas lui faire de peine, mais ne serait-ce pas plutôt parce qu’il n’assumerait pas d’être considéré comme un salaud ….
Les côtés drôles, ce sont les scènes où il s’en prend plein la tête, à tous les sens du terme. Son côté macho est froissé, sa virilité remise en cause.

Et puis il y a le côté sensible…. Rapport avec sa fille qui change, car il commence à apparemment mieux la comprendre, puis son comportement vis-à-vis de la jeune « porteuse de dossier »….
De toute façon dans les films américains, il y a toujours cette palette de sentiments, donc rien d’anormal ni de transcendant…
Mais, moi il y a tout de même des choses qui m’ont horrifiée …
Ses deux secrétaires – enfin on ne sait pas trop quel rôle elles ont - : l’image est phénoménale. Physiquement ce sont des personnes de fortes statures, sur leur visage se lit une certaine naïveté et surtout une admiration pour lui. Et bien figurez-vous que dans ce film, ces deux femmes ne pensent pas ….. Ni du bien ni du mal, elles ne pensent pas du tout …..

Et puis ce film, et c’est là le pompon, - enfin pour moi -, il ne tourne qu’autour de la publicité… Oui, il travaille dans une grande boite de publicité …. Et ce qu’on cherche dans cette « entreprise » c’est de savoir comment attirer la femme par la publicité. C’est là qu’on comprend que ce film n’est que superficiel, qu’il n’a à aucun moment souhaité comprendre vraiment la femme (la je parle du réalisateur), qu’il n’a jamais voulu dénoncer le machisme. Non le but est essentiellement : comment se servir de la femme pour bien vendre. Et bien j’avoue qu’ils sont épatants. L’exemple des chaussures de sports « Nike » (ben oui parce qu’en plus on fait de la pub…) est époustouflant. Parce que le texte proposé avec le « spot » colle à la peau de la femme …..

Alors ce film peut s’appeler « ce que veulent les femmes », moi j’ai envie de dire, et si on parlait de « ce que ne veulent pas les femmes » : Qu’on les prenne pour des objets…des marchandises …Et dans ce film, il n’en est pas question… Non seulement, ce n’est pas le sujet, mais en plus, je considère ce film comme relativement malsain pour les personnes qui n’ont pas le sens critique. (moi je l’ai probablement trop….), parce qu’au sortir du film j’ai « chopé » la réflexion d’une femme « ah, il faudrait que beaucoup d’hommes soit capables de savoir ce que l’on pense ».. Non, surtout pas, car de toute façon ils sauraient s’en servir pour nous marchandiser, et nous dominer encore plus …..

Tout dans ce film n’est que supercherie et bouffonnerie, jusqu’au titre, bien trouvé pour justement attirer un public féminin, car, dans la salle de cinéma, il y avait une grande majorité de femmes …. Qui espéraient …. Peut-être …. Moi y compris ….

Catherine Le Groux le 7 avril 2001


Il me semble que la clé du film est dans la demande de la nouvelle responsable de l'agence de pub sur le rôle des femmes dans le capitalisme. Les femmes travaillent, elles sont des consommatrices, il faut donc fabriquer des pubs qui s'adressent à elles, à leur fonctionnement mental, leur imaginaire.

Nous sommes dans la fabrication industrielle du discours que décrit Quessada. L’image et le texte sont bien des fabrications très élaborées. Il s’agit bien de capter l’émotionnel et l’imaginaire tout en utilisant le symbolique pour répondre au désir.
Le lien entre la subjectivité humaine et le capitalisme est ici bien montré. Le "Nick" en question devient un bon "Nike" proche des femmes, parce qu'il comprend la pensée des femmes. Il devient "femme", comme diraient Deleuze et Guattari, son devenir s’est modifié, il change de pli. La vision du monde évolue en même temps que ses émotions. Ceci le rend un peu moins con, un peu plus humain ; c'est déjà pas mal, pourrait-on dire, vu d'où il part.

