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Nouvelles frontières de l'économie politique du capitalisme cognitif
Yann MOULIER BOUTANG

La page origine : Yann Moulier-Boutang : Nouvelles frontières de l'économie politique du capitalisme cognitif

http://www.ish-lyon.cnrs.fr/labo/walras/Objets/20021214/YMB.pdf


Intervention au Colloque "Textualités & nouvelles technologies" (Musée d'art contemporain, Montréal, 23-25 octobre 2001), dans le cadre de la "Saison de la France au Québec". Paru in la revue éc/artS, n°3, oct. 2002, http://www.ecarts.org
Reproduction obéissant au principe du copyleft : reproduction libre pour usage libre et gratuit avec mention de la source papier et de l'auteur. Yann.M.Boutang@wanadoo.fr ou Yann.Moulier-Boutang@univ-paris1.fr

Yann MOULIER BOUTANG 1
Nouvelles frontières de l'économie politique du capitalisme cognitif.


Résumé de la communication

La révolution des NTIC n'est pas une simple mutation instrumentale. Les fondements de la valeur, le paradigme du travail sont profondément bouleversés. Les modèles économiques de création de valeur, nés dans la matrice de la révolution industrielle sont incapables de rendre compte de la dynamique de la coopération sociale, du travail immatériel, de l'invention et de l'innovation. Le papier présente les principales hypothèses qui permettent de comprendre les mutations actuelles comme l'émergence d'un capitalisme cognitif et pas simplement d'une économie de la connaissance ou de l'information. Après avoir passé en revue quelque unes des limites de l'approche économique de l'économie reposant sur la connaissance, il montre en quoi la question des nouvelles frontières devient centrale. Elle se traduit par les conflits qui naissent autour de la codification droits de propriété, des libertés de création et d'innovation par rapport aux règles du marché. L'émergence d'une nouvelle éthique des valeurs de la création et de l'innovation conduit à un éclatement du concept unitaire de propriété tel qu'il nous a été légué par l'individualisme possessif de Locke. Le caractère cessible et l'aliénabilité se dissocient de l'usage et de l'usufruit et finalement de l'accès. Les nouveaux usages des moyens de reproduction et de diffusion des connaissances dressent en effet des obstacles croissants à l'exécution des vieux droits de propriété.


A paraître dans la Revue éc/artS , n°3, 2002 http://www.ecarts.org
Première publication papier réservée à cette Revue
Reproduction obéissant au principe du copyleft : reproduction libre pour usage libre et gratuit avec mention de la source papier et de l'auteur. Yann.M.Boutang@wanadoo.fr ou Yann.Moulier-Boutang@univ-paris1.fr


L'hypertextualité associée à la puissance de l'Internet comme modèle profondément innovant de coopération sociale et scientifique dans le domaine des sciences des arts et des lettres ne serait pas pensable sans ce que l'on a appelé la révolution des NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication). La sociologie de la production de la connaissance et de la création artistique, les politiques publiques en matière de culture, sont et seront chaque fois davantage, profondément remodelées par les transformations intervenues dans l'économie en général. Il serait toutefois erroné de n'y voir que l'extension de la règle du marché à la sphère de la culture, ou d'achèvement du règne de l'économie politique dans les plus ultimes retranchements de la vie privée et dans le sanctuaire de la création. En effet, l'économie politique elle-même vacille dans ses règles, dans ce qui est la valeur, dans l'unité des droits de propriété. Il se produit un retour à l'intérieur de l'économie cette fois-ci de tout ce qu'elle avait rejeté en dehors d'elle depuis Adam Smith

On se propose ici d'examiner en quoi ces transformations majeures peuvent être appréhendées ou non dans les divers cadres explicatifs qui ont été proposés en particulier la théorie de la société de l'information ou celle de la théorie de l'économie fondée sur la connaissance. Nous proposons de recourir à la notion de capitalisme cognitif pour mieux saisir les enjeux actuels des conflits qui ont trait à la redéfinition des droits de propriété intellectuelle et immatérielle et que nous appelons la nouvelle bataille des clôtures (enclosures).

Après une remarque d'ordre épistémologique, nous rappellerons tout d'abord les éléments saillants des transformations observables depuis une vingtaine d'années (en fait sur une période plus longue quand on relit le passé et les mouvements profonds à partir de notre présent) puis nous examinerons les nouvelles frontières de l'économie politique aujourd'hui.

Pour une épistémé de la rupture

Les analyses des transformations intervenues depuis 1975 dans l'économie mondiale sont multiples, nuancées, mais pour s'en tenir à celles qui prétendent être globales, on peut dresser une ligne de partage facile entre celles qui inscrivent l'après-fordisme dans la continuité des tendances du capitalisme industriel apparu vers 1780-1815, et celles qui se situent du côté de la thèse d'une rupture fondamentale. Les premières ont pour elles la modestie de leurs prérequisits, le caractère évident ou familier de ces derniers constitués en discipline "scientifique", c'est-à-dire des instruments de comptabilité nationale et privée qui ont fait leur preuve et sont encore opératoires, une théorie des cycles économiques que n'impressionnent pas neuf ans de prospérité américaine sans l'ombre d'une récession. En face des partisans de la thèse des variations sur un thème imposé (le capitalisme), les tenants de la rupture profonde dans le capitalisme paraissent en position de faiblesse : leurs capacités prédictives selon les règles de l'art des modèles économiques testables, s'avèrent bien moindres car elles ne peuvent s'appuyer sur le prolongement de la tendance, leurs outils conceptuels relèvent plutôt de l'hypothèse, du programme de recherche qui n'a pas encore été reconnu par les gens du métier. Pourtant il nous semble qu'il faut courir le risque de la thèse de la rupture profonde. Trop de phénomènes n'entrent plus dans le moule de l'économie politique traditionnelle (et pas simplement dans le moule du courant principal (main stream) de l'économie, c'est-à-dire l'école néoclassique) pour que nous puissions écarter l'hypothèse sacrilège que le programme de recherche de l'économie née avec Adam Smith, Ricardo, tout comme le programme finalement annexe qui l'a relayé avec Jevons, Walras et Pareto soient bel et bien entrés dans une phase de sclérose et de dégénérescence marquées par une exaspération d'une formalisation et d'une axiomatisation de plus en plus stériles. La thèse défendues ici sera celle d'une nouvelle "grande transformation" (pour reprendre l'expression de Karl Polanyi) de l'économie et donc de l'économie politique. Recourant à la terminologie de la théorie de la régulation, nous parlerons d'une mutation non dans le mode de régulation simplement mais dans le mode d'accumulation. Certes, ce n'est pas une rupture dans le mode de production car nous sommes toujours dans le capitalisme, mais les composantes de ce dernier sont aussi renouvelées que celles du capitalisme industriel ont pu l'être par rapport au capitalisme marchand (en particulier dans le statut du travail dépendant qui passe du second servage et esclavage au salariat libre).

Pour désigner la métamorphose en cours nous recourrons à la notion de capitalisme cognitif2 comme troisième espèce de capitalisme en nous appuyant sur nos recherches sur le salariat d'un point de vue des transformations de longue durée du capitalisme historique3 ainsi que sur celles des autres chercheurs de notre laboratoire Isys-Matisse. Ce programme de recherche ne correspond pas à la simple analyse de l'économie de l'information à quoi l'on a réduit la mutation, ni, non plus, à l'extension des modèles économiques formalisés à l'incertitude et à la finance, à ce que l'on appelle l'économie cognitive 4.

Faits nouveaux, pour de nouvelles hypothèses

La révolution des NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication) a été comparée par Peter Drucker et bien d'autres, à la révolution des chemins de fer5. Il n'est pas abusif de parler d'une " révolution cognitive " qui englobe les technologies mais aussi les usages et pratiques de la connaissance6. La comparaison vaut pour l'échelle de changement introduite, mais elle ne mesure pas la mutation qualitative qui touche aussi bien la substance que la forme de la valeur. C'est en fait à un changement de paradigme total que les NTIC sont en train d'aboutir, comparable seulement à la dilatation du monde que l'on a observée entre 1492 et 1660, et encore, cette dilatation n'est-elle pas de même nature.

Non seulement les paramètres de l'espace et du temps sont radicalement modifiés, mais la refonte radicale des représentations qui est à l'oeuvre touche aussi bien la conception du faire, du sujet du faire, que celles de l'agir, de l'acteur, du produire et du producteur du vivre et des conditions de la vie sur terre. S'il est facile de pointer les éléments de continuité entre le créationnisme judéo-chrétien, l'arraisonnement de la Nature par la technique post-Renaissance cartésienne (Heidegger), la "révolution industrielle" d'une part, et la cybernétique, l'informatique et les inventions liées à la découverte de support de l'information et de son acheminement de l'autre, la nature du saut radical qui sépare les premières transformations des secondes est moins analysée alors qu'elle est cruciale pour l'économie des forces en action et leur gouvernabilité.

