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DE L’ALIENATION DE L’INDIVIDU A LA REVOLUTION SOCIALE
(MINORITES ETCONTRE-CULTURE)


ANARCHISME
DE L’ALIENATION DE L’INDIVIDUA LA REVOLUTION SOCIALE
(MINORITES ETCONTRE-CULTURE)

Individuel et collectif

On entend beaucoup parlerd’étiquettes: les jeunes des cités,les homosexuel-le-s, les étranger-e-s, les français-es, etc… Il y a même aujourd’hui une montée de cesétiquettes. De même, les individus sont davantage considérés pour leur fonctionsociale que pour eux-mêmes. Ce fonctionnalisme nie l’individu, justifie la division de la société en classes, idéologise l’injustice, instaure la dictature par l’argent.
On range ainsi les êtres danstoutes sortes de catégories, de pseudo “identités collectives”. Or,elles sont de simples paramètres. Certes, ils existent, ont leur importance,mais chaque individu a surtout ses goûts, ses choix, son identité propre, individuelle, tributaire de très nombreusesréférences. De telles références nous servent à être un individu unique, et,par là même, à exister socialement. C’estpourquoi les catégories peuvent avoir leur raison d’être en fournissant parfoisdes références collectives, mais il faut surtout pouvoir les dépasser,considérer avant tout l’identitéindividuelle, l’individu.
L’individu est un être à lafois unique et social. Ainsi, nous avons toutes et tous, de façon latente ouépanouie, une originalité et une unicité individuelles, tout comme unedimension sociale. Trop d’individus sont victimes à cause de ces étiquettesd’un rejet gratuit. La bêtise ne veut voir que l’étiquette avant l’individu (par ex. l’étranger-e, sa prétendue différence, là où est avant tout un êtrehumain). Une société authentique
serait en revanche la plus ouverte possible sur toutes les différences, réellesou imaginaires, permettrait que se mêlent les contrastes et originalités, que se nouent les liens de l’humanité,que s’épanouissent les individus, les références propres, la libre interactionsociale.

Pour une autre société

L'opposition à la sociétéactuelle se justifie en considérant que chacun est important, et que chaqueindividu possède une dimension, une originalité
propre et inaliénable, le droit entier de conduire lui-même sespropres affaires. Or, qu’est-ce que l’individu dans notre société? Onlui prête une étiquette, on le range dans une catégorie, où c’est un rapportféodal de domination qui opère, en l’occurrence l’argent, et c’est cela qu’onappelle aujourd’hui “société”… Une telle société n’a guère desocial que la racine du mot. Elle nie profondément l’individuel et lecollectif.
Au lieu que la société puisseêtre un instrument, organisée par et au profit de l’ensemble de lapopulation et des individus, la société est constituée sur la base de ladomination de l’individu, de la coercition générale, au seul profit del’argent, au bénéfice de la seule classe des possédants et dirigeants.
La propriété morcellel’espace comme le temps: en effet, cette société esclavagiste récupère etexploite pour le profit marchand tout ce qui est disponible de temps etd’espace humains. Elle manipule les consciences. Elle tend à supprimer de plusen plus toute dimension véritablement sociale dans les rapports entre individus, ceci au seul bénéfice du profit marchand et du renforcement de sonpouvoir, de la division sociale et de l’exploitation économique.

Gérons nous-mêmes nos propres affaires

A chaque individu doit revenir le doit imprescriptible et inaliénable àune entière autonomie: s’épanouir librement, gérer soi-même etdirectement ses propres affaires, être maître de l’ensemble de sa vie, lasociété optimale étant la valeur ajoutée de toutes les libertés individuelles,le fédéralisme (organisation sociale de bas en haut), le communismeanarchiste: sans classe ni état.
Je tente, par cetteprécédente phrase, de définir ce en quoi j’adhère, et qui a nom l’anarchisme. Anarchistes oualternatif-ve-s, nous avons compris et vérifié, dans nos organisations et dansles luttes, qu’on peut très bien s’organiser sans chef, et que c’est alors lameilleure organisation sociale qui soit, la plus démocratique possible, et enmême temps celle qui donne les meilleurs résultats. L’histoire a, en outre,prouvé que la population a, ici ou là, pu abolirle pouvoir et prendre en main ses propres affaires, organiser sa propre gestionde façon intégrale: il y eut notamment la Commune (1871), l’Ukraine(19182919), Kronstadt (19172921), la Révolution espagnole (19362939), etdans une certaine mesure les barricades de 1968. Il y eut aussi toutes cesinnombrables expériences collectives, passées sous silence officiel, de gestiondirecte, de communisme anti-autoritaire, de contre-culture anarchiste. Cettelutte pour l’abolition des pouvoirs se poursuivra jusqu’à la victoire, tant quedes individus voudront exister socialement, tant qu’existera le double instinctde révolte et de fraternité universelle.

