ANARCHISME
DE LALIENATION DE LINDIVIDUA LA REVOLUTION SOCIALE
(MINORITES ETCONTRE-CULTURE)
Individuel et collectif
On entend beaucoup parlerdétiquettes: les jeunes des cités,les
homosexuel-le-s, les étranger-e-s, les français-es, etc
Il y a même aujourdhui une montée de cesétiquettes.
De même, les individus sont davantage considérés
pour leur fonctionsociale que pour eux-mêmes. Ce fonctionnalisme
nie lindividu, justifie la division de la société
en classes, idéologise linjustice, instaure la dictature
par largent.
On range ainsi les êtres danstoutes sortes de catégories,
de pseudo identités collectives. Or,elles sont de
simples paramètres. Certes, ils existent, ont leur importance,mais
chaque individu a surtout ses goûts, ses choix, son identité
propre, individuelle, tributaire de très nombreusesréférences.
De telles références nous servent à être
un individu unique, et,par là même, à exister socialement.
Cestpourquoi les catégories peuvent avoir leur raison dêtre
en fournissant parfoisdes références collectives, mais
il faut surtout pouvoir les dépasser,considérer avant
tout lidentitéindividuelle, lindividu.
Lindividu est un être à lafois unique et social.
Ainsi, nous avons toutes et tous, de façon latente ouépanouie,
une originalité et une unicité individuelles, tout comme
unedimension sociale. Trop dindividus sont victimes à cause
de ces étiquettesdun rejet gratuit. La bêtise ne
veut voir que létiquette avant lindividu (par ex.
létranger-e, sa prétendue différence, là
où est avant tout un êtrehumain). Une société
authentique
serait en revanche la plus ouverte possible sur toutes les différences,
réellesou imaginaires, permettrait que se mêlent les contrastes
et originalités, que se nouent les liens de lhumanité,que
sépanouissent les individus, les références
propres, la libre interactionsociale.
Pour une autre société
L'opposition à la sociétéactuelle se justifie en
considérant que chacun est important, et que chaqueindividu possède
une dimension, une originalité
propre et inaliénable, le droit entier de conduire lui-même
sespropres affaires. Or, quest-ce que lindividu dans notre
société? Onlui prête une étiquette, on le
range dans une catégorie, où cest un rapportféodal
de domination qui opère, en loccurrence largent,
et cest cela quonappelle aujourdhui société
Une telle société na guère desocial que la
racine du mot. Elle nie profondément lindividuel et lecollectif.
Au lieu que la société puisseêtre un instrument,
organisée par et au profit de lensemble de lapopulation
et des individus, la société est constituée sur
la base de ladomination de lindividu, de la coercition générale,
au seul profit delargent, au bénéfice de la seule
classe des possédants et dirigeants.
La propriété morcellelespace comme le temps: en
effet, cette société esclavagiste récupère
etexploite pour le profit marchand tout ce qui est disponible de temps
etdespace humains. Elle manipule les consciences. Elle tend à
supprimer de plusen plus toute dimension véritablement sociale
dans les rapports entre individus, ceci au seul bénéfice
du profit marchand et du renforcement de sonpouvoir, de la division
sociale et de lexploitation économique.
Gérons nous-mêmes nos propres affaires
A chaque individu doit revenir le doit imprescriptible et inaliénable
àune entière autonomie: sépanouir librement,
gérer soi-même etdirectement ses propres affaires, être
maître de lensemble de sa vie, lasociété optimale
étant la valeur ajoutée de toutes les libertés
individuelles,le fédéralisme (organisation sociale de
bas en haut), le communismeanarchiste: sans classe ni état.
Je tente, par cetteprécédente phrase, de définir
ce en quoi jadhère, et qui a nom lanarchisme. Anarchistes
oualternatif-ve-s, nous avons compris et vérifié, dans
nos organisations et dansles luttes, quon peut très bien
sorganiser sans chef, et que cest alors lameilleure organisation
sociale qui soit, la plus démocratique possible, et enmême
temps celle qui donne les meilleurs résultats. Lhistoire
a, en outre,prouvé que la population a, ici ou là, pu
abolirle pouvoir et prendre en main ses propres affaires, organiser
sa propre gestionde façon intégrale: il y eut notamment
la Commune (1871), lUkraine(19182919), Kronstadt (19172921), la
Révolution espagnole (19362939), etdans une certaine mesure les
barricades de 1968. Il y eut aussi toutes cesinnombrables expériences
collectives, passées sous silence officiel, de gestiondirecte,
de communisme anti-autoritaire, de contre-culture anarchiste. Cettelutte
pour labolition des pouvoirs se poursuivra jusquà
la victoire, tant quedes individus voudront exister socialement, tant
quexistera le double instinctde révolte et de fraternité
universelle.
Réformisme ou révolution
Queer, jaurais pu, commebeaucoup, aspirer seulement à ce
que ma propre minorité bénéficie des mêmesdroits
que la majorité. Une fois gagnée cette reconnaissance,
ayant trouvé parelle mon bonheur illusoire au sein de la société
de consommation, jauraisalors sûrement fermé les
yeux, avec beaucoup dauto-satisfaction, sur le sortdautres
minorités moins chanceuses: sans-papiers, par exemple
Ou bien, jaurais pu choisirde me battre uniquement contre lhomophobie
ou la transphobie, parce que despersonnes minoritaires luttent quelquefois
sur le seul terrain de leuroppression spécifique. Je comprends
ces luttes et ces causes, à la fois justeset indispensables,
mais il est une montagne de causes qui dispersent nosforces, puisque
il est une montagne diniquités et dinjustices.
En réalité, rien de cequi est humain ne mest
étranger. Je suis/nous sommes aliéné-e-s
socialement par un ensembledassujettissements: la domination hiérarchique
ou économique, lenationalisme, assassinent rien quà
eux dinnombrables personnes, enrégimententlensemble
des populations, broient des peuples entiers. Loppression est
untout quon ne combat vraiment que globalement. Cest ce
tout là dont la libertéindividuelle est ennemie.
Pendant quun progrès social,arraché de haute lutte,
se réalise contre lun des fronts de loppression,
lepouvoir sarrange pour faire reculer la liberté individuelle
sur un autre front.Les droits quon obtient sont sans cesse remis
en cause. En 20 ans, on a avancésur quelques points (par ex.
quant à la liberté des murs ou sur quelquesaspects
juridiques), on a aussi globalement reculé (protection socialeamoindrie,
chômage, exploitation accrue, fracture sociale, montéedu
nationalisme et de la xénophobie étatiques). Loppression
se transforme etse perpétue, quand elle ne se renforce pas.
