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Date: 7 Avril 2003
Sujet : L'Irak n'est qu'un test (texte de Chomsky)
L'Irak n'est qu'un test (par Noam Chomsky)
"La Dissidence est la plus haute forme de patriotisme" Thomas
Jefferson
Noam Chomsky , professeur à l'université du Massachusetts
Institute of Technology, fondateur des sciences modernes de linguistique
et militant politique, est un des moteurs de l'anti-impérialisme
aux États-Unis. Le 21 mars, il a discuté une demi-heure
avec V. K. Ramachandran sur la guerre contre l'Irak.
V. K. Ramachandran : Est-ce que l'agression contre l'Irak représente
la continuation de la politique internationale des États-Unis
de ces dernières années ou s'agit-il d'une nouvelle étape
dans cette politique ?
Noam Chomsky : Il s'agit d'une étape tout à fait nouvelle.
Il y a eu des précédents, mais la situation est néanmoins
nouvelle.
Cette guerre doit être perçue comme un test. L'Irak est
perçue comme une cible très facile et sans défense.
Ils présument, probablement à raison, que la société
s'effondrera, que les soldats se rendront et que les Etats-Unis prendront
le contrôle du pays et mettront en place un régime de leur
choix et installeront des bases militaires. Après ils passeront
à des cas plus coriaces. La prochaine étape pourrait être
la région des Andes, ou l'Iran, ou peut-être ailleurs.
Ce test est destiné à tenter d'établir ce que les
États-Unis appellent une "nouvelle norme" dans les
relations internationales. La nouvelle norme est la "guerre préventive".
Vous noterez que les nouvelles normes sont établies uniquement
par les États-Unis. Ainsi, par exemple, lorsque l'Inde envahit
l'est du Pakistan pour faire cesser des massacres, elle n'avait pas
établi une nouvelle norme d'intervention humanitaire, parce que
l'Inde était dans le mauvais camp et, de plus, les États-Unis
étaient nettement opposés à l'action.
Il ne s'agit pas d'une frappe préventive, la différence
est primordiale. Une frappe préventive a un sens. Par exemple,
si des avions traversent l'Atlantique pour bombarder les États-Unis,
les États-Unis peuvent les abattre avant même qu'une bombe
ne soit lâchée et attaquer les bases d'où les avions
ont décollé. La frappe préventive est la réponse
à une attaque en cours ou imminente.
La doctrine de guerre préventive est totalement différente
et signifie que les États-Unis - et eux seuls - ont le droit
d'attaquer tout pays qu'ils estiment être un concurrent potentiel.
Alors si les États-Unis affirment, quelles que soient les raisons,
que quelqu'un représente une menace, alors ils sont en droit
de l'attaquer.
La doctrine d'une guerre préventive fut annoncée explicitement
dans la National Security Strategy au mois de septembre (2002). Ce rapport
a provoqué des remous dans le monde entier, y compris parmi la
classe politique des États-Unis, ici même où, il
faut le dire, l'opposition à la guerre est inhabituellement forte.
Le rapport disait que les Etats-Unis allaient gouverner le monde par
la force, qui est le domaine - et le seul domaine - où ils dominent.
De plus, ils allaient le faire sur une durée indéterminée,
parce que si une concurrence à la domination des Etats-Unis surgissait,
les États-Unis la détruirait avant qu'elle ne représente
une menace.
L'Irak est le premier cas de l'application de cette doctrine. Si l'opération
réussit, et on peut penser que ce sera le cas, parce que la cible
est sans défense, alors les législateurs internationaux
et les intellectuels Occidentaux parleront d'une nouvelle norme dans
les affaires internationales. Il est important d'établir une
telle norme si vous espérez gouverner le monde par la force dans
un avenir proche.
Il y a eu des précédents, mais très rares. Je voudrais
en mentionner un, juste pour montrer combien le chemin est étroit.
