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Anarchistes et marxistes face à la « question juive »
Présentation et sommaire du N° 8-9 de Ni patrie ni frontières

Présentation
« Dans le livre de Nomad, on trouve le dialogue suivant:
– Les causes de toutes nos malheurs, ce sont les Juifs!
– Mais non, les cyclistes!
– Pourquoi les cyclistes?
– Pourquoi les Juifs?
À mon avis, ici se termine tout débat sur l’antisémitisme, libertaire ou non libertaire. »
(Rudolf De Jong)


Ce numéro est consacré pour l’essentiel à l’attitude des marxistes et des anarchistes face à la prétendue « question juive » età l’antisémitisme. Il offre certains éléments de réflexion pour comprendre l’évolution des positions de ces courants, leurs hésitations, vacillations et volte-face multiples face à l’existence de la nation juive (de la religion juive, ou du ou des peuples juifs, selon les interprétations), face au sionisme puis enfin à l’État d’Israël.
Les auteurs sont de tendances très diverses, et certains ne se considèrent pas comme des révolutionnaires. Les textes de ce numéro ont été choisis, selon l’orientation de cette revue, non pas parce qu’ils apporteraient la Vérité, mais parce qu’ils contiennent un certain nombre d’informations historiques et théoriques indispensables pour entamer un débat sérieux.

Contrairement à ce qu’essaient de nous faire croire la plupart des « antisionistes 1 », les dérapages antisémites dans les manifs de l’extrême gauche contre la guerre en Irak ou en solidarité avec la Palestine, ou les propos individuels ambigus, voire crapuleux, de certains militants ici ou là, ne proviennent pas de la politique criminelle et colonialiste des gouvernements israéliens depuis cinquante ans, ou de l’accélération de la violence ignoble de Tsahal depuis la deuxième Intifada contre les civils palestiniens. Ces dérapages verbaux et les amalgames intolérables entre sionisme et nazisme ont une histoire bien antérieure à 1948. Il est d’ailleurs intéressant de noter que, dans les années 30 et 40, les ancêtres politiques de Sharon traitaient de « complices des nazis » les ancêtres de Rabin, comme l’explique en détail Tom Séguev dans Le Septième Million. Ou que le bulletin officiel de l’Église catholique de France, La Documentation catholique, proclamait en juillet 1949 « que le sionisme était une nouvelle forme de nazisme ».

Comme quoi, sans le savoir, les « arguments » de l’extrême gauche sont parfois dangereusement proches de ceux de l’extrême droite… sioniste et des calotins antisémites ! Une proximité qui devrait inciter à s’interroger sur leur bien-fondé et leur pertinence

Mais il faut remonter encore plus loin, aux débuts du mouvement ouvrier, au calamiteux article de Karl Marx (La Question juive), aux délires antisémites de Proudhon et aux propos ignobles de Bakounine sur Marx et les Juifs.

La prétendue « question juive » dévoile en fait les limites de toutes les idéologies révolutionnaires depuis cent cinquante ans, idéologies généralement fondées sur une vision assimilationniste de toutes les ethnies et de tous les peuples, sur l’illusion que les religions et les nationalismes n’auraient aucun avenir dans un monde capitaliste moderne et développé, sur une croyance aveugle dans les vertus du progrès technique et scientifique, sur une foi démesurée dans les effets magiques de la révolution sociale et d’une nouvelle organisation de l’économie par les producteurs eux-mêmes.

Quoi qu’ils en disent, la plupart des « antisionistes » ne s’intéressent pas beaucoup aux mécanismes du racisme en général, et à ceux de l’antisémitisme en particulier. Ou en tout cas, pétris de bonne conscience et d’arrogance radicales, ils se croient au-dessus de ces fléaux « secondaires » à leurs yeux. Leurs positions politiques (« destruction » de l’État d’Israël, comparaisons entre sionisme et nazisme, confusion entre tous les génocides de l’histoire, etc.) ne reflètent guère une compréhension subtile de la façon dont des antagonismes sociaux se doublent de différences fondées sur des identités ethnico-religieuses, aussi fantasmatiques ou nocives soient-elles aux yeux de matérialistes militants.

