Origine : http://rebellyon.info/article361.html
http://www.hns-info.net/article.php3?id_article=6130
Lettre à Gérard Collomb, Maire de Lyon, Président
du Grand-Lyon, aux membres du Conseil Municipal de la Ville de Lyon,
du Conseil de la Communauté Urbaine du Grand-Lyon, du Conseil
Général du département du Rhône, du Conseil
Régional de la région Rhône-Alpes
biovision ou biomyopie ?
En 1999, Ralph Hardy, ancien directeur des « sciences de
la vie » de DuPont expliquait ce qu’était le
vivant aux sénateurs états-uniens en des termes que
ces derniers pouvaient facilement comprendre : « L’ADN
(le top management) dirige le formation de l’ARN (l’encadrement
intermédiaire) qui dirige la formation des protéines
(les ouvrières) ». Au fond, la vie est une entreprise
capitaliste. Politicien lui aussi, Monsieur Barre, de plus économiste
et maire de Lyon, pouvait comprendre facilement ce langage. Il a
voulu faire de sa ville la capitale européenne des biotechnologies
en créant cette cérémonie coûteuse appelée
« Biovision ».
Il importe peu que M. Barre se soit trompé ou ait été
trompé. A force de se vouloir visionnaires, les politiciens
sont des proies faciles pour les spécialistes des relations
publiques dont la tâche est de les rendre aveugles et sourds.
Une immense propagande techno-scientifique s’emploie à
les désinformer au nom du “Progrès”, de
la compétitivité, de l’Emploi et réussit
d’autant plus facilement à les abuser qu’ils
ont eux-mêmes, bien imprudemment, mis la science et la technologie
au service des intérêts industriels et financiers,
sans même se soucier de conserver une expertise indépendante.
Mais entre la première célébration en 1998
de notre avenir biotech radieux, et la nouvelle cérémonie,
le paysage scientifique a si bien changé que ce qui pouvait
passer pour une anticipation visionnaire s’avère maintenant
comme une myopie gaspilleuse, qui ne se poursuit que parce qu’il
existe dans la ville de Lyon une bureaucratie dont l’intérêt
est de poursuivre cette chimère.
La découverte de la double hélice de l’ADN
en 1953 fait du décryptage du code génétique
LE grand problème auquel s’attaquent sans guère
de succès les scientifiques de toutes disciplines. En 1958,
Francis Crick, co-découvreur de la double hélice,
le simplifie avec deux hypothèses géniales qui ouvrent
la voie au succès : « l’hypothèse séquentielle
» - à un gène correspond une protéine
- , et le « dogme central de la biologie moléculaire
» - l’information génétique une fois passée
de l’ADN dans les protéines n’y revient pas.
Ce triomphe scientifique bouleverse la biologie. Tout d’abord,
ces hypothèses deviennent vraies puisqu’elles «
marchent ». Dans l’ADN se cache la connaissance ultime
du vivant. La vie procède de cette molécule magique,
comme une entreprise de son PDG.
Ensuite, la recherche se concentre logiquement sur les programmes
industriels de décryptage des génomes. Penser est
désormais inutile. La biologie devient une question de techniques,
de financement, d’organisation. Sa structure reflète
la conception du vivant à la Hardy avec son « top management
» d’entrepreneurs-directeurs de laboratoires, son encadrement
intermédiaire de chercheurs sous contrats et ses innombrables
petites mains précaires de doctorants. Ensuite encore, ces
hypothèses nourrisent la vieille conception cartésienne
du vivant comme « bête machine ». Elles ouvrent
la voie à son industrialisation. Il suffit de transférer
un gène pour introduire la fonction correspondante dans l’organisme
de son choix. Enfin, puisque le gène est une « matière
vivante » qui « fabrique une protéine »,
il devient possible de le breveter. Ce que les Etats-Unis entreprennent
dès 1980.
En 2000, le soi disant décryptage du génome humain
porte le coup de grâce à cette « doctrine de
l’ADN » : l’espèce humaine a trois à
dix fois plus de protéines que de gènes. En d’autres
termes, les biotechnologies n’ont plus de fondement scientifique.
Le vivant que l’on croyait simple apparaît maintenant
d’une complexité inouïe et des chercheurs ont
pu écrire, par exemple, que les « diagrammes de régulation
des gènes ressemblaient de plus en plus à des explosions
dans des usines de spaghetti. » Il n’est guère
étonnant que les promesses extravagantes ont été
autant d’échec que le complexe génético-industriel
masque par des promesses encore plus extravagantes.
Devant l’hôtel de ville de Lyon, soutien aux faucheurs
volontaires en procès le 13 avril à Orléans,
et refus du colloque "biopognon"
Dans ces conditions, une collectivité publique doit-elle
financer une opération de propagande pour des entreprises
pharmaceutiques :
qui dépensent trois fois plus d’argent en marketing
qu’en recherche (le tiers du chiffre d’affaire contre
12-15%) ?
dont la recherche est elle même dominée par le marketing
au point qu’elle est quasi-stérile et dépend
du pillage des résultats de la recherche publique ?
qui utilise l’aspect thérapeutique, argument souvent
avancé, n’étant en fait qu’un remède
du mal par le mal, au lieu de résoudre les problèmes
par une meilleure qualité de vie ?
qui condamne à mort des dizaines de millions de malades
dans le monde en les privant de médicaments essentiels au
nom de la défense des brevets ?
et dont le taux de profit est le plus élevé de tous
les secteurs industriels (environ 17 % du chiffre d’affaire,
alors que, par comparaison, le taux de profit de l’industrie
automobile est de l’ordre de 3%, en sachant que les automobiles
fonctionnent, ce qui n’est pas toujours le cas des médicaments)
?
Nous ne le pensons pas.
En conséquence, nous exigeons qu’aucun financement
public n’aille dorénavant à Biovision. Nous
suggérons que les collectivités publiques financent
à la place un comité indépendant destiné
à faire la lumière sur le fonctionnement d’une
industrie dont le seul mérite est d’assurer des revenus
et des dividendes obscènes à ses dirigeants et à
ses actionnaires aux dépens de l’intérêt
public.
Le Collectif du Festival des Résistances et des Alternatives
de Lyon 2005
Les groupes ou organisations qui désirent signer cette lettre
peuvent le faire ci-dessous un peu plus bas. Merci.
Publié dimanche 17 avril 2005
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