En 1963, Dean Acheson, qui était un homme d'état très
respecté et conseiller de l'Administration Kennedy, a donné
un important discours devant la American Society of International Law,
dans lequel il justifiait les attaques états-uniennes contre
Cuba. L'attaque par l'administration Kennedy de Cuba était un
acte à grande échelle de terrorisme international et de
guerre économique. Le moment choisi est intéressant -
juste après la crise des missiles, lorsque le monde était
au bord d'une guerre nucléaire. Dans son intervention, Acheson
affirma qu'il n'était pas question de parler de "droit"
lorsque les États-Unis répondaient à une remise
en cause de leur "pouvoir, position ou prestige", ou quelque
chose comme ça.
Cela fait aussi partie de la doctrine Bush. Acheson était une
figure importante, mais ce qu'il disait ne représentait pas la
politique officielle du gouvernement dans la période de l'après-guerre.
A présent il s'agit d'une politique officielle et nous assistons
à sa première mise en application. Il s'agit de créer
un précédent pour le futur.
De telles "normes" n'ont de valeur que lorsqu'une puissance
occidentale agit, pas les autres. Cela fait partie du racisme profond
de la culture occidentale, qui puise ses sources dans des siècles
d'impérialisme et qui est si profond qu'il en devient inconscient.
Je crois donc que cette guerre est une nouvelle étape importante,
et c'est bien comme ça qu'ils la voient.
Ramachandran : est-ce qu'il ne s'agit pas aussi d'une nouvelle étape
dans la mesure où les États-Unis n'ont pas réussi
cette fois-ci à convaincre grand monde ?
Chomsky : Ce n'est pas nouveau. Pour la guerre du Vietnam, par exemple,
les États-Unis n'ont même pas essayé d'obtenir une
approbation internationale.
Néanmoins, vous avez raison de dire que c'est inhabituel. Cette
fois-ci, les États-Unis ont été obligés,
pour des raisons politiques, d'essayer d'obtenir un soutien international
mais ils n'ont pas réussi à le faire, ce qui est assez
inhabituel. D'habitude, le monde cède devant les États-Unis.
Ramachandran : Alors, est-ce un "échec de la diplomatie"
ou une redéfinition de la diplomatie elle-même ?
Chomsky : Je n'appellerai pas ça de la diplomatie du tout - c'est
un échec de la coercition.
Faisons une comparaison avec la première guerre du Golfe. A cette
époque, les États-Unis ont obligé le Conseil de
Sécurité à accepter leur position, bien qu'une
bonne partie de la planète s'y opposait. L'OTAN les a suivi,
et le seul pays du Conseil de Sécurité qui ne l'a pas
fait - le Yémen - fut immédiatement et sévèrement
puni.
Dans tout système légal digne de ce nom, les jugements
rendus sous la menace sont considérés comme invalides,
mais dans les affaires internationales menées par les puissants,
les jugements rendus sous la menace ne posent pas de problèmes
particuliers - on appelle ça de la diplomatie.
Ce qui est intéressent dans ce cas est que la menace n'a pas
fonctionné. Il y a des pays - en fait la plupart - qui se sont
entêtés à prendre la même position que la
très grande majorité de leurs populations.
Le cas le plus dramatique est la Turquie. La Turquie est un pays vulnérable,
vulnérable aux punitions et représailles des États-Unis.
Cependant, le nouveau gouvernement, à la surprise générale
je crois, a adopté la position de 90 pour cent de la population.
La Turquie est sévèrement condamnée ici, tout comme
la France et l'Allemagne, parce qu'ils ont pris la position de la très
grande majorité de leurs populations. Les pays qui sont félicités
sont des pays comme l'Italie et l'Espagne, dont les dirigeants ont accepté
de suivre les ordres venant de Washington et ce contre l'avis de près
de 90 pour cent de leurs populations.
Ça aussi c'est une nouvelle étape. Je ne connais pas d'autre
cas où la haine et le mépris de la démocratie se
soient autant étalés au grand jour, non seulement par
le gouvernement, mais aussi par les commentateurs libéraux et
d'autres. On voit fleurir actuellement toute une nouvelle littérature
qui tentent d'expliquer pourquoi la France, l'Allemagne, la soi-disant
"vieille Europe", la Turquie et d'autres s'en prennent aux
États-Unis. Il est inconcevable à leurs yeux que ces pays
le font tout simplement parce qu'ils prennent la démocratie au
sérieux et qu'ils croient que lorsque la très grande majorité
d'une population exprime une opinion, un gouvernement devrait en tenir
compte.