Leur angélisme provient (au mieux) d’une vision très naïve de la nature humaine, d’un matérialisme rudimentaire qui leur sert surtout à ne pas trop s’interroger sur les mécanismes de l’oppression dans les sociétés humaines et les organisations aussi révolutionnaires fussent-elles.

Paradoxalement, on n’est pas loin d’un messianisme, de type religieux, qui veut nous faire croire qu’un Paradis sans contradictions, sans violence, sans haines, naîtra de la lutte de libération nationale ou de la révolution sociale. Et de ce Paradis, l’URSS des années 1917-1927 (du moins pour les marxistes) aurait été l’antichambre pour les prolétaires, comme pour les Juifs…

L’intérêt de la prétendue « question juive » est qu’à travers cette question, on peut revisiter pratiquement toutes les questions importantes de la théorie révolutionnaire : les classes sociales, la nation, le rôle de la classe ouvrière, la religion, l’État, l’histoire du capitalisme, etc., comme en témoignent les différents articles rassemblés dans ce numéro.

Bonne lecture !


1.Le mot « antisionistes » est placé entre guillemets parce que ce terme a acquis depuis quelques années une signification douteuse à force d’être utilisé à toutes les sauces (cf. notre rubrique régulière « Limites de l’antisionisme » et la brochure Nationalisme, antisémitisme et altermondialisme — recueil de traductions du groupe libertaire hollandais De Fabel van de illegaal). Antinationalistes, antichauvins ou antipatriotes sont des mots plus clairs, car le sionisme ne constitue qu’une des formes du nationalisme et du chauvinisme qui divisent la classe ouvrière et dressent les peuples les uns contre les autres. Qu’on le veuille ou non, la nébuleuse « antisioniste » va des fascistes aux islamistes en passant par l’extrême gauche. Or, il faut absolument éviter certains cousinages, que ce soit au niveau des manifs ou du vocabulaire politique, si l’on ne veut pas tomber dans les pièges de l’antisémitisme.
De plus, la majorité des antisionistes-anti-impérialistes sont en réalité de fervents soutiens du nationalisme de leur propre impérialisme, de l’impérialisme européen ou de certains pays du tiers monde auxquels ils n’hésitent pas à décerner l’étiquette de « progressistes ». Pour ceux qui en douteraient, il suffit de se reporter au Monde diplomatique, porte-parole aujourd’hui du courant ATTAC. Cette publication a toujours prôné le « soutien critique » aux dictateurs des ex-pays colonisés, des colonels péruviens à Castro en passant par Omar Torrijos, Noriega (dans sa première période torrijiste-CIA, voire dans sa seconde période d’électron libre populiste allié de Castro et des narco-trafiquants colombiens), Bourguiba, Ben Bella, Chavez, etc. Et comme par hasard ces positions rejoignaient (et rejoignent encore) celles d’une grande partie du mouvement trotskyste, sans compter bien sûr les groupes maoïstes qui, du moins dans les pays occidentaux, n’existent plus en tant que tels, mais dont l’idéologie imprègne encore toutes sortes d’associations et de comités de soutien aux luttes des pays du tiers monde.

P.S. : Pour des raisons de place, nous avons dû retirer plusieurs textes que nous avions prévu d’inclure dans ce numéro. Ces articles (notamment ceux de Norman Cohn, Stan Crooke, Tony Cliff, Emma Goldman, Hal Draper, etc) seront publiés dans unou des numéro(s) ultérieur (s).


