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Le commissaire Chevénement ne manque pas d’air !


Le chef de la police et son conseiller, le sociologue, parlent, ils parlent même beaucoup, et plus ils parlent plus l’absence de débat devient assourdissante : la parole comme un voile obscur ! Est affirmé l’attachement au droit, à l’égalité, au respect des personnes, mais est légitimé le maintien de l’existant, l’aménagement de la répression au nom de l’efficacité et celui de la précarité au nom du droit au travail.

La surveillance généralisée et quotidienne est normale, en vivant on s’expose, disent-ils ! La comparaison avec les voyages en train induit que pour vivre on aurait besoin d’un ticket, d’un papier, un viatique en quelque sorte. En attendant, derrière la parole confusionniste on verrouille, on assoit l’ordre, celui des contrôle aux faciès, celui de l’administration tatillonne et abusive, celui de la xénophobie au pouvoir. Notre commissaire national est aveuglé par le modèle républicain, il ne voit pas le droit différentiel à l’oeuvre en France. Ses conseillers sont pourtant bien au courant de la situation, certains ont même écrit des livres pour condamner la loi Pasqua. Ils savent bien que les étrangers n’ont pas le droit de vote, qu’en matière d’acquisition de la nationalité française la loi n’est la même pour eux que pour les français dits “ de souche ”, que les droits sociaux sont différents selon que l’on soit national ou étranger, que le 35 bis ne s’appliquent que pour eux, que le droit au travail n’est pas le même, que la suspicion n’est seulement un mot, mais une pratique quotidienne qui nous échappe à nous les blancs.

Le nationalisme autoritaire conduit à une cécité étonnante, pendant que le commissaire Chevènement défend l’Etat-nation qu’en est-il du FN dans la police ? Comment va la délation administrative ? Quel est l’avenir du métissage quand les mariages mixtes sont suspects ? Qu’en est-il de la surveillance de toutes les personnes étrangères (ou identifiées comme telles au premier coup d’oeil) pour faire la part du bon grain de l’ivraie ? Que fait la Dicilec ? La chasse à l’immigré ou organise-t-elle la lutte contre l’emploi clandestin ? Si un jour elle va au Grand Stade osera-t-elle envisager de poursuivre les employeurs du BTP ? Quel est-il de l’avenir de l’intégration quand l’administration retire les cartes de dix ans aux personnes au chômage ou aux personnes n’ayant plus de logement ?

On ose nous avancer des arguments humanitaires pour justifier l’augmentation de la durée de la rétention. L’humanité se mesurerait avec une valise. C’est bien connu l’animal voyage sans bagages. Faudra-t-il que le ministère de l’Intérieur se dote d’une compagnie de fret pour transporter les affaires des personnes expulsées. Qui décide du volume “ affaires personnelles ” ? La personne aura-t-elle le droit d’emmener ses livres, ses meubles ? Si ce n’est pas le cas, notre commissaire reprend sans l’assumer ouvertement la très vieille idée des pauvres considérés comme des personnes sans foyers, des quasis nomades, des sans-patrie.

La notion “ d’expulsion avec humanité ” n’est pas utilisée comme une mauvaise plaisanterie par le digne successeur de Fouchet. Faudra-t-il que les forces de polices soient équipées de fusils munis de seringues hypodermiques pour éviter que les personnes ne se rebellent ? Il est temps de dégager des crédits pour les somnifères !

Le conseiller Weil et le commissaire Chevènement sont affirmatifs, on ne peut ouvrir les frontières à cause du chômage. Il faut préserver notre intérêt national, selon eux. Pour nous c’est un autre nom de la préférence nationale. La gauche affirme haut et fort condamner l’extrême droite, mais en se calant sur la droite, qui elle-même se cale sur Le Pen, c’est l’analyse du FN qui marque la situation. Alors qu’est-ce qui change entre la droite et la gauche ? Le discours, ici vous aurez droit à du rationnel, de l’efficace, de l’humanitaire, de la comparaison avec les autres pays d’Europe (sans donner les éléments réels de comparaison ni faire mention des velléités passées sur l’Europe sociale), on ne vous assène pas des attaques ouvertes de l’immigration, vous n’avez pas à faire à une volonté affichée d’immigration zéro. Weil remplace Barrault et tout continue, parce que le gouvernement ne revient pas en arrière sur la xénophobie au pouvoir, il l’aménage et la justifie autrement c’est tout !

L’ère des charters n’est pas finie, elle change de pilote avec Air Chevènement. Nous apprenons que dans le même temps la maison Kouchner loue des Pédalos à Tarifa et vends des cercueils à Gibraltar.

Philippe Coutant Nantes le 27/09/97


Cet article est paru dans la page Rebonds de Libération. La dernière phrase a été censurée. Critiquer Chevénement était possible à l'époque, rire de Kouchner comme symbole de l'humanitaire ne l'était pas.