La description phénoménologique de la mondialisation a été largement faite désormais ; la principale caractéristique est que le rétrécissement radical des distances et les bas coûts d'acheminement et de transmission de l'information codifiée dans des systèmes binaires, ne constituent pas un simple moyen au service des unités anciennes, mais opèrent une mutation radicale des découpages de pouvoir. Les niveaux administratifs qui s'étaient édifiés lentement sur la décomposition du Moyen Âge (les Villes Cités, l'Etat moderne, la Nation, et dernièrement les Organisations Internationales) perdent de leur substance et de leur pertinence pour traiter des problèmes et prendre décisions de façon autonome et cohérente7. La mondialisation ne dilate pas l'espace de façon enivrante comme lors des grandes découvertes, un même espace, elle "déterritorialise" et "reterritorialise" des espaces, désarticule immédiatement les homogénéités, les cohésions aussi bien au centre qu'à la périphérie, alors que les conquêtes du monde par les Empires européens successifs, vénitien, génois, portugais, espagnols, français, hollandais, anglais puis américain, avaient commencé par détruire les mondes premiers, eux-mêmes ne se transformant que par un lent effet de retour (feed-back) du à la naissance de l'inflation, à la possibilité d'accumuler plus vite. Pour situer sommairement le capitalisme disons que nous distinguons trois configurations principales du capitalisme qui peuvent être identifiées : le capitalisme marchand fondé sur l'hégémonie de mécanismes d'accumulation de type marchand et financier et étatique et qui se développent entre le début du XVI° siècle et la fin du XVII° siècle ; le capitalisme industriel fondé sur l'accumulation du capital physique et sur le rôle moteur de la grande usine manchestérienne dans la production de masse de biens standardisés ; le capitalisme cognitif fondé sur l'accumulation du capital immatériel, la diffusion du savoir et le rôle moteur de l'économie de la connaissance. Quelles sont les caractéristiques de la mutation en cours depuis une trentaine d'années et qui nous permettent de parler de capitalisme cognitif bel et bien en train de s'installer ?

1. La virtualisation de l'économie, c'est-à-dire, le rôle croissant de l'immatériel et des services liés à la production de cet immatériel8 2. Le rôle désormais fondamental de la saisie de l'information, de son traitement, de son stockage sous forme numérisée dans la production de connaissance et dans la production tout court à partir de petits ordinateurs décentralisés de plus en plus puissants reliés entre eux par l'Internet et la Toile9. 3. Le rôle décisif dans la croissance du processus de captation de l'innovation des processus cognitifs interactifs de coopération sociale, des savoirs tacites aussi bien par l'entreprise, que par le marché et la puissance publique10. La connaissance et la science qui avait été incorporées dans la valorisation du capital industriel, mais en demeurant distinctes, deviennent le lieu hégémonique, la leading part du système. 4. Le progrès technique n'est plus une caractéristique exogène, il prend la forme d'un système socio-technique11 caractérisé par les NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication)12. 5. Lorsque l'enjeu économique majeur devient la production de la connaissance et de l'innovation (et pas simplement de l'information) le modèle smithien de division du travail, qui s'était imposé avec le modèle de la manufacture d'épingles et qui avait été perfectionné par le taylorisme, se retrouve invalidé dans ses trois dimensions majeures13. Celles de la spécialisation de l'activité (réduction du travail complexe au travail simple, division de l'exécution manuelle d'avec la conception intellectuelle) conçue pour diminuer le temps d'apprentissage : celle de la taille du marché perd sa pertinence dans un univers de production de petite série, une "économie de variété (R. Boyer) dans un contexte de forte incertitude de la demande ; l'innovation s'agissant de la coordination de processus complexes est freinée par la division du travail14 ; celle enfin des gains de productivité ne résulte plus d'économies d'échelle pour pallier la loi des rendements marginaux décroissants15. 6. On assiste à un bouleversement des séquences productives donc de la division du travail et de ses composantes : en particulier au renversement des séquences production/commercialisation (dans l'Ohnisme16 appliqué à la production automobile17 apprentissage / production) ; au caractère productif de la consommation comme produisant de l'information et de la régulation en temps réels de la production ; enfin à la réversibilité des outputs réinjectés comme inputs (multiplication à tous les niveaux de boucles de feed-back)18. 7. La nature uniforme d'étalon des marchandises est remise en question en raison de la pluralité irréductible des inputs et dissolution des lignes de partages traditionnels entre capital / travail homogène ou qualifiés / non qualifiés. L'école évolutionniste souligne la distinction hardware, software et wetware 19. 8. La montée irrésistible dans les modèles de coopération sociale et productive d'une quatrième composante, le netware ou réseau. La société de réseau20 est rendue possible par l'informatique (la numérisation, la programmation, par la diffusion de l'ordinateur personnel et par la constitution de l'Internet21). 9. Cette montée de la "coopération entre les cerveaux"22 comporte un déclin du paradigme énergétique et entropique de la force de travail, des marchandises matérielles dans la production de richesses. 10. Le rôle dominant des économies d'apprentissage dans les phénomènes de différenciation des marchés et de concurrence inter capitalistique23. 11. Le caractère central du travail vivant non consommé et non réduit à du travail mort dans le machinisme24 et importance des savoirs implicites irréductibles à du machinisme, à du capital humain standardisé codifié ; Dans les sociétés dont la forme se rapproche du capitalisme cognitif, le travail vivant et la consommation " vivante " occupent toutes deux une place centrale. 12. Le déclin des concepts de performance individuelle de l'entreprise25, de la performance factorielle (problème de l'indicateur de productivité) et globalisation de la performance étendue au territoire productif26. 13. La spécificité du bien information quant à son usage, son amortissement, son enrichissement, son appropriabilité exclusive, son horizontalisation nécessaire (firme apprenante se manifeste de façon croissante. Nous y reviendrons mais cette caractéristique qui fait émerger au sein même des relations de marché, la connaissance comme bien public n'est pas séparable de la révolution des NTIC dans la crise de mise en oeuvre (enforcement) des droits de propriété classique (y compris ceux de la propriété intellectuelle, les brevets, les droits d'auteur)27 14. Les externalités cessent d'être marginales et liées à de simples phénomènes partiels d'indivisibilité (problème du rapport de l'économie avec la sphère non marchande) pour se généraliser. L'exaspération de la "norme marchande" se produit dans une situation paradoxale : les prix de transferts sont incommensurables avec les prix de marché28 et les coûts de transactions sont infinis. Il ne s'agit que des traits les plus saillants d'un développement des forces productives, pour employer la terminologie canonique, qui se confond de plus en plus avec le développement de la force productive des cerveaux humains en interaction. Nous pouvons essayer maintenant de caractériser le capitalisme cognitif ou troisième capitalisme, au-delà du capitalisme marchand et du capitalisme industriel et financier.

La thèse générale défendue ici est que la transformation qui touche l'économie capitaliste et la production de la valeur est globale. Elle traduit la sortie du capitalisme industriel né avec la grande fabrique manchestérienne qui reposait essentiellement sur le travail matériel ouvrier de transformation de ressources matérielles. Pas plus que le capitalisme industriel n'avait rompu avec la substance du capitalisme marchand esclavagiste, le capitalisme " cognitif " qui s'annonce et qui produit et domestique le vivant à une échelle jamais vue, n'évacue le monde de la production industrielle matérielle : il le ré-agence, le réorganise, en modifie les centres nerveux. Il obéit à cette nouvelle logique et ne se contente pas de tordre la logique de l'ancienne économie comme une perversion sans avenir. La financiarisation est donc l'expression de ce remodelage, du reformatage de la production matérielle. Par capitalisme cognitif, nous désignons un régime d'accumulation dans lequel l'objet de l'accumulation est principalement constitué par la connaissance qui devient la ressource principale de la valeur et qui devient le lieu principal du procès de valorisation. Ce régime se manifeste empiriquement par la place importante de la recherche, du progrès technique, de l'éducation (la qualité de la population), de la circulation de l'information, des systèmes de communication, de l'innovation, de l'apprentissage organisationnel et du management stratégique des organisations. Du côté de la demande, la consommation est aussi orientée vers la technique, et notamment vers les techniques de l'esprit c'est-à-dire celles qui mettent en jeu les facultés mentales via l'interaction avec les nouveaux objets techniques : audiovisuel, ordinateurs, Internet, consoles de jeu etc...

Une société dans laquelle se manifestent les orientations du capitalisme cognitif tend à accentuer et exercer directement un contrôle sur les lieux ou les acteurs détenant des connaissances ou un potentiel de créativité technique (que ce soit dans le domaine de la production, du commerce, ou de l'organisation). Il ne s'agit plus, comme dans la société industrielle, d'accroître l'emprise sur les lieux de production, de développer l'organisation de la production et de maîtriser une capacité de production de plus en plus étendue afin de bénéficier d'économies d'échelle ou d'effets d'expérience. Il s'agit principalement de gérer des connaissances techniques, d'assurer le développement de processus d'apprentissage, de créer des connaissances nouvelles, et de se ménager l'accès à des connaissances disponibles à l'extérieur. Il s'agit aussi de mettre en place des systèmes étendus de communication et de développer la gestion de projets29.

Un système de ce type vise à placer au centre de la sphère de production et à intégrer pleinement à la sphère économique marchande et non marchande, des ressources qui leur étaient extérieures. Ceci requiert souvent l'établissement d'un certain nombre de règles de nature institutionnelle. Le salariat libre qui avait été la forme canonique de la soumission du travail dépendant connaît alors une crise constitutionnelle : son ancien régime n'est plus compatible avec les nouvelles formes d'accumulation. La crise structurelle de l'emploi est une crise de l'emploi salarié sous sa forme fordiste et keynésienne. Elle e ne marque pas la fin du travail, ni celle du travail dépendant, car des formes de soumission nouvelle apparaissent avec la dé-salarisation formelle d'employés qui sont directement sous les ordres du marché même s'ils sont autonomes ou indépendants ou bien avec des formes d'emploi dépendant qui ne bénéficient plus des garanties du volet social du salariat classique. Le développement du capitalisme cognitif ne peut en effet se réaliser sans un certain nombre d'agencements réglant des activités, des relations et des droits de propriété dont l'encadrement institutionnel se révèle insuffisant. Les deux lignes directrices de l'installation d'un régime stable du capitalisme cognitif consistent : 1) à faire apparaître les externalités positives dans une globalisation qui sert aussi à solder les externalités négatives dans un souci d'éliminer les sources de déséquilibre durable sur la croissance de la production connaissance. 2) À capter les externalités positives et à les valider dans la création d'un profit privé30.

Dans ce cadre, le capital tend à se détacher de la maîtrise et du contrôle direct des moyens de production. Le lien avec les unités de production devient un enjeu secondaire. La source de valeur n'est plus là. Le capital devient plus abstrait, moins dépendant des contraintes matérielles de localisation et de contrôle d'une certaine main d'oeuvre directe. La firme devient la "boîte vide" (hollow box) de Peter Drucker, c'est-à-dire essentiellement des droits de propriétés et les moyens juridiques de les faire respecter.