Et comment la populationobtient-elle de tels droits? En manifestant
elle-même directement etpubliquement sa colère; jamais
par les élections, mais par la révolte sociale
(contre-propagande, manifestations autorisées mais souvent sauvages,
grèves etoccupations expropriatrices et gestionnaires, etc
).
Quant à elles, lesélections sont pour les politiciens
un prétexte à ravir aux populations leursprérogatives
pour les exploiter. Au lieu dentretenir une inutile coterie de
pontifes cannibales, cest à chacun de décider directement
de ses propresaffaires (gestion directe). Sil fautà loccasion
mandater quiconque, que ce mandat soit au moins contrôléintégralement
par la base et en vue dune tâche bien définie, et
que ce mandatsoit révocable à tout moment par la base
cela empêchera le vol de ladémocratie par une
poignée dimposteurs incontrôlés. Cest
aussivalable pour la lutte sociale, toujours sujette à être
récupérée par lespouvoirs.
Quant à léparpillement desluttes, il est bien sûr
légitime (et parfois vital) de lutter sur le terrain deson oppression
spécifique, mais la libération ne peut être que
la fin de toutesles oppressions pour tous les individus. Si cette fin
arrive, ce sera parfusion de toutes ces luttes dans la révolution
sociale.
Cest évident, lanarchismene peut être coupé
daucune de ces luttes sociales. Il les justifie toutes, enrévèle
la composante essentielle: laspiration à la liberté
et au choix individuel. La dernière révolutionnest
pas pour demain. Et lorsque le réformisme et la révolution
ont les mêmesbuts, il est vain de vouloir les opposer (à
ceci près que le parlementarismenest pas un réformisme:
toute hiérarchie ne conduit à aucun progrès maisà
la réaction).
Selon moi, toutes ces raisonsfont que lanarchisme coupé
des luttes concrètes risque dêtre coupé desmasses,
tandis que lanarchisme qui se joint à elles doit le faireintelligemment,
non pour se perdre soi-même dans le réformisme ambiant,
mais ensolidarité active pour la révolution sociale.
Quand la base ne répond plus
Vis à vis de toutes lestentatives permanentes de contrôle
social, la spontanéité vitale estsubversive; elle libère
lindividu du carcan de la domination et de lexploitation;
elle permet à lindividu de rétablir sa dimensionindividuelle,
et dexister, dêtre souverain de ses propres affaires.
Larévolte est fête. (Et elle na pas nécessairement
de programme prévu àlavance: personnellement, je
pense même que toute construction socialeauthentique est spontanée,
en devenir; cest unedynamique). Au contraire, cette
société, elle, existe par lanégation de l'individu,
en soumettant ce dernier à la plus puissancecoercition: la dépossession
de sa liberté. Cette société estlenterrement
gigantesque de lindividu.
Coercition et sexualité
La répression sexuelle ou lafausse libération sexuelle
imposée est aussi le moyen, pour tout pouvoir, de s'emparer de
la sexualité dela victime pour prendre le contrôle de cette
dernière. Lépanouissementindividuel ne saurait être
prédéfini.Sur le plan de la sexualité, il peut
inclure aussi bien des situations damour platonique, de relation
amoureuse, que de sexualité purement physique, mais ilressortit
du choix individuel, et non dune soumission à des préceptes
venant dautrui.
le traitement séquentiel de lhumanité
Linterchangeabilité desêtres: une notion militaro-industrielle
de la personne humaine.Lanonymat social: une mise en séquence
de lindividu dans le CV, le formulaire à remplir, le portillon
automatique de la ratp, etc.. La société demasse traite
les individus comme sils étaient des unités rationnalisables,classables,
voire interchangeables, indistinctes
en somme, touches grises dune fresque totalitaire, comme de simples
boîtes deconserve à linfini, munies de leurs étiquetages.
Les individus sont désormaisau service de la société,
au lieu quece soit idéalement linverse. Ce quon peut
appeler la société du traitement séquentiel
de lindividu a anéantit une possible société
authentiquepermettant que sexpérimentent collectivement
les épanouissements individuels.
Filtrer les gens un maximum,voilà une nouvelle mode qui nous
conduira à une société de sans-abris. Lesinclus
calquent leur comportement sur le cloisonnement général,se
protègent en fermant les yeux, voire en cautionnant linjustice
et enadoptant lélitisme, le bunker comme idéal.
Dans ce contexte, nousnavons certes pas besoin de nous opposer
sur la base de différences illusoires(telles que le racisme ou
la justification des inégalités sociales), mais demettre
fin au conformisme et à la coercition marchande ou étatique,
et detisser des liens authentiquement humains, débarrassés
des mensonges liés àlargent, à la hiérarchie,
au rejet de laltérité, à lutilisation
des gens.
Le fric conçoit l'individusoit comme propriétaire, soit
comme instrument. Il affirme culturellement lestandard contre la singularité,
le conformisme et la soumission contrelautonomie; il promeut lélitisme
du sur-homme.
Métro, boulot, dodo
lindividuest mis en cage dans
les espaces thématiques qui jettent les personnes autourde critères
exclusifs. Lêtre humain marchandise est mis en conserve,transporté
et mangé. Ou bien, volontairement ou non, disposé, socialisé
dans unplacard-ghetto. Cest le résultat de tout un monde:
celui de linféodation delindividu aux intérêts
soi-disant exemplaires de la masse, seule pourvoyeuseofficielle didentité,
de normalité, de bonheur.
Nous serons libres quandlindividualité sera pleinement
reconnue, quand la différence, lautonomie etlentraide
seront socialement naturelles, et les pouvoirs anéantis.
Survivre
socialement ou moralement?
L'aliénation sociale existe.Pour caricaturer sa méthode,
elle veut réduire la vie de la majorité des individusà
deux choix, ce dont le citoyen lambda a dailleurs parfaitementconscience:
1) le confort illusoire dansla soumission, l'obéissance, le déni
de soi-même, dans le but de survivre àtout prix sans nécessairement
se poser de question.
ou bien:
2) être en dehors du système,et donc, mises à part
quelques exceptions, être socialement mort, ne bénéficierque
dune liberté illusoire, car sans aucun moyen,
mais faite demille dangers, de besoins vitaux inassouvis, de pure désocialisation.
