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La page origine : Yann Moulier-Boutang : Nouvelles frontières de l'économie politique du capitalisme cognitif
http://www.ish-lyon.cnrs.fr/labo/walras/Objets/20021214/YMB.pdf
Intervention au Colloque "Textualités & nouvelles
technologies" (Musée d'art contemporain, Montréal,
23-25 octobre 2001), dans le cadre de la "Saison de la France
au Québec". Paru in la revue éc/artS, n°3,
oct. 2002, http://www.ecarts.org
Reproduction obéissant au principe du copyleft : reproduction
libre pour usage libre et gratuit avec mention de la source papier
et de l'auteur. Yann.M.Boutang@wanadoo.fr
ou Yann.Moulier-Boutang@univ-paris1.fr
Yann MOULIER BOUTANG 1
Nouvelles frontières de l'économie politique du capitalisme
cognitif.
Résumé de la communication
La révolution des NTIC n'est pas une simple mutation instrumentale.
Les fondements de la valeur, le paradigme du travail sont profondément
bouleversés. Les modèles économiques de création
de valeur, nés dans la matrice de la révolution industrielle
sont incapables de rendre compte de la dynamique de la coopération
sociale, du travail immatériel, de l'invention et de l'innovation.
Le papier présente les principales hypothèses qui
permettent de comprendre les mutations actuelles comme l'émergence
d'un capitalisme cognitif et pas simplement d'une économie
de la connaissance ou de l'information. Après avoir passé
en revue quelque unes des limites de l'approche économique
de l'économie reposant sur la connaissance, il montre en
quoi la question des nouvelles frontières devient centrale.
Elle se traduit par les conflits qui naissent autour de la codification
droits de propriété, des libertés de création
et d'innovation par rapport aux règles du marché.
L'émergence d'une nouvelle éthique des valeurs de
la création et de l'innovation conduit à un éclatement
du concept unitaire de propriété tel qu'il nous a
été légué par l'individualisme possessif
de Locke. Le caractère cessible et l'aliénabilité
se dissocient de l'usage et de l'usufruit et finalement de l'accès.
Les nouveaux usages des moyens de reproduction et de diffusion des
connaissances dressent en effet des obstacles croissants à
l'exécution des vieux droits de propriété.
A paraître dans la Revue éc/artS , n°3, 2002 http://www.ecarts.org
Première publication papier réservée à
cette Revue
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libre pour usage libre et gratuit avec mention de la source papier
et de l'auteur. Yann.M.Boutang@wanadoo.fr
ou Yann.Moulier-Boutang@univ-paris1.fr
L'hypertextualité associée à la puissance de
l'Internet comme modèle profondément innovant de coopération
sociale et scientifique dans le domaine des sciences des arts et des
lettres ne serait pas pensable sans ce que l'on a appelé la
révolution des NTIC (nouvelles technologies de l'information
et de la communication). La sociologie de la production de la connaissance
et de la création artistique, les politiques publiques en matière
de culture, sont et seront chaque fois davantage, profondément
remodelées par les transformations intervenues dans l'économie
en général. Il serait toutefois erroné de n'y
voir que l'extension de la règle du marché à
la sphère de la culture, ou d'achèvement du règne
de l'économie politique dans les plus ultimes retranchements
de la vie privée et dans le sanctuaire de la création.
En effet, l'économie politique elle-même vacille dans
ses règles, dans ce qui est la valeur, dans l'unité
des droits de propriété. Il se produit un retour à
l'intérieur de l'économie cette fois-ci de tout ce qu'elle
avait rejeté en dehors d'elle depuis Adam Smith
On se propose ici d'examiner en quoi ces transformations majeures
peuvent être appréhendées ou non dans les divers
cadres explicatifs qui ont été proposés en
particulier la théorie de la société de l'information
ou celle de la théorie de l'économie fondée
sur la connaissance. Nous proposons de recourir à la notion
de capitalisme cognitif pour mieux saisir les enjeux actuels des
conflits qui ont trait à la redéfinition des droits
de propriété intellectuelle et immatérielle
et que nous appelons la nouvelle bataille des clôtures (enclosures).
Après une remarque d'ordre épistémologique,
nous rappellerons tout d'abord les éléments saillants
des transformations observables depuis une vingtaine d'années
(en fait sur une période plus longue quand on relit le passé
et les mouvements profonds à partir de notre présent)
puis nous examinerons les nouvelles frontières de l'économie
politique aujourd'hui.
Pour une épistémé de la rupture
Les analyses des transformations intervenues depuis 1975 dans l'économie
mondiale sont multiples, nuancées, mais pour s'en tenir à
celles qui prétendent être globales, on peut dresser
une ligne de partage facile entre celles qui inscrivent l'après-fordisme
dans la continuité des tendances du capitalisme industriel
apparu vers 1780-1815, et celles qui se situent du côté
de la thèse d'une rupture fondamentale. Les premières
ont pour elles la modestie de leurs prérequisits, le caractère
évident ou familier de ces derniers constitués en
discipline "scientifique", c'est-à-dire des instruments
de comptabilité nationale et privée qui ont fait leur
preuve et sont encore opératoires, une théorie des
cycles économiques que n'impressionnent pas neuf ans de prospérité
américaine sans l'ombre d'une récession. En face des
partisans de la thèse des variations sur un thème
imposé (le capitalisme), les tenants de la rupture profonde
dans le capitalisme paraissent en position de faiblesse : leurs
capacités prédictives selon les règles de l'art
des modèles économiques testables, s'avèrent
bien moindres car elles ne peuvent s'appuyer sur le prolongement
de la tendance, leurs outils conceptuels relèvent plutôt
de l'hypothèse, du programme de recherche qui n'a pas encore
été reconnu par les gens du métier. Pourtant
il nous semble qu'il faut courir le risque de la thèse de
la rupture profonde. Trop de phénomènes n'entrent
plus dans le moule de l'économie politique traditionnelle
(et pas simplement dans le moule du courant principal (main stream)
de l'économie, c'est-à-dire l'école néoclassique)
pour que nous puissions écarter l'hypothèse sacrilège
que le programme de recherche de l'économie née avec
Adam Smith, Ricardo, tout comme le programme finalement annexe qui
l'a relayé avec Jevons, Walras et Pareto soient bel et bien
entrés dans une phase de sclérose et de dégénérescence
marquées par une exaspération d'une formalisation
et d'une axiomatisation de plus en plus stériles. La thèse
défendues ici sera celle d'une nouvelle "grande transformation"
(pour reprendre l'expression de Karl Polanyi) de l'économie
et donc de l'économie politique. Recourant à la terminologie
de la théorie de la régulation, nous parlerons d'une
mutation non dans le mode de régulation simplement mais dans
le mode d'accumulation. Certes, ce n'est pas une rupture dans le
mode de production car nous sommes toujours dans le capitalisme,
mais les composantes de ce dernier sont aussi renouvelées
que celles du capitalisme industriel ont pu l'être par rapport
au capitalisme marchand (en particulier dans le statut du travail
dépendant qui passe du second servage et esclavage au salariat
libre).
Pour désigner la métamorphose en cours nous recourrons
à la notion de capitalisme cognitif2 comme troisième
espèce de capitalisme en nous appuyant sur nos recherches
sur le salariat d'un point de vue des transformations de longue
durée du capitalisme historique3 ainsi que sur celles des
autres chercheurs de notre laboratoire Isys-Matisse. Ce programme
de recherche ne correspond pas à la simple analyse de l'économie
de l'information à quoi l'on a réduit la mutation,
ni, non plus, à l'extension des modèles économiques
formalisés à l'incertitude et à la finance,
à ce que l'on appelle l'économie cognitive 4.
Faits nouveaux, pour de nouvelles hypothèses
La révolution des NTIC (nouvelles technologies de l'information
et de la communication) a été comparée par
Peter Drucker et bien d'autres, à la révolution des
chemins de fer5. Il n'est pas abusif de parler d'une " révolution
cognitive " qui englobe les technologies mais aussi les usages
et pratiques de la connaissance6. La comparaison vaut pour l'échelle
de changement introduite, mais elle ne mesure pas la mutation qualitative
qui touche aussi bien la substance que la forme de la valeur. C'est
en fait à un changement de paradigme total que les NTIC sont
en train d'aboutir, comparable seulement à la dilatation
du monde que l'on a observée entre 1492 et 1660, et encore,
cette dilatation n'est-elle pas de même nature.
Non seulement les paramètres de l'espace et du temps sont
radicalement modifiés, mais la refonte radicale des représentations
qui est à l'oeuvre touche aussi bien la conception du faire,
du sujet du faire, que celles de l'agir, de l'acteur, du produire
et du producteur du vivre et des conditions de la vie sur terre.
S'il est facile de pointer les éléments de continuité
entre le créationnisme judéo-chrétien, l'arraisonnement
de la Nature par la technique post-Renaissance cartésienne
(Heidegger), la "révolution industrielle" d'une
part, et la cybernétique, l'informatique et les inventions
liées à la découverte de support de l'information
et de son acheminement de l'autre, la nature du saut radical qui
sépare les premières transformations des secondes
est moins analysée alors qu'elle est cruciale pour l'économie
des forces en action et leur gouvernabilité.
La description phénoménologique de la mondialisation
a été largement faite désormais ; la principale
caractéristique est que le rétrécissement radical
des distances et les bas coûts d'acheminement et de transmission
de l'information codifiée dans des systèmes binaires,
ne constituent pas un simple moyen au service des unités
anciennes, mais opèrent une mutation radicale des découpages
de pouvoir. Les niveaux administratifs qui s'étaient édifiés
lentement sur la décomposition du Moyen Âge (les Villes
Cités, l'Etat moderne, la Nation, et dernièrement
les Organisations Internationales) perdent de leur substance et
de leur pertinence pour traiter des problèmes et prendre
décisions de façon autonome et cohérente7.