Réformisme ou révolution

Queer, j’aurais pu, commebeaucoup, aspirer seulement à ce que ma propre minorité bénéficie des mêmesdroits que la majorité. Une fois gagnée cette reconnaissance, ayant trouvé parelle mon bonheur illusoire au sein de la société de consommation, j’auraisalors sûrement fermé les yeux, avec beaucoup d’auto-satisfaction, sur le sortd’autres minorités moins chanceuses: sans-papiers, par exemple…
Ou bien, j’aurais pu choisirde me battre uniquement contre l’homophobie ou la transphobie, parce que despersonnes minoritaires luttent quelquefois sur le seul terrain de leuroppression spécifique. Je comprends ces luttes et ces causes, à la fois justeset indispensables, mais il est une montagne de causes qui dispersent nosforces, puisque il est une montagne d’iniquités et d’injustices.
En réalité, “rien de cequi est humain ne m’est étranger”. Je suis/nous sommes aliéné-e-s socialement par un ensembled’assujettissements: la domination hiérarchique ou économique, lenationalisme, assassinent rien qu’à eux d’innombrables personnes, enrégimententl’ensemble des populations, broient des peuples entiers. L’oppression est untout qu’on ne combat vraiment que globalement. C’est ce tout là dont la libertéindividuelle est ennemie.
Pendant qu’un progrès social,arraché de haute lutte, se réalise contre l’un des fronts de l’oppression, lepouvoir s’arrange pour faire reculer la liberté individuelle sur un autre front.Les droits qu’on obtient sont sans cesse remis en cause. En 20 ans, on a avancésur quelques points (par ex. quant à la liberté des mœurs ou sur quelquesaspects juridiques), on a aussi globalement reculé (protection socialeamoindrie, chômage, exploitation accrue, “fracture sociale”, montéedu nationalisme et de la xénophobie étatiques). L’oppression se transforme etse perpétue, quand elle ne se renforce pas.
Et comment la populationobtient-elle de tels droits? En manifestant elle-même directement etpubliquement sa colère; jamais par les élections, mais par la révolte sociale
(contre-propagande, manifestations autorisées mais souvent sauvages, grèves etoccupations expropriatrices et gestionnaires, etc…). Quant à elles, lesélections sont pour les politiciens un prétexte à ravir aux populations leursprérogatives pour les exploiter. Au lieu d’entretenir une inutile coterie de pontifes cannibales, c’est à chacun de décider directement de ses propresaffaires (gestion directe). S’il fautà l’occasion mandater quiconque, que ce mandat soit au moins contrôléintégralement par la base et en vue d’une tâche bien définie, et que ce mandatsoit révocable à tout moment par la base… cela empêchera le vol de la“démocratie” par une poignée d’imposteurs incontrôlés. C’est aussivalable pour la lutte sociale, toujours sujette à être récupérée par lespouvoirs.
Quant à l’éparpillement desluttes, il est bien sûr légitime (et parfois vital) de lutter sur le terrain deson oppression spécifique, mais la libération ne peut être que la fin de toutesles oppressions pour tous les individus. Si cette fin arrive, ce sera parfusion de toutes ces luttes dans la révolution sociale.
C’est évident, l’anarchismene peut être coupé d’aucune de ces luttes sociales. Il les justifie toutes, enrévèle la composante essentielle: l’aspiration à la liberté et au choix individuel. La dernière révolutionn’est pas pour demain. Et lorsque le réformisme et la révolution ont les mêmesbuts, il est vain de vouloir les opposer (à ceci près que le parlementarismen’est pas un réformisme: toute hiérarchie ne conduit à aucun progrès maisà la réaction).
Selon moi, toutes ces raisonsfont que l’anarchisme coupé des luttes concrètes risque d’être coupé desmasses, tandis que l’anarchisme qui se joint à elles doit le faireintelligemment, non pour se perdre soi-même dans le réformisme ambiant, mais ensolidarité active pour la révolution sociale.

Quand la base ne répond plus

Vis à vis de toutes lestentatives permanentes de contrôle social, la spontanéité vitale estsubversive; elle libère l’individu du carcan de la domination et de l’exploitation; elle permet à l’individu de rétablir sa dimensionindividuelle, et d’exister, d’être souverain de ses propres affaires. Larévolte est fête. (Et elle n’a pas nécessairement de programme prévu àl’avance: personnellement, je pense même que toute construction socialeauthentique est spontanée, en devenir; c’est une“dynamique”). Au contraire, cette société, elle, existe par lanégation de l'individu, en soumettant ce dernier à la plus puissancecoercition: la dépossession de sa liberté. Cette société estl’enterrement gigantesque de l’individu.

Coercition et sexualité

La répression sexuelle ou lafausse libération sexuelle imposée est aussi le moyen, pour tout pouvoir, de s'emparer de la sexualité dela victime pour prendre le contrôle de cette dernière. L’épanouissementindividuel ne saurait être prédéfini.Sur le plan de la sexualité, il peut inclure aussi bien des situations d’amour platonique, de relation amoureuse, que de sexualité purement physique, mais ilressortit du choix individuel, et non d’une soumission à des préceptes venant d’autrui.

le “traitement séquentiel de l’humanité”

L’interchangeabilité desêtres: une notion militaro-industrielle de la personne humaine.L’anonymat social: une mise en séquence de l’individu dans le CV, le formulaire à remplir, le portillon automatique de la ratp, etc.. La société demasse traite les individus comme s’ils étaient des unités rationnalisables,classables, voire interchangeables, indistinctes
en somme, touches grises d’une fresque totalitaire, comme de simples boîtes deconserve à l’infini, munies de leurs étiquetages. Les individus sont désormaisau service de la société, au lieu quece soit idéalement l’inverse. Ce qu’on peut appeler la “société du traitement séquentiel de l’individu” a anéantit une possible société authentiquepermettant que s’expérimentent collectivement les épanouissements individuels.
Filtrer les gens un maximum,voilà une nouvelle mode qui nous conduira à une société de sans-abris. Les“inclus” calquent leur comportement sur le cloisonnement général,se protègent en fermant les yeux, voire en cautionnant l’injustice et enadoptant l’élitisme, le bunker comme idéal.
Dans ce contexte, nousn’avons certes pas besoin de nous opposer sur la base de différences illusoires(telles que le racisme ou la justification des inégalités sociales), mais demettre fin au conformisme et à la coercition marchande ou étatique, et detisser des liens authentiquement humains, débarrassés des mensonges liés àl’argent, à la hiérarchie, au rejet de l’altérité, à l’utilisation des gens.
Le fric conçoit l'individusoit comme propriétaire, soit comme instrument. Il affirme culturellement lestandard contre la singularité, le conformisme et la soumission contrel’autonomie; il promeut l’élitisme du “sur-homme”.
Métro, boulot, dodo… l’individuest mis en cage dans les espaces thématiques qui jettent les personnes autourde critères exclusifs. L’être humain marchandise est mis en conserve,transporté et mangé. Ou bien, volontairement ou non, disposé, socialisé dans unplacard-ghetto. C’est le résultat de tout un monde: celui de l’inféodation del’individu aux intérêts soi-disant exemplaires de la masse, seule pourvoyeuseofficielle d’identité, de normalité, de “bonheur”.
Nous serons libres quandl’individualité sera pleinement reconnue, quand la différence, l’autonomie etl’entr’aide seront socialement naturelles, et les pouvoirs anéantis.

Survivre… socialement ou moralement?