La crise majeure systémique qui guette le capitalisme cognitif n'est pas une chute dans l'indifférenciation monétaire, ni les incertitudes dues à la financiarisation31 de l'économie. C'est plutôt le contraire qui se produit. La financiarisation de la production matérielle reflète deux choses à la fois : 1) la trop grande lenteur de la transition en cours et ; 2) le mode de contrôle sur la coopération des cerveaux qui ne sont plus maintenables dans la hiérarchie industrielle par le biais du fordisme ou du taylorisme. L'incertitude essentielle qui pèse dans le capitalisme cognitif concerne la difficulté croissante de valider ex post la loi de la valeur travail, bref d'inscrire les nouveaux rapports de propriété et les institutions qui garantiraient la "loi du marché". La re-privatisatioon de la coopération sociale n'apparaît plus comme un développement de la force productive qu'est l'activité du travail vivant, mais une régression. Le capitalisme cognitif ne peut plus recourir aux vieilles recettes du salariat. Il est bloqué comme l'a été le capitalisme marchand quand il s'est agi d'abandonner le travail dépendant non libre de l'esclavage au second servage. Mais cette alternative considérable qui se dessine est largement dissimulée par la mobilisation des vieilles catégories progressistes de la critique de l'économie politique dans un sens réactif ou réactionnaire et nostalgique du capitalisme industriel fordiste.

Le déclassement de la vieille économie politique

Mise à part la littérature très instructive mais purement descriptive que l'on retrouve chez les praticiens de la finance ou dans certains manuels de gestion, force est de dresser le constat que l'analyse économique de tradition critique ne fait pas preuve d'une grande fécondité. La plus grande partie de la tradition marxiste ou critique se contente d'insister sur le caractère faussement novateur des transformations en cours en mettant en lumière la persistance des phénomènes de domination, d'exploitation. Ainsi la dénonciation de la finance et de l'argent retrouve- t-elle des caractéristiques populistes que Marx avait combattues dans ce qu'il appelait le " marxisme vulgaire ", lors qu'elle rapporte la croissance spectaculaire de la sphère financière à une simple maladie ou un déséquilibre ou perversion intrinsèque conduisant à " l' écroulement final " déjà largement invoqué du temps d'Hilferding32. Elle se situe le plus souvent dans un registre symétrique de la littérature apologétique : face aux thuriféraires du système, elle se croit obligée d'adopter les registres de la déploration ou de dénonciation en faisant bon marché du défi que représente la compréhension des mécanismes véritables en jeu. La tradition de la critique de l'économie politique semble largement oubliée ou anémiée. Les quelques exceptions à cet épuisement du paradigme critique, la théorie de la régulation, l'économie des conventions ont du mal à intégrer la mutation du capitalisme en cours dans leur analyse. La théorie de la régulation a tenté de rendre compte des transformations au sein du capitalisme en distinguant des modes de régulation de l'accumulation (passage du capitalisme concurrentiel à un capitalisme monopoliste) et des dispositifs institutionnels (en particulier le régime salarial). Elle propose a proposé le terme de post-fordisme pour désigner la mutation à partir des travaux de R. Boyer, A. Lipietz notamment. L' économie des conventions, ranimant le courant institutionnaliste et radical, met l'accent sur le caractère social des compromis institutionnels en réintégrant dans l'analyse économique les procédures, les langages, les habitudes des agents . Malgré la finesse et la richesse de certains de leurs développements, ces deux grands volets de l'analyse critique du capitalisme partagent avec le courant marxiste orthodoxe, et ajoutons avec le courant néo-classique, le même socle épistémologique, celui qui s'est constitué à la fin du XVIII° siècle avec Adam Smith et David Ricardo avec ses topiques. Si la conception de la valeur reçoit différentes acceptions (les querelles sur le prix du travail ou de la force de travail, sur la valeur travail ou la valeur utilité) deux invariants sont présents partout : le modèle développé par Adam Smith de la division du travail et de la coopération, le lieu fondamental où se forge la valeur économique à savoir la sphère de la production entendue comme celle de l'entreprise. Or ce sont précisément ces deux piliers principaux de l'édifice conceptuel de l'économie politique qui se trouvent minés aujourd'hui par le troisième capitalisme dont la nouvelle économie n'est que le symptôme avant-coureur. L'une des conséquences majeures de la sénilité de l'économique politique classique, et son enfermement corrélatif dans une formalisation mathématique excessive, c'est son obstination à continuer de soutenir que la production de valeur ne peut émerger dans la circulation. La sphère financière demeure vue de façon essentiellement parasitaire et les dépenses sociales comme des " faux frais " de la production capitaliste. On assiste donc à une hypertrophie de l'analyse de la sphère monétaire et financière dont les conséquences, jugées perverses ou néfastes sur l'économie réelle, sur la valeur sont désignées par le terme de financiarisation de l'économie. Mais le chemin inverse qui consisterait à se demander les raisons de ce basculement est beaucoup plus rarement emprunté33. On a vu récemment beaucoup d'économistes néo-classiques ou critiques se réjouir du krach du marché des valeurs technologiques (du Nasdaq en particulier) parce qu'ainsi tout rentrerait dans l'ordre de l'orthodoxie théorique. La bulle spéculative devait crever comme une bonne purge34. On pouvait donc revenir aux bons vieux concepts qui appellent un chat un chat et un spéculateur un coquin. Pareille attitude outre son caractère réactif sur le plan méthodologique (les catégories sont immuables et la réalité est priée d'entrer dans leur lit de Procuste) est surtout peu féconde. Existe-t-il des théories économiques nouvelles qui échappent à ces oeillères ?

Intérêt et limites des approches nouvelles

Le panorama théorique n'est pas toutefois aussi gris qu'on pourrait le déduire de ce jugement sans aménité qui vient d'être exposé sur l'économie politique et sa critique. Quatre approches tendent en effet de rendre compte des transformations de l'économie dans une direction intéressante : 1) la doctrine désormais officielle d'une économie reposant sur la connaissance (knowledge based economy) ; 2) l'idée d'une économie patrimoniale défendue par Michel Aglietta et une partie de l'école de la Régulation35 ; 3) celle d'une société des réseaux développée par les travaux de Manuel Castells ;4) celle enfin du mouvement pour une économie du don ou altruiste dans la tradition polanyienne dont A. Caillé et La Revue du Mauss sont de représentants actifs en France36. On ne saurait dans le cadre limité de ce panorama rapide, développer les pistes ouvertes par ces contributions. On se bornera ici, à souligner leur rôle positif dans le déblocage de la pensée critique vis-à-vis de la mutation en cours. Toutes ces écoles de pensée ont le mérite considérable de ne pas se boucher les yeux devant la prodigieuse transformation de la substance de l'économie. Elles ne sont pas toutefois exemptes de limites. Ainsi la knowledge based economy 37malgré l'acuité de sa description de l'immatérialisation de la connaissance38 et de son rôle crucial, malgré sa sortie partielle du schéma d'Adam Smith de division du travail et d'un " frabriquisme " ou usinisme manchestérien, demeure prisonnière dans ses a priori théoriques, d'une théorie schumpéterienne de l'innovation. L'invention demeure in fine extérieure au cycle économique. Il n'y a pas de production de la connaissance39. Au mieux trouve-t-on des recommandations pour une industrialisation et une financiarisation de la connaissance. La nouvelle organisation rationnelle d'une économie reposant sur la connaissance entend en effet mesurer les performances et à assujettir plus étroitement à la sphère marchande les lieux de productions de savoir, bref à fournir de meilleures recettes pour capter, par les mécanismes de valorisation, l'invention produite par les usages innovants et les apprentissages des agents40. Paradoxalement, les experts de la knowledge based economy se bornent à ajouter des appendices aux développements de Marx dans les Grundrisse sur le pouvoir du capitalisme comme pouvoir de la science41 alors qu'ils décrivent un système qui doit avant tout contrôler la production de la connaissance en son sein.

La théorie d'une régulation patrimoniale du capitalisme prend bien en compte une socialisation décisive et irréversible de la coopération sociale et d'une globalisation de la productivité que seule l'approche financière permet de solder42, mais la liaison entre la sphère financière et la sphère matérielle est un point faible de son analyse tandis que le modèle contractualiste auquel elle reste fidèle43 empêche de démêler plus précisément ce qui relève du conflit régulable et producteur de dispositifs institutionnels nouveaux de ce qui est un facteur de déséquilibre ou de crise.

La théorie de la société des réseaux exposée par Manuel Castells dans son monumental ouvrage sur la société de réseaux44, présente dans l'analyse de la sphère dite " réelle "45, des limites qui ressemblent à l'approche " patrimoniale ". De même que dans la création de la monnaie, le pouvoir des agents se trouve totalement absorbé et contrôlé dans les institutions consensuelles, dans la société de réseaux le capitalisme semble avoir entièrement gagné la partie, ce qui a pour conséquence que les espaces de subjectivation alternative se trouvent quasiment inexistants ou marginalisés. Tout se passe comme si la richesse de l'univers des réseaux se trouvait ramenée à une ressource en richesse pour l'appareil de captation de surplus. Le conflit ne se multiplie pas dans le réseau, il s'y dissout littéralement ou devient un simple bruit.

