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Une expérience de sociologie charnelle
Entretien avec Loïc Wacquant

Loïc Wacquant est professeur de sociologie à l’Université de Californie -Berkeley et chercheur au Centre de sociologie européenne. Il est l’auteur, avec Pierre Bourdieu, de Réponses. Pour une anthropologie réflexive (Seuil, 1992) et de Les prisons de la misère (Raisons d’agir, 1999). Cet entretien porte sur son ouvrage, Corps et âme. Carnets ethnographiques d’un apprenti boxeur (Agone, 2000, traduit en sept langues), qui relate les trois années passées par le sociologue en immersion profonde dans un club de boxe du ghetto noir de Chicago. Loïc Wacquant publiera en septembre chez Agone une analyse du « nouveau gouvernement de l’insécurité sociale » dans les sociétés avancées intitulé Punir les pauvres.

Corps et âme propose à la fois une ethnographie de la boxe et une sociologie du ghetto noir américain. Comment avez-vous concilié ces deux dimensions ?

Quand je me suis inscrit dans cette salle de boxe de la 63ème rue sur le South Side de Chicago, mon objectif d’origine était de me servir du gym comme d’une fenêtre sur le ghetto. Je voulais reprendre, à partir de l’observation directe et d’une connaissance de première main, l’analyse de la division raciale et des transformations sociales dans les quar tiers de relégation de la ville, et notamment décrypter l’impact des politiques publiques sur les stratégies de vie de leurs habitants. Je n’avais pas prévu que la salle de boxe me happerait et deviendrait vite un élément essentiel de ma vie personnelle mais aussi un second objet d’étude, redevable d’une analyse sociologique en soi. La condition pour rester au club était d’apprendre la boxe de manière correcte. Je me suis donc mis à l’ouvrage, et partant d’un niveau plus que bas puisqu’au début ceux qui allaient devenir par la suite mes partenaires de sparring habituels pariaient entre eux (et dans mon dos) que je ne tiendrais pas, que l’universitaire blanc et français qui avait le statut d’un animal de cirque ne ferait pas long feu… J’ai démenti leurs prévisions et j’ai donc pu mener cette observation de terrain au sein du ghetto.
Au moment où j’entamais ces travaux, la sociologie étatusienne concevait le ghetto noir comme un territoire à l’abandon, un espace « désorganisé » où s’accumulent toutes les pathologies sociales et qu’on l’on pouvait caractériser en terme de carences, de manque, d’absence, bref de manière exclusivement négative. Or, il m’est apparu rapidement que cette conception était un effet d’optique : elle était le fait d’observate urs extérieurs regardant le ghetto de loin -- et de haut -- à partir de cadres de perception qui sont ceux des classes moyennes blanches (ce que William Foote Whyte avait déjà signalé à propos de l’étude des quartiers pauvres blancs des années 50 dans son livre classique Street Corner Society mais on n’avait guère retenu sa leçon). L’autre biais dans l’étude du ghetto était l’ « exotisme » : on s’intéressait principalement à tout ce qui rendait leurs habitants différents, trafic de drogues, violence, familles monoparentales, sans voir tout ce qu’ils avaient en commun avec les autres Américains : lutte pour la survie économique, attachement à la famille, volonté de réussite sociale, etc.
En fait, quand on prend la peine de s’approche r de près du ghetto et d’y faire de l’observation directe patiente , ce qui apparaissait comme « désorganisation » s’avère être une autre manière d’organiser la vie sociale en fonction des contraintes propres à ce milieu. Et l’on s’aperçoit que leurs habitants poursuivent bien souvent les mêmes buts que l’Américain moyen mais avec des moyens à eux vu la panoplie limitée des ressources institutionelles qui leurs sont accordées (selon le schéma de l’ « anomie » cher à Robert K. Merton). Ces contraintes sont, d’une part, une stigmatisation et une fermeture raciales extrêmes -- le ghetto est un monde exclusivement noir : j’étais le seul Blanc que les boxeurs du club aient jamais fréquenté -- et, d’autre part, une pauvreté intense entretenue par le retrait de l’économie salariale et de la force publique. L’Etat s’est effacé dans sa composante sociale tout en réinvestissant ce territoire honni dans sa composante pénale, puique la police, la justice et la prison sont omniprésentes dans le quotidien du ghetto. Et ce n’est pas par hasard : l’intrusion du « poing de fer » de l’Etat punitif est nécessaire pour contrôler les conséquences délétères du retrait de l’« aile protectrice » de l’Etat social comme je le montre dans Punir les pauvres.