L'aliénation sociale existe.Pour caricaturer sa méthode, elle veut réduire la vie de la majorité des individusà deux choix, ce dont le citoyen lambda a d’ailleurs parfaitementconscience:
1) le confort illusoire dansla soumission, l'obéissance, le déni de soi-même, dans le but de survivre àtout prix sans nécessairement se poser de question.
ou bien:
2) être en dehors du système,et donc, mises à part quelques exceptions, être socialement mort, ne bénéficierque d’une “liberté” illusoire, car sans aucun moyen, mais faite demille dangers, de besoins vitaux inassouvis, de pure désocialisation.
N’est-ce pas ainsi quefonctionne une dictature? C’estun choix impossible, contre quoi on est obligé-e, si l’on souhaite garder à lafois son intégrité morale et un minimum de confort, de repenser sans cesse sapropre démarche et ses actes…
Soumission morale ou suicidesocial, c'est ce dualisme imposé qui est à la base de la maladie de cettesociété de masse: ainsi, les comportements actuels de conformisme,d'exclusion sociale et de repli sur soi qu’on observe se révèlent égalementdans la montée des identités collectives (notamment le racisme) et de l’exploitation économique; les consciences manipulées sont malades desmurs que l’inégalité leur impose…
Pour la plupart d’entre nous,être intégré ou exclu est en réalité plus ou moins subir. Voici pour l’individu d’un côté le charnier de l’exclusionsociale, et de l’autre l’exploitation des travailleurs et des travailleuses, etpartout la vitrine médiatique, le sourire hostile du mensonge publicitaire, etl’omniprésence sanglante de l’uniforme, du garde-chiourme.
Tant que l’oppressionsubsiste, être vivant dans ses choix, c'est vouloir réagir contre un teldualisme imposé, contre toutes les divisions illusoires (c’est à dire pourl’abolition des classes, du racisme, du sexisme, de l’homophobie, deshiérarchies); c’est vouloir vivre autrement, acquérir contre toute fatalité voulue une conscience autonome. C’est, en outre, par ses actes qu’une telleconscience se traduit: elle signifie être concrètement solidaire contreles hiérarchies et injustices sociales.
Notre libération seral’abolition à la fois des murs et des hiérarchies.

L’acculturation est l’arme des pouvoirs

Les clergés ont formalisé laspiritualité pour leur fond de commerce, et les publicitaires et politiciensnous volent aujourd'hui la pensée et la culture.
Tout savoir qui est l’apanagedes élites ne peut que mentir plus ou moins. La culture ambiante dans sonensemble, ainsi détournée, devient suspecte, à juste titre, mais la penséetoute entière risque de le devenir à son tour… ce discrédit permet de perpétuerl’ignorance. C’est au contraire un autre savoir, authentique celui-là, quipermet la manifestation de la vérité: la révolution sociale, c’est unecontre-culture en train de se réaliser.
Un individu n’est pas qu’unamas quelconque de cellules vivantes, exploitable à merci, c’est l’individu, avec tout à la fois son unicité et son universalité. Toute construction sociale devrait n’avoir pour base
que la liberté des individus.
Cette dimension de l’Individuappelle ce combat anarchiste pour une société à la fois fraternelle, maismultiple, ouverte sur toute différence, et en cela universaliste. L'anarchismeest la confiance dans l'individu et dans la société authentique del'entr'aide; il est collectivement la mise en pratique de l'égalité.
Le langage de la fraternitéest élémentaire, mais pourtant plus aucun media à la solde ne semble s'yrisquer, par ex. au sujet des sans-papiers. Et c'est très grave que personne,au sein même des élites, ne les défende comme les individus et les êtreshumains qu’ils sont avant tout. Les politiciens, particulièrement la "gauche plurielle", les ont transformés en thème électoral etpurement utilisés jusqu’à vouloir lesbroyer. A travers le sort des sans-papiers, c'est l'humanisme le plus élémentaire qui est maintenantmenacé par la montée fasciste des “identités collectives” (en fait,des étiquettes racistes) qui tendent ainsi à réduire l’être humain au rôled’instrument social afin de renforcer la coercition.
Sortir d’un silence imposé Pour que chacunpuisse s’affranchir, il faut en premier lieu que chacun ait toute possibilitéde s’exprimer librement et personnellement, pouvoir ainsi se réapproprierl'autonomie de sa conscience. C’est sortir du silence imposé que pouvoir êtreassez libre jusque de ses approximations, parce que la réappropriation de sapropre autonomie est avant tout une dynamique: ce qui est important,c'est plus de parvenir à se poser honnêtement des questions, en débattre,pouvoir corriger ses erreurs, progresser, aiguiser son sens critique, que detrouver des réponses sur-mesure dans le rabachage d’un prêt-à-penser. La luciditéd’un individu ne commence pas dans l’apprentissage d’une doctrine ou d’unvocabulaire prédéfini, mais dans celle de l’objectivité, ce que seule uneobservation et une recherche personnelle peuvent découvrir, au prix d’uninévitable tâtonnement. Dans ces conditions, la lucidité d’un individu est naturellement toujours perfectible, mais sa propre pensée demeure d’abord sonexercice personnel, ce qui peut le mener le plus naturellement àl’autonomie; c’est alors quedevient nécessaire l’acquisition des connaissances d’autrui.