Nest-ce pas ainsi quefonctionne une dictature? Cestun choix
impossible, contre quoi on est obligé-e, si lon souhaite
garder à lafois son intégrité morale et un minimum
de confort, de repenser sans cesse sapropre démarche et ses actes
Soumission morale ou suicidesocial, c'est ce dualisme imposé
qui est à la base de la maladie de cettesociété
de masse: ainsi, les comportements actuels de conformisme,d'exclusion
sociale et de repli sur soi quon observe se révèlent
égalementdans la montée des identités collectives
(notamment le racisme) et de lexploitation économique;
les consciences manipulées sont malades desmurs que linégalité
leur impose
Pour la plupart dentre nous,être intégré ou
exclu est en réalité plus ou moins subir. Voici pour lindividu
dun côté le charnier de lexclusionsociale,
et de lautre lexploitation des travailleurs et des travailleuses,
etpartout la vitrine médiatique, le sourire hostile du mensonge
publicitaire, etlomniprésence sanglante de luniforme,
du garde-chiourme.
Tant que loppressionsubsiste, être vivant dans ses choix,
c'est vouloir réagir contre un teldualisme imposé, contre
toutes les divisions illusoires (cest à dire pourlabolition
des classes, du racisme, du sexisme, de lhomophobie, deshiérarchies);
cest vouloir vivre autrement, acquérir contre toute fatalité
voulue une conscience autonome. Cest, en outre, par ses actes
quune telleconscience se traduit: elle signifie être concrètement
solidaire contreles hiérarchies et injustices sociales.
Notre libération seralabolition à la fois des murs
et des hiérarchies.
Lacculturation est larme des pouvoirs
Les clergés ont formalisé laspiritualité pour leur
fond de commerce, et les publicitaires et politiciensnous volent aujourd'hui
la pensée et la culture.
Tout savoir qui est lapanagedes élites ne peut que mentir
plus ou moins. La culture ambiante dans sonensemble, ainsi détournée,
devient suspecte, à juste titre, mais la penséetoute entière
risque de le devenir à son tour
ce discrédit permet
de perpétuerlignorance. Cest au contraire un autre
savoir, authentique celui-là, quipermet la manifestation de la
vérité: la révolution sociale, cest unecontre-culture
en train de se réaliser.
Un individu nest pas quunamas quelconque de cellules vivantes,
exploitable à merci, cest lindividu, avec tout à
la fois son unicité et son universalité. Toute construction
sociale devrait navoir pour base
que la liberté des individus.
Cette dimension de lIndividuappelle ce combat anarchiste pour
une société à la fois fraternelle, maismultiple,
ouverte sur toute différence, et en cela universaliste. L'anarchismeest
la confiance dans l'individu et dans la société authentique
del'entr'aide; il est collectivement la mise en pratique de l'égalité.
Le langage de la fraternitéest élémentaire, mais
pourtant plus aucun media à la solde ne semble s'yrisquer, par
ex. au sujet des sans-papiers. Et c'est très grave que personne,au
sein même des élites, ne les défende comme les individus
et les êtreshumains quils sont avant tout. Les politiciens,
particulièrement la "gauche plurielle", les ont transformés
en thème électoral etpurement utilisés jusquà
vouloir lesbroyer. A travers le sort des sans-papiers, c'est l'humanisme
le plus élémentaire qui est maintenantmenacé par
la montée fasciste des identités collectives
(en fait,des étiquettes racistes) qui tendent ainsi à
réduire lêtre humain au rôledinstrument
social afin de renforcer la coercition.
Sortir dun silence imposé Pour que chacunpuisse saffranchir,
il faut en premier lieu que chacun ait toute possibilitéde sexprimer
librement et personnellement, pouvoir ainsi se réapproprierl'autonomie
de sa conscience. Cest sortir du silence imposé que pouvoir
êtreassez libre jusque de ses approximations, parce que la réappropriation
de sapropre autonomie est avant tout une dynamique: ce qui est important,c'est
plus de parvenir à se poser honnêtement des questions,
en débattre,pouvoir corriger ses erreurs, progresser, aiguiser
son sens critique, que detrouver des réponses sur-mesure dans
le rabachage dun prêt-à-penser. La luciditédun
individu ne commence pas dans lapprentissage dune doctrine
ou dunvocabulaire prédéfini, mais dans celle de
lobjectivité, ce que seule uneobservation et une recherche
personnelle peuvent découvrir, au prix duninévitable
tâtonnement. Dans ces conditions, la lucidité dun
individu est naturellement toujours perfectible, mais sa propre pensée
demeure dabord sonexercice personnel, ce qui peut le mener le
plus naturellement àlautonomie; cest alors quedevient
nécessaire lacquisition des connaissances dautrui.
Conséquences de la négation de la dimension individuelle
l'être humain instrument. La domination(en loccurrence
par léconomique) se substitue à léchange
social véritable.Ce rapport de force (ici par largent)
colonise, utilise, détourne toutl'espace et le temps humains
pour les vider de leur dimension authentiquementcollective. La relation
inégalitaire fait alors de lindividu le simple moyendune
fin (ce qui permet de sacrifier les individus à cette fin). La
réalitémême des individus (leur bonheur) a été
entièrement séparée des objectifs et du discours
de la société. Celle-ci aacquis une finalité et
une dimension propres, inhumaines, un caractèreartificiel sans
rapport avec l'individu, comme la bourse n'a plus de rapportavec le
travail réellement produit. Lactuelle crise
(unerestructuration économique) aliène en fait davantage
lindividu aux intérêts du Capital elle élimine
dautant les rapports proprement humains: on voitcroître
le cloisonnement social, lasolitude. La négation générale
de lindividu par ce rapport de force, et lecloisonnement social
qui en découle, favorisent de plus en plus les troublespsychologiques,
notamment collectifs (les opiums des peuples ou les psychosesindividuelles).
Lorsquelindividu devient instrument, la société
se mue en jungle, la jungle encollection de clans, de fauves ou de victimes.
une société imposée comme fin et non
comme moyen
Lavaleur par excellence n'est plus celle de lindividu,
mais desmécanismes de l'économie pour eux mêmes,
et non en vertu du moyen qu'ils constituent en vue du bien êtrecollectif.
On justifie donc un esclavage des individus par un genre dargumentutilitariste
(de type nationaliste économique: le stakhanovisme +laustérité).