L'intégration des femmes au capitalisme est aussi un changement de culture, une modification du mode subjectif qui nous lie aux autres, une évolution de la politique qui prend toute la vie dans notre contexte. Comme il joue le jeu, sa vérité intérieure s’en trouve bouleversée. Pour le reste, c'est la vision américaine, des tonnes de "bons sentiments", la guimauve qui relie les humains et produit la réconciliation selon le mode US. Les deux protagonistes principaux aiment F. Sinatra, le crooner maffieux et patriotique, le reste est alors secondaire.
La fille, en retrouvant son père, accepte une robe de "femme" et quitte les habits un peu punk, unisexes et de couleur noire, qu'elle portait auparavant. La révolte rentre dans le rang avec l'oedipe résolu ...

La psy de service conseille à ce "Nick", qui porte bien son nom, d’utiliser sa nouvelle capacité. Alors, il nique sa mère, lui aussi, par procuration, il peut faire cela très bien et gagner encore plus en valorisation narcissique ... La psy américaine est toujours dans la voie du renforcement du « moi », ne l’oublions pas. Le discours de son « ex » nous indique tout cela clairement, dès le début. « D’homme à homme», de "memeur d'hommes" il devient « homme à femmes ». C’est cette mutation qui est mise en scène et qui est proposée aux américains alors que nous sommes en pleine crise de civilisation. Les hommes se réunissent entre eux, ils forment des groupes, ils essaient de s’épauler mutuellement, et les féministes sont vécues comme castratrices. Positivez ! Lui dit cette psy. Le pragmatisme et l'utilitarisme anglo-saxon fonctionnent bien et le résultat est là, "Nick" devient la coqueluche de ces dames, il développe sa puissance d'une autre façon. Il change sans interroger la notion de genre. Mais il est impossible d'en arriver à cela sans questionner le pourquoi des choses, la nécessité de la domination. Au contraire, cette nouvelle façon de mettre en place des dispositifs mentaux et matériels, proches de « ce que veulent les femmes", produit encore plus de puissance pour le système, pour la domination.

On ne peut pas se poser la question "pourquoi ?" Y compris lors du sauvetage de la fille qui porte les dossiers. Notre « Nick » devient le sauveur et elle lui sera totalement dévouée après le retournement de situation. La réussite est dans le système, dans la complémentarité entre la hiérarchie et les «collaborateurs-trices », dans la synergie entre la recherche d'argent et l'individualisme, c'est le chemin qu'il faut prendre pour arriver à quelque chose dans ce monde ... La coopération, qui est vantée, est celle du travail d’équipe dans et pour le capitalisme.
Pour conclure il me semble, qu’encore une fois l’intérêt de ce film est de nous montrer, de nous faire éprouver comment la subjectivité est touchée par la crise de civilisation de notre temps. Ici on voit les limites de cette solution, mais il y a bien un changement de « mentalité ». On ne peut plus être « macho » comme avant, si on continue ainsi on est vite « out », ne serait-ce que pour continuer à faire du fric, à dominer ou à draguer et à être père. La domination continue en se modifiant, bien joué les américains ! Finalement c’est peut-être cela être "démocrate" aux Etats-Unis. Le message sera d’autant plus fort que c’est une femme qui le transmet.

Dans beaucoup de films américains on voit cette évolution :
« Américan beauty » ;
« Fight club » d’une façon plus violente, mais où « l’usage unique » de l'individualisme mercantile, y compris celui des amis, est bien mis évidence et critiqué ;
« Virgin suicide », à propos du puritanisme et de l’érotisme dans la jeunesse ;
« Américan story X » sur l’impasse du fascisme et de la violence raciale ;
« Erin Brokovich » sur l’environnement et les avocats ;
« Le sixième sens » qui plaide pour que la souffrance des victimes soient reconnues et leur parole entendue ;
« Boy don’t cry » où il s’agit d’un voyage dans le machisme de l’Amérique profonde et aussi d’une approche esthétique de la vision des paysages de ce pays ;
« Les puissants » sur l’alliance de la tête et des jambes et l’importance de la fiction pour les humains ;
et des tas d’autres films comme celui sur la guerre du Golfe « Les rois du désert », où l’incohérence de la politique américaine est montrée, où le rôle des médias est assez bien dépeint.

Il est indéniable que la question de la subjectivité, dans le contexte de crise des modes anciens de domination, est présente dans toutes ces approches, même si cela est englué dans une vision très marquée par le fonctionnement mental propre aux « USA ».


Philippe Coutant Nantes le 9 avril 2001