Un tel danger ne guette pas l'école polanyienne et maussienne du don qui se propose de fournir une alternative altruiste au cadre de l'échange marchand. Ce courant de pensée auquel s'adossent les positions anti- libérales dans la mondialisation plaide pour englober l'analyse de l'échange par l'économie classique et néo-classique dans un ensemble plus large. L'échange marchand comme échange d'équivalents stricts mesuré par la monnaie ne parvient pas à rendre compte de toutes formes d'échange beaucoup plus riches en liens sociaux tel le potlatch, mais aussi la relation religieuse comme échange incommensurable et totalement asymétrique entre le don infini de la grâce divine et le culte de la créature dans la théologie46. Pourtant, cette tentative de conserver un espace non marchand dans la coopération sociale, laisse paradoxalement intact le cadre de la division du travail conçue comme un échange entre individus. Elle continue de partager la vision de l'économie politique de Smith : la mesure de l'échange doit, pour elle, être revue au sens où la norme marchande est à encastrer et contrôler au moyen des normes sociales et des règles symboliques, mais il s'agit toujours de mesurer des valeurs47. Aussi demeure-t-elle peu sensible aux transformations des termes mêmes de la conception de la division du travail et à celles de la valeur économique qui sont en train de se produire sous le capitalisme cognitif à l'intérieur de l'économie elle-même. Ce qui est pourtant singulier dans la phase de mutation que nous connaissons, c'est que les frontières de l'économie sont en train de vaciller sérieusement et pas seulement dans le sens d'une expansion continue, démesurée et irrésistible de la marchandisation. Les nouvelles frontières et nouvelles clôtures du capitalisme cognitif révolutionnent bel et bien ce que les économistes, les chefs d'entreprise comme les banquiers avaient coutume d'entendre par capitalismeá car elles touchent à la fois la lisière de la sphère marchande que sa structure interne.

Les nouvelles frontières extérieures et intérieures

La mutation du deuxième capitalisme au troisième capitalisme est considérable parce qu'elle implique l'ensemble des rapports de propriété et particulièrement la propriété intellectuelle. Rappelons que la propriété est définie par l'économie du droit comme la faculté ou le pouvoir d'exercer un choix sur un bien, sur un service, sur un usage. Le nouveau continent de la valeur voit naître avec les espoirs d'Eldorado, des explorateurs, des aventuriers, des pionniers, des pirates, de nouveaux États corsaires. Il voit naître aussi de nouvelles cultures, culture des nouveaux espaces, culture de ces nouveaux marchés avec leur cortège d'attelages étranges, hybrides. Le numérique secrète ses sectes éphémères, ses valeurs culturelles pérennes. Il ne s'agit pas simplement de frontières extérieures, mais bien aussi de ses frontières intérieures. Dans l'histoire du capitalisme comme phénomène historique, la découverte de nouvelles terres à conquérir s'est toujours traduite par un problème d'établissement de droits. L'appropriation par les couronnes Ibériques du Nouveau monde a ouvert des conflits immédiats tant avec les colons blancs installés qu'avec les populations autochtones. Conflits de territoires bien sûr : comme cet adage terra nullius (la terre de personne est réputée appropriable par le nouvel arrivant) qui permit la spoliation des populations autochtones sous prétexte qu'elles n'exhibaient aucun titre de propriété individuelle et dont récemment la Cour Suprême australienne a accepté d'entreprendre la révision. Mais conflits de droit plus subtils aussi, portant sur la nature des créatures : les Indiens et les Noirs ont-ils une âme ? Si oui, il paraissait difficile de les traiter comme des choses ou du bétail, c'est-à-dire de les réduire en esclavage. La découverte des moyens pour les humains de pénétrer dans la fabrique du vivant et d'y intervenir (génome, organisme génétiquement modifié, clonage) ranime des querelles de cette ampleur autour des enjeux commerciaux considérables des transplantations d'organe, des cultures thérapeutiques sur embryon, jusqu'au clonage humain, ainsi que des biotechnologies. Il existe toutefois une différence considérable avec l'ère des grandes découvertes : les conquistadors, puis les colons disposaient d'un arsenal de droits de propriété assez complet et bien au point pour quadriller les nouveaux " eldorados " : la propriété éminente du souverain qui permettait d'annexer en droit des millions de kilomètres carrés, les systèmes de délégation semi-seigneuriale (Encomiendas, Capitaineries feudataires), les propriétés ecclésiastiques jouissant de leurs propres tribunaux, la propriété privée illimitée du colon faisant de l'individualisme possessif à la Locke comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. On ne décèle, au coeur de l'Occident entre 1500 et 1880, aucune crise de la propriété, mais un maillage de plus en plus fin qui laisse échapper de moins en moins de poissons et de ressources autochtones. Autrement dit, il n'y a aucune crise de la propriété à l'intérieur des Nations Européennes occidentales. Les seules crises féroces concerneront la répartition des pouvoirs de ces différentes formes de propriétés (en particulier la propriété religieuse qui perdra son statut d'exception après la Réforme et la laïcisation de l'État) et dans les colonies et les Empires (russe et américain) avec le statut du travail dépendant (la question de l'esclavage et du servage)48. Aujourd'hui en revanche, les nouveaux territoires sont situés à l'intérieur du capitalisme après la première mondialisation (XV°-XIX°) et d'autre part et surtout, les droits de propriété sont minés à l'intérieur même par la révolution des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il s'agit de déterminer ce qui est privé, ou privatisable en le séparant de ce qui ne saurait faire l'objet d'une exploitation économique (premier degré) et ce qui, bien qu'exploitable ou productible comme une ressource économique, ne saurait faire l'objet d'une appropriation privée et devrait donc rester objet de la propriété publique. Lé délimitation de nouvelles clôtures ne regarde pas simplement les clôtures privées (comme à l'époque des Parlamentary Enclosures du XVIII siècle) mais également les clôtures ou limites entre ce qui peut faire l'objet d'une intervention humaine et fabricante et ce qui ne le peut pas. On peut parler dans ce cas de clôtures en voie de constitution qui délimitent le domaine de l'écologique à ne pas envahir. La nouvelle bataille des clôtures tourne donc autour de la détermination de trois domaines49. Le premier est celui de la biosphère, qui, par sa complexité et la fragilité de son équilibre, requiert l'application d'un principe de précaution aussi bien par rapport à l'intervention économique privée que par rapport à l'action publique de " mise en valeur "50. Il est ainsi clair que les projets " nationaux " de gestion des ressources hydroélectriques, forestières, d'irrigation, d'amendement des sols, en raison même de leur ampleur et de leurs répercussions sur la désertification des sols, sur les modifications climatiques, ne peuvent pas plus être laissés à la souveraineté " publique " qu'aux initiatives des firmes transnationales. De même, malgré ses effets moins nocifs sur la production de carbone, la filière du nucléaire est abandonnée par un grand nombre de pays en raison de l'impossibilité de maîtriser réellement le problème de traitement des combustibles irradiés, source de dégradation pluri-millénaire de la planète. Le deuxième type de clôture désigne le nouveau domaine de la sphère publique, essentiellement définie comme excluant l'appropriabilité privée de certaines ressources maintenues dans le domaine de l'accès public et gratuit pour des raisons d'efficacité économique (principe de disclosure ou révélation pour susciter et préserver l'innovation) et/ou des raisons politiques (immaturité des agents privés à intérioriser et endogènéiser dans le calcul économique des règles plus complexes que la formation du profit à court terme) et/ou des raisons éthiques (immaturité passagère ou durable de la société en général à affronter la maîtrise du vivant51).Ces barrières ne sont pas immuables. Ainsi il n'est pas exclu que l'état des connaissances techniques permette un jour d'admettre que la puissance publique puisse intervenir dans la production de la biosphère de façon non catastrophique, ou à l'aveuglette comme c'est le cas actuellement. On examinera maintenant l'un des aspects le plus emblématique de cette bataille générale des clôtures : celle qui concerne les biens information ou biens connaissance dans la transition au capitalisme cognitif.