La réalité que nous sommes
est ramenée par le haut à ces dogmesartificiels que sont
le développement, lepeuplement, la démographie,
léconomie, la rentabilité,
laflexibilité
comme si les humains étaient
de pures abstractionssans dimension propre, modifiables comme on modifie
le comportement dunpantin. Il se crée ainsiune société
de masse sans individus, la solitude au sein des foules, oùlindividu
nest plus lui-même mais un rouage jugé plus ou moins
fonctionnel.
le recul de lhumanisme
Tandis quelledétruit les moins forts, la dominationabolit
lespace social: elle engendre en effet ses clivages sociaux,ses
ruptures, ses peurs de lautre. Elle alimente alors
une culture du repli sur soi. Les groupes seretranchent derrière
leur sentiment dappartenance, et à limpression dêtrevictimes
des autres groupes, alors quils sont en premier lieu victimes
(à desdegrés divers) de la division inhérente au
capitalisme. La destruction de lasociété (la société
en tant quespace social) atomise lindividu, rigidifie laculture,
prône ouvertement la défaite de lhumanisme. Montée
des égoïsmes desurvie, fin des solidarités et de
la contestation sociale, montée desantagonismes (racismes, etc
),
et implosions psychologiques des plus faibles
Les identitéscollectives,
le repli sur soi, et le discrédit savamment orchestré
del'humanisme s'additionnent ainsi dans la montée des sectarismes,
des nationalismes et des racismes. Un antifascismeprimaire pourrait
nêtre du racisme que limage en miroir. L antifascisme
proprement dit tendra à abolir toutesles haines qui scindent
la société, aura comme objectif une véritablefraternité
et la fin de tous les préjugés, de toutes les injustices
sociales,le dépassement de tous les clans sociaux.
la récupération de laspiritualité par
les hiérarchies; l'illusion politique exploitant la partirrationnelle
de l'humain.
Durant la nuit des temps, les humains ont enraciné leurs cultures
dans le symbolisme, justifiéleurs coutumes sur la base de lirrationnel.
Et ils ont toujours plus ou moinsaspiré à un ailleurs
qui leur prometteun salut. Ce langage irrationnel et cette aspiration
trouble ont été exploités,détournés
et récupérés par les clergés et les pouvoirs
en place, au profit delélitisme; le résultat est
devenu les religions. Aujourdhui,les pouvoirs politiques et économiques
continuent dutiliser la propensioninconsciente des humains au
mode de pensée irrationnel pour manipuler les esprits. Grâce
auxmythes de la nation, du drapeau, duprésident,
de l entreprise, de lorigine, ou
du sexe social, la propagande des élites utilise
le symbolisme non dans un sens positif, pour rapprocher leshumains et
faire que tout individu soit respecté et inclus dans la société,mais
pour perpétuer la domination et les murs: les exclusions, lesexploitations,
les hiérarchies, la soumission. La publicitécommerciale
ou politique utilise amplement les images les plus archaïques descultures
humaines. Par exemple,l'idée archaïque de renouvellement
des pulsions de vie (le réveil de la nature): génération
mitterrand se déclare le renouveau mais afin de canaliser
cettepulsion en masse et pour un chef,alors que le slogan spontané
de 68 dit: jouir, saillir, sourdre contre lecontexte social.
Dans le même registrede recyclage du religieux, il y a aussi le
marxisme, qui imite la civilisationcapitaliste par sa vision irrationnelle
du futur, fonctionnelle de l'économie,et par le maintien, dans
la dictature du prolétariat, del'individu au rang
d'instrument (au rang de simple moyen de la société de
masseaux mains dune élite). La montée dessectes
représente quant à elle sans doute le besoin inassouvi
de dimensionautre dans le quotidien, et ce, de la part d'individus auxquels
on n'a jamaisappris à penser de façon autonome ni permis
de se réaliser soi-mêmesocialement. Par ailleurs,le fascisme
tente de faire main basse, avec son paganisme, sur la partirrationnelle
de la mentalité humaine mais afin d'exalter l'antagonisme racial
(ou encore, contreles peuples soi-disant déracinés, le
terroir
et son fantasme paranoïaque denracinement). Mais dans detels
exemples, quy a-t-il dhonnêtement spirituel?
Lesimages irrationnelles ainsi véhiculées le sont par
les pouvoirs et leurs épigones, au seul profit des mythes hiérarchiques,
nationalistes ouéconomiques, au détriment extrême
de lautonomie et du respect des individus. Lirrationnelnen
constitue pas moins une armedangereuse : dans tous les cas de manipulations
quon constate partout, unemalheureuse tendance humaine au symbolisme
tendance qui, en soi, eût puêtre relativement contrebalancée
est récupérée par et pour des élites,
estutilisée pour le maintien ou le renforcement de l'aliénation
sociale del'individu. Lindividu est alors hautement manipulé
à son insu (et en définitive, par son point le plus faible:
linconscient).
la hiérarchie dans lamétaphysique
Au lieu dedévelopper longuement sur ceci, je laisse soin à
chacune et à chacun de méditerlanathème suivant,
jeté par lEglise dans lantiquité: Si
quelquun dit que lessence ou la substance deDieu ou des
choses est une et la même, quil soit anathème.
(Conc.Vatican, Canones, I, 3, ES, 1802). Hiérarchie, jety
prends! Tu as développé tes putrides surplombs, non seulement
sousforme de despotes royaux, mais aussi de souverains imaginaires
Monarchiques etélitaires, tes créations et tes paradis
ne sont encore que les moyens de nousdétourner de ceux qui sont
à la portée
de nos révolutions.
Notre chemin deviendra une longue marche vers lafraternité
(1968) Pour conclure,je considère personnellement que tout ce
qui défend lIdéal dégalité socialeet
doriginalité de chaque individu, de coexistence et douverture
maximale surles différences, est porteur dune même
contre-cultureauthentique. Dans celle-ci, chaque individu est respecté
et valorisé par tousles autres dans son originalité unique,
dans sa prise de parole, dans la priseen main intégrale par lui
même de ses propres affaires, grâce à une pleineégalité
sociale. Encore unefois, ce qui compte, cest notre libération
sociale à toutes et tous, et la findes hiérarchies et
des inégalités, à la fois dans notre perception
globale dumonde, dans nos objectifs, dans nos pratiques concrètes.
Et cest parceque loppression est à la fois une et
multiple que la contre-culture lestaussi. Le discoursdominant
est détenu par une élite, formée dans un moule,
et à la solde despuissants. Il vise à empêcher les
populations de développer leur propre culturelibératoire.