La mondialisation ne dilate pas l'espace de façon enivrante
comme lors des grandes découvertes, un même espace,
elle "déterritorialise" et "reterritorialise"
des espaces, désarticule immédiatement les homogénéités,
les cohésions aussi bien au centre qu'à la périphérie,
alors que les conquêtes du monde par les Empires européens
successifs, vénitien, génois, portugais, espagnols,
français, hollandais, anglais puis américain, avaient
commencé par détruire les mondes premiers, eux-mêmes
ne se transformant que par un lent effet de retour (feed-back) du
à la naissance de l'inflation, à la possibilité
d'accumuler plus vite. Pour situer sommairement le capitalisme disons
que nous distinguons trois configurations principales du capitalisme
qui peuvent être identifiées : le capitalisme marchand
fondé sur l'hégémonie de mécanismes
d'accumulation de type marchand et financier et étatique
et qui se développent entre le début du XVI° siècle
et la fin du XVII° siècle ; le capitalisme industriel
fondé sur l'accumulation du capital physique et sur le rôle
moteur de la grande usine manchestérienne dans la production
de masse de biens standardisés ; le capitalisme cognitif
fondé sur l'accumulation du capital immatériel, la
diffusion du savoir et le rôle moteur de l'économie
de la connaissance. Quelles sont les caractéristiques de
la mutation en cours depuis une trentaine d'années et qui
nous permettent de parler de capitalisme cognitif bel et bien en
train de s'installer ?
1. La virtualisation de l'économie, c'est-à-dire,
le rôle croissant de l'immatériel et des services liés
à la production de cet immatériel8 2. Le rôle
désormais fondamental de la saisie de l'information, de son
traitement, de son stockage sous forme numérisée dans
la production de connaissance et dans la production tout court à
partir de petits ordinateurs décentralisés de plus
en plus puissants reliés entre eux par l'Internet et la Toile9.
3. Le rôle décisif dans la croissance du processus
de captation de l'innovation des processus cognitifs interactifs
de coopération sociale, des savoirs tacites aussi bien par
l'entreprise, que par le marché et la puissance publique10.
La connaissance et la science qui avait été incorporées
dans la valorisation du capital industriel, mais en demeurant distinctes,
deviennent le lieu hégémonique, la leading part du
système. 4. Le progrès technique n'est plus une caractéristique
exogène, il prend la forme d'un système socio-technique11
caractérisé par les NTIC (nouvelles technologies de
l'information et de la communication)12. 5. Lorsque l'enjeu économique
majeur devient la production de la connaissance et de l'innovation
(et pas simplement de l'information) le modèle smithien de
division du travail, qui s'était imposé avec le modèle
de la manufacture d'épingles et qui avait été
perfectionné par le taylorisme, se retrouve invalidé
dans ses trois dimensions majeures13. Celles de la spécialisation
de l'activité (réduction du travail complexe au travail
simple, division de l'exécution manuelle d'avec la conception
intellectuelle) conçue pour diminuer le temps d'apprentissage
: celle de la taille du marché perd sa pertinence dans un
univers de production de petite série, une "économie
de variété (R. Boyer) dans un contexte de forte incertitude
de la demande ; l'innovation s'agissant de la coordination de processus
complexes est freinée par la division du travail14 ; celle
enfin des gains de productivité ne résulte plus d'économies
d'échelle pour pallier la loi des rendements marginaux décroissants15.
6. On assiste à un bouleversement des séquences productives
donc de la division du travail et de ses composantes : en particulier
au renversement des séquences production/commercialisation
(dans l'Ohnisme16 appliqué à la production automobile17
apprentissage / production) ; au caractère productif de la
consommation comme produisant de l'information et de la régulation
en temps réels de la production ; enfin à la réversibilité
des outputs réinjectés comme inputs (multiplication
à tous les niveaux de boucles de feed-back)18. 7. La nature
uniforme d'étalon des marchandises est remise en question
en raison de la pluralité irréductible des inputs
et dissolution des lignes de partages traditionnels entre capital
/ travail homogène ou qualifiés / non qualifiés.
L'école évolutionniste souligne la distinction hardware,
software et wetware 19. 8. La montée irrésistible
dans les modèles de coopération sociale et productive
d'une quatrième composante, le netware ou réseau.
La société de réseau20 est rendue possible
par l'informatique (la numérisation, la programmation, par
la diffusion de l'ordinateur personnel et par la constitution de
l'Internet21). 9. Cette montée de la "coopération
entre les cerveaux"22 comporte un déclin du paradigme
énergétique et entropique de la force de travail,
des marchandises matérielles dans la production de richesses.
10. Le rôle dominant des économies d'apprentissage
dans les phénomènes de différenciation des
marchés et de concurrence inter capitalistique23. 11. Le
caractère central du travail vivant non consommé et
non réduit à du travail mort dans le machinisme24
et importance des savoirs implicites irréductibles à
du machinisme, à du capital humain standardisé codifié
; Dans les sociétés dont la forme se rapproche du
capitalisme cognitif, le travail vivant et la consommation "
vivante " occupent toutes deux une place centrale. 12. Le déclin
des concepts de performance individuelle de l'entreprise25, de la
performance factorielle (problème de l'indicateur de productivité)
et globalisation de la performance étendue au territoire
productif26. 13. La spécificité du bien information
quant à son usage, son amortissement, son enrichissement,
son appropriabilité exclusive, son horizontalisation nécessaire
(firme apprenante se manifeste de façon croissante. Nous
y reviendrons mais cette caractéristique qui fait émerger
au sein même des relations de marché, la connaissance
comme bien public n'est pas séparable de la révolution
des NTIC dans la crise de mise en oeuvre (enforcement) des droits
de propriété classique (y compris ceux de la propriété
intellectuelle, les brevets, les droits d'auteur)27 14. Les externalités
cessent d'être marginales et liées à de simples
phénomènes partiels d'indivisibilité (problème
du rapport de l'économie avec la sphère non marchande)
pour se généraliser. L'exaspération de la "norme
marchande" se produit dans une situation paradoxale : les prix
de transferts sont incommensurables avec les prix de marché28
et les coûts de transactions sont infinis. Il ne s'agit que
des traits les plus saillants d'un développement des forces
productives, pour employer la terminologie canonique, qui se confond
de plus en plus avec le développement de la force productive
des cerveaux humains en interaction. Nous pouvons essayer maintenant
de caractériser le capitalisme cognitif ou troisième
capitalisme, au-delà du capitalisme marchand et du capitalisme
industriel et financier.
La thèse générale défendue ici est
que la transformation qui touche l'économie capitaliste et
la production de la valeur est globale. Elle traduit la sortie du
capitalisme industriel né avec la grande fabrique manchestérienne
qui reposait essentiellement sur le travail matériel ouvrier
de transformation de ressources matérielles. Pas plus que
le capitalisme industriel n'avait rompu avec la substance du capitalisme
marchand esclavagiste, le capitalisme " cognitif " qui
s'annonce et qui produit et domestique le vivant à une échelle
jamais vue, n'évacue le monde de la production industrielle
matérielle : il le ré-agence, le réorganise,
en modifie les centres nerveux. Il obéit à cette nouvelle
logique et ne se contente pas de tordre la logique de l'ancienne
économie comme une perversion sans avenir. La financiarisation
est donc l'expression de ce remodelage, du reformatage de la production
matérielle. Par capitalisme cognitif, nous désignons
un régime d'accumulation dans lequel l'objet de l'accumulation
est principalement constitué par la connaissance qui devient
la ressource principale de la valeur et qui devient le lieu principal
du procès de valorisation. Ce régime se manifeste
empiriquement par la place importante de la recherche, du progrès
technique, de l'éducation (la qualité de la population),
de la circulation de l'information, des systèmes de communication,
de l'innovation, de l'apprentissage organisationnel et du management
stratégique des organisations. Du côté de la
demande, la consommation est aussi orientée vers la technique,
et notamment vers les techniques de l'esprit c'est-à-dire
celles qui mettent en jeu les facultés mentales via l'interaction
avec les nouveaux objets techniques : audiovisuel, ordinateurs,
Internet, consoles de jeu etc...
Une société dans laquelle se manifestent les orientations
du capitalisme cognitif tend à accentuer et exercer directement
un contrôle sur les lieux ou les acteurs détenant des
connaissances ou un potentiel de créativité technique
(que ce soit dans le domaine de la production, du commerce, ou de
l'organisation). Il ne s'agit plus, comme dans la société
industrielle, d'accroître l'emprise sur les lieux de production,
de développer l'organisation de la production et de maîtriser
une capacité de production de plus en plus étendue
afin de bénéficier d'économies d'échelle
ou d'effets d'expérience. Il s'agit principalement de gérer
des connaissances techniques, d'assurer le développement
de processus d'apprentissage, de créer des connaissances
nouvelles, et de se ménager l'accès à des connaissances
disponibles à l'extérieur. Il s'agit aussi de mettre
en place des systèmes étendus de communication et
de développer la gestion de projets29.
Un système de ce type vise à placer au centre de
la sphère de production et à intégrer pleinement
à la sphère économique marchande et non marchande,
des ressources qui leur étaient extérieures. Ceci
requiert souvent l'établissement d'un certain nombre de règles
de nature institutionnelle. Le salariat libre qui avait été
la forme canonique de la soumission du travail dépendant
connaît alors une crise constitutionnelle : son ancien régime
n'est plus compatible avec les nouvelles formes d'accumulation.
La crise structurelle de l'emploi est une crise de l'emploi salarié
sous sa forme fordiste et keynésienne. Elle e ne marque pas
la fin du travail, ni celle du travail dépendant, car des
formes de soumission nouvelle apparaissent avec la dé-salarisation
formelle d'employés qui sont directement sous les ordres
du marché même s'ils sont autonomes ou indépendants
ou bien avec des formes d'emploi dépendant qui ne bénéficient
plus des garanties du volet social du salariat classique. Le développement
du capitalisme cognitif ne peut en effet se réaliser sans
un certain nombre d'agencements réglant des activités,
des relations et des droits de propriété dont l'encadrement
institutionnel se révèle insuffisant. Les deux lignes
directrices de l'installation d'un régime stable du capitalisme
cognitif consistent : 1) à faire apparaître les externalités
positives dans une globalisation qui sert aussi à solder
les externalités négatives dans un souci d'éliminer
les sources de déséquilibre durable sur la croissance
de la production connaissance. 2) À capter les externalités
positives et à les valider dans la création d'un profit
privé30.
Dans ce cadre, le capital tend à se détacher de la
maîtrise et du contrôle direct des moyens de production.
Le lien avec les unités de production devient un enjeu secondaire.