La bataille des clôtures sur les biens connaissances

L'incorporation de la science dans la production n'est pas un phénomène nouveau : le capitalisme industriel a développé une application systématique de la science52. Les inventions ont ainsi été appliquées sous forme d'innovations technologiques. Mais la numérisation des connaissances, l'informatisation du traitement des données, leur diffusion à l'échelle des individus par la généralisation des ordinateurs personnels aux capacités de mémorisation de plus en plus grandes, les coûts de plus en plus bas de l'acheminement des données ont changé complètement les termes dans lesquels se trouve définie la propriété intellectuelle et industrielle des biens immatériels qui régissaient et régissent toujours largement la vie économique. Un procédé technique, une connaissance spécifique immatérielle pouvait faire l'objet d'une appropriation privée dans la mesure où elle est brevetée. Le compromis du brevet consiste en une description précise, permettant à n'importe quelle personne " de l'art " de comprendre et de reproduire le procédé innovant, non révélé jusque-là. En échange de cette mise à disposition de cette innovation pour les États, l'auteur du brevet s'en voit reconnaître la paternité morale et juridique et a la possibilité d'en vendre l'usage exclusif à des acheteurs pour une durée limitée dans le temps (de dix à vingt ans en moyenne). Au terme de cette période, le brevet tombe dans le domaine public des connaissances incorporables gratuitement dans la production. La création artistique et littéraire a fait l'objet d'une codification du droit de propriété différente dans ses modalités, mais fondamentalement semblable dans son propos53 : à la différence du procédé ou produit de nature industrielle, l'oeuvre se définit par son originalité, son caractère artistique. L'élément industriel, c'est-à-dire la répétition ou reproduction de l'oeuvre (le livre par exemple dans son support matériel) fait l'objet d'une cession marchande temporaire et renouvelable de la part de l'auteur. Ce dernier et ses héritiers se voient garantir deux droits distincts : le droit patrimonial d'abord plus long que le brevet d'exploitation d'une invention, car la clause de chute dans le domaine public est de plusieurs dizaines d'années et le droit moral incessible en droit français qui garantit que la singularité de l'oeuvre ne sera pas compromise par le plagiat, la déformation, le détournement du sens etc. Le droit de propriété artistique et intellectuelle, tel que nous le connaissons résulte de codifications successives qui intervinrent chaque fois que des techniques et leurs usages mettaient en question l'exercice du droit de propriété dans sa définition comme dans sa mise en oeuvre que les juristes nomment son exécution ou enforcement en anglais. Définir en effet un droit de propriété comme le pouvoir d'exercer un choix sur un bien et un service ou l'usage de connaissances et d'informations ne consiste p as seulement à étiqueter tel ou tel actif comme susceptible de tel droit d'usage, de fructus (en tirer un revenu) ou d'abusus (l'aliéné ou le céder pour un temps limité). Cela suppose aussi comme l'exprime le terme " pouvoir ", la capacité effective de mettre en oeuvre, d'exécuter ce " contrat " de propriété. Cette condition gouverne l'inclusion dans les " ressources économiques " : ce qui est disponible en quantité illimitée pour tous ne saurait faire l'objet d'une appropriation économique et donc d'un investissement, d'une production, d'une vente ou d'une accumulation. L'air à la surface du globe était jusqu'à, il y a peu dans cette situation. Les molécules de principe actifs chimiquement contenues dans les plantes des forêts primaires tropicales. Mais la rareté, condition indispensable à la mise sur le marché d'un produit, peut être organisée involontairement par la sottise humaine (gaspillage de ressources rares non renouvelables) ou par une malveillance délibérée (collecte et inventaires des plantes, déposition de demande de brevet sur leur formule, obtention d'elles par mise en culture artificielle en laboratoire, puis, étape indispensable pour rentabiliser l'investissement ainsi effectué, destruction de la forêt tropicale). La ressource disponible gratuitement et renouvelable par la propriété de la nature de se reproduire toute seule avec la lumière, devient une ressource économique (et rentable) par construction institutionnelle d'un monopole de sa reproduction : le paysan se bornant à assurer le cycle producteur sans pouvoir bénéficier du cycle reproducteur, le consommateur étant invité à payer pour utiliser le produit54. Toutefois la rareté et le caractère non renouvelable " naturellement " d'un bien ou d'un service ne sont pas suffisants pour assurer à un actif quelconque55 la qualité d'être appropriable de façon privative par un propriétaire et faire l'objet d'un contrat de vente ou d'usage. Il faut en effet que cet actif possède deux autres qualités : le caractère exclusif (excludability) et le caractère rival (rivalry). L'exclusivité veut dire que l'appartenance à un propriétaire prive tout autre personne de jouir des mêmes droits sur cet actif. La rivalité veut dire que l'usage d'un actif choisi par le propriétaire n'est pas compatible avec un autre usage. Ces précisions pourraient paraître assez scolastiques. Elles ne le sont nullement à partir du moment où l'on considère les biens publics d'une part, et les biens connaissance ou les biens informations qui composent une part croissante des richesses économiques de l'autre. L'analyse économique des biens publics montre que le caractère non exclusif et non rival des actifs comme la sécurité, l'éducation, les infrastructures matérielles communes empêche leur appropriation et leur production : compte tenu de leur nature, on ne trouve aucun producteur privé pour les produire. Tout le monde veut profiter de la sécurité, mais personne n'est prêt à payer une personne privée pour y avoir accès. Le marché s'avère donc incapable d'allouer les ressources nécessaires à leur production et c'est à la puissance publique qu'incombe le financement obtenu par prélèvement obligatoire (la question du caractère privé ou nom de l'entreprise qui réalisera la production de ces biens ou services est tout à fait secondaire, car plusieurs combinaisons sont possibles pourvu que le financement soit public).

Le caractère inexécutable des droits de propriété de la vieille économie

Or les biens connaissance et les biens information qui constituent l'armature même du troisième capitalisme présentent une grande partie des caractéristiques des biens collectifs. Si X échange avec Y des connaissances, ce qu'il communique à Y, il ne le perd pas. L'usage qu'en fera Y n'interdit pas à X d'en faire un usage différent. Paradoxe encore plus fort, alors que la rareté d'un bien matériel croit avec son usage du fait de son usure progressive, la valeur d'un bien information ou d'un bien connaissance croit avec son usage, sa diffusion. Le mode de la connaissance et de l'information est un mode de l'abondance56. La part des biens collectifs tend donc s'accroître jusques et y compris dans la production matérielle informatisée. Et lorsque les biens informations peuvent être codifiés en biens vendables sur un marché compte tenu par exemple de leur rareté ou de la difficulté à les rendre immédiatement disponibles, leur obsolescence très rapide constitue une difficulté supplémentaire à leur marchandisation. Nous sommes conduits ici à la difficulté la plus importante à la commercialisation de la connaissance : celle du caractère exécutable des droits de propriété qui sont établis sur elle. L'impact de la révolution des NTIC est en effet de rendre reproductible très facilement, stockable sans usure et acheminable à un coût marginal quasi nul57 une portion croissante des connaissances mais aussi de procédés techniques que la numérisation rend accessibles et codifiables. En résulte une perte des monopoles ou des rentes de savoir liés à autre chose que le cerveau. À l'âge de l'Internet, du téléchargement immédiat, vous ne pouvez espérer conserver une découverte très longtemps si bien que la publication et la publicité la plus rapide possible deviennent le seul rempart efficace contre le plagiat. En revanche les barrières à la diffusion de la connaissance sont liées au niveau d'éducation du travail vivant du cerveau. Autrement dit, l'utilisation à une échelle massive du potentiel de reproduction que contient la révolution numérique, rend l'exécution des droits de propriété intellectuelle de plus en plus difficile. L'apparition du format MP3 de compression du son numérique rend possible l'échange par téléchargement d'ordinateurs personnels à ordinateurs personnels (voir le procès de Naptser). Comme l'explique Richard Barbrook58 les tentatives des majors de la musique d'interdire ces échanges en invoquant le respect des droits d'auteurs et de décourager les 36 millions d'utilisateurs quotidiens de la musique en ligne gratuite se sont soldées par une victoire à la Pyrrhus. Napster a été relayé par des logiciels pourtant beaucoup plus techniques dans leur maniement et les tentatives de capter la " clientèle potentielle59 " dans des " abonnements " légaux de Bertelsmann ont été des fiascos commerciaux. L'apparition prochaine de format de compression numérique de l'image de très bonne qualité, l'augmentation considérable de la puissance et de la rapidité de téléchargement des ordinateurs, le développement du FreeNet ou de l'Internet sans fil en utilisant la diffusion hertzienne vont rendre de plus en plus compliquée l'application des règles d'exécution des droits de propriété intellectuelles qui se trouvent effectivement au centre des prochaines re- négociations du l'Organisation Mondiale du Commerce (sous le nom de TRIPS). La connaissance ou l'information coûtent cher à produire et consomment, nous l'avons vu, quatre composants, des biens matériels (machine), des biens immatériels (logiciels et informations traitables par les ordinateurs), des services immatériels et vivants (l'activité et l'attention du cerveau, ainsi que les réseaux). Une partie croissante de ces biens ou ressources correspondent à des biens collectifs. La privatisation à une échelle significative de ces biens alors que la reproduction des produits des biens (informations, connaissances codifiées numérisées) ne coûtent quasiment rien, se heurte à l'exécution du contrat de droit de propriété. Dans la " vieille " économie, la rareté, la difficulté, la médiocrité, le coût de la reproduction constituaient les meilleurs auxiliaires des droits de propriétés privatifs. Les NTIC et leur appropriation à une échelle massive (1986 avec les ordinateurs personnels) dans un réseau transnational et libre d'accès, (l'Internet à partir de 1995) et la diffusion durant quarante ans des logiciels libres ont affaibli très fortement le caractère exécutable des droits de propriété. D'innombrables procès attestent de sa fragilité. Pour préserver au marché sa place, il faudrait arriver à réglementer férocement l'usage de la photocopie ou du téléchargement. Richard Stallman, le développeur du système GNU qui s'est combiné avec Linux et qui défend le principe du logiciel libre, c'est-à-dire de licence de copyleft sur lequel nous reviendrons, imagine un monde sinistre en 2096, Tycho, où il est interdit à tout étudiant de prêter ses livres numériques à un autre étudiant60. La bataille autour du cryptage des données et des messages illustre également ce phénomène. Dans le souci de réserver les logiciels de cryptage aux grandes organisations jugées plus contrôlables, les entreprises privées ont réclamé de breveter ces logiciels, tandis que les États tentent actuellement d'imposer des dispositifs obligatoires de dépôt préalable des codes d'accès au nom d'impératif de sécurité nationale ou de lutte contre la criminalité (drogue, pédophilie). Les développeurs et inventeurs de ces logiciels pour s'opposer à leur brevetage se sont empressés de les rendre public sur l'Internet, ce qui interdit le dépôt d'une demande en ce sens. La fracture numérique constitue l'élément déterminant pour les pays du Sud, s'ils ne veulent pas se trouver cantonnés dans les tâches de plus en plus subalterne d'ateliers de sous-traitance de la production matérielle tandis que la production immatérielle, le savoir faire, les réseaux juridiques et les réseaux d'organisation des marchés globaux demeureraient plus que jamais dans les pays du Nord. Malgré la ferme intention des Etats-Unis et de l'Union Européenne de réviser les droits de propriété intellectuelle dans le sens d'un renforcement des droits de propriété privés sur les savoirs (le génome, les OGM, les nouvelles molécules thérapeutiques issues de biotechnologies, les brevets sur les logiciels) plusieurs symptômes sont apparus d'une difficulté croissante d'exécution de ce programme dans la mondialisation. Le projet de l'AMI de réglementation unifiée de code des investissements a été refusé ainsi que l'inclusion des biens artistiques et culturels dans les négociations commerciales de l'OMC, Le clonage des organes humains soulève une opposition considérable, le projet Terminator a été officiellement abandonné par la Monsanto devant le tollé créé par sa diffusion sur l`Internet (plusieurs milliers de protestations ont été réunies en quelques heures aux États-Unis), l'Union Européenne continue à se prononcer contre la révision de la Convention de Munich qui n'accepte pas la brevetisation des logiciels, la non-ratification par le gouvernement américain du Protocole de Kyoto suscite une très forte réprobation. Mais l'exemple le plus significatif est venu du Sud avec le retrait de la plainte des firmes multinationales pharmaceutiques américaines contre le gouvernement sud africain à propos de la production de médicaments génériques permettant d'abaisser radicalement le coût des tri thérapies contre le sida. Il est symptomatique que le gouvernement américain ait finalement fait pression pour obtenir ce recul de ses propres industriels. Il semble en effet qu'il ait jugé la situation tellement dégradée qu'elle risquait de faire échouer la totalité du cycle de négociations sur les nouveaux droits de propriété intellectuelle (le TRIPS).