Il s'agit là d'un véritable mépris pour la démocratie,
tout comme ce qui s'est passé aux Nations Unies et qui est un
mépris total pour le système international. En fait, on
assiste à des appels - du Wall Street Journal, de membres du
gouvernement et d'autres - pour le démantèlement des Nations
Unies.
La peur des États-Unis à travers le monde est extraordinaire.
Elle est si profonde qu'on en parle même dans les grands médias.
La couverture du dernier numéro de Newsweek est consacré
aux raisons de cette peur provoquée par les États-Unis.
Le Washington Post aussi a publié un article sur ce sujet il
y a quelques semaines.
Bien entendu, ils disent que c'est la faute au monde, que quelque chose
ne va pas avec le monde qui nous entoure, mais ils le reconnaissent.
Ramachandran : L'idée que l'Irak représente une quelconque
menace est, bien entendu, sans fondement.
Chomsky : Personne n'accorde la moindre importance à cette accusation
sauf, et c'est intéressant, la population des États-Unis.
Au cours de ces derniers mois, il y a eu une opération spectaculaire
réussie de propagande de la part du gouvernement et des médias,
visible dans les sondages. Les sondages montrent un soutien à
la guerre bien plus élevé ici que dans les autres pays
du monde. Mais si on y regarde de plus près, on s'aperçoit
que les États-Unis se distinguent aussi des autres pays par un
autre aspect. Depuis Septembre 2002, les États-Unis sont le seul
pays au monde où 60 pour cent de la population croit que l'Irak
représente une menace imminente - chose que même les populations
du Koweït ou de l'Iran ne croient pas.
De plus, environ 50 pour cent de la population chez nous croit désormais
que l'Irak est responsable des attaques du 11 Septembre. Ça date
de Septembre 2002. En fait, après le 11 Septembre, le chiffre
était d'environ 3 pour cent. La propagande du gouvernement et
des médias a réussi à faire grimper le nombre à
environ 50 pour cent. Ainsi, si les gens croient réellement que
l'Irak est l'auteur des attaques terroristes contre les États-Unis
et qu'il recommencera, et bien dans ce cas les gens soutiennent l'idée
d'une guerre.
C'est ce qui s'est passé après septembre 2002. C'est en
septembre 2002 que la campagne du gouvernement et des médias
a commencé en même temps que la campagne pour les élections
partielles. L'Administration Bush aurait été écrasée
lors de ces élections si les sujets sociaux ou économiques
avaient été abordés, mais elle a réussi
à les éliminer du débat et les remplacer par la
question de la sécurité - et les gens se serrent les uns
contre les autres sous l'aile protectrice du pouvoir.
C'est exactement comme ça que le pays fut dirigé dans
les années 80.
Rappelez-vous qu'il s'agit pratiquement des mêmes personnes que
sous les administrations de Reagan et de Bush père. Tout au long
des années 80 ils ont mené une politique contre la population
et à laquelle, les sondages l'ont montré, la population
était opposée. Mais ils ont réussi à garder
le contrôle en faisant peur aux gens. C'est ainsi que l'Armée
du Nicaragua ne se trouvait plus qu'à deux jours de marche du
Texas, que la base aérienne de l'île de la Grenade pouvait
servir aux Russes pour nous bombarder. Une chose après l'autre,
chaque année, chacune plus ridicule que la précédente.
L'Administration Reagan a été jusqu'à décréter
l'état d'urgence en 1985 à cause de la menace contre la
sécurité des États-Unis posée par le gouvernement
du Nicaragua.
S'il y avait quelqu'un en train de nous observer de la planète
Mars, il ne saurait pas s'il faut en rire ou en pleurer.
Ils font exactement la même chose maintenant, et ils feront probablement
quelque chose de similaire pour la campagne présidentielle. Il
faudra un nouveau dragon à abattre, parce que si l'Administration
laisse les questions domestiques prendre le devant de la scène,
elle est perdue.