La source de valeur n'est plus là. Le capital devient plus
abstrait, moins dépendant des contraintes matérielles
de localisation et de contrôle d'une certaine main d'oeuvre
directe. La firme devient la "boîte vide" (hollow
box) de Peter Drucker, c'est-à-dire essentiellement des droits
de propriétés et les moyens juridiques de les faire
respecter.
La crise majeure systémique qui guette le capitalisme cognitif
n'est pas une chute dans l'indifférenciation monétaire,
ni les incertitudes dues à la financiarisation31 de l'économie.
C'est plutôt le contraire qui se produit. La financiarisation
de la production matérielle reflète deux choses à
la fois : 1) la trop grande lenteur de la transition en cours et
; 2) le mode de contrôle sur la coopération des cerveaux
qui ne sont plus maintenables dans la hiérarchie industrielle
par le biais du fordisme ou du taylorisme. L'incertitude essentielle
qui pèse dans le capitalisme cognitif concerne la difficulté
croissante de valider ex post la loi de la valeur travail, bref
d'inscrire les nouveaux rapports de propriété et les
institutions qui garantiraient la "loi du marché".
La re-privatisatioon de la coopération sociale n'apparaît
plus comme un développement de la force productive qu'est
l'activité du travail vivant, mais une régression.
Le capitalisme cognitif ne peut plus recourir aux vieilles recettes
du salariat. Il est bloqué comme l'a été le
capitalisme marchand quand il s'est agi d'abandonner le travail
dépendant non libre de l'esclavage au second servage. Mais
cette alternative considérable qui se dessine est largement
dissimulée par la mobilisation des vieilles catégories
progressistes de la critique de l'économie politique dans
un sens réactif ou réactionnaire et nostalgique du
capitalisme industriel fordiste.
Le déclassement de la vieille économie politique
Mise à part la littérature très instructive
mais purement descriptive que l'on retrouve chez les praticiens
de la finance ou dans certains manuels de gestion, force est de
dresser le constat que l'analyse économique de tradition
critique ne fait pas preuve d'une grande fécondité.
La plus grande partie de la tradition marxiste ou critique se contente
d'insister sur le caractère faussement novateur des transformations
en cours en mettant en lumière la persistance des phénomènes
de domination, d'exploitation. Ainsi la dénonciation de la
finance et de l'argent retrouve- t-elle des caractéristiques
populistes que Marx avait combattues dans ce qu'il appelait le "
marxisme vulgaire ", lors qu'elle rapporte la croissance spectaculaire
de la sphère financière à une simple maladie
ou un déséquilibre ou perversion intrinsèque
conduisant à " l' écroulement final " déjà
largement invoqué du temps d'Hilferding32. Elle se situe
le plus souvent dans un registre symétrique de la littérature
apologétique : face aux thuriféraires du système,
elle se croit obligée d'adopter les registres de la déploration
ou de dénonciation en faisant bon marché du défi
que représente la compréhension des mécanismes
véritables en jeu. La tradition de la critique de l'économie
politique semble largement oubliée ou anémiée.
Les quelques exceptions à cet épuisement du paradigme
critique, la théorie de la régulation, l'économie
des conventions ont du mal à intégrer la mutation
du capitalisme en cours dans leur analyse. La théorie de
la régulation a tenté de rendre compte des transformations
au sein du capitalisme en distinguant des modes de régulation
de l'accumulation (passage du capitalisme concurrentiel à
un capitalisme monopoliste) et des dispositifs institutionnels (en
particulier le régime salarial). Elle propose a proposé
le terme de post-fordisme pour désigner la mutation à
partir des travaux de R. Boyer, A. Lipietz notamment. L' économie
des conventions, ranimant le courant institutionnaliste et radical,
met l'accent sur le caractère social des compromis institutionnels
en réintégrant dans l'analyse économique les
procédures, les langages, les habitudes des agents . Malgré
la finesse et la richesse de certains de leurs développements,
ces deux grands volets de l'analyse critique du capitalisme partagent
avec le courant marxiste orthodoxe, et ajoutons avec le courant
néo-classique, le même socle épistémologique,
celui qui s'est constitué à la fin du XVIII° siècle
avec Adam Smith et David Ricardo avec ses topiques. Si la conception
de la valeur reçoit différentes acceptions (les querelles
sur le prix du travail ou de la force de travail, sur la valeur
travail ou la valeur utilité) deux invariants sont présents
partout : le modèle développé par Adam Smith
de la division du travail et de la coopération, le lieu fondamental
où se forge la valeur économique à savoir la
sphère de la production entendue comme celle de l'entreprise.
Or ce sont précisément ces deux piliers principaux
de l'édifice conceptuel de l'économie politique qui
se trouvent minés aujourd'hui par le troisième capitalisme
dont la nouvelle économie n'est que le symptôme avant-coureur.
L'une des conséquences majeures de la sénilité
de l'économique politique classique, et son enfermement corrélatif
dans une formalisation mathématique excessive, c'est son
obstination à continuer de soutenir que la production de
valeur ne peut émerger dans la circulation. La sphère
financière demeure vue de façon essentiellement parasitaire
et les dépenses sociales comme des " faux frais "
de la production capitaliste. On assiste donc à une hypertrophie
de l'analyse de la sphère monétaire et financière
dont les conséquences, jugées perverses ou néfastes
sur l'économie réelle, sur la valeur sont désignées
par le terme de financiarisation de l'économie. Mais le chemin
inverse qui consisterait à se demander les raisons de ce
basculement est beaucoup plus rarement emprunté33. On a vu
récemment beaucoup d'économistes néo-classiques
ou critiques se réjouir du krach du marché des valeurs
technologiques (du Nasdaq en particulier) parce qu'ainsi tout rentrerait
dans l'ordre de l'orthodoxie théorique. La bulle spéculative
devait crever comme une bonne purge34. On pouvait donc revenir aux
bons vieux concepts qui appellent un chat un chat et un spéculateur
un coquin. Pareille attitude outre son caractère réactif
sur le plan méthodologique (les catégories sont immuables
et la réalité est priée d'entrer dans leur
lit de Procuste) est surtout peu féconde. Existe-t-il des
théories économiques nouvelles qui échappent
à ces oeillères ?
Intérêt et limites des approches nouvelles
Le panorama théorique n'est pas toutefois aussi gris qu'on
pourrait le déduire de ce jugement sans aménité
qui vient d'être exposé sur l'économie politique
et sa critique. Quatre approches tendent en effet de rendre compte
des transformations de l'économie dans une direction intéressante
: 1) la doctrine désormais officielle d'une économie
reposant sur la connaissance (knowledge based economy) ; 2) l'idée
d'une économie patrimoniale défendue par Michel Aglietta
et une partie de l'école de la Régulation35 ; 3) celle
d'une société des réseaux développée
par les travaux de Manuel Castells ;4) celle enfin du mouvement
pour une économie du don ou altruiste dans la tradition polanyienne
dont A. Caillé et La Revue du Mauss sont de représentants
actifs en France36. On ne saurait dans le cadre limité de
ce panorama rapide, développer les pistes ouvertes par ces
contributions. On se bornera ici, à souligner leur rôle
positif dans le déblocage de la pensée critique vis-à-vis
de la mutation en cours. Toutes ces écoles de pensée
ont le mérite considérable de ne pas se boucher les
yeux devant la prodigieuse transformation de la substance de l'économie.
Elles ne sont pas toutefois exemptes de limites. Ainsi la knowledge
based economy 37malgré l'acuité de sa description
de l'immatérialisation de la connaissance38 et de son rôle
crucial, malgré sa sortie partielle du schéma d'Adam
Smith de division du travail et d'un " frabriquisme "
ou usinisme manchestérien, demeure prisonnière dans
ses a priori théoriques, d'une théorie schumpéterienne
de l'innovation. L'invention demeure in fine extérieure au
cycle économique. Il n'y a pas de production de la connaissance39.
Au mieux trouve-t-on des recommandations pour une industrialisation
et une financiarisation de la connaissance. La nouvelle organisation
rationnelle d'une économie reposant sur la connaissance entend
en effet mesurer les performances et à assujettir plus étroitement
à la sphère marchande les lieux de productions de
savoir, bref à fournir de meilleures recettes pour capter,
par les mécanismes de valorisation, l'invention produite
par les usages innovants et les apprentissages des agents40. Paradoxalement,
les experts de la knowledge based economy se bornent à ajouter
des appendices aux développements de Marx dans les Grundrisse
sur le pouvoir du capitalisme comme pouvoir de la science41 alors
qu'ils décrivent un système qui doit avant tout contrôler
la production de la connaissance en son sein.
La théorie d'une régulation patrimoniale du capitalisme
prend bien en compte une socialisation décisive et irréversible
de la coopération sociale et d'une globalisation de la productivité
que seule l'approche financière permet de solder42, mais
la liaison entre la sphère financière et la sphère
matérielle est un point faible de son analyse tandis que
le modèle contractualiste auquel elle reste fidèle43
empêche de démêler plus précisément
ce qui relève du conflit régulable et producteur de
dispositifs institutionnels nouveaux de ce qui est un facteur de
déséquilibre ou de crise.
La théorie de la société des réseaux
exposée par Manuel Castells dans son monumental ouvrage sur
la société de réseaux44, présente dans
l'analyse de la sphère dite " réelle "45,
des limites qui ressemblent à l'approche " patrimoniale
". De même que dans la création de la monnaie,
le pouvoir des agents se trouve totalement absorbé et contrôlé
dans les institutions consensuelles, dans la société
de réseaux le capitalisme semble avoir entièrement
gagné la partie, ce qui a pour conséquence que les
espaces de subjectivation alternative se trouvent quasiment inexistants
ou marginalisés. Tout se passe comme si la richesse de l'univers
des réseaux se trouvait ramenée à une ressource
en richesse pour l'appareil de captation de surplus. Le conflit
ne se multiplie pas dans le réseau, il s'y dissout littéralement
ou devient un simple bruit.