Conséquences de la négation de la dimension individuelle

l'être humain instrument. La domination(en l’occurrence par l’économique) se substitue à l’échange social véritable.Ce rapport de force (ici par l’argent) colonise, utilise, détourne toutl'espace et le temps humains pour les vider de leur dimension authentiquementcollective. La relation inégalitaire fait alors de l’individu le simple moyend’une fin (ce qui permet de sacrifier les individus à cette fin). La réalitémême des individus (leur bonheur) a été entièrement séparée des objectifs et du discours de la société. Celle-ci aacquis une finalité et une dimension propres, inhumaines, un caractèreartificiel sans rapport avec l'individu, comme la bourse n'a plus de rapportavec le travail réellement produit. L’actuelle “crise” (unerestructuration économique) aliène en fait davantage l’individu aux intérêts du Capital — elle élimine d’autant les rapports proprement humains: on voitcroître le cloisonnement social, lasolitude. La négation générale de l’individu par ce rapport de force, et lecloisonnement social qui en découle, favorisent de plus en plus les troublespsychologiques, notamment collectifs (les opiums des peuples ou les psychosesindividuelles). Lorsquel’individu devient instrument, la société se mue en jungle, la jungle encollection de clans, de fauves ou de victimes.
— une société imposée comme fin et non comme moyen
La“valeur” par excellence n'est plus celle de l’individu, mais desmécanismes de l'économie pour eux mêmes, et non en vertu du moyen qu'ils constituent en vue du bien êtrecollectif. On justifie donc un esclavage des individus par un genre d’argumentutilitariste (de type nationaliste économique: le stakhanovisme +l’austérité). La réalité que nous sommes
est ramenée par le haut à ces dogmesartificiels que sont le “développement”, le“peuplement”, la “démographie”, l’“économie”, la “rentabilité”, la“flexibilité”… comme si les humains étaient de pures abstractionssans dimension propre, modifiables comme on modifie le comportement d’unpantin. Il se crée ainsiune société de masse sans individus, la solitude au sein des foules, oùl’individu n’est plus lui-même mais un rouage jugé plus ou moins fonctionnel.
— le recul de l’humanisme
Tandis qu’elledétruit les moins forts, la dominationabolit l’espace social: elle engendre en effet ses clivages sociaux,ses “ruptures”, ses peurs de l’autre. Elle alimente alors une culture du repli sur soi. Les groupes seretranchent derrière leur sentiment d’appartenance, et à l’impression d’êtrevictimes des autres groupes, alors qu’ils sont en premier lieu victimes (à desdegrés divers) de la division inhérente au capitalisme. La destruction de lasociété (la société en tant qu’espace social) atomise l’individu, rigidifie laculture, prône ouvertement la défaite de l’humanisme. Montée des égoïsmes desurvie, fin des solidarités et de la contestation sociale, montée desantagonismes (racismes, etc…), et implosions psychologiques des plus faibles… Les identitéscollectives, le repli sur soi, et le discrédit savamment orchestré del'humanisme s'additionnent ainsi dans la montée des sectarismes, des nationalismes et des racismes. Un antifascismeprimaire pourrait n’être du racisme que l’image en miroir. L’ antifascisme proprement dit tendra à abolir toutesles haines qui scindent la société, aura comme objectif une véritablefraternité et la fin de tous les préjugés, de toutes les injustices sociales,le dépassement de tous les clans sociaux.
— la récupération de laspiritualité par les hiérarchies; l'illusion politique exploitant la partirrationnelle de l'humain.
Durant la nuit des temps, les humains ont enraciné leurs cultures dans le symbolisme, justifiéleurs coutumes sur la base de l’irrationnel. Et ils ont toujours plus ou moinsaspiré à un ailleurs qui leur prometteun salut. Ce langage irrationnel et cette aspiration trouble ont été exploités,détournés et récupérés par les clergés et les pouvoirs en place, au profit del’élitisme; le résultat est devenu les religions. Aujourd’hui,les pouvoirs politiques et économiques continuent d’utiliser la propensioninconsciente des humains au mode de pensée irrationnel pour manipuler les esprits. Grâce auxmythes de la “nation”, du “drapeau”, du“président”, de l’ “entreprise”, de l’“origine”, ou du “sexe” social, la propagande des élites utilise le symbolisme non dans un sens positif, pour rapprocher leshumains et faire que tout individu soit respecté et inclus dans la société,mais pour perpétuer la domination et les murs: les exclusions, lesexploitations, les hiérarchies, la soumission. La publicitécommerciale ou politique utilise amplement les images les plus archaïques descultures humaines. Par exemple,l'idée archaïque de renouvellement des pulsions de vie (le réveil de la nature): “génération mitterrand” se déclare le renouveau mais afin de canaliser cettepulsion en masse et pour un chef,alors que le slogan spontané de 68 dit: “jouir, saillir, sourdre” contre lecontexte social. Dans le même registrede recyclage du religieux, il y a aussi le marxisme, qui imite la civilisationcapitaliste par sa vision irrationnelle du futur, fonctionnelle de l'économie,et par le maintien, dans la “dictature du prolétariat”, del'individu au rang d'instrument (au rang de simple moyen de la société de masseaux mains d’une élite). La montée dessectes représente quant à elle sans doute le besoin inassouvi de dimensionautre dans le quotidien, et ce, de la part d'individus auxquels on n'a jamaisappris à penser de façon autonome ni permis de se réaliser soi-mêmesocialement. Par ailleurs,le fascisme tente de faire main basse, avec son “paganisme”, sur la partirrationnelle de la mentalité humaine mais afin d'exalter l'antagonisme racial (ou encore, contreles peuples soi-disant déracinés, le terroir
et son fantasme paranoïaque d’enracinement). Mais dans detels exemples, qu’y a-t-il d’honnêtement “spirituel”? Lesimages irrationnelles ainsi véhiculées le sont par les pouvoirs et leurs épigones, au seul profit des mythes hiérarchiques, nationalistes ouéconomiques, au détriment extrême de l’autonomie et du respect des individus. L’irrationneln’en constitue pas moins une armedangereuse : dans tous les cas de manipulations qu’on constate partout, unemalheureuse tendance humaine au ‘symbolisme’ — tendance qui, en soi, eût puêtre relativement contrebalancée — est récupérée par et pour des élites, estutilisée pour le maintien ou le renforcement de l'aliénation sociale del'individu. L’individu est alors hautement manipulé à son insu (et en définitive, par son point le plus faible:
l’inconscient).
— la hiérarchie dans lamétaphysique
Au lieu dedévelopper longuement sur ceci, je laisse soin à chacune et à chacun de méditerl’anathème suivant, jeté par l’Eglise dans l’antiquité: “Si quelqu’un dit que l’essence ou la substance deDieu ou des choses est une et la même, qu’il soit anathème.” (Conc.Vatican, Canones, I, 3, ES, 1802). Hiérarchie, jet’y prends! Tu as développé tes putrides surplombs, non seulement sousforme de despotes royaux, mais aussi de souverains imaginaires… Monarchiques etélitaires, tes créations et tes paradis ne sont encore que les moyens de nousdétourner de ceux qui sont à la portée… de nos révolutions.
“Notre chemin deviendra une longue marche vers lafraternité” (1968) Pour conclure,je considère personnellement que tout ce qui défend l’Idéal d’égalité socialeet d’originalité de chaque individu, de coexistence et d’ouverture maximale surles différences, est porteur d’une même contre-cultureauthentique. Dans celle-ci, chaque individu est respecté et valorisé par tousles autres dans son originalité unique, dans sa prise de parole, dans la priseen main intégrale par lui même de ses propres affaires, grâce à une pleineégalité sociale. Encore unefois, ce qui compte, c’est notre libération sociale à toutes et tous, et la findes hiérarchies et des inégalités, à la fois dans notre perception globale dumonde, dans nos objectifs, dans nos pratiques concrètes. Et c’est parceque l’oppression est à la fois une et multiple que la contre-culture l’estaussi. Le discoursdominant est détenu par une élite, formée dans un moule, et à la solde despuissants. Il vise à empêcher les populations de développer leur propre culturelibératoire. Tout ce qui touche à la pensée devient ainsi suspect, à justetitre. Pourtant, aucune libération n’est envisageable sans une définition desobjectifs et méthodes en vue de construire une autre société. Bref, lacontre-culture n’est ni le savoir en cours,ni l’absence de savoir. Il y a une rupture profonde (et non pas une simple “révolte” formelle etmarchande) à trouver contre la pensée dominante, contre toutes entraves à ladifférence personnelle et l’égalité collective. Exploité-e-s etordonné-e-s, contrôlé-e-s socialement, manipulé-e-s par les médiats, menacé-e-sde chantage à l’emploi, et parfois exclu-e-s de tout droit, victimes desrépressions, privé-e-s, en un mot, d’une dignité essentielle, celle d’êtrelibres et solidaires, qu’attendons-nous pour prendre en main, directement,révolutionnairement, nos propres affaires? Du sans-logis au salarié,c’est, en somme, une même classe qui, à des degrés divers, subit quotidiennement la même coercition sociale, la même destruction de l’humain, lamême dépossession de soi qu’on nomme aliénationsociale. On peut collectivement imaginer et commencer de pratiquer leprojet d’une civilisation sans hiérarchie, axée sur la liberté, laresponsabilité, la participation pleines et entières de tous les individus,bref: sur le fédéralisme et le communisme anarchiste. C’est également leprojet d’une contre-culture anarchiste, multiforme, libertaire au sens large,active, à la fois la plus ouverte possible et consciente de son unité. Ce sontenfin des comportements concrets de résistance à l’autorité, qui restaurent uneindispensable solidarité avec les luttes spécifiques. Pour que, demain et dèsaujourd’hui, vive la révolution sociale.