Tout ce qui touche à la pensée devient ainsi suspect,
à justetitre. Pourtant, aucune libération nest envisageable
sans une définition desobjectifs et méthodes en vue de
construire une autre société. Bref, lacontre-culture nest
ni le savoir en cours,ni labsence de savoir. Il y a une rupture
profonde (et non pas une simple révolte formelle
etmarchande) à trouver contre la pensée dominante, contre
toutes entraves à ladifférence personnelle et légalité
collective. Exploité-e-s etordonné-e-s, contrôlé-e-s
socialement, manipulé-e-s par les médiats, menacé-e-sde
chantage à lemploi, et parfois exclu-e-s de tout droit,
victimes desrépressions, privé-e-s, en un mot, dune
dignité essentielle, celle dêtrelibres et solidaires,
quattendons-nous pour prendre en main, directement,révolutionnairement,
nos propres affaires? Du sans-logis au salarié,cest, en
somme, une même classe qui, à des degrés divers,
subit quotidiennement la même coercition sociale, la même
destruction de lhumain, lamême dépossession de soi
quon nomme aliénationsociale. On peut collectivement imaginer
et commencer de pratiquer leprojet dune civilisation sans hiérarchie,
axée sur la liberté, laresponsabilité, la participation
pleines et entières de tous les individus,bref: sur le fédéralisme
et le communisme anarchiste. Cest également leprojet dune
contre-culture anarchiste, multiforme, libertaire au sens large,active,
à la fois la plus ouverte possible et consciente de son unité.
Ce sontenfin des comportements concrets de résistance à
lautorité, qui restaurent uneindispensable solidarité
avec les luttes spécifiques. Pour que, demain et dèsaujourdhui,
vive la révolution sociale.
Olivier Manfredi
Tract de la Fédération Anarchiste
pour la Lesbian et Gay Pride 2000
GAY PRIDE...
Un jour par an nous est donnépour nous embrasser dans la rue,
inverser l'ordre des choses et, pour unmoment, dehors, être les
plus nombreux. Un jour par an , nous nous montrons auxbraves gens, nous
prenons de force la possibilité d'être nous-mêmes,
nous nousrevendiquons, comme personnes et comme communauté. Avec,
dans une certainemesure, quelque part derrière la tête,
l'idée de présenter une alternative à lavie "straight".
C'estdu moins la version officielle et militante des choses; mais au-delà...
Drôlede manifestation, bariolée, éclectique, sans
slogan ni revendication- du moinsprécise, sans volonté
politique, juste se montrer; et encore, montrer quoi, unesurface clinquante,
mensongère. Le jour de la Gay Pride, nous nous grimons pourfaire
bonne mesure. Nier sa misère, l'étourdir de disco. Le
jour de la GayPride est le jour où on se ment à soi-même
et aux autres encore plus qued'habitude. Le jour où le monde
extérieur n'a plus besoin de nier notre souffrance: nous le faisons
nous-mêmes. C'est donc cela la fierté gay ?
Moiqui ai quitté le ghetto homosexuel (pour un autre: le ghetto
squat), il y alongtemps que je n'avais pas eu
autant l'impression d'être l'enjeu d'un commerce... A croire que
lesluttes pour la possibilité d'exister tel(le) que l'on est
passent désormais parla fructification des comptes en banque
des capitalistes gay.
* * *
Parleurs luttes, nos grands frères et surs nous ont obtenu
des"droits". Et comme de juste, dans l'interstice de permissivitéaccordé
par l'Etat, des modes de vie ont fleuri. Il y en a eu pour tous lesgoûts.
Mais que ces façons de vivre se soient construites en réaction
à uneoppression quotidienne et qu'elles se situent en marge de
la normalité socialen'implique malheureusement pas qu'elles soient
moins aliénantes ni même pluslibres.
Ily avait pourtant parmi nous leprojet plus ou moins théorisé
d'inventer d'autres modes de vie, d'autresrapports avec les autres,
mais ça n'a jamais été très loin, pourquoi
?
Parceque nous envisagions cela non comme un but à atteindre,
mais comme unaboutissement naturel. Contre les hétéros
qui nous crachaient dessus, il étaitconfortable de penser que
nous étions forcément mieux, que nous tenions ennous-même,
comme par essence, la fin de l'aliénation. Nous avons pensé
qu'ilsuffisait de se libérer des hétéros, et que
le reste découleraitobligatoirement. Position intellectuelle
qui avait l'avantage d'éviter de semettre soi-même en question
comme individu. Pour une entreprise de libération,c'était
déjà mal parti...
Maissurtout parce que, et ce, tant auniveau des groupes que des individus,
on a, d'une manière générale, refuser deparler,
de théoriser notre souffrance intime, préférant,
en croyant ainsi yéchapper, la nier ou la renvoyer au domaine
du privé. Si bien que ce qui nousa, à nous, finalement
échappé, c'est la possibilité de l'assumer pour
laretourner en un outil de notre lutte, et la possibilité de
s'en saisir pours'en débarrasser absolument.
Lesconséquences de cette trouille de soi-même ont été
importantes. La plusimmédiate a été de limiter
notre champ revendicatif à la sexualité, et dans sonsens
le plus étroit (grosso modo: "avec qui je couche").
Cela nous aainsi fait passer à côté d'une critique
plus générale, plus politique del'oppression de l'individu,
critique qui, soit dit en passant, si elle avaitexisté aurait,
parce qu'elle aurait parlé concrètement de souffrance,d'aspiration
au plaisir, au bonheur, porté une contradiction bénéfique
à noshabituels révolutionnaires genre cause-du-peuple-sans-lui-demander-son-avis...Mais
passons... Car le résultat -logique- de tout cela a été
de faire tomber lalutte dans le domaine du droit (Mais quel est ce monde
où on demande le"droit" pour aimer ?) et de l'intégration.
Dès lors, il ne s'agit plusde contester une société
qui nous nie (et pas que nous d'ailleurs), mais de s'ytailler une petite
place, en reprenant à son compte les moyens et les valeursqui
sont ceux de cette société.
Voicicomment on en arrive au "mariage gay", ou comment on
a laissé le terrainde nos modes de vie à l'initiative
capitaliste, dont le but n'est pas de fairevivre l'idée d'une
libération de l'humain, mais seulement de prospérer pour
sonpropre compte, sur le dos des gens.
Caril est clair que notre libération comme êtres (c'est-à-dire:
un peu plus que le"droit" de coucher avec qui on veut) ne
peut pas passer par cet espace de consumérisme effréné,
de soumission aux modes, aux apparences, deconfort moral payé
au prix de notre confinement dans le ghetto. Le capitalisme gay et la
consommation sont au contraire le plus sûr moyen de nous fairerentrer
dans les rangs.
J'affirmepour ma part que l'identité homosexuelle ne tient pas
à des pratiquessexuelles, mais seulement à cette part
de souffrance qui résulte nécessairementdes mutilations
émotionnelles et sensibles qui nous sont infligées. Et
sid'ailleurs on a passé vingt ans à courir après
une hypothétique communautéhomosexuelle pour ne trouver
finalement qu'un ghetto, ceci vient sûrement decela...
Maisaujourd'hui on ne dit plus "ghetto", on dit "village".