Un tel danger ne guette pas l'école polanyienne et maussienne
du don qui se propose de fournir une alternative altruiste au cadre
de l'échange marchand. Ce courant de pensée auquel
s'adossent les positions anti- libérales dans la mondialisation
plaide pour englober l'analyse de l'échange par l'économie
classique et néo-classique dans un ensemble plus large. L'échange
marchand comme échange d'équivalents stricts mesuré
par la monnaie ne parvient pas à rendre compte de toutes
formes d'échange beaucoup plus riches en liens sociaux tel
le potlatch, mais aussi la relation religieuse comme échange
incommensurable et totalement asymétrique entre le don infini
de la grâce divine et le culte de la créature dans
la théologie46. Pourtant, cette tentative de conserver un
espace non marchand dans la coopération sociale, laisse paradoxalement
intact le cadre de la division du travail conçue comme un
échange entre individus. Elle continue de partager la vision
de l'économie politique de Smith : la mesure de l'échange
doit, pour elle, être revue au sens où la norme marchande
est à encastrer et contrôler au moyen des normes sociales
et des règles symboliques, mais il s'agit toujours de mesurer
des valeurs47. Aussi demeure-t-elle peu sensible aux transformations
des termes mêmes de la conception de la division du travail
et à celles de la valeur économique qui sont en train
de se produire sous le capitalisme cognitif à l'intérieur
de l'économie elle-même. Ce qui est pourtant singulier
dans la phase de mutation que nous connaissons, c'est que les frontières
de l'économie sont en train de vaciller sérieusement
et pas seulement dans le sens d'une expansion continue, démesurée
et irrésistible de la marchandisation. Les nouvelles frontières
et nouvelles clôtures du capitalisme cognitif révolutionnent
bel et bien ce que les économistes, les chefs d'entreprise
comme les banquiers avaient coutume d'entendre par capitalismeá
car elles touchent à la fois la lisière de la sphère
marchande que sa structure interne.
Les nouvelles frontières extérieures et
intérieures
La mutation du deuxième capitalisme au troisième
capitalisme est considérable parce qu'elle implique l'ensemble
des rapports de propriété et particulièrement
la propriété intellectuelle. Rappelons que la propriété
est définie par l'économie du droit comme la faculté
ou le pouvoir d'exercer un choix sur un bien, sur un service, sur
un usage. Le nouveau continent de la valeur voit naître avec
les espoirs d'Eldorado, des explorateurs, des aventuriers, des pionniers,
des pirates, de nouveaux États corsaires. Il voit naître
aussi de nouvelles cultures, culture des nouveaux espaces, culture
de ces nouveaux marchés avec leur cortège d'attelages
étranges, hybrides. Le numérique secrète ses
sectes éphémères, ses valeurs culturelles pérennes.
Il ne s'agit pas simplement de frontières extérieures,
mais bien aussi de ses frontières intérieures. Dans
l'histoire du capitalisme comme phénomène historique,
la découverte de nouvelles terres à conquérir
s'est toujours traduite par un problème d'établissement
de droits. L'appropriation par les couronnes Ibériques du
Nouveau monde a ouvert des conflits immédiats tant avec les
colons blancs installés qu'avec les populations autochtones.
Conflits de territoires bien sûr : comme cet adage terra nullius
(la terre de personne est réputée appropriable par
le nouvel arrivant) qui permit la spoliation des populations autochtones
sous prétexte qu'elles n'exhibaient aucun titre de propriété
individuelle et dont récemment la Cour Suprême australienne
a accepté d'entreprendre la révision. Mais conflits
de droit plus subtils aussi, portant sur la nature des créatures
: les Indiens et les Noirs ont-ils une âme ? Si oui, il paraissait
difficile de les traiter comme des choses ou du bétail, c'est-à-dire
de les réduire en esclavage. La découverte des moyens
pour les humains de pénétrer dans la fabrique du vivant
et d'y intervenir (génome, organisme génétiquement
modifié, clonage) ranime des querelles de cette ampleur autour
des enjeux commerciaux considérables des transplantations
d'organe, des cultures thérapeutiques sur embryon, jusqu'au
clonage humain, ainsi que des biotechnologies. Il existe toutefois
une différence considérable avec l'ère des
grandes découvertes : les conquistadors, puis les colons
disposaient d'un arsenal de droits de propriété assez
complet et bien au point pour quadriller les nouveaux " eldorados
" : la propriété éminente du souverain
qui permettait d'annexer en droit des millions de kilomètres
carrés, les systèmes de délégation semi-seigneuriale
(Encomiendas, Capitaineries feudataires), les propriétés
ecclésiastiques jouissant de leurs propres tribunaux, la
propriété privée illimitée du colon
faisant de l'individualisme possessif à la Locke comme Monsieur
Jourdain faisait de la prose. On ne décèle, au coeur
de l'Occident entre 1500 et 1880, aucune crise de la propriété,
mais un maillage de plus en plus fin qui laisse échapper
de moins en moins de poissons et de ressources autochtones. Autrement
dit, il n'y a aucune crise de la propriété à
l'intérieur des Nations Européennes occidentales.
Les seules crises féroces concerneront la répartition
des pouvoirs de ces différentes formes de propriétés
(en particulier la propriété religieuse qui perdra
son statut d'exception après la Réforme et la laïcisation
de l'État) et dans les colonies et les Empires (russe et
américain) avec le statut du travail dépendant (la
question de l'esclavage et du servage)48. Aujourd'hui en revanche,
les nouveaux territoires sont situés à l'intérieur
du capitalisme après la première mondialisation (XV°-XIX°)
et d'autre part et surtout, les droits de propriété
sont minés à l'intérieur même par la
révolution des nouvelles technologies de l'information et
de la communication. Il s'agit de déterminer ce qui est privé,
ou privatisable en le séparant de ce qui ne saurait faire
l'objet d'une exploitation économique (premier degré)
et ce qui, bien qu'exploitable ou productible comme une ressource
économique, ne saurait faire l'objet d'une appropriation
privée et devrait donc rester objet de la propriété
publique. Lé délimitation de nouvelles clôtures
ne regarde pas simplement les clôtures privées (comme
à l'époque des Parlamentary Enclosures du XVIII siècle)
mais également les clôtures ou limites entre ce qui
peut faire l'objet d'une intervention humaine et fabricante et ce
qui ne le peut pas. On peut parler dans ce cas de clôtures
en voie de constitution qui délimitent le domaine de l'écologique
à ne pas envahir. La nouvelle bataille des clôtures
tourne donc autour de la détermination de trois domaines49.
Le premier est celui de la biosphère, qui, par sa complexité
et la fragilité de son équilibre, requiert l'application
d'un principe de précaution aussi bien par rapport à
l'intervention économique privée que par rapport à
l'action publique de " mise en valeur "50. Il est ainsi
clair que les projets " nationaux " de gestion des ressources
hydroélectriques, forestières, d'irrigation, d'amendement
des sols, en raison même de leur ampleur et de leurs répercussions
sur la désertification des sols, sur les modifications climatiques,
ne peuvent pas plus être laissés à la souveraineté
" publique " qu'aux initiatives des firmes transnationales.
De même, malgré ses effets moins nocifs sur la production
de carbone, la filière du nucléaire est abandonnée
par un grand nombre de pays en raison de l'impossibilité
de maîtriser réellement le problème de traitement
des combustibles irradiés, source de dégradation pluri-millénaire
de la planète. Le deuxième type de clôture désigne
le nouveau domaine de la sphère publique, essentiellement
définie comme excluant l'appropriabilité privée
de certaines ressources maintenues dans le domaine de l'accès
public et gratuit pour des raisons d'efficacité économique
(principe de disclosure ou révélation pour susciter
et préserver l'innovation) et/ou des raisons politiques (immaturité
des agents privés à intérioriser et endogènéiser
dans le calcul économique des règles plus complexes
que la formation du profit à court terme) et/ou des raisons
éthiques (immaturité passagère ou durable de
la société en général à affronter
la maîtrise du vivant51).Ces barrières ne sont pas
immuables. Ainsi il n'est pas exclu que l'état des connaissances
techniques permette un jour d'admettre que la puissance publique
puisse intervenir dans la production de la biosphère de façon
non catastrophique, ou à l'aveuglette comme c'est le cas
actuellement. On examinera maintenant l'un des aspects le plus emblématique
de cette bataille générale des clôtures : celle
qui concerne les biens information ou biens connaissance dans la
transition au capitalisme cognitif.
La bataille des clôtures sur les biens connaissances
L'incorporation de la science dans la production n'est pas un phénomène
nouveau : le capitalisme industriel a développé une
application systématique de la science52. Les inventions
ont ainsi été appliquées sous forme d'innovations
technologiques. Mais la numérisation des connaissances, l'informatisation
du traitement des données, leur diffusion à l'échelle
des individus par la généralisation des ordinateurs
personnels aux capacités de mémorisation de plus en
plus grandes, les coûts de plus en plus bas de l'acheminement
des données ont changé complètement les termes
dans lesquels se trouve définie la propriété
intellectuelle et industrielle des biens immatériels qui
régissaient et régissent toujours largement la vie
économique. Un procédé technique, une connaissance
spécifique immatérielle pouvait faire l'objet d'une
appropriation privée dans la mesure où elle est brevetée.
Le compromis du brevet consiste en une description précise,
permettant à n'importe quelle personne " de l'art "
de comprendre et de reproduire le procédé innovant,
non révélé jusque-là. En échange
de cette mise à disposition de cette innovation pour les
États, l'auteur du brevet s'en voit reconnaître la
paternité morale et juridique et a la possibilité
d'en vendre l'usage exclusif à des acheteurs pour une durée
limitée dans le temps (de dix à vingt ans en moyenne).
Au terme de cette période, le brevet tombe dans le domaine
public des connaissances incorporables gratuitement dans la production.