Olivier Manfredi


Tract de la Fédération Anarchiste
pour la Lesbian et Gay Pride 2000
GAY PRIDE...
Un jour par an nous est donnépour nous embrasser dans la rue, inverser l'ordre des choses et, pour unmoment, dehors, être les plus nombreux. Un jour par an , nous nous montrons auxbraves gens, nous prenons de force la possibilité d'être nous-mêmes, nous nousrevendiquons, comme personnes et comme communauté. Avec, dans une certainemesure, quelque part derrière la tête, l'idée de présenter une alternative à lavie "straight".
C'estdu moins la version officielle et militante des choses; mais au-delà...

Drôlede manifestation, bariolée, éclectique, sans slogan ni revendication- du moinsprécise, sans volonté politique, juste se montrer; et encore, montrer quoi, unesurface clinquante, mensongère. Le jour de la Gay Pride, nous nous grimons pourfaire bonne mesure. Nier sa misère, l'étourdir de disco. Le jour de la GayPride est le jour où on se ment à soi-même et aux autres encore plus qued'habitude. Le jour où le monde extérieur n'a plus besoin de nier notre souffrance: nous le faisons nous-mêmes. C'est donc cela la fierté gay ?
Moiqui ai quitté le ghetto homosexuel (pour un autre: le ghetto squat), il y alongtemps que je n'avais pas eu
autant l'impression d'être l'enjeu d'un commerce... A croire que lesluttes pour la possibilité d'exister tel(le) que l'on est passent désormais parla fructification des comptes en banque des capitalistes gay.
* * *
Parleurs luttes, nos grands frères et sœurs nous ont obtenu des"droits". Et comme de juste, dans l'interstice de permissivitéaccordé par l'Etat, des modes de vie ont fleuri. Il y en a eu pour tous lesgoûts. Mais que ces façons de vivre se soient construites en réaction à uneoppression quotidienne et qu'elles se situent en marge de la normalité socialen'implique malheureusement pas qu'elles soient moins aliénantes ni même pluslibres.
Ily avait pourtant parmi nous leprojet plus ou moins théorisé d'inventer d'autres modes de vie, d'autresrapports avec les autres, mais ça n'a jamais été très loin, pourquoi ?
Parceque nous envisagions cela non comme un but à atteindre, mais comme unaboutissement naturel. Contre les hétéros qui nous crachaient dessus, il étaitconfortable de penser que nous étions forcément mieux, que nous tenions ennous-même, comme par essence, la fin de l'aliénation. Nous avons pensé qu'ilsuffisait de se libérer des hétéros, et que le reste découleraitobligatoirement. Position intellectuelle qui avait l'avantage d'éviter de semettre soi-même en question comme individu. Pour une entreprise de libération,c'était déjà mal parti...
Maissurtout parce que, et ce, tant auniveau des groupes que des individus, on a, d'une manière générale, refuser deparler, de théoriser notre souffrance intime, préférant, en croyant ainsi yéchapper, la nier ou la renvoyer au domaine du privé. Si bien que ce qui nousa, à nous, finalement échappé, c'est la possibilité de l'assumer pour laretourner en un outil de notre lutte, et la possibilité de s'en saisir pours'en débarrasser absolument.
Lesconséquences de cette trouille de soi-même ont été importantes. La plusimmédiate a été de limiter notre champ revendicatif à la sexualité, et dans sonsens le plus étroit (grosso modo: "avec qui je couche"). Cela nous aainsi fait passer à côté d'une critique plus générale, plus politique del'oppression de l'individu, critique qui, soit dit en passant, si elle avaitexisté aurait, parce qu'elle aurait parlé concrètement de souffrance,d'aspiration au plaisir, au bonheur, porté une contradiction bénéfique à noshabituels révolutionnaires genre cause-du-peuple-sans-lui-demander-son-avis...Mais passons... Car le résultat -logique- de tout cela a été de faire tomber lalutte dans le domaine du droit (Mais quel est ce monde où on demande le"droit" pour aimer ?) et de l'intégration. Dès lors, il ne s'agit plusde contester une société qui nous nie (et pas que nous d'ailleurs), mais de s'ytailler une petite place, en reprenant à son compte les moyens et les valeursqui sont ceux de cette société.
Voicicomment on en arrive au "mariage gay", ou comment on a laissé le terrainde nos modes de vie à l'initiative capitaliste, dont le but n'est pas de fairevivre l'idée d'une libération de l'humain, mais seulement de prospérer pour sonpropre compte, sur le dos des gens.
Caril est clair que notre libération comme êtres (c'est-à-dire: un peu plus que le"droit" de coucher avec qui on veut) ne peut pas passer par cet espace de consumérisme effréné, de soumission aux modes, aux apparences, deconfort moral payé au prix de notre confinement dans le ghetto. Le capitalisme gay et la consommation sont au contraire le plus sûr moyen de nous fairerentrer dans les rangs.
J'affirmepour ma part que l'identité homosexuelle ne tient pas à des pratiquessexuelles, mais seulement à cette part de souffrance qui résulte nécessairementdes mutilations émotionnelles et sensibles qui nous sont infligées. Et sid'ailleurs on a passé vingt ans à courir après une hypothétique communautéhomosexuelle pour ne trouver finalement qu'un ghetto, ceci vient sûrement decela...
Maisaujourd'hui on ne dit plus "ghetto", on dit "village". Celapermet d'évacuer allègrement la conscience que ce mot impliquait. Toujourscette même honte de soi, ce même reniement.
Ghetto,j'en dis du mal... Ghetto pourtant si nécessaire, parfois, pour ne pas seflinguer. Mais doit-on pour autant s'oublier ?
* * *
Ceque nous avons en commun c'est d'être, à des degrés divers, des sinistrés.Privés de nous-mêmes, traqués, trompés sur notre propre compte, niés, éclatés,défigurés, meurtris. Plutôt que d'aléatoires "droits", ce qu'il nousfaut reconquérir et peut-être construire c'est nous-mêmes, comme êtres pleins,et entiers, et libres.
Et c'est en fait une sorte de chance, unechance à rebours que nous avons, de ne pas entrer dans le cadre de la normalitéhétéro, de n'avoir, quoi qu'on en dise, pas d'autre passé que celui de notrenégation, pas de culture sauf récente. Cela nous rend possible une critiqueradicale et sans concessions d'un monde où certes nous n'avons pas notre place,mais où celle imposée aux hétéros (et des deux sexes) n'est peut-être pas sienviable.