Celapermet d'évacuer allègrement la conscience que ce
mot impliquait. Toujourscette même honte de soi, ce même
reniement.
Ghetto,j'en dis du mal... Ghetto pourtant si nécessaire, parfois,
pour ne pas seflinguer. Mais doit-on pour autant s'oublier ?
* * *
Ceque nous avons en commun c'est d'être, à des degrés
divers, des sinistrés.Privés de nous-mêmes, traqués,
trompés sur notre propre compte, niés, éclatés,défigurés,
meurtris. Plutôt que d'aléatoires "droits", ce
qu'il nousfaut reconquérir et peut-être construire c'est
nous-mêmes, comme êtres pleins,et entiers, et libres.
Et c'est en fait une sorte de chance, unechance à rebours que
nous avons, de ne pas entrer dans le cadre de la normalitéhétéro,
de n'avoir, quoi qu'on en dise, pas d'autre passé que celui de
notrenégation, pas de culture sauf récente. Cela nous
rend possible une critiqueradicale et sans concessions d'un monde où
certes nous n'avons pas notre place,mais où celle imposée
aux hétéros (et des deux sexes) n'est peut-être
pas sienviable.
Echappantà la famille, "ciment social", (comprendre:
cellule minimale del'Etat, lieu d'oppression première des individus),
dépourvus d'utilité reproductrice (non, nous ne serons
jamais des "prolétaires"...) etdes obligations qui
lui sont liées, nous échappons par tous les bouts ausystème
social. Mieux, nous le mettons en danger: notre sexualité toujourspotentiellement
réciproque, c'est-à-dire mieux comprise, socialement inutiledonc
ouvertement tournée vers le plaisir comme fin en soi, notre incontournableégalité
à priori entre nous, et, si nous étions logiques, cet
au-delà du taboubien-pensant, cette désuétude du
couple traditionnel, font de nous descontestations vivantes des dogmes
sociaux. De même, ces femmes échappant auxhommes, forcément
autonomes, vivant d'elles-mêmes et pour elles-mêmes, ceshommes
échappant à leur rôle, en porte-à-faux par
rapport à la virilité, cetteandrogynie qui guette, cette
peut-être un jour possible égalité entre les sexes,minent
l'ordre social dans ses fondations.
Cet hors-norme qui d'emblée nouscaractérise est aussi
une ouverture vers tous les possibles humains. C'est uneliberté
en puissance, et la construire est un travail sans fin.
Pourtant,au lieu de tenter le tout pour vivre, mais vivre vraiment,
aujourd'hui on setrouve en train de pleurer pour obtenir des "droits"
comme ceux deshétéros, ces droits qui ne sont rien d'autre
que le droit de se faire menerpaître...
KRISTEL QUESTIONNAIRE
A la recherche de points de vue libertairEs sur les questions de genre
Cela paraissait simple à certainEs (l'égalité entrefemmes
et hommes, entre homos, bis, hétéros etc.) et pourtant
les questions degenre ne sont pas résolues. Parce que les dominants
ne sont pas prêts àabandonner leurs privilèges,
et aussi parce qu'un certain nombre de questionssubsistent, parce que
les débats sur ces questions ont souvent fait place àd'autres
"priorités".
Il nous paraît donc utile de reposer ces questions,et de collecter
des réponses, non pour en déduire une synthèse,
la positionofficielle de l'anarchisme, mais pour échanger des
points de vue et enrichirnos cultures. Nous avons formalisé un
certain nombre de questions, avecquelques phrases à titre d'illustration
(appelées phrasettes) pour lancer desdébats. Vos réponses,
dont nous vous remercions par avance, peuvent bienentendu sortir de
ce cadre, et faire apparaître d'autres questions.
1 doit-il yavoir des priorités dans le mouvement anarchiste et
si oui, les thèmes"classiques" (anticapitalisme, antimilitarisme,...)
sont-ils prioritaires sur les questions de genre (féminisme,
anti-homophobie,...) ?
phrasette 1
La révolution et l'intérêt collectif (la lutte de
classes, l'antimilitarisme, la lutte des sans papiers, l'environnement,
etc.) doivent passer avant les problèmes d'ordre privé,
que chacunE peut résoudre individuellement.
phrasette 2
Le privé est politique. Le patriarcat, système de subordination
des femmes aux hommes, est un système de domination aussi puissant
que le système capitaliste et doit être combattu avec la
même force, de manière collective.
phrasette 3
"Par rapport au mouvement des femmes, les organisations révolutionnaires
sont dans une position défensive. Elles n'avancent que parce
qu'elles sont poussées". (Christine Delphy, l'ennemi principal,
1970-78).
phrasette 4
"Le révolutionnaire prolétarien devrait donc se convaincre,
ou être convaincu, que l'émancipation de l'homosexuel,
même s'il ne s'y voit pas directement impliqué, le concerne
au même degré, entre autres, que celle de la femme et celle
de l'homme de couleur. De son côté, l'homosexuel devrait
saisir que sa libération ne saurait être totale et irréversible
que si elle s'effectue dans le cadre de la révolution sociale,
en un mot que si l'espèce humaine parvient, non seulement à
libéraliser les moeurs, mais bien davantage, à changer
la vie". (Daniel Guérin, homosexualité et révolution,
1983)
2 Suffit-il dese libérer pour être libre sexuellement ?
phrasette 1
"Ce qui fait le grand intérêt des luttes de libération
sexuelle, quelle que soit l'allure réformiste qu'elles aient
pu prendre parfois, c'est qu'elles contestaient la norme, les normes
en vigueur dans la vie quotidienne de chacun et posaient le problème
de la déviance.(...) Toute lutte touchant la vie sexuelle peut
aider à débloquer l'adhésion aux rôles sexuels
traditionnels et interrompre la reproduction de la morale autoritaire
et conservatrice." (Georges Falconnet, avril 77, cité dans
Q comme Queer, Marie-Hélène Bourcier et al., 1998).
phrasette 2
"J'ai toujours été un peu méfiant à
l'égard du thème général de la libération
(...) Je ne veux pas dire que la libération ou telle ou telle
forme de libération n'existent pas : quand un peuple colonisé
cherche à se libérer de son colonisateur, c'est bien une
pratique de libération, au sens strict. Mais on sait bien (...)
que cette pratique de libération ne suffit pas à définir
les pratiques de liberté qui seront ensuite nécessaires
pour ce peuple (...) C'est pourquoi j'insiste plutôt sur les pratiques
de liberté que sur les processus de libération, qui, encore
une fois, ont leur place mais ne me paraissent pas pouvoir, à
eux seuls, définir toutes les formes pratiques de liberté.