La création artistique et littéraire a fait l'objet
d'une codification du droit de propriété différente
dans ses modalités, mais fondamentalement semblable dans
son propos53 : à la différence du procédé
ou produit de nature industrielle, l'oeuvre se définit par
son originalité, son caractère artistique. L'élément
industriel, c'est-à-dire la répétition ou reproduction
de l'oeuvre (le livre par exemple dans son support matériel)
fait l'objet d'une cession marchande temporaire et renouvelable
de la part de l'auteur. Ce dernier et ses héritiers se voient
garantir deux droits distincts : le droit patrimonial d'abord plus
long que le brevet d'exploitation d'une invention, car la clause
de chute dans le domaine public est de plusieurs dizaines d'années
et le droit moral incessible en droit français qui garantit
que la singularité de l'oeuvre ne sera pas compromise par
le plagiat, la déformation, le détournement du sens
etc. Le droit de propriété artistique et intellectuelle,
tel que nous le connaissons résulte de codifications successives
qui intervinrent chaque fois que des techniques et leurs usages
mettaient en question l'exercice du droit de propriété
dans sa définition comme dans sa mise en oeuvre que les juristes
nomment son exécution ou enforcement en anglais. Définir
en effet un droit de propriété comme le pouvoir d'exercer
un choix sur un bien et un service ou l'usage de connaissances et
d'informations ne consiste p as seulement à étiqueter
tel ou tel actif comme susceptible de tel droit d'usage, de fructus
(en tirer un revenu) ou d'abusus (l'aliéné ou le céder
pour un temps limité). Cela suppose aussi comme l'exprime
le terme " pouvoir ", la capacité effective de
mettre en oeuvre, d'exécuter ce " contrat " de
propriété. Cette condition gouverne l'inclusion dans
les " ressources économiques " : ce qui est disponible
en quantité illimitée pour tous ne saurait faire l'objet
d'une appropriation économique et donc d'un investissement,
d'une production, d'une vente ou d'une accumulation. L'air à
la surface du globe était jusqu'à, il y a peu dans
cette situation. Les molécules de principe actifs chimiquement
contenues dans les plantes des forêts primaires tropicales.
Mais la rareté, condition indispensable à la mise
sur le marché d'un produit, peut être organisée
involontairement par la sottise humaine (gaspillage de ressources
rares non renouvelables) ou par une malveillance délibérée
(collecte et inventaires des plantes, déposition de demande
de brevet sur leur formule, obtention d'elles par mise en culture
artificielle en laboratoire, puis, étape indispensable pour
rentabiliser l'investissement ainsi effectué, destruction
de la forêt tropicale). La ressource disponible gratuitement
et renouvelable par la propriété de la nature de se
reproduire toute seule avec la lumière, devient une ressource
économique (et rentable) par construction institutionnelle
d'un monopole de sa reproduction : le paysan se bornant à
assurer le cycle producteur sans pouvoir bénéficier
du cycle reproducteur, le consommateur étant invité
à payer pour utiliser le produit54. Toutefois la rareté
et le caractère non renouvelable " naturellement "
d'un bien ou d'un service ne sont pas suffisants pour assurer à
un actif quelconque55 la qualité d'être appropriable
de façon privative par un propriétaire et faire l'objet
d'un contrat de vente ou d'usage. Il faut en effet que cet actif
possède deux autres qualités : le caractère
exclusif (excludability) et le caractère rival (rivalry).
L'exclusivité veut dire que l'appartenance à un propriétaire
prive tout autre personne de jouir des mêmes droits sur cet
actif. La rivalité veut dire que l'usage d'un actif choisi
par le propriétaire n'est pas compatible avec un autre usage.
Ces précisions pourraient paraître assez scolastiques.
Elles ne le sont nullement à partir du moment où l'on
considère les biens publics d'une part, et les biens connaissance
ou les biens informations qui composent une part croissante des
richesses économiques de l'autre. L'analyse économique
des biens publics montre que le caractère non exclusif et
non rival des actifs comme la sécurité, l'éducation,
les infrastructures matérielles communes empêche leur
appropriation et leur production : compte tenu de leur nature, on
ne trouve aucun producteur privé pour les produire. Tout
le monde veut profiter de la sécurité, mais personne
n'est prêt à payer une personne privée pour
y avoir accès. Le marché s'avère donc incapable
d'allouer les ressources nécessaires à leur production
et c'est à la puissance publique qu'incombe le financement
obtenu par prélèvement obligatoire (la question du
caractère privé ou nom de l'entreprise qui réalisera
la production de ces biens ou services est tout à fait secondaire,
car plusieurs combinaisons sont possibles pourvu que le financement
soit public).
Le caractère inexécutable des droits de propriété
de la vieille économie
Or les biens connaissance et les biens information qui constituent
l'armature même du troisième capitalisme présentent
une grande partie des caractéristiques des biens collectifs.
Si X échange avec Y des connaissances, ce qu'il communique
à Y, il ne le perd pas. L'usage qu'en fera Y n'interdit pas
à X d'en faire un usage différent. Paradoxe encore
plus fort, alors que la rareté d'un bien matériel
croit avec son usage du fait de son usure progressive, la valeur
d'un bien information ou d'un bien connaissance croit avec son usage,
sa diffusion. Le mode de la connaissance et de l'information est
un mode de l'abondance56. La part des biens collectifs tend donc
s'accroître jusques et y compris dans la production matérielle
informatisée. Et lorsque les biens informations peuvent être
codifiés en biens vendables sur un marché compte tenu
par exemple de leur rareté ou de la difficulté à
les rendre immédiatement disponibles, leur obsolescence très
rapide constitue une difficulté supplémentaire à
leur marchandisation. Nous sommes conduits ici à la difficulté
la plus importante à la commercialisation de la connaissance
: celle du caractère exécutable des droits de propriété
qui sont établis sur elle. L'impact de la révolution
des NTIC est en effet de rendre reproductible très facilement,
stockable sans usure et acheminable à un coût marginal
quasi nul57 une portion croissante des connaissances mais aussi
de procédés techniques que la numérisation
rend accessibles et codifiables. En résulte une perte des
monopoles ou des rentes de savoir liés à autre chose
que le cerveau. À l'âge de l'Internet, du téléchargement
immédiat, vous ne pouvez espérer conserver une découverte
très longtemps si bien que la publication et la publicité
la plus rapide possible deviennent le seul rempart efficace contre
le plagiat. En revanche les barrières à la diffusion
de la connaissance sont liées au niveau d'éducation
du travail vivant du cerveau. Autrement dit, l'utilisation à
une échelle massive du potentiel de reproduction que contient
la révolution numérique, rend l'exécution des
droits de propriété intellectuelle de plus en plus
difficile. L'apparition du format MP3 de compression du son numérique
rend possible l'échange par téléchargement
d'ordinateurs personnels à ordinateurs personnels (voir le
procès de Naptser). Comme l'explique Richard Barbrook58 les
tentatives des majors de la musique d'interdire ces échanges
en invoquant le respect des droits d'auteurs et de décourager
les 36 millions d'utilisateurs quotidiens de la musique en ligne
gratuite se sont soldées par une victoire à la Pyrrhus.
Napster a été relayé par des logiciels pourtant
beaucoup plus techniques dans leur maniement et les tentatives de
capter la " clientèle potentielle59 " dans des
" abonnements " légaux de Bertelsmann ont été
des fiascos commerciaux. L'apparition prochaine de format de compression
numérique de l'image de très bonne qualité,
l'augmentation considérable de la puissance et de la rapidité
de téléchargement des ordinateurs, le développement
du FreeNet ou de l'Internet sans fil en utilisant la diffusion hertzienne
vont rendre de plus en plus compliquée l'application des
règles d'exécution des droits de propriété
intellectuelles qui se trouvent effectivement au centre des prochaines
re- négociations du l'Organisation Mondiale du Commerce (sous
le nom de TRIPS). La connaissance ou l'information coûtent
cher à produire et consomment, nous l'avons vu, quatre composants,
des biens matériels (machine), des biens immatériels
(logiciels et informations traitables par les ordinateurs), des
services immatériels et vivants (l'activité et l'attention
du cerveau, ainsi que les réseaux). Une partie croissante
de ces biens ou ressources correspondent à des biens collectifs.
La privatisation à une échelle significative de ces
biens alors que la reproduction des produits des biens (informations,
connaissances codifiées numérisées) ne coûtent
quasiment rien, se heurte à l'exécution du contrat
de droit de propriété. Dans la " vieille "
économie, la rareté, la difficulté, la médiocrité,
le coût de la reproduction constituaient les meilleurs auxiliaires
des droits de propriétés privatifs. Les NTIC et leur
appropriation à une échelle massive (1986 avec les
ordinateurs personnels) dans un réseau transnational et libre
d'accès, (l'Internet à partir de 1995) et la diffusion
durant quarante ans des logiciels libres ont affaibli très
fortement le caractère exécutable des droits de propriété.
D'innombrables procès attestent de sa fragilité. Pour
préserver au marché sa place, il faudrait arriver
à réglementer férocement l'usage de la photocopie
ou du téléchargement. Richard Stallman, le développeur
du système GNU qui s'est combiné avec Linux et qui
défend le principe du logiciel libre, c'est-à-dire
de licence de copyleft sur lequel nous reviendrons, imagine un monde
sinistre en 2096, Tycho, où il est interdit à tout
étudiant de prêter ses livres numériques à
un autre étudiant60. La bataille autour du cryptage des données
et des messages illustre également ce phénomène.
Dans le souci de réserver les logiciels de cryptage aux grandes
organisations jugées plus contrôlables, les entreprises
privées ont réclamé de breveter ces logiciels,
tandis que les États tentent actuellement d'imposer des dispositifs
obligatoires de dépôt préalable des codes d'accès
au nom d'impératif de sécurité nationale ou
de lutte contre la criminalité (drogue, pédophilie).
Les développeurs et inventeurs de ces logiciels pour s'opposer
à leur brevetage se sont empressés de les rendre public
sur l'Internet, ce qui interdit le dépôt d'une demande
en ce sens. La fracture numérique constitue l'élément
déterminant pour les pays du Sud, s'ils ne veulent pas se
trouver cantonnés dans les tâches de plus en plus subalterne
d'ateliers de sous-traitance de la production matérielle
tandis que la production immatérielle, le savoir faire, les
réseaux juridiques et les réseaux d'organisation des
marchés globaux demeureraient plus que jamais dans les pays
du Nord. Malgré la ferme intention des Etats-Unis et de l'Union
Européenne de réviser les droits de propriété
intellectuelle dans le sens d'un renforcement des droits de propriété
privés sur les savoirs (le génome, les OGM, les nouvelles
molécules thérapeutiques issues de biotechnologies,
les brevets sur les logiciels) plusieurs symptômes sont apparus
d'une difficulté croissante d'exécution de ce programme
dans la mondialisation. Le projet de l'AMI de réglementation
unifiée de code des investissements a été refusé
ainsi que l'inclusion des biens artistiques et culturels dans les
négociations commerciales de l'OMC, Le clonage des organes
humains soulève une opposition considérable, le projet
Terminator a été officiellement abandonné par
la Monsanto devant le tollé créé par sa diffusion
sur l`Internet (plusieurs milliers de protestations ont été
réunies en quelques heures aux États-Unis), l'Union
Européenne continue à se prononcer contre la révision
de la Convention de Munich qui n'accepte pas la brevetisation des
logiciels, la non-ratification par le gouvernement américain
du Protocole de Kyoto suscite une très forte réprobation.