L'éclatement du noyau classique des droits de propriété.

La bataille des clôtures bat son plein. Elle est certainement l'une des conditions décisives de l'installation d'un régime d'accumulation plus stable pour le troisième capitalisme. Il serait largement réducteur de présenter cette bataille comme perdue d'avance pour les adversaires d'une mondialisation marquée au seul sceau du néo-libéralisme. Deux éléments se conjuguent pour bloquer le passage en force de dispositifs contraignants et répressifs, malgré des situations d'exception créées sur l'Internet au nom de la lutte anti-terroriste depuis le 11 septembre 2001. Le premier tient à l'étendue de la transgression des droits de propriété intellectuelle dont le piratage et la napstérisation populaires sont des indices patents. La firme Microsoft n'a pas été démantelée comme l'avait préconisé le Juge Jackson lors de la première phase du procès anti-trust ; elle poursuit ses pratiques de conquête d'un monopole sur le marché des logiciels propriétaires. Elle pourfend le piratage de ses logiciels avec une belle énergie. Mais en Russie, les trois quarts des logiciels propriétaires utilisés (presque exclusivement Microsoft) sont en fait piratés et ne rapporte rien à la firme de Redmont. Il en va de même dans le gigantesque marché potentiel chinois Dans le Sud, même s'il s'agit de marchés bien plus modestes, la même logique que celle qui a présidé à la bataille autour des produits génériques est à l'oeuvre. Pour obtenir le minimum de consensus à l'exécution des droits de propriété intellectuelle, les entreprises et les États du Nord doivent baisser drastiquement leurs prix. Le deuxième élément de desserrement de la contrainte des droits de propriété, et c'est l'argument le plus lourd, est le caractère inefficace, du point de vue de la logique de l'innovation qui se trouve au coeur du capitalisme cognitif, de la logique propriétaire. L'exemple des logiciels libres, celui du libre accès des archives de données montre que le modèle de coopération transnationale en temps réels grâce à l'outil de l'Internet permet d'atteindre dans la production scientifique, dans celle de programmes d'informatiques des solutions beaucoup plus innovantes, de bien meilleure qualité, dans des délais beaucoup plus rapides et à un coût incomparablement plus faible. La productivité, et c'est une nouveauté considérable par rapport à la bataille des enclosures de la fin du XVIII° siècle lors de l'émergence du deuxième capitalisme, se trouve du côté des adversaires des clôtures privés et des clôtures disciplinaires de l'État Nation ou de l'Empire. Cette leçon administrée par les communautés de l'Internet dans le domaine de la production numérique, s'étend dans l'économie " légère " des services de production de la santé ou de la sécurité du vivant. L'économie de biens matériels entre des propriétaires qui aliènent l'usage et l'usufruit de leurs produits est remplacée par des marchés de services complexes qui combinent la fourniture d'un bien matériel (dont le coût et le profit retiré sont le plus souvent très faible) avec des services d'entretien, de calcul et de réduction des risques, d'assurances multiples. Dans cette économie fort bien décrite par Jeremy Rifkin61, les droits de propriété s'ils ne disparaissent pas sont fortement restructurés : le droit de propriété privée de biens matériels devient moins important que le droit d'accès à des flux de services. Même si cet auteur voit clairement les enjeux de la brevétisation du vivant auquel il s'oppose par l'intermédiaire de sa Fondation contre les organismes génétiquement modifiés, et remarque bien le déclin de l'importance de la propriété matérielle, il a tendance à négliger la question du caractère exécutable des droits de propriété transformés en droit d'accès selon des abonnements. Les abonnements paraissent un système qui permet de contourner la réticence des consommateurs et leur volonté de piratage (syndrome du passager clandestin) en procurant une impression d'abondance de services disponibles. Mais la question de leur réussite économique passe par leur prix. Les tentatives d'introduire des abonnements et de faire payer l'information sur l'Internet se révèlent décevantes comme dans les cas comme ceux de la remise au pas de Napster. Le nombre de candidats réels à un abonnement devient trop faible pour justifier les frais de production et de mise en ligne des portails commerciaux qui sont obligés de fermer massivement. La puissance économique de l'Internet est liée au nombre d'usagers, à la puissance de la multitude des interactifs. La marchandisation de la connaissance et de l'information est d'autant plus mal reçue que l'Internet n'est pas gratuit, il est seulement d'un coût suffisamment bas pour être tolérable. Il semble bien que l'échec de la Net economy corresponde à une incapacité structurelle des vieilles règles du capitalisme industriel à gouverner ces nouvelles formes de coopération, sauf à tuer la poule aux oeufs d'or. Si la vieille économie veut pouvoir maintenir la règle du profit et la norme marchande, il lui faut alors se contenter d'extraire le maximum d'externalités positives de la coopération cognitive et, dans ce cas, renoncer à subsumer directement la sphère de l'Internet.

Un compromis majeur a déjà eu lieu. La tendance qui nous paraît se manifester dans ce jeu incessant de redéfinition des droits de propriété est en effet celle d'un éclatement du concept unitaire de la propriété. Alors qu'au Moyen Âge, l'usus, le fructus et l'abusus étaient très rarement concentrés entre les mains d'une seule personne, sous le second capitalisme marchand, au XVII° siècle il s'est produit une unification de ces trois possibilités de droit de propriété. L 'individualisme possessif de Locke s'est battu pour obtenir le caractère illimité de la propriété (c'est-à- dire un retour au droit romain) et particulièrement le caractère dominant de l'abusus. Le droit de céder et d'aliéner la totalité du bien constitue l'enjeu fondamental de ce capitalisme. On sait qu'il étendra ce droit à une partie des travailleurs dépendants sous la forme de l'esclavage ou du servage. Cette unification des droits de propriété est conservée dans le capitalisme industriel même si la personne humaine est retirée des actifs cessibles. Dans le troisième capitalisme, cette unification trop forte des trois composantes des droits de propriété s'avère un obstacle à l'absorption et à la production endogène de l'innovation. Le développement de la force d'invention de la coopération entre les cerveaux requiert de nouvelles formes de domination : le modèle de la firme-réseau horizontale ne se cantonne plus seulement aux départements R&D, il restructure l'ensemble des relations de marché tant du côté des fournisseurs que de celui des clients. Tandis que la puissance productive de la coopération via l'Internet ne supporte pas la vieille culture industrielle et fordiste. Le troisième capitaliste est condamné à devoir composer continuellement avec une véritable culture alternative. La nouvelle codification de l'activité et du travail pour le compte d'autrui, la transformation de la constitution salariale résulteront de cette confrontation.

Une véritable culture alternative de la mise en commun

L'offensive particulièrement forte depuis quelques années contre la culture pionnière de l'Internet a pris la forme d'une réaffirmation répressive des vieux droits de propriété intellectuelles surtout des brevets et du droit patrimonial du droit d'auteur au profit essentiellement des distributeurs, éditeurs, producteurs et intermédiaires de la culture (musées, bibliothèques) accélérant par là même, la fuite vers les solutions d'évitement du marché, de piratage. Les NTIC mettent largement en péril le circuit traditionnel de construction des échanges