Echappantà la famille, "ciment social", (comprendre: cellule minimale del'Etat, lieu d'oppression première des individus), dépourvus d'utilité reproductrice (non, nous ne serons jamais des "prolétaires"...) etdes obligations qui lui sont liées, nous échappons par tous les bouts ausystème social. Mieux, nous le mettons en danger: notre sexualité toujourspotentiellement réciproque, c'est-à-dire mieux comprise, socialement inutiledonc ouvertement tournée vers le plaisir comme fin en soi, notre incontournableégalité à priori entre nous, et, si nous étions logiques, cet au-delà du taboubien-pensant, cette désuétude du couple traditionnel, font de nous descontestations vivantes des dogmes sociaux. De même, ces femmes échappant auxhommes, forcément autonomes, vivant d'elles-mêmes et pour elles-mêmes, ceshommes échappant à leur rôle, en porte-à-faux par rapport à la virilité, cetteandrogynie qui guette, cette peut-être un jour possible égalité entre les sexes,minent l'ordre social dans ses fondations.
Cet hors-norme qui d'emblée nouscaractérise est aussi une ouverture vers tous les possibles humains. C'est uneliberté en puissance, et la construire est un travail sans fin.
Pourtant,au lieu de tenter le tout pour vivre, mais vivre vraiment, aujourd'hui on setrouve en train de pleurer pour obtenir des "droits" comme ceux deshétéros, ces droits qui ne sont rien d'autre que le droit de se faire menerpaître...
KRISTEL QUESTIONNAIRE
A la recherche de points de vue libertairEs sur les questions de genre
Cela paraissait simple à certainEs (l'égalité entrefemmes et hommes, entre homos, bis, hétéros etc.) et pourtant les questions degenre ne sont pas résolues. Parce que les dominants ne sont pas prêts àabandonner leurs privilèges, et aussi parce qu'un certain nombre de questionssubsistent, parce que les débats sur ces questions ont souvent fait place àd'autres "priorités".
Il nous paraît donc utile de reposer ces questions,et de collecter des réponses, non pour en déduire une synthèse, la positionofficielle de l'anarchisme, mais pour échanger des points de vue et enrichirnos cultures. Nous avons formalisé un certain nombre de questions, avecquelques phrases à titre d'illustration (appelées phrasettes) pour lancer desdébats. Vos réponses, dont nous vous remercions par avance, peuvent bienentendu sortir de ce cadre, et faire apparaître d'autres questions.
1 doit-il yavoir des priorités dans le mouvement anarchiste et si oui, les thèmes"classiques" (anticapitalisme, antimilitarisme,...) sont-ils prioritaires sur les questions de genre (féminisme, anti-homophobie,...) ?
phrasette 1
La révolution et l'intérêt collectif (la lutte de classes, l'antimilitarisme, la lutte des sans papiers, l'environnement, etc.) doivent passer avant les problèmes d'ordre privé, que chacunE peut résoudre individuellement.
phrasette 2
Le privé est politique. Le patriarcat, système de subordination des femmes aux hommes, est un système de domination aussi puissant que le système capitaliste et doit être combattu avec la même force, de manière collective.
phrasette 3
"Par rapport au mouvement des femmes, les organisations révolutionnaires sont dans une position défensive. Elles n'avancent que parce qu'elles sont poussées". (Christine Delphy, l'ennemi principal, 1970-78).
phrasette 4
"Le révolutionnaire prolétarien devrait donc se convaincre, ou être convaincu, que l'émancipation de l'homosexuel, même s'il ne s'y voit pas directement impliqué, le concerne au même degré, entre autres, que celle de la femme et celle de l'homme de couleur. De son côté, l'homosexuel devrait saisir que sa libération ne saurait être totale et irréversible que si elle s'effectue dans le cadre de la révolution sociale, en un mot que si l'espèce humaine parvient, non seulement à libéraliser les moeurs, mais bien davantage, à changer la vie". (Daniel Guérin, homosexualité et révolution, 1983)
2 Suffit-il dese libérer pour être libre sexuellement ?
phrasette 1
"Ce qui fait le grand intérêt des luttes de libération sexuelle, quelle que soit l'allure réformiste qu'elles aient pu prendre parfois, c'est qu'elles contestaient la norme, les normes en vigueur dans la vie quotidienne de chacun et posaient le problème de la déviance.(...) Toute lutte touchant la vie sexuelle peut aider à débloquer l'adhésion aux rôles sexuels traditionnels et interrompre la reproduction de la morale autoritaire et conservatrice." (Georges Falconnet, avril 77, cité dans Q comme Queer, Marie-Hélène Bourcier et al., 1998).
phrasette 2
"J'ai toujours été un peu méfiant à l'égard du thème général de la libération (...) Je ne veux pas dire que la libération ou telle ou telle forme de libération n'existent pas : quand un peuple colonisé cherche à se libérer de son colonisateur, c'est bien une pratique de libération, au sens strict. Mais on sait bien (...) que cette pratique de libération ne suffit pas à définir les pratiques de liberté qui seront ensuite nécessaires pour ce peuple (...) C'est pourquoi j'insiste plutôt sur les pratiques de liberté que sur les processus de libération, qui, encore une fois, ont leur place mais ne me paraissent pas pouvoir, à eux seuls, définir toutes les formes pratiques de liberté. Il s'agit là du problème que j'ai rencontré très précisément à propos de la sexualité : est-ce que cela a un sens de dire "libérons notre sexualité" ? Est-ce que le problème n'est pas plutôt d'essayer de définir les pratiques de liberté par lesquelles on pourrait définir ce qu'est le plaisir sexuel, les rapports érotiques, amoureux, passionnels avec les autres ?" (Michel Foucault, Dits et écrits, ed. 1994).
3 Y a-t-il des liensentre la sexualité et l'émancipation sociale ?
phrasette 1