Mais l'exemple le plus significatif est venu du Sud avec le retrait
de la plainte des firmes multinationales pharmaceutiques américaines
contre le gouvernement sud africain à propos de la production
de médicaments génériques permettant d'abaisser
radicalement le coût des tri thérapies contre le sida.
Il est symptomatique que le gouvernement américain ait finalement
fait pression pour obtenir ce recul de ses propres industriels.
Il semble en effet qu'il ait jugé la situation tellement
dégradée qu'elle risquait de faire échouer
la totalité du cycle de négociations sur les nouveaux
droits de propriété intellectuelle (le TRIPS).
L'éclatement du noyau classique des droits de propriété.
La bataille des clôtures bat son plein. Elle est certainement
l'une des conditions décisives de l'installation d'un régime
d'accumulation plus stable pour le troisième capitalisme.
Il serait largement réducteur de présenter cette bataille
comme perdue d'avance pour les adversaires d'une mondialisation
marquée au seul sceau du néo-libéralisme. Deux
éléments se conjuguent pour bloquer le passage en
force de dispositifs contraignants et répressifs, malgré
des situations d'exception créées sur l'Internet au
nom de la lutte anti-terroriste depuis le 11 septembre 2001. Le
premier tient à l'étendue de la transgression des
droits de propriété intellectuelle dont le piratage
et la napstérisation populaires sont des indices patents.
La firme Microsoft n'a pas été démantelée
comme l'avait préconisé le Juge Jackson lors de la
première phase du procès anti-trust ; elle poursuit
ses pratiques de conquête d'un monopole sur le marché
des logiciels propriétaires. Elle pourfend le piratage de
ses logiciels avec une belle énergie. Mais en Russie, les
trois quarts des logiciels propriétaires utilisés
(presque exclusivement Microsoft) sont en fait piratés et
ne rapporte rien à la firme de Redmont. Il en va de même
dans le gigantesque marché potentiel chinois Dans le Sud,
même s'il s'agit de marchés bien plus modestes, la
même logique que celle qui a présidé à
la bataille autour des produits génériques est à
l'oeuvre. Pour obtenir le minimum de consensus à l'exécution
des droits de propriété intellectuelle, les entreprises
et les États du Nord doivent baisser drastiquement leurs
prix. Le deuxième élément de desserrement de
la contrainte des droits de propriété, et c'est l'argument
le plus lourd, est le caractère inefficace, du point de vue
de la logique de l'innovation qui se trouve au coeur du capitalisme
cognitif, de la logique propriétaire. L'exemple des logiciels
libres, celui du libre accès des archives de données
montre que le modèle de coopération transnationale
en temps réels grâce à l'outil de l'Internet
permet d'atteindre dans la production scientifique, dans celle de
programmes d'informatiques des solutions beaucoup plus innovantes,
de bien meilleure qualité, dans des délais beaucoup
plus rapides et à un coût incomparablement plus faible.
La productivité, et c'est une nouveauté considérable
par rapport à la bataille des enclosures de la fin du XVIII°
siècle lors de l'émergence du deuxième capitalisme,
se trouve du côté des adversaires des clôtures
privés et des clôtures disciplinaires de l'État
Nation ou de l'Empire. Cette leçon administrée par
les communautés de l'Internet dans le domaine de la production
numérique, s'étend dans l'économie " légère
" des services de production de la santé ou de la sécurité
du vivant. L'économie de biens matériels entre des
propriétaires qui aliènent l'usage et l'usufruit de
leurs produits est remplacée par des marchés de services
complexes qui combinent la fourniture d'un bien matériel
(dont le coût et le profit retiré sont le plus souvent
très faible) avec des services d'entretien, de calcul et
de réduction des risques, d'assurances multiples. Dans cette
économie fort bien décrite par Jeremy Rifkin61, les
droits de propriété s'ils ne disparaissent pas sont
fortement restructurés : le droit de propriété
privée de biens matériels devient moins important
que le droit d'accès à des flux de services. Même
si cet auteur voit clairement les enjeux de la brevétisation
du vivant auquel il s'oppose par l'intermédiaire de sa Fondation
contre les organismes génétiquement modifiés,
et remarque bien le déclin de l'importance de la propriété
matérielle, il a tendance à négliger la question
du caractère exécutable des droits de propriété
transformés en droit d'accès selon des abonnements.
Les abonnements paraissent un système qui permet de contourner
la réticence des consommateurs et leur volonté de
piratage (syndrome du passager clandestin) en procurant une impression
d'abondance de services disponibles. Mais la question de leur réussite
économique passe par leur prix. Les tentatives d'introduire
des abonnements et de faire payer l'information sur l'Internet se
révèlent décevantes comme dans les cas comme
ceux de la remise au pas de Napster. Le nombre de candidats réels
à un abonnement devient trop faible pour justifier les frais
de production et de mise en ligne des portails commerciaux qui sont
obligés de fermer massivement. La puissance économique
de l'Internet est liée au nombre d'usagers, à la puissance
de la multitude des interactifs. La marchandisation de la connaissance
et de l'information est d'autant plus mal reçue que l'Internet
n'est pas gratuit, il est seulement d'un coût suffisamment
bas pour être tolérable. Il semble bien que l'échec
de la Net economy corresponde à une incapacité structurelle
des vieilles règles du capitalisme industriel à gouverner
ces nouvelles formes de coopération, sauf à tuer la
poule aux oeufs d'or. Si la vieille économie veut pouvoir
maintenir la règle du profit et la norme marchande, il lui
faut alors se contenter d'extraire le maximum d'externalités
positives de la coopération cognitive et, dans ce cas, renoncer
à subsumer directement la sphère de l'Internet.
Un compromis majeur a déjà eu lieu. La tendance qui
nous paraît se manifester dans ce jeu incessant de redéfinition
des droits de propriété est en effet celle d'un éclatement
du concept unitaire de la propriété. Alors qu'au Moyen
Âge, l'usus, le fructus et l'abusus étaient très
rarement concentrés entre les mains d'une seule personne,
sous le second capitalisme marchand, au XVII° siècle
il s'est produit une unification de ces trois possibilités
de droit de propriété. L 'individualisme possessif
de Locke s'est battu pour obtenir le caractère illimité
de la propriété (c'est-à- dire un retour au
droit romain) et particulièrement le caractère dominant
de l'abusus. Le droit de céder et d'aliéner la totalité
du bien constitue l'enjeu fondamental de ce capitalisme. On sait
qu'il étendra ce droit à une partie des travailleurs
dépendants sous la forme de l'esclavage ou du servage. Cette
unification des droits de propriété est conservée
dans le capitalisme industriel même si la personne humaine
est retirée des actifs cessibles. Dans le troisième
capitalisme, cette unification trop forte des trois composantes
des droits de propriété s'avère un obstacle
à l'absorption et à la production endogène
de l'innovation. Le développement de la force d'invention
de la coopération entre les cerveaux requiert de nouvelles
formes de domination : le modèle de la firme-réseau
horizontale ne se cantonne plus seulement aux départements
R&D, il restructure l'ensemble des relations de marché
tant du côté des fournisseurs que de celui des clients.
Tandis que la puissance productive de la coopération via
l'Internet ne supporte pas la vieille culture industrielle et fordiste.
Le troisième capitaliste est condamné à devoir
composer continuellement avec une véritable culture alternative.
La nouvelle codification de l'activité et du travail pour
le compte d'autrui, la transformation de la constitution salariale
résulteront de cette confrontation.
Une véritable culture alternative de la mise en
commun
L'offensive particulièrement forte depuis quelques années
contre la culture pionnière de l'Internet a pris la forme
d'une réaffirmation répressive des vieux droits de
propriété intellectuelles surtout des brevets et du
droit patrimonial du droit d'auteur au profit essentiellement des
distributeurs, éditeurs, producteurs et intermédiaires
de la culture (musées, bibliothèques) accélérant
par là même, la fuite vers les solutions d'évitement
du marché, de piratage. Les NTIC mettent largement en péril
le circuit traditionnel de construction des échanges
par la publicité payante et par l'abaissement drastique
des coûts d'entretien des réseaux de diffusion. Les
entreprises habituées aux consommateurs de la vieille économie
se sont rendu compte lors de leur ruée vers l'or de l'Internet,
qu'elles se heurtaient à une contre-culture puissante de
la gratuite, du libre (qui n'est pas la même chose), de la
coopération, de l'émulation scientifique, du jeu,
de la contestation systématique, quasi caractérielle
de la hiérarchie dépourvue de légitimité.
Le marché n'est pas en cause, car il n'est pas nié
par les hackers, mais il est remis à sa place de l'intérieur
et surtout limité dans ses prétentions d'absorber
la sphère de la production e connaissance. Il est évidemment
difficile de dégager les lignes et les valeurs d'un mouvement
multiple, pluriel comme en témoigne par exemple le débat
qui oppose les tenants du copyleft strict comme R. Stallman, à
un mouvement plus conciliant de l'open source, bien que ce dernier
qui paraît accommodant envers les systèmes hybrides
avec les logiciels propriétaires ait des conséquences
révolutionnaires en matière de définition des
missions de politique publique de production de la connaissance.
Il suffit pourtant de voir la perplexité des économistes
classiques devant le modèle du logiciel libre, c'est-à-dire
devant un modèle efficace économiquement comme GNU-Linux
qui utilise les ressources juridiques du droit de propriété
pour sauvegarder et étendre un nouveau domaine public62.