par la publicité payante et par l'abaissement drastique des coûts d'entretien des réseaux de diffusion. Les entreprises habituées aux consommateurs de la vieille économie se sont rendu compte lors de leur ruée vers l'or de l'Internet, qu'elles se heurtaient à une contre-culture puissante de la gratuite, du libre (qui n'est pas la même chose), de la coopération, de l'émulation scientifique, du jeu, de la contestation systématique, quasi caractérielle de la hiérarchie dépourvue de légitimité. Le marché n'est pas en cause, car il n'est pas nié par les hackers, mais il est remis à sa place de l'intérieur et surtout limité dans ses prétentions d'absorber la sphère de la production e connaissance. Il est évidemment difficile de dégager les lignes et les valeurs d'un mouvement multiple, pluriel comme en témoigne par exemple le débat qui oppose les tenants du copyleft strict comme R. Stallman, à un mouvement plus conciliant de l'open source, bien que ce dernier qui paraît accommodant envers les systèmes hybrides avec les logiciels propriétaires ait des conséquences révolutionnaires en matière de définition des missions de politique publique de production de la connaissance. Il suffit pourtant de voir la perplexité des économistes classiques devant le modèle du logiciel libre, c'est-à-dire devant un modèle efficace économiquement comme GNU-Linux qui utilise les ressources juridiques du droit de propriété pour sauvegarder et étendre un nouveau domaine public62. À un autre pôle et sur un registre nettement plus hargneux, les attaques des groupes de pression des entreprises de logiciels propriétaires se font virulentes à l'égard des logiciels libres accusés de faire une concurrence déloyale au secteur privé. Ce n'est pas un hasard si ces pourfendeurs du libre réclament outre un régime de brevets renforcé, que l'État demeure le seul propriétaire des logiciels développés par les chercheurs payés sur les budgets publics et leur interdise d'en disposer à leur guise et en particulier de les mettre en ligne ou de les soumettre à un régime d'in- brevabilité. Bel hommage du vice à la vertu, puisque se trouve reconnu l'efficacité du libre et son caractère contagieux63. La question qui se trouve ouverte est aussi celle du statut du nouveau salarié ou dépendant dans le capitalisme cognitif. Robert Castel a suggéré que le compromis mis en place à la fin du XIX siècle sous le capitalisme industriel avait consisté à doter le prolétaire privé de propriété, d'une nouvelle forme de propriété, la propriété de droits sociaux exprimée dans l'Etat Providence64. La direction suivie par les entreprises de la nouvelle économie a été jusqu'ici de patrimonialiser le revenu des salariés par le biais des stock-options, des fonds de pensions et de l'épargne salariale confiée à la Bourse au marché et aux entreprises. La vulnérabilité de cette solution aux krachs financiers (tel celui d'Enron) conduira inéluctablement à des mécanismes de garanties de revenu comme l'allocation universelle ou le revenu d'existence65 Le principe du copyleft opposé au copyright repose sur le principe suivant. L'auteur ou les créateurs, lorsqu'il s'agit d'un collectif, ne renoncent nullement à exercer un droit de suite sur leur production intellectuelle. Les logiciels contrairement aux logiciels propriétaires révèlent leur corde source et ils sont reproductibles et modifiables à deux conditions ; la réciprocité et la transitivité. Celui qui bénéficie des externalités positives que lui procure l'usage libre et sans droits d'auteur doit faire de même. Il lui est interdit sous peine de poursuite pour violation de la licence qui lui a été accordée de transformer le logiciel libre en logiciel propriétaire en fermant l'accès au code source. Il doit aussi informer celui qui est en amont et qui lui a concédé le copyleft de ses initiatives d'amélioration du produit. Si l'innovation est retenue dans les configurations et les versions ultérieures, il devient coauteur. Il s'agit d'un système juridique qui n'accorde que l'usus (la copie et la modification) en récusant le fructus et l'abusus. L'open source renonce à exercer ce droit de suite puisque comme dans le cas des connaissances produites publiquement, il laisse libres les auteurs de tirer un revenu (fructus) et d'aliéner (abusus) leurs logiciels qui peuvent être insérés dans des logiciels propriétaires dont le code d'accès cesse d'être disponible. Mais en pratiquant une politique de mise en ligne immédiate, c'est-à-dire de publicité, le mouvement open source entend bloquer la prise de brevet par les firmes. Les questions qui sont au coeur de ce différend sont celles de la question du revenu des auteurs, créateurs et inventeurs. Comment les développeurs du libre survivent-ils économiquement lorsqu'ils sont organisés en entreprise ? La réponse, semble être qu'ils facturent le service de conception, de maintenance des systèmes, le conseil en innovation donc le wetware et non pas le software. Ils ne sont pas les seuls : IBM a pris ce tournant stratégique depuis plusieurs années et s'allie maintenant à Linux contre Microsoft66. Terminons cet examen de la bataille autour de la redéfinition des droits de propriété, par la question de la culture des activistes á . La question de la codification du droit n'est jamais une simple affaire de droit positif ou de théorie évolutionniste et fonctionnaliste de l'adaptation des règles aux impératifs économiques. L'émergence du droit comme compromis, résulte largement des sujets, des usages qu'ils développent et de leur légitimation. La lecture de la réflexion théorique ou polémique produite par les communautés de l'Internet, qui ont précédé de plus de trente ans, les industriels et les États67, témoigne de l'émergence d'un modèle de valeurs et d'activité profondément divergent par rapport aux modèles du salarié, de l'entrepreneur innovateur comme de la division post- smithienne du travail68. La thèse de P. Himanen69 assez séduisante, malgré son caractère très général est que la culture des hackers, expression qui agace beaucoup ces derniers, constitue le signe d'une mutation en profondeur du paradigme dominant du travail, bref d'une nouvelle éthique du capitalisme. Ces hypothèses rencontrent largement les nôtres. Himanen oppose en effet la nouvelle éthique du travail en gestation dans le monde de l'Internet, qui relève de l'Académie de Platon (modèle universitaire de partage des connaissances, d'émulation, de jeu à celle de l'esprit protestant du capitalisme (l'accumulation d'argent, l'individualisme). Cette opposition se double d'un autre repoussoir : le modèle du monastère qui fixe le travail dépendant et la discipline hiérarchique collective. Ce qui correspond dans notre tripartition des époques du capitalisme au legs du premier capitalisme.

Nous avons rassemblé dans le tableau 1 les principaux traits de la mutation de la division du travail sous l'angle de sa place, de la variable clé de son évolution, du modèle d'organisation, de la caractéristique des actifs dominants, des biens dominants, de l'effet majeur, l'outil économique, du rôle des externalités. Une opposition très forte domine terme à terme. Nous l'avons souligné. L'opposition essentielle tient d'abord à la place de la division du travail. Si elle occupe une place centrale aussi bien chez Smith que chez Marx, elle devient secondaire par rapport à la coopération immédiate dont on trouve le modèle théorique complexe chez Gabriel Tarde. Le modèle organisationnel du réseau et la taille de ce dernier se substituent à la taille du marché et à la hiérarchie. Les biens dominants se rapprochent des biens publics, les externalités et leurs mécanismes de captation jouent un rôle croisant. L'attention se substitue à l'obéissance.

Tableau 1. Division du travail : la mutation de la division smithienne à la division cognitive

Aspects de la division du Économie du 2° capitalisme Économie du 3° capitalisme travail Importance Originelle, elle distribue le Dérivée de la coopération (G. pouvoir (Smith, Marx) Tarde) Variable d'évolution Taille du marché Taille du réseau Modèle organisationnel Marché / hiérarchie /Etat Réseau et réseau des réseaux Caractéristiques des actifs Exclusivité, rivalité, Biens indivisibles, non rivaux dominants appropriation privative Biens publics ou difficulté possible et exécutable d'exécution des droits de propriété Biens dominants Bien marchandise et bien Biens information et bien travail comme quantum connaissance, énergétique Attention cérébrale et réseau Effet majeur Économie d'échelle Économies d'apprentissage Captation des externalités positives de réseau Outil économique privilégié Calcul marginal spot Globalisation patrimoniale Rendements décroissants Rendements d'usage innovant croissants Calcul Matrice Input/output de Biens quadruples produits homogènes hardware/software/wetware / netware Externalités Marginales sauf pour biens Dominantes y compris pour publics les biens marchands privés.

Il est intéressant de rapprocher ce tableau du tableau 2 dans lequel nous avons rapproché les caractéristiques de la mutation de l'économie des mutations de valeur de l'activité humaine proposée par les hypothèses de Pekka Himanen. Nous sommes conduit au profil d'une nouvelle " Grande Transformation "

Tableau 2. La nouvelle grande transformation

Éthique comme Le monastère Premier L'Académie paradigme de l'activité capitalisme Le capitalisme cognitif Protestant, (capitalisme industriel)

Micro niveaux locaux L'Individu L'individu créateur L'entrepreneur Le groupe Le salarié obéissant et d'appartenance dépendant volontaire, La vocation déterminée Le réseau Le jeu Systèmes macro Marché, Entreprise Firmes transnationales nationale, Etat RÉseau (hiérarchie) Valeurs Argent Passion Travail Liberté Optimalité Valeur sociale Flexibilité Ouverture Stabilité Altruisme Détermination Plaisir (fais ce que Contrôle du résultat voudras) Abbaye de Thélème Créativité

On peut parler d'une opposition stratégique qui s'exaspère dans les secteurs-clés de la nouvelle économie qui produit des connaissances au moyen de connaissance. Chercheurs, communicateurs, formateurs, enseignants, techniciens de la production du vivant et des langages symboliques, manipulateurs de symboles découvrent l'inanité de contenu et la vulgarité sans fond des formes de captation de la valeur au regard de la richesse. Il en résulte la formation d'un monde aussi étranger dans ses valeurs, ses habitus à l'horizon marchand et aussi profondément étranger à ce dernier que le monde marchand des bourgeois du XIV° au XVII° siècles pouvait l'être vis-à-vis de l'ordre féodal et religieux.


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La page origine : Yann Moulier-Boutang : Nouvelles frontières de l'économie politique du capitalisme cognitif

http://www.ish-lyon.cnrs.fr/labo/walras/Objets/20021214/YMB.pdf


Intervention au Colloque "Textualités & nouvelles technologies" (Musée d'art contemporain, Montréal, 23-25 octobre 2001), dans le cadre de la "Saison de la France au Québec". Paru in la revue éc/artS, n°3, oct. 2002, http://www.ecarts.org
Reproduction obéissant au principe du copyleft : reproduction libre pour usage libre et gratuit avec mention de la source papier et de l'auteur. Yann.M.Boutang@wanadoo.fr ou Yann.Moulier-Boutang@univ-paris1.fr

Notes

1 Yann MOULIER BOUTANG Professeur d'économie à Vannes et à Paris. Travaille notamment sur les transformations historiques du capitalisme. Soit le passage de l'esclavage au salariat ( sa thèse publiée en 1998 aux PUF) soit sur l"économie des droits de propriété, l'analyse de la ville dans le cadre du Laboratoire Isys-Matisse (Paris I). Anime par ailleurs la Revue Multitudes (Exils, Paris) . Derniers ouvrages en collaboration avec Enki Bilal, EnkiBilladeuxmilleun, Christian Desbois Editeur (2001), Paris, en collaboration avec Monique Chemillier-Gendreau, (Direction) Le droit dans la mondialisation, PUF(2001) " La troisième transition du capitalisme : exode du travail productif et externalités" in A. Corsani, P. Dieuaide et C. Azaïs (Eds) Vers un capitalisme cognitif, Entre mutation du travail et territoire, L'Harmattan, 2001.

2 Sur le capitalisme cognitif, on renverra à E. Rullani & Luca (1996), E. Rullani (2000) aux contributions de A. Corsani, M. Lazzarato, Y. Moulier Boutang, B. Paulré parues dans Multitudes n° 1, n° 2, n° 5, à A. Corsani, P. Dieuaide et C. Azaïs, op. cit. Le plus complet est A. Corsani, P. Dieuaide, M. Lazzarato, J.-M. Monnier, Y.Moulier-Boutang, B. Paulré et C. Vercellone (2001).