Ramachandran : Vous avez écrit que cette guerre d'agression aura
de dangereuses conséquences par rapport au terrorisme international
et la menace d'une guerre nucléaire.
Chomsky : En cela je ne fais pas preuve de beaucoup d'originalité.
Je ne fais que citer la CIA et les autres services de renseignement
et pratiquement tous les spécialistes en affaires internationales
et en terrorisme. [les revues] Foreign Affairs, Foreign Policy, l'étude
de l'Académie Américaine des Arts et des Sciences, le
Commission Hart-Rudman sur les menaces terroristes contre les Etats-Unis
sont tous d'accord pour dire qu'il y a de fortes chances pour que cette
guerre augmente le terrorisme et la prolifération des armes de
destruction massive.
La raison en est simple : en partie par vengeance, mais en partie par
autodéfense tout simplement.
Il n'y a pas d'autre moyen pour se défendre d'une attaque des
États-Unis. En fait, les États-Unis ont clairement envoyé
un message au monde, et lui ont donné une leçon qui n'annonce
rien de bon.
Comparons la Corée du Nord et l'Irak. L'Irak est sans défense
et faible. En fait, l'Irak est le régime le plus faible de la
région. Bien qu'il y ait un monstre qui le dirige, ce pays ne
représente aucune menace pour quiconque.
D'un autre coté, la Corée du Nord représente bel
et bien une menace. Mais la Corée du Nord n'est pas attaquée
pour une raison très simple : elle possède l'arme de dissuasion.
La Corée pointe ses armés sur Séoul et si les États-Unis
l'attaquent, elle peut annihiler une bonne partie de la Corée
du Sud.
Alors ce que les États-Unis sont en train de dire au monde est
ceci : si vous étés sans défense, nous vous attaquerons
quand bon nous semble, mais si vous avez des armes de dissuasion, nous
ne le ferons pas, parce que nous n'attaquons que des proies sans défense.
En d'autres termes, ils sont en train de dire aux pays du monde entier
qu'ils ont intérêt à développer un réseau
terroriste et des armes de destruction massive ou tout autre moyen de
dissuasion crédible, sinon, ils seront susceptibles être
attaqués "préventivement".
Ne serait-ce que pour cette seule raison, cette guerre va probablement
déclencher une prolifération à la fois du terrorisme
et des armes de destruction massive.
Ramachandran : Comment pensez-vous que les États-Unis vont gérer
les conséquences humaines, et humanitaires, de cette guerre ?
Chomsky : Personne ne peut le savoir, bien sur. C'est pour cela que
les gens honnêtes et décents n'ont pas recours à
la violence - parce qu'on ne le sait pas.
Les ONG et les équipes médicales qui travaillent en Irak
ont signalé que les conséquences pouvaient être
très graves. Tout le monde espère que non, mais des millions
de personnes pourraient être touchées. Recourir à
la violence devant un tel risque est une attitude criminelle.
Il y a déjà là-bas une catastrophe humanitaire,
c'est-à-dire avant la guerre. Selon les estimations les plus
optimistes, les 10 années de sanctions ont coûté
la vie à des centaines de milliers de personnes. S'ils avaient
la moindre dose d'honnêteté, les États-Unis verseraient
des indemnités juste pour les sanctions.
La situation est similaire au bombardement de l'Afghanistan, dont nous
avons déjà parlé lorsque les bombardements ne faisaient
que commencer. Il était évident que les États-Unis
ne chercheraient pas à en connaître les conséquences.
Ramachandran : Ou investir là où l'argent était
nécessaire.
Chomsky : sûrement pas. Premièrement, la question n'est
même pas posée, ce qui fait que personne n'a la moindre
idée des conséquences des bombardements pour le pays.
Puis les informations en provenance du pays se tarissent.
Finalement, on n'en parle plus dans les journaux, et personne ne s'en
souvient.
En Irak, les États-Unis monteront une opération de reconstruction
humanitaire à grand spectacle et placeront un régime qu'ils
qualifieront de démocratique, c'est à dire un régime
aux ordres de Washington. Puis ils se désintéresseront
de la question et passeront au suivant.