"La sexualité offre une des possibilités de satisfaction et de bonheur les plus fortes et les plus élémentaires. Si ces possibilités étaient autorisées dans les limites fixées par les besoins d'un développement productif de la personnalité plutôt que par le besoin de la domination des masses, la seule réalisation de cette possibilité de bonheur fondamental conduirait nécessairement à une augmentation des revendications pour la satisfaction et le bonheur dans les autres domaines de l'existence humaine. L'aboutissement de cette revendication exige que l'on dispose des moyens matériels nécessaires à sa satisfaction et provoquerait à cause de cela l'explosion de l'ordre social régnant" (Erich Fromm, Revue de la recherche en sciences sociales, 1934)
phrasette 2
"Il y a tout un biologisme de la sexualité et par conséquent toute une prise possible par les médecins et par les psychologues, bref par les instances de normalisation. Nous avons au dessus de nous des médecins, des pédagogues, des législateurs, des adultes, des parents qui parlent de sexualité. Il ne suffit pas de libérer la sexualité, il faut aussi se libérer de la notion même de sexualité". (Michel Foucault, le gai savoir, 1978)
4 La sexualitéest-elle naturelle ou construite socialement ?
phrasette 1
La répression sexuelle contribue à rendre les individus obéissants, en particulier la sensibilité religieuse dérive d'une sexualité inhibée, et l'excitation sexuelle inhibée est la source de l'excitation mystique. "Une prise de conscience lucide de la sexualité et une organisation naturelle de la vie sexuelle sonneraient le glas de la sensibilité mystique sous toutes ses formes" (W. Reich, psychologie de masse du fascisme, 1933).
phrasette 2
"Il ne faut pas la concevoir [la sexualité] comme une sorte de donnée de nature que le pouvoir essaierait de mater, ou comme un domaine obscur que le savoir tenterait, peu à peu, de dévoiler". (M. Foucault, La volonté de savoir, 1976). "En conceptualisant la sexualité comme un dispositif dont le fonctionnement peut être analysé -plutôt que comme une chose réelle dont la nature pourrait être connue- c'est à dire en traitant la sexualité comme l'instrument et l'effet d'une série de stratégies politiques et discursives, Foucault fait passer le sexe du domaine du fantasme individuel au domaine du pouvoir social et du savoir." (D. Halperin, Saint Foucault, 1995).
phrasette 3
"Les prohibitions produisent une identité selon les schémas culturellement intelligibles d'une hétérosexualité idéalisée et obligatoire" (Judith Buttler, Gender Trouble, 1990).
5 Les rôles de genresont-ils naturels ou construits socialement ?
phrasette 1
Une position essentialiste : "Etant une femme incomplète, l'homme passe sa vie à essayer de s'accomplir, de devenir femme. Il essaie de faire cela en recherchant constamment la compagnie des femmes, en fraternisant avec elles, en essayant de vivre à travers elles et de fusionner avec elles, et en s'appropriant toutes les caractéristiques des femmes -la force émotionnelle et l'indépendance, la vigueur, le dynamisme, la faculté de décision, le calme, l'objectivité, l'autorité, le courage, l'intégrité, la vitalité, l'intensité, la profondeur de caractère, la génialité etc.- et en projetant sur les femmes tous les traits masculins -la vanité, la frivolité, la trivialité, la faiblesse, etc. Il faut dire cependant que l'homme est supérieur à la femme sur un point -les relations publiques. (Il a fait un travail brillant en convaincant des millions de femmes que les hommes sont des femmes et que les femmes sont des hommes)." (Valérie Solanas, Scum Manifesto, 1967).
phrasette 2
On peut distinguer le sexe, biologique, et le genre, socialement construit d'après les règles non dites des cultures patriarcales. "On ne naît pas femme, on le devient" (Simone de Beauvoir, le deuxième sexe).
phrasette 3
Les attributs du genre ne sont pas l'expression d'une identité pré-existante, mais résultent d'une suite répétée d'actes théâtraux (performances). "Que la réalité du genre soit créée à travers des performances encouragées par la société signifie que les notions mêmes d'une essence du sexe et d'une masculinité et d'une féminité véritable et immuable sont aussi constituées comme une partie de la stratégie qui dissimule le caractère performatif du genre et les possibilités performatives de faire proliférer des configurations de genre en dehors des cadres de la domination masculine et de l'hétérosexualité obligatoire". (Judith Buttler, Gender trouble).
6 L'idéelibertaire que l'individu puisse être maître de ses affaires s'applique-t-elleà la sexualité, jusqu'à pouvoir transformer son genre social, ses désirs, sasexualité ?
7 Pouvez-vousconcevoir qu'une relation sexuelle entre un humain et un animal puisse êtremutuellement profitable, socialement acceptable ?
8 lapsychanalyse ou d'autres techniques de connaissance de soi peuvent-elles nousaider à être maîtres de nos propres affaires ?
phrasette 1
Je vois la psychothérapie comme une analyse et déconstruction de tes mécanismes intérieurs afin d'apprendre de nouvelles techniques de vie qui te rendent capable de vivre de façon plus indépendante, libre, heureuse et stable. (Léo Vidal, extrait de "au delà du personnel", 1997).
phrasette 2
"Le mythe du roi Oedipe, qui tue son père et prend sa mère pour femme est une manifestation peu modifiée du désir infantile contre lequel se dresse plus tard, pour le repousser, la barrière de l'inceste". (Freud, 5 leçons sur la psychanalyse, 1904).
phrasette 3
"En postulant une bisexualité originelle de l'enfant, il n'y a pas de raison de nier un amour sexuel originel du fils pour son père, et pourtant c'est ce que fait Freud implicitement. (...) La résolution du complexe d'Oedipe affecte l'identification de genre non seulement par le tabou de l'inceste, mais auparavant par le tabou contre l'homosexualité" (Judith Buttler, Gendre trouble).
9 l'homophobieest-elle plutôt liée à des facteurs psychologiques ou politiques, est-elle un élémentde la construction hétérosexuelle ?
phrasette 1