3 Sur la mutation du capitalisme marchand et esclavagiste au capitalisme industriel voir Yann Moulier Boutang (1997, 1998A et B, A, 2001 D et E) ; sur les transformations salariales actuelles du travail immatériel du marché du travail, de l'entreprise, sur la protection sociale Y. Moulier Boutang (1996, 2000A et C, 2001B, C, E, 2002) ), sur la mobilité, la globalisation Y. Moulier Boutang (2000 A, 2001 B) ; sur la mutation de l'économie politique Y. Moulier Boutang (1997),

4 Pour un point récent sur l'économie cognitive voir B. Walliser (1999).

5 Peter Drücker, Le Monde des Débats, Mars 2000

6 Voir l'ouvrage classique H. Gardner (1985)

7 Voir par exemple M. Castells sur les transformations des Etats Nations en Etats réseaux. Dans une perspective différente voir M. Hardt et A. Negri (2001)

8 Voir par exemple le Rapport Henri Guillaume en France, C. Golfinger (1994), J. Gadrey (1996), les travaux de Dan Quah pour l'ensemble des économies développées, ainsi que N.G. Dang, P. Petit & D. Phan D,(1997). Voir aussi A. Gorz (1997 et 1998), Lazzarato (1997, 2000). Corsani & alii (1995) et M.Dantas (1996) pour une perspective qui s'écarte plus radicalement de l'économie politique classique.

9 Voir l'ouvrage fondateur de P. Levy , mais aussi A. Bonomi (1997), E. Raymond (1999)

10 Y. Moulier Boutang ( 1993 et 1996)

11 C. Freeman & C. Perez (1988).

12 L'endogénéisation du progrès technique dans les modèles de croissance, (Amable B. & Guellec D., [1992], ainsi que les théories évolutionnistes de la firme enregistrent chacun à leur niveau ( macro et micro) cette transformation, à la suite des travaux de R. Solow et de P. Romer. Voir aussi G. Dosi (1996).

13 Y. Moulier Boutang (2002A).

14 P. Moatti & M. El Mouhoud (1992).

15 A. Brian (1989), E. Ullmann (1997)., J.B. DeLong (1997), P. Jollivet (2000).

16 Du nomde Ohno qui fut à l'industrie automobile japonaise ce que fait Taylor à l'industrie américaine

17 Benjamin Coriat (1991).

18 Baumol W. J. & Wolff E. N. (1984),

19 Nelson & Romer, 1998

20 Castells, (1999), P. Veltz (2000).

21 J.B. DeLong & A.M. Froomkin [2000]

22 Sur ce thème on se reportera aux analyses de Maurizio Lazzarato sur la pensée économique de Gabriel Tarde in Multitudes, n° 2, et n° 7.

23 P. Chapignac (1996), Pascal Petit ( 1998 A et B).

24 Y. Moulier Boutang (2001B).

25 J. Barraux (Presid.) (1997).

26 A. Corsani, C. Azaïs et P. Dieuaide (2001)

27 Y. Moulier Boutang (2001).

28 Y. Moulier Boutang (1997)

29 Voir L. Boltanski & E. Chiapello (1999).

30 Y. Moulier Boutang (1993, 1995 et 1997)

31 Pour une description fine de la financiarisation voir F. Chesnais,(1997), A. Orléan (1999

32 Pour une remarquable antidote à ce conformisme voir P.-N. Giraud (2001

33 Citons toutefois les travaux d'André d'Orléan (1999) et dans l'optique défendue ici, ceux de Christian Marazzi (1997 et 1999)

34 Malgré ses travaux novateurs sur la mesure de la productivité du tertiaire (1996), J. Gadrey (2000) demeure emprisonné dans cette optique. La plus grande partie des travaux de l'école de Pierre Bourdieu sacrifie également à cette tendance.

35 M. Aglietta (1976 et 1997)

36 Par exemple le n° 15 (Premier semestre 2000) de la revue du Mauss. Il convient de signaler les travaux pionniers de S. C. Kolm, ceux de F. Partant et de S. Latouche sur la notion de développement et de croissance. Appliquées à l'économie de l'internet, voir les contributions de Richard Barbrook (2001, 2002) , G.Dang Nguyen & T. Pénard (1999), D. Desbois (1999)

37 Foray D. & Lundvall B.A. (eds.) (1996).

38 Voir J. Beale (1995), P. Epingard (1999).

39 Pour une critique de cette absence voir les travaux d'A. Corsani, M. Lazzarato et B. Paulré déjà cités. Un dossier consacré à la question de la production de la connaissance paraîtra dans la Revue Multitudes de l'année 2003.

40 Lundwall B.-A. ( 1985 et 1988), Foray D. & Lundvall B.-A., [1996), G. Dosi (1996).

41 K. Marx (1857-58).

42 A. Orléan (1999), M. Aglietta(2000).

43 Le modèle girardien du mimétisme et du risque de chute dans l'indifférenciation, demeure captif d'une interprétaion kojévienne et en définitive hégélienne de Freud. Au conflit de la société d'intérêt de Smith, Orléan et Aglietta substituent le chaos du désir et son risque de guerre totale sauvé par la médiation de la monnaie. Pour une critique de ce socle toujours " dialectique " voir notre relecture d u combat du maitre et de l'esclave-serviteur (2001F).

44 M. Castells (1999).

45 Cette expression est évidemment à utiliser " avec des pincettes " car la sphère financière et la monnaie ont des effets tout à fait réels

46 Voir les contributions de Marcel Hénaff, Alain Caillé dans Ethique et économie, L'impossible (re)mariage ? , Revue du Mauss, n° 15

47 Pour une critique de fond de l'économie politique s'appuyant sur l'oeuvre de Gabriel Tarde, voir M. Lazzarato (2002).

48 Y. Moulier Boutang (1998 A et B)

49 Y. Moulier Boutang (2002C)

50 La référence incontournable est R. Passet

51 Voir P. Sloterdijke,(2000).

52 E. Rullani (2000)

53 Voir notre article dans Multitudes n°5, (2001A).

54 On suit ici les analyses très pertinentes de Jean-Pierre Berlan (1983 et 2002 ) sur les semences agricoles qui ont trouvé leur illustration parfaite dans le projet Terminator mis en oeuvre par la frime multinationale Monsanto.

55 Le terme d'actif ne désigne pas ici ce qui figure dans un bilan de comptabilité financière mais n'importe quel type de biens ou de service pouvant être jugé désirable même s'il ne fait pas (encore) partie de la sphère économique et marchande.

56 B. Lang (2000)., voir aussi la contribution de Linus Tornwald dans P. Himanen (2001)

57 La référence fondamentale est J.B. DeLong et A. M. Fromkin (2000) . Ces auteurs expliquent comment les principes de bases de la microéconomie ( unicité des prix, discrimination des prix seulement en cas de monopole, zétablisssement des prix au coût marginal de reproduction industrielle) se trouvent totalement remis en cause.

58 Richard Barbrook (2002)., voir aussi sur la question des tentatives de clôtures contre l'accès public P. Quéau (2000) et B. Lang (2000).

59 L'erreur économique grossière des majors est de comptabiliser comme des pertes réelles des gains purement virtuels, c'est-à-dire de faire abstraction de la solvabilité réelle des 38 millions d'adeptes de Napster . À un prix nul, ou très faible ( il faut compter le support et le temps très long passé à télécharger) on trouve un nombre très grand de demandeurs de ce bien musical, mais au prix des CD et pour la quantité de musique disponible on line on trouve un chiffre de seulement 400 000 abonnés. Il est probable que ce ne sont pas les mêmes consommateurs.

60 Richard Stallman (2000-1996)

61 J. Rifkin (2000)

62 Voir J.-B. Zimmermann (1999)

63 Voir F . Horn (1999).

64 R. Castel et C. Haroche (2001)

65 Voir le dossier du n°8 de la Revue Multitudes consacrée à cette question, voir également la diffusion des idées du BIEN ( Basic Income Europena Network.

66 Ces éléments s'appuie sur une recherche menée actuellement dans l'équipe d'Isys-Matisse par A. Corsani, Y. Moulier Boutang, M. Lazzarato P. Jollivet, J. Gleizes, B. Paulré.

67 Voir par exemple les très riches anthologies comme J. Bosma , P. Van Mourik Broekman , T. Byfield, M. Fuller , G. Lovink, D. McCarty , P. Schultz, F. Stadlefr , M. Wark & F ;Wilding (Eds.), (1999), C. DiBona , S. Ockman & M. Stone (1999), O. Blondeau & F. Latrive (2000), et C. Formenti, Carlo, (2000).

68 Sur ce dernier point voir C. Vercellone (2002)

69 P. Himanen (2001). Sur un débat autour de ces thèses voir les articles de P. Jollivet et de N. Auray dans Multitudes n°8, Mars (2002).


Mots clés : capitalisme cognitif, troisième capitalisme, nouvelle économie, économie de la connaissance, droits de propriété, exécution des droits, copyleft, logiciel libre
La page origine : Yann Moulier-Boutang : Nouvelles frontières de l'économie politique du capitalisme cognitif

http://www.ish-lyon.cnrs.fr/labo/walras/Objets/20021214/YMB.pdf


Intervention au Colloque "Textualités & nouvelles technologies" (Musée d'art contemporain, Montréal, 23-25 octobre 2001), dans le cadre de la "Saison de la France au Québec". Paru in la revue éc/artS, n°3, oct. 2002, http://www.ecarts.org
Reproduction obéissant au principe du copyleft : reproduction libre pour usage libre et gratuit avec mention de la source papier et de l'auteur. Yann.M.Boutang@wanadoo.fr ou Yann.Moulier-Boutang@univ-paris1.fr