Sommaire

ISRAËL ET LA PALESTINE AUJOURD’HUI

Y.C. : Onze points de démarcation sur la prétendue « question juive », le sionisme et l’État d’Israël (pp. 6-8)
- Gush Shalom : 80 thèses pour une paix israélo-palestinienne (2001) (pp. 9-18)
- - Mouvement communiste : Deux États contre le prolétariat (2003) (pp. 19-32) - Dernières nouvelles de Palestine (février 2003) (pp. 33-46)
- - Guy Izhak Austrian et Ella Goldman : Quelques suggestions pour renforcer le mouvement de solidarité avec la Palestine (pp. 47-51)
- - Rudolf Bkouche : Quelques commentaires (pp. 52-54)

LES MARXISTES FACE A LA « QUESTION JUIVE » ET AU SIONISME

S. Michael-Matsas : Sur le marxisme et la question juive (1998) (pp. 56-65)
- A. Clemesha : Trotsky et la question juive (pp. 68-96)
- - S. Matgamma : De Trotsky au trotskysme des imbéciles (2002) (pp. 97-106)
- - Alliance for Workers Liberty : Comment unifier les prolétaires juifs et arabes (pp. 107-111)
- - G. Mammone : Le conflit arabo-juif en Palestine (Bilan, 1936) (pp. 112-119)
- - Communistes révolutionnaires : Lettre aux ouvriers juifs (1943) suivi d’un Commentaire (p. 120-123)
- – Fraction française de la gauche communiste : Buchenwald, Maïdanek, (1945) suivi d’un Commentaire (p. 124-125)
- - E. Mandel : Projet de thèses sur la question juive après la Seconde guerre impérialiste (1947) (pp. 126-137)
- - Il programma comunista : Le retour de la question juive ? (1960) (pp. 138-140)
- - M. Machover et A. Orr : Israël/Palestine : La classe ouvrière israélienne peut-elle aider les Palestiniens ? La nature de classe d’Israël (1969) (pp. 141-150)

LES ANARCHISTES FACE A L’ANTISEMITISME ET AU SIONISME
F. Gomez : L’anarchiste et le juif, histoire d’une rencontre (2003) (pp. 152-157)
- M. Graur : Anarchisme et sionisme. Le débat sur le nationalisme juif (2003) (pp. 158-166)
- - N. Makhno : Aux juifs de tous pays La makhnovstshina et l’antisémitisme (pp. 167-172)
- - S. Boulouque : Les anarchistes, le sionisme et la naissance de l’État d’Israël (1999) (pp. 173-178) - Anarchisme et judaïsme dans le mouvement libertaire. Réflexions sur quelques itinéraires (2003) (pp. 179-185)
- - R. de Jong: Le débat anarchiste sur l’antisémitisme (pp. 186-194)
- - R. de Jong: Quelques remarques générales sur l’anarchisme, «les Juifs », le sionisme et l’antisémitisme avec quelques informations concrètes sur les Pays-Bas (pp. 195-197) - R. Creagh : L’Horreur ethnocratique. Trois questions sur le Moyen-Orient (2003) (pp. 198-203)

ANTISEMITISME, JUDEOPHOBIE, NEGATIONNISME, ANTISIONISME : CONVERGENCES POSSIBLES ET DIFFERENCES FONDAMENTALES
Dario Renzi : Anti-étatisme versus antisémitisme (2003) (pp. 206-207)
- Temps critiques : Capitalisme et antisémitisme (1990) (p. 208)
- - J. Valjak et M. Argery : Dossier négationnisme (pp. 209-228)
- - Y.C. : Une question à creuser ? (p. 229)
- - A propos de Finkelstein et de « Shoah Business » (pp. 230-231)
- - Un professeur bien mal inspiré (p. 232-233)
- - Bourseiller : Le Baiser du serpent (p. 234)
- - S. Grigat : L’antisémitisme, l’antisionisme et la gauche (Traduction: Céline Jouin) (2002) (pp. 235-241)
- - Rudolf Bkouche : Antisionisme, antisémitisme et judéophobie (pp. 242-246) - Judéophobie et judéophilie (pp. 247-249). - Deux courriels d’internautes (pp. 250-251) - Uri Avnery : Antisémitisme. Un manuel pratique (2004) (pp. 252-254)
- – Y.C. : Limites de l’antisionisme (pp. 255-258)
- – Livres (p. 259)
- – Billet d’humeur : Les comiques « antiracistes » surmédiatisés renforcent les préjugés qu’ils prétendent combattre. (p. 260-261).


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