"Vous qui voulez la révolution, vous avez voulu nous imposer votre répression. Vous combattiez pour les noirs et vous traitiez les flics d'enculés, comme s'il n'existait pas de pire injure." "Vous êtes individuellement responsable de l'ignoble mutilation que vous nous avez fait subir en nous reprochant notre désir" (Front homosexuel d'action révolutionnaire, adresse à ceux qui se croient "normaux", 1971)
phrasette 2
"L'homophobie étant une réaction provoquée par la peur de l'autre en soi, l'homophobie au masculin est une attitude engendrée par la peur (ou la hantise) qu'ont les hommes de retrouver en eux tout ce qui peut ressembler à l'Autre, c'est à dire à la femme. " (Daniel Welzer-Lang, La peur de l'autre en soi, 1994)
phrasette 3
"L'approche anti-psychanalytique de Foucault rend possible et nécessaire d'aborder l'homophobie comme un problème politique et non psychologique. Elle implique que les causes de l'homophobie ne doivent pas être cherchées dans la vie psychique, dans le fantasme ou dans les aléas du développement humain, mais plutôt, comme le résume Léo Bersani (d'une manière assez sceptique), dans : "une anxiété de nature politique à l'idée des reconfigurations subversives et même révolutionnaires du social que les gays seraient en train de fomenter (...), une angoisse plus profonde vis à vis de ce que représente le mode de vie gay : une menace pour les rapports que les gens sont normalement censés avoir les uns avec les autres, autrement dit une mise en question des dispositifs de pouvoir et de la manière dont il s'exerce dans notre société" (Léo Bersani, Homos, repenser l'identité, 1998)."(David Halperin, Saint Foucault)
10 leslibertaires peuvent-ils combattre l'homophobie et si oui, comment ?
11 dans laconstruction des pratiques de liberté, l'individu devrait-il mettre l'accentsur le désir, le plaisir, les 2 ?
phrasette 1
"Contraitement au désir, qui exprime l'individualité, l'histoire et l'identité du sujet en tant que sujet, le plaisir est impersonnel ; il désubjectivise : il fait voler en éclats l'identité, la subjectivité, et dissout le sujet, même si ce n'est que très provisoirement, dans le continuum sensoriel du corps et dans le rêve inconscient de l'esprit." (David Halperin, Saint Foucault)
phrasette 2
"(...) est-ce qu'on n'a pas là, en essayant un peu de réfléchir sur cette notion de plaisir, un moyen d'éviter toute l'armature psychologique et médicale que la notion traditionnelle de désir portait en elle ?" (Michel Foucault, le gai savoir)
12 les anarsdevraient-ils demander l'égalité entre homos et hétéros, notamment au niveaudes droits (mariage, adoption,...) ?
phrasette 1
"Homos, hétéros, droits égaux" (slogan de la commission homosexualité de la ligue communiste révolutionnaire, 2000)
phrasette 2
"L'égalité est un principe juridique (...) que l'on accorde, sous forme de droits légaux, aux peuples colonisés ; et qu'on leur impose comme culture (...). La différence est un principe existentiel qui concerne la manière d'être humain, la particularité des expériences, des buts et des possibilités de chacun, mais aussi le sens qu'on a de son existence dans la situation présente ou dans d'autres situations qu'on peut envisager". (Teresa de Lauretis, L'essence du triangle ou prendre au sérieux le risque de l'essentialisme, théorie féministe en Italie, aux USA et en Grande Bretagne, 1989)
phrasette 3
"Nous nous situons politiquement comme anti-assimilationnistes, c'est à dire que nous ne sommes pas d'accord pour réclamer une intégration dans la société qui sous-entendrait : nous sommes comme tout le monde, nous ne devons pas être traités différemment et donc nous avons les mêmes droits... Le problème avec les revendications de la Lesbian & gay pride en général, c'est qu'il s'agit d'hétérosexualiser les pédés et les gouines : la belle affaire..." (Zoo, Q comme Queer)
13 la tendancequeer -individus refusant de s'enfermer dans une identité sexuelle (homo,hétéro, bi,...)- vous semble-t-elle libératrice ?
phrasette 1
Ces branchés sexuels très "tendance", qui aiment à se définir comme queer, dans le glamour d'une absence de spécificité sexuelle, contribuent à opprimer les lesbiennes, les gays et les femmes sous de nouvelles formes, toujours plus incidieuses.
phrasette 2
"Même si le terme queer, comme garantie toujours changeante de la non-assimilation, peut refléter une certaine aspiration bourgeoise à être toujours à la mode, ses attaques vigoureuses et tous azimuts contre l'identité créent (...) une zone de possibilités dans laquelle on pourrait faire l'expérience de nouvelles formes de subjectivité". (Lee Edelman, The fall of the west, 1992)
phrasette 3
Le mot "punk" désigne aux USA un prisonnier contraint à une relation homosexuelle passive. Un mouvement culturel et musical a adopté ce terme à la fin des années 70, en rupture avec la société dominante, avec une attitude de révolte libertaire. Des lesbiennes et des gays ont pris part à ce mouvement, en formant la scène "homocore". Lorsque la mode queer est apparue, certainEs se sont demandé si l'objectif des majors (principales maisons de disques) n'était pas d'orienter la jeunesse vers des courants moins marginaux, à la fois politiquement (on assiste à une récupération commerciale, le queer étant un label vendable) et sexuellement (des hétéros mariés se sont déjà revendiqués queer sans problème). A qui profite le queer ?
14"Etes-vous un homme/une femme", qu'est-ce que cette questiongénérique figurant sur tous les questionnaires de recensement, de sondage etc. évoque pour vous :
- en terme de repèreindividuel (peut-on se revendiquer homme ou femme),
- dans lanégation éventuelle de l'individu par des identités collectives,
- par rapportau recensement comme forme de contrôle et de manipulation sociale ?
15 Quel estvotre avis sur ce questionnaire (ou sur les questionnaires en général) ?
16 Quels sontles buts de votre mouvement/groupe/projet (s'ils existent) ?
Merci d'envoyervotre réponse à l'adresse suivante :


Androzine
BP 83
75222 ParisCedex 05
ou par courriel : androzine@hotmail.com


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