Ramachandran : Jusqu'à quel point les médias ont-ils été
fidèles cette fois-ci à leur réputation de modèles
de propagande ?
Chomsky : Jusqu'à présent, il n'y a pas une seule tête
qui dépasse. Regardez CNN, qui est une honte, et vous avez la
même chose partout. Ce qui n'est pas une surprise en temps de
guerre où les médias sont serviles devant le pouvoir.
Mais ce qui s'est passé avant la guerre est plus intéressant.
Le fait que la propagande du gouvernement et des médias ait réussi
à convaincre les gens que l'Irak représentait une menace
et que l'Irak était responsable du 11 Septembre est une réussite
spectaculaire et, comme je l'ai dit, fut accompli en l'espace de quatre
mois. Si vous interrogez les gens des médias à ce sujet,
ils vous disent, "Et bien, nous n'avons jamais rien dit de tel,"
et c'est vrai, ils ne l'ont pas dit. Il n'y a jamais eu de déclaration
selon laquelle l'Irak allait envahir les États-Unis ou qu'il
soit responsable des attentats du 11 septembre. Ce n'était que
des insinuations, une allusion après l'autre, jusqu'à
ce que les gens finissent par le croire.
Ramachandran : On observe cependant une résistance. Malgré
la propagande, malgré le dénigrement des Nations Unies,
ils n'ont pas tout à fait réussi leurs objectifs.
Chomsky : On ne sait jamais. Les Nations Unies sont dans une position
très délicate.
Les États-Unis pourraient chercher à détruire l'organisation.
Je ne le crois pas, je pense qu'ils chercheront plutôt à
réduire son rôle, parce que si elle ne suit pas les ordres,
à quoi peut-elle bien servir ?
Ramachandran : Noam, vous avez observé les mouvements de résistance
à l'impérialisme depuis un certain temps - Vietnam, Amérique
Centrale, première Guerre du Golfe. Quelles sont vos impressions
sur la nature et l'étendue de la résistance actuelle contre
l'agression US ? Cela fait plaisir de voir ces mobilisations extraordinaires
à travers le monde.
Chomsky : C'est tout à fait correct. Il n'y a jamais rien eu
de tel, et cela vaut aussi pour les États-Unis. Par exemple,
hier j'étais dans une manifestation dans le centre de Boston.
Ce n'est pas la première fois. La première fois fut au
cours d'une manifestation en octobre 1965 où je devais prendre
la parole. C'était quatre après le début des bombardements
du Sud-Vietnam par les États-Unis. La moitié du Sud-Vietnam
avait été détruite et la guerre s'était
étendue vers le Nord-Vietnam. La manifestation n'a pu avoir lieu
parce que nous avons été attaqués, principalement
par des étudiants, avec le soutien de la presse et des radios
libérales, qui dénonçaient ces gens qui osaient
protester contre une guerre américaine.
Mais cette fois-ci la protestation a été massive avant
même le début officiel de la guerre et une fois de plus
le jour du déclenchement, et sans contre-manifestations. La différence
est radicale. Et si ce n'était pas à cause de la peur
dont j'ai déjà parlé, il y aurait eu beaucoup plus
de manifestations.
Le gouvernement sait qu'il ne peut mener une agression longue et destructrice
comme au Vietnam parce que la population ne l'accepterait pas.
Il n'y à présent qu'une seule manière de mener
une guerre. D'abord, se choisir un ennemi beaucoup plus faible, sans
défense. Puis faire tourner la machine de propagande pour faire
croire qu'il est sur le point de nous agresser ou qu'il représente
une menace imminente. Ensuite, il faut un victoire rapide. Un document
important de la première administration Bush en 1989 décrivait
comment les États-Unis devaient mener une guerre. Il disait que
les États-Unis devaient combattre des ennemis bien plus faibles,
et que la victoire devait être rapide et décisive, parce
que le soutien du public pouvait faiblir. Nous ne sommes plus dans les
années 60 où les guerres pouvaient durer des années
sans la moindre opposition.
De bien des manières, le militantisme des années 60 et
des années suivantes ont changé le monde, y compris les
États-Unis, et l'ont rendu plus civilisé dans bien des
domaines.