À un autre pôle et sur un registre nettement plus hargneux,
les attaques des groupes de pression des entreprises de logiciels
propriétaires se font virulentes à l'égard
des logiciels libres accusés de faire une concurrence déloyale
au secteur privé. Ce n'est pas un hasard si ces pourfendeurs
du libre réclament outre un régime de brevets renforcé,
que l'État demeure le seul propriétaire des logiciels
développés par les chercheurs payés sur les
budgets publics et leur interdise d'en disposer à leur guise
et en particulier de les mettre en ligne ou de les soumettre à
un régime d'in- brevabilité. Bel hommage du vice à
la vertu, puisque se trouve reconnu l'efficacité du libre
et son caractère contagieux63. La question qui se trouve
ouverte est aussi celle du statut du nouveau salarié ou dépendant
dans le capitalisme cognitif. Robert Castel a suggéré
que le compromis mis en place à la fin du XIX siècle
sous le capitalisme industriel avait consisté à doter
le prolétaire privé de propriété, d'une
nouvelle forme de propriété, la propriété
de droits sociaux exprimée dans l'Etat Providence64. La direction
suivie par les entreprises de la nouvelle économie a été
jusqu'ici de patrimonialiser le revenu des salariés par le
biais des stock-options, des fonds de pensions et de l'épargne
salariale confiée à la Bourse au marché et
aux entreprises. La vulnérabilité de cette solution
aux krachs financiers (tel celui d'Enron) conduira inéluctablement
à des mécanismes de garanties de revenu comme l'allocation
universelle ou le revenu d'existence65 Le principe du copyleft opposé
au copyright repose sur le principe suivant. L'auteur ou les créateurs,
lorsqu'il s'agit d'un collectif, ne renoncent nullement à
exercer un droit de suite sur leur production intellectuelle. Les
logiciels contrairement aux logiciels propriétaires révèlent
leur corde source et ils sont reproductibles et modifiables à
deux conditions ; la réciprocité et la transitivité.
Celui qui bénéficie des externalités positives
que lui procure l'usage libre et sans droits d'auteur doit faire
de même. Il lui est interdit sous peine de poursuite pour
violation de la licence qui lui a été accordée
de transformer le logiciel libre en logiciel propriétaire
en fermant l'accès au code source. Il doit aussi informer
celui qui est en amont et qui lui a concédé le copyleft
de ses initiatives d'amélioration du produit. Si l'innovation
est retenue dans les configurations et les versions ultérieures,
il devient coauteur. Il s'agit d'un système juridique qui
n'accorde que l'usus (la copie et la modification) en récusant
le fructus et l'abusus. L'open source renonce à exercer ce
droit de suite puisque comme dans le cas des connaissances produites
publiquement, il laisse libres les auteurs de tirer un revenu (fructus)
et d'aliéner (abusus) leurs logiciels qui peuvent être
insérés dans des logiciels propriétaires dont
le code d'accès cesse d'être disponible. Mais en pratiquant
une politique de mise en ligne immédiate, c'est-à-dire
de publicité, le mouvement open source entend bloquer la
prise de brevet par les firmes. Les questions qui sont au coeur
de ce différend sont celles de la question du revenu des
auteurs, créateurs et inventeurs. Comment les développeurs
du libre survivent-ils économiquement lorsqu'ils sont organisés
en entreprise ? La réponse, semble être qu'ils facturent
le service de conception, de maintenance des systèmes, le
conseil en innovation donc le wetware et non pas le software. Ils
ne sont pas les seuls : IBM a pris ce tournant stratégique
depuis plusieurs années et s'allie maintenant à Linux
contre Microsoft66. Terminons cet examen de la bataille autour de
la redéfinition des droits de propriété, par
la question de la culture des activistes á . La question
de la codification du droit n'est jamais une simple affaire de droit
positif ou de théorie évolutionniste et fonctionnaliste
de l'adaptation des règles aux impératifs économiques.
L'émergence du droit comme compromis, résulte largement
des sujets, des usages qu'ils développent et de leur légitimation.
La lecture de la réflexion théorique ou polémique
produite par les communautés de l'Internet, qui ont précédé
de plus de trente ans, les industriels et les États67, témoigne
de l'émergence d'un modèle de valeurs et d'activité
profondément divergent par rapport aux modèles du
salarié, de l'entrepreneur innovateur comme de la division
post- smithienne du travail68. La thèse de P. Himanen69 assez
séduisante, malgré son caractère très
général est que la culture des hackers, expression
qui agace beaucoup ces derniers, constitue le signe d'une mutation
en profondeur du paradigme dominant du travail, bref d'une nouvelle
éthique du capitalisme. Ces hypothèses rencontrent
largement les nôtres. Himanen oppose en effet la nouvelle
éthique du travail en gestation dans le monde de l'Internet,
qui relève de l'Académie de Platon (modèle
universitaire de partage des connaissances, d'émulation,
de jeu à celle de l'esprit protestant du capitalisme (l'accumulation
d'argent, l'individualisme). Cette opposition se double d'un autre
repoussoir : le modèle du monastère qui fixe le travail
dépendant et la discipline hiérarchique collective.
Ce qui correspond dans notre tripartition des époques du
capitalisme au legs du premier capitalisme.
Nous avons rassemblé dans le tableau 1 les principaux traits
de la mutation de la division du travail sous l'angle de sa place,
de la variable clé de son évolution, du modèle
d'organisation, de la caractéristique des actifs dominants,
des biens dominants, de l'effet majeur, l'outil économique,
du rôle des externalités. Une opposition très
forte domine terme à terme. Nous l'avons souligné.
L'opposition essentielle tient d'abord à la place de la division
du travail. Si elle occupe une place centrale aussi bien chez Smith
que chez Marx, elle devient secondaire par rapport à la coopération
immédiate dont on trouve le modèle théorique
complexe chez Gabriel Tarde. Le modèle organisationnel du
réseau et la taille de ce dernier se substituent à
la taille du marché et à la hiérarchie. Les
biens dominants se rapprochent des biens publics, les externalités
et leurs mécanismes de captation jouent un rôle croisant.
L'attention se substitue à l'obéissance.
Tableau 1. Division du travail : la mutation de la division
smithienne à la division cognitive
Aspects de la division du Économie du 2° capitalisme
Économie du 3° capitalisme travail Importance Originelle,
elle distribue le Dérivée de la coopération
(G. pouvoir (Smith, Marx) Tarde) Variable d'évolution Taille
du marché Taille du réseau Modèle organisationnel
Marché / hiérarchie /Etat Réseau et réseau
des réseaux Caractéristiques des actifs Exclusivité,
rivalité, Biens indivisibles, non rivaux dominants appropriation
privative Biens publics ou difficulté possible et exécutable
d'exécution des droits de propriété Biens dominants
Bien marchandise et bien Biens information et bien travail comme
quantum connaissance, énergétique Attention cérébrale
et réseau Effet majeur Économie d'échelle Économies
d'apprentissage Captation des externalités positives de réseau
Outil économique privilégié Calcul marginal
spot Globalisation patrimoniale Rendements décroissants Rendements
d'usage innovant croissants Calcul Matrice Input/output de Biens
quadruples produits homogènes hardware/software/wetware /
netware Externalités Marginales sauf pour biens Dominantes
y compris pour publics les biens marchands privés.
Il est intéressant de rapprocher ce tableau du tableau
2 dans lequel nous avons rapproché les caractéristiques
de la mutation de l'économie des mutations de valeur de l'activité
humaine proposée par les hypothèses de Pekka Himanen.
Nous sommes conduit au profil d'une nouvelle " Grande Transformation
"
Tableau 2. La nouvelle grande transformation
Éthique comme Le monastère Premier L'Académie
paradigme de l'activité capitalisme Le capitalisme cognitif
Protestant, (capitalisme industriel)
Micro niveaux locaux L'Individu L'individu créateur L'entrepreneur
Le groupe Le salarié obéissant et d'appartenance dépendant
volontaire, La vocation déterminée Le réseau
Le jeu Systèmes macro Marché, Entreprise Firmes transnationales
nationale, Etat RÉseau (hiérarchie) Valeurs Argent
Passion Travail Liberté Optimalité Valeur sociale
Flexibilité Ouverture Stabilité Altruisme Détermination
Plaisir (fais ce que Contrôle du résultat voudras)
Abbaye de Thélème Créativité
On peut parler d'une opposition stratégique qui s'exaspère
dans les secteurs-clés de la nouvelle économie qui
produit des connaissances au moyen de connaissance. Chercheurs,
communicateurs, formateurs, enseignants, techniciens de la production
du vivant et des langages symboliques, manipulateurs de symboles
découvrent l'inanité de contenu et la vulgarité
sans fond des formes de captation de la valeur au regard de la richesse.
Il en résulte la formation d'un monde aussi étranger
dans ses valeurs, ses habitus à l'horizon marchand et aussi
profondément étranger à ce dernier que le monde
marchand des bourgeois du XIV° au XVII° siècles pouvait
l'être vis-à-vis de l'ordre féodal et religieux.
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Reproduction obéissant au principe du copyleft : reproduction
libre pour usage libre et gratuit avec mention de la source papier
et de l'auteur. Yann.M.Boutang@wanadoo.fr
ou Yann.Moulier-Boutang@univ-paris1.fr
Notes
1 Yann MOULIER BOUTANG Professeur d'économie à Vannes
et à Paris. Travaille notamment sur les transformations historiques
du capitalisme. Soit le passage de l'esclavage au salariat ( sa
thèse publiée en 1998 aux PUF) soit sur l"économie
des droits de propriété, l'analyse de la ville dans
le cadre du Laboratoire Isys-Matisse (Paris I). Anime par ailleurs
la Revue Multitudes (Exils, Paris) . Derniers ouvrages en collaboration
avec Enki Bilal, EnkiBilladeuxmilleun, Christian Desbois Editeur
(2001), Paris, en collaboration avec Monique Chemillier-Gendreau,
(Direction) Le droit dans la mondialisation, PUF(2001) " La
troisième transition du capitalisme : exode du travail productif
et externalités" in A. Corsani, P. Dieuaide et C. Azaïs
(Eds) Vers un capitalisme cognitif, Entre mutation du travail et
territoire, L'Harmattan, 2001.