Il s'agit là du problème que j'ai rencontré très
précisément à propos de la sexualité : est-ce
que cela a un sens de dire "libérons notre sexualité"
? Est-ce que le problème n'est pas plutôt d'essayer de
définir les pratiques de liberté par lesquelles on pourrait
définir ce qu'est le plaisir sexuel, les rapports érotiques,
amoureux, passionnels avec les autres ?" (Michel Foucault, Dits
et écrits, ed. 1994).
3 Y a-t-il des liensentre la sexualité et l'émancipation
sociale ?
phrasette 1
"La sexualité offre une des possibilités de satisfaction
et de bonheur les plus fortes et les plus élémentaires.
Si ces possibilités étaient autorisées dans les
limites fixées par les besoins d'un développement productif
de la personnalité plutôt que par le besoin de la domination
des masses, la seule réalisation de cette possibilité
de bonheur fondamental conduirait nécessairement à une
augmentation des revendications pour la satisfaction et le bonheur dans
les autres domaines de l'existence humaine. L'aboutissement de cette
revendication exige que l'on dispose des moyens matériels nécessaires
à sa satisfaction et provoquerait à cause de cela l'explosion
de l'ordre social régnant" (Erich Fromm, Revue de la recherche
en sciences sociales, 1934)
phrasette 2
"Il y a tout un biologisme de la sexualité et par conséquent
toute une prise possible par les médecins et par les psychologues,
bref par les instances de normalisation. Nous avons au dessus de nous
des médecins, des pédagogues, des législateurs,
des adultes, des parents qui parlent de sexualité. Il ne suffit
pas de libérer la sexualité, il faut aussi se libérer
de la notion même de sexualité". (Michel Foucault,
le gai savoir, 1978)
4 La sexualitéest-elle naturelle ou construite socialement ?
phrasette 1
La répression sexuelle contribue à rendre les individus
obéissants, en particulier la sensibilité religieuse dérive
d'une sexualité inhibée, et l'excitation sexuelle inhibée
est la source de l'excitation mystique. "Une prise de conscience
lucide de la sexualité et une organisation naturelle de la vie
sexuelle sonneraient le glas de la sensibilité mystique sous
toutes ses formes" (W. Reich, psychologie de masse du fascisme,
1933).
phrasette 2
"Il ne faut pas la concevoir [la sexualité] comme une sorte
de donnée de nature que le pouvoir essaierait de mater, ou comme
un domaine obscur que le savoir tenterait, peu à peu, de dévoiler".
(M. Foucault, La volonté de savoir, 1976). "En conceptualisant
la sexualité comme un dispositif dont le fonctionnement peut
être analysé -plutôt que comme une chose réelle
dont la nature pourrait être connue- c'est à dire en traitant
la sexualité comme l'instrument et l'effet d'une série
de stratégies politiques et discursives, Foucault fait passer
le sexe du domaine du fantasme individuel au domaine du pouvoir social
et du savoir." (D. Halperin, Saint Foucault, 1995).
phrasette 3
"Les prohibitions produisent une identité selon les schémas
culturellement intelligibles d'une hétérosexualité
idéalisée et obligatoire" (Judith Buttler, Gender
Trouble, 1990).
5 Les rôles de genresont-ils naturels ou construits socialement
?
phrasette 1
Une position essentialiste : "Etant une femme incomplète,
l'homme passe sa vie à essayer de s'accomplir, de devenir femme.
Il essaie de faire cela en recherchant constamment la compagnie des
femmes, en fraternisant avec elles, en essayant de vivre à travers
elles et de fusionner avec elles, et en s'appropriant toutes les caractéristiques
des femmes -la force émotionnelle et l'indépendance, la
vigueur, le dynamisme, la faculté de décision, le calme,
l'objectivité, l'autorité, le courage, l'intégrité,
la vitalité, l'intensité, la profondeur de caractère,
la génialité etc.- et en projetant sur les femmes tous
les traits masculins -la vanité, la frivolité, la trivialité,
la faiblesse, etc. Il faut dire cependant que l'homme est supérieur
à la femme sur un point -les relations publiques. (Il a fait
un travail brillant en convaincant des millions de femmes que les hommes
sont des femmes et que les femmes sont des hommes)." (Valérie
Solanas, Scum Manifesto, 1967).
phrasette 2
On peut distinguer le sexe, biologique, et le genre, socialement construit
d'après les règles non dites des cultures patriarcales.
"On ne naît pas femme, on le devient" (Simone de Beauvoir,
le deuxième sexe).
phrasette 3
Les attributs du genre ne sont pas l'expression d'une identité
pré-existante, mais résultent d'une suite répétée
d'actes théâtraux (performances). "Que la réalité
du genre soit créée à travers des performances
encouragées par la société signifie que les notions
mêmes d'une essence du sexe et d'une masculinité et d'une
féminité véritable et immuable sont aussi constituées
comme une partie de la stratégie qui dissimule le caractère
performatif du genre et les possibilités performatives de faire
proliférer des configurations de genre en dehors des cadres de
la domination masculine et de l'hétérosexualité
obligatoire". (Judith Buttler, Gender trouble).
6 L'idéelibertaire que l'individu puisse être maître
de ses affaires s'applique-t-elleà la sexualité, jusqu'à
pouvoir transformer son genre social, ses désirs, sasexualité
?
7 Pouvez-vousconcevoir qu'une relation sexuelle entre un humain et un
animal puisse êtremutuellement profitable, socialement acceptable
?
8 lapsychanalyse ou d'autres techniques de connaissance de soi peuvent-elles
nousaider à être maîtres de nos propres affaires
?
phrasette 1
Je vois la psychothérapie comme une analyse et déconstruction
de tes mécanismes intérieurs afin d'apprendre de nouvelles
techniques de vie qui te rendent capable de vivre de façon plus
indépendante, libre, heureuse et stable. (Léo Vidal, extrait
de "au delà du personnel", 1997).
phrasette 2
"Le mythe du roi Oedipe, qui tue son père et prend sa mère
pour femme est une manifestation peu modifiée du désir
infantile contre lequel se dresse plus tard, pour le repousser, la barrière
de l'inceste". (Freud, 5 leçons sur la psychanalyse, 1904).
phrasette 3
"En postulant une bisexualité originelle de l'enfant, il
n'y a pas de raison de nier un amour sexuel originel du fils pour son
père, et pourtant c'est ce que fait Freud implicitement. (...)
La résolution du complexe d'Oedipe affecte l'identification de
genre non seulement par le tabou de l'inceste, mais auparavant par le
tabou contre l'homosexualité" (Judith Buttler, Gendre trouble).
9 l'homophobieest-elle plutôt liée à des facteurs
psychologiques ou politiques, est-elle un élémentde la
construction hétérosexuelle ?
phrasette 1
"Vous qui voulez la révolution, vous avez voulu nous imposer
votre répression. Vous combattiez pour les noirs et vous traitiez
les flics d'enculés, comme s'il n'existait pas de pire injure."
"Vous êtes individuellement responsable de l'ignoble mutilation
que vous nous avez fait subir en nous reprochant notre désir"
(Front homosexuel d'action révolutionnaire, adresse à
ceux qui se croient "normaux", 1971)
phrasette 2
"L'homophobie étant une réaction provoquée
par la peur de l'autre en soi, l'homophobie au masculin est une attitude
engendrée par la peur (ou la hantise) qu'ont les hommes de retrouver
en eux tout ce qui peut ressembler à l'Autre, c'est à
dire à la femme. " (Daniel Welzer-Lang, La peur de l'autre
en soi, 1994)
phrasette 3
"L'approche anti-psychanalytique de Foucault rend possible et nécessaire
d'aborder l'homophobie comme un problème politique et non psychologique.
Elle implique que les causes de l'homophobie ne doivent pas être
cherchées dans la vie psychique, dans le fantasme ou dans les
aléas du développement humain, mais plutôt, comme
le résume Léo Bersani (d'une manière assez sceptique),
dans : "une anxiété de nature politique à
l'idée des reconfigurations subversives et même révolutionnaires
du social que les gays seraient en train de fomenter (...), une angoisse
plus profonde vis à vis de ce que représente le mode de
vie gay : une menace pour les rapports que les gens sont normalement
censés avoir les uns avec les autres, autrement dit une mise
en question des dispositifs de pouvoir et de la manière dont
il s'exerce dans notre société" (Léo Bersani,
Homos, repenser l'identité, 1998)."(David Halperin, Saint
Foucault)
10 leslibertaires peuvent-ils combattre l'homophobie et si oui, comment
?
11 dans laconstruction des pratiques de liberté, l'individu devrait-il
mettre l'accentsur le désir, le plaisir, les 2 ?
phrasette 1
"Contraitement au désir, qui exprime l'individualité,
l'histoire et l'identité du sujet en tant que sujet, le plaisir
est impersonnel ; il désubjectivise : il fait voler en éclats
l'identité, la subjectivité, et dissout le sujet, même
si ce n'est que très provisoirement, dans le continuum sensoriel
du corps et dans le rêve inconscient de l'esprit." (David
Halperin, Saint Foucault)
phrasette 2
"(...) est-ce qu'on n'a pas là, en essayant un peu de réfléchir
sur cette notion de plaisir, un moyen d'éviter toute l'armature
psychologique et médicale que la notion traditionnelle de désir
portait en elle ?" (Michel Foucault, le gai savoir)
12 les anarsdevraient-ils demander l'égalité entre homos
et hétéros, notamment au niveaudes droits (mariage, adoption,...)
?
phrasette 1
"Homos, hétéros, droits égaux" (slogan
de la commission homosexualité de la ligue communiste révolutionnaire,
2000)
phrasette 2
"L'égalité est un principe juridique (...) que l'on
accorde, sous forme de droits légaux, aux peuples colonisés
; et qu'on leur impose comme culture (...). La différence est
un principe existentiel qui concerne la manière d'être
humain, la particularité des expériences, des buts et
des possibilités de chacun, mais aussi le sens qu'on a de son
existence dans la situation présente ou dans d'autres situations
qu'on peut envisager". (Teresa de Lauretis, L'essence du triangle
ou prendre au sérieux le risque de l'essentialisme, théorie
féministe en Italie, aux USA et en Grande Bretagne, 1989)
phrasette 3
"Nous nous situons politiquement comme anti-assimilationnistes,
c'est à dire que nous ne sommes pas d'accord pour réclamer
une intégration dans la société qui sous-entendrait
: nous sommes comme tout le monde, nous ne devons pas être traités
différemment et donc nous avons les mêmes droits... Le
problème avec les revendications de la Lesbian & gay pride
en général, c'est qu'il s'agit d'hétérosexualiser
les pédés et les gouines : la belle affaire..." (Zoo,
Q comme Queer)
13 la tendancequeer -individus refusant de s'enfermer dans une identité
sexuelle (homo,hétéro, bi,...)- vous semble-t-elle libératrice
?
phrasette 1
Ces branchés sexuels très "tendance", qui aiment
à se définir comme queer, dans le glamour d'une absence
de spécificité sexuelle, contribuent à opprimer
les lesbiennes, les gays et les femmes sous de nouvelles formes, toujours
plus incidieuses.
phrasette 2
"Même si le terme queer, comme garantie toujours changeante
de la non-assimilation, peut refléter une certaine aspiration
bourgeoise à être toujours à la mode, ses attaques
vigoureuses et tous azimuts contre l'identité créent (...)
une zone de possibilités dans laquelle on pourrait faire l'expérience
de nouvelles formes de subjectivité". (Lee Edelman, The
fall of the west, 1992)
phrasette 3
Le mot "punk" désigne aux USA un prisonnier contraint
à une relation homosexuelle passive. Un mouvement culturel et
musical a adopté ce terme à la fin des années 70,
en rupture avec la société dominante, avec une attitude
de révolte libertaire. Des lesbiennes et des gays ont pris part
à ce mouvement, en formant la scène "homocore".
Lorsque la mode queer est apparue, certainEs se sont demandé
si l'objectif des majors (principales maisons de disques) n'était
pas d'orienter la jeunesse vers des courants moins marginaux, à
la fois politiquement (on assiste à une récupération
commerciale, le queer étant un label vendable) et sexuellement
(des hétéros mariés se sont déjà
revendiqués queer sans problème). A qui profite le queer
?
14"Etes-vous un homme/une femme", qu'est-ce que cette questiongénérique
figurant sur tous les questionnaires de recensement, de sondage etc.
évoque pour vous :
- en terme de repèreindividuel (peut-on se revendiquer homme
ou femme),
- dans lanégation éventuelle de l'individu par des identités
collectives,
- par rapportau recensement comme forme de contrôle et de manipulation
sociale ?
15 Quel estvotre avis sur ce questionnaire (ou sur les questionnaires
en général) ?
16 Quels sontles buts de votre mouvement/groupe/projet (s'ils existent)
?
Merci d'envoyervotre réponse à l'adresse suivante :
Androzine
BP 83
75222 ParisCedex 05
ou par courriel : androzine@hotmail.com
Adresse
du lien d'originehttp://www.geocities.com/androzine/anarchisme.html