2 Sur le capitalisme cognitif, on renverra à E. Rullani
& Luca (1996), E. Rullani (2000) aux contributions de A. Corsani,
M. Lazzarato, Y. Moulier Boutang, B. Paulré parues dans Multitudes
n° 1, n° 2, n° 5, à A. Corsani, P. Dieuaide et
C. Azaïs, op. cit. Le plus complet est A. Corsani, P. Dieuaide,
M. Lazzarato, J.-M. Monnier, Y.Moulier-Boutang, B. Paulré
et C. Vercellone (2001).
3 Sur la mutation du capitalisme marchand et esclavagiste au capitalisme
industriel voir Yann Moulier Boutang (1997, 1998A et B, A, 2001
D et E) ; sur les transformations salariales actuelles du travail
immatériel du marché du travail, de l'entreprise,
sur la protection sociale Y. Moulier Boutang (1996, 2000A et C,
2001B, C, E, 2002) ), sur la mobilité, la globalisation Y.
Moulier Boutang (2000 A, 2001 B) ; sur la mutation de l'économie
politique Y. Moulier Boutang (1997),
4 Pour un point récent sur l'économie cognitive voir
B. Walliser (1999).
5 Peter Drücker, Le Monde des Débats, Mars 2000
6 Voir l'ouvrage classique H. Gardner (1985)
7 Voir par exemple M. Castells sur les transformations des Etats
Nations en Etats réseaux. Dans une perspective différente
voir M. Hardt et A. Negri (2001)
8 Voir par exemple le Rapport Henri Guillaume en France, C. Golfinger
(1994), J. Gadrey (1996), les travaux de Dan Quah pour l'ensemble
des économies développées, ainsi que N.G. Dang,
P. Petit & D. Phan D,(1997). Voir aussi A. Gorz (1997 et 1998),
Lazzarato (1997, 2000). Corsani & alii (1995) et M.Dantas (1996)
pour une perspective qui s'écarte plus radicalement de l'économie
politique classique.
9 Voir l'ouvrage fondateur de P. Levy , mais aussi A. Bonomi (1997),
E. Raymond (1999)
10 Y. Moulier Boutang ( 1993 et 1996)
11 C. Freeman & C. Perez (1988).
12 L'endogénéisation du progrès technique
dans les modèles de croissance, (Amable B. & Guellec
D., [1992], ainsi que les théories évolutionnistes
de la firme enregistrent chacun à leur niveau ( macro et
micro) cette transformation, à la suite des travaux de R.
Solow et de P. Romer. Voir aussi G. Dosi (1996).
13 Y. Moulier Boutang (2002A).
14 P. Moatti & M. El Mouhoud (1992).
15 A. Brian (1989), E. Ullmann (1997)., J.B. DeLong (1997), P.
Jollivet (2000).
16 Du nomde Ohno qui fut à l'industrie automobile japonaise
ce que fait Taylor à l'industrie américaine
17 Benjamin Coriat (1991).
18 Baumol W. J. & Wolff E. N. (1984),
19 Nelson & Romer, 1998
20 Castells, (1999), P. Veltz (2000).
21 J.B. DeLong & A.M. Froomkin [2000]
22 Sur ce thème on se reportera aux analyses de Maurizio
Lazzarato sur la pensée économique de Gabriel Tarde
in Multitudes, n° 2, et n° 7.
23 P. Chapignac (1996), Pascal Petit ( 1998 A et B).
24 Y. Moulier Boutang (2001B).
25 J. Barraux (Presid.) (1997).
26 A. Corsani, C. Azaïs et P. Dieuaide (2001)
27 Y. Moulier Boutang (2001).
28 Y. Moulier Boutang (1997)
29 Voir L. Boltanski & E. Chiapello (1999).
30 Y. Moulier Boutang (1993, 1995 et 1997)
31 Pour une description fine de la financiarisation voir F. Chesnais,(1997),
A. Orléan (1999
32 Pour une remarquable antidote à ce conformisme voir P.-N.
Giraud (2001
33 Citons toutefois les travaux d'André d'Orléan
(1999) et dans l'optique défendue ici, ceux de Christian
Marazzi (1997 et 1999)
34 Malgré ses travaux novateurs sur la mesure de la productivité
du tertiaire (1996), J. Gadrey (2000) demeure emprisonné
dans cette optique. La plus grande partie des travaux de l'école
de Pierre Bourdieu sacrifie également à cette tendance.
35 M. Aglietta (1976 et 1997)
36 Par exemple le n° 15 (Premier semestre 2000) de la revue
du Mauss. Il convient de signaler les travaux pionniers de S. C.
Kolm, ceux de F. Partant et de S. Latouche sur la notion de développement
et de croissance. Appliquées à l'économie de
l'internet, voir les contributions de Richard Barbrook (2001, 2002)
, G.Dang Nguyen & T. Pénard (1999), D. Desbois (1999)
37 Foray D. & Lundvall B.A. (eds.) (1996).
38 Voir J. Beale (1995), P. Epingard (1999).
39 Pour une critique de cette absence voir les travaux d'A. Corsani,
M. Lazzarato et B. Paulré déjà cités.
Un dossier consacré à la question de la production
de la connaissance paraîtra dans la Revue Multitudes de l'année
2003.
40 Lundwall B.-A. ( 1985 et 1988), Foray D. & Lundvall B.-A.,
[1996), G. Dosi (1996).
41 K. Marx (1857-58).
42 A. Orléan (1999), M. Aglietta(2000).
43 Le modèle girardien du mimétisme et du risque
de chute dans l'indifférenciation, demeure captif d'une interprétaion
kojévienne et en définitive hégélienne
de Freud. Au conflit de la société d'intérêt
de Smith, Orléan et Aglietta substituent le chaos du désir
et son risque de guerre totale sauvé par la médiation
de la monnaie. Pour une critique de ce socle toujours " dialectique
" voir notre relecture d u combat du maitre et de l'esclave-serviteur
(2001F).
44 M. Castells (1999).
45 Cette expression est évidemment à utiliser "
avec des pincettes " car la sphère financière
et la monnaie ont des effets tout à fait réels
46 Voir les contributions de Marcel Hénaff, Alain Caillé
dans Ethique et économie, L'impossible (re)mariage ? , Revue
du Mauss, n° 15
47 Pour une critique de fond de l'économie politique s'appuyant
sur l'oeuvre de Gabriel Tarde, voir M. Lazzarato (2002).
48 Y. Moulier Boutang (1998 A et B)
49 Y. Moulier Boutang (2002C)
50 La référence incontournable est R. Passet
51 Voir P. Sloterdijke,(2000).
52 E. Rullani (2000)
53 Voir notre article dans Multitudes n°5, (2001A).
54 On suit ici les analyses très pertinentes de Jean-Pierre
Berlan (1983 et 2002 ) sur les semences agricoles qui ont trouvé
leur illustration parfaite dans le projet Terminator mis en oeuvre
par la frime multinationale Monsanto.
55 Le terme d'actif ne désigne pas ici ce qui figure dans
un bilan de comptabilité financière mais n'importe
quel type de biens ou de service pouvant être jugé
désirable même s'il ne fait pas (encore) partie de
la sphère économique et marchande.
56 B. Lang (2000)., voir aussi la contribution de Linus Tornwald
dans P. Himanen (2001)
57 La référence fondamentale est J.B. DeLong et A.
M. Fromkin (2000) . Ces auteurs expliquent comment les principes
de bases de la microéconomie ( unicité des prix, discrimination
des prix seulement en cas de monopole, zétablisssement des
prix au coût marginal de reproduction industrielle) se trouvent
totalement remis en cause.
58 Richard Barbrook (2002)., voir aussi sur la question des tentatives
de clôtures contre l'accès public P. Quéau (2000)
et B. Lang (2000).
59 L'erreur économique grossière des majors est de
comptabiliser comme des pertes réelles des gains purement
virtuels, c'est-à-dire de faire abstraction de la solvabilité
réelle des 38 millions d'adeptes de Napster . À un
prix nul, ou très faible ( il faut compter le support et
le temps très long passé à télécharger)
on trouve un nombre très grand de demandeurs de ce bien musical,
mais au prix des CD et pour la quantité de musique disponible
on line on trouve un chiffre de seulement 400 000 abonnés.
Il est probable que ce ne sont pas les mêmes consommateurs.
60 Richard Stallman (2000-1996)
61 J. Rifkin (2000)
62 Voir J.-B. Zimmermann (1999)
63 Voir F . Horn (1999).
64 R. Castel et C. Haroche (2001)
65 Voir le dossier du n°8 de la Revue Multitudes consacrée
à cette question, voir également la diffusion des
idées du BIEN ( Basic Income Europena Network.
66 Ces éléments s'appuie sur une recherche menée
actuellement dans l'équipe d'Isys-Matisse par A. Corsani,
Y. Moulier Boutang, M. Lazzarato P. Jollivet, J. Gleizes, B. Paulré.
67 Voir par exemple les très riches anthologies comme J.
Bosma , P. Van Mourik Broekman , T. Byfield, M. Fuller , G. Lovink,
D. McCarty , P. Schultz, F. Stadlefr , M. Wark & F ;Wilding
(Eds.), (1999), C. DiBona , S. Ockman & M. Stone (1999), O.
Blondeau & F. Latrive (2000), et C. Formenti, Carlo, (2000).
68 Sur ce dernier point voir C. Vercellone (2002)
69 P. Himanen (2001). Sur un débat autour de ces thèses
voir les articles de P. Jollivet et de N. Auray dans Multitudes
n°8, Mars (2002).
Mots clés : capitalisme cognitif, troisième capitalisme,
nouvelle économie, économie de la connaissance, droits
de propriété, exécution des droits, copyleft,
logiciel libre
La page origine : Yann Moulier-Boutang : Nouvelles frontières de l'économie politique du capitalisme cognitif
http://www.ish-lyon.cnrs.fr/labo/walras/Objets/20021214/YMB.pdf
Intervention au Colloque "Textualités & nouvelles
technologies" (Musée d'art contemporain, Montréal,
23-25 octobre 2001), dans le cadre de la "Saison de la France
au Québec". Paru in la revue éc/artS, n°3,
oct. 2002, http://www.ecarts.org
Reproduction obéissant au principe du copyleft : reproduction
libre pour usage libre et gratuit avec mention de la source papier
et de l'auteur. Yann.M.Boutang@wanadoo.fr
ou Yann.Moulier-Boutang@univ-paris1.fr
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