La notion de ghetto a aujourd’hui de nombreuses acceptions. Pourriez-vous la définir ?

Le mot est apparu en 1516 à Venise pour désigner le quartier juif de la ville (qui se situait sur le site d’une fonderie abandonée, gietto). Il se réfère alors à une zone géographique dans laquelle un groupe social stigmatisé est contraint de résider et d’y développer de ce fait un réseau d’institutions parallèles. Dès l’origine , donc, la notion de ghetto désigne non pas seulement un espace mais un mécanisme de domination « ethno-racial ».
En arrivant aux Etats-Unis, le mot de ghetto va changer de sens en trois phases successives. De 1830 à 1880, il désigne les quartiers à forte concentration de Juifs venant d’Europe de l’Est -- c’est en référence à cette population que le terme est importé d’Europe.
De 1880 à 1930, la dénotation du terme s’élargit pour désigner les quartiers peuplés de « minorités exotiques » tels que les Slaves ou les Italiens, en fait l’ensemble de l’immigration non anglo-saxonne qui afflue en Amérique du Nord durant ces décennies, mais aussi les « minorités intérieures » comme les Noirs du Sud qui aflluent dans les métropoles du Nord à partir de la Première guerre mondiale. Puis, à compter des années 1940, l’espace sémantique du terme va se contracter pour désigner exclusivement les quartiers noirs des métropoles.
C’est qu’entre 1930 et 1960, les populations d’origines européennes se sont diffusées dans l’espace social et géographique du pays par la mobilité de classe, en se servant de quartiers ethniques comme de tremplin vers l’intégration dans une soc iété blanche composite. Les Noirs, eux, ont opéré un mouvement exactement inverse : ils sont de moins en mélangés au reste de la population, et de plus en plus concentrés dans des quartiers exclusivement noirs dotés de leurs propres écoles, commerces, associations, églises, journaux, etc., bref ils sont enfermés dans cette « ville noire dans la ville » magnifiquement décrite par St. Clair Drake and Horace Cayton dans leur maître-livre Black Metropolis.
Les Noirs sont ainsi le seul groupe à être ghettoïsé au sens strict, c’est-à-dire contraint de résider dans un espace propre et de développer des institutions parallèles qui permettront à la société blanche d’exploiter leur force de travail tout en les maintenant à l’écart. On retrouve ici les même éléments qui constituent à l’origine le ghetto juif: stigmate, contrainte, enfermement spatial et duplication institutionnelle. Dans les villes de la Renaissance européenne, les Juifs apportaient aux princes qui les accueillaient des ressources rares comme l’accès aux réseaux de commerce au long cours, des moyens financiers et des biens de luxe indispensables au rayonnement de leurs cours. Il fallait donc faire venir les Juifs dans la ville mais en même temps éviter tout contact avec eux car ils étaient perçus comme des vecteurs d’hérésie, de maladies, de dissolution morale -- la bulle papale qui régit l’ostracisation des Juifs le dit bien : « ad scandala evitanda ». De même, si les Noirs accèdent aux villes américaines dans l’entre-deux guerre, c’est parce qu’on a besoin d’une main-d’oeuvre industrielle bon marché et abondante et ils en sont la seule source disponible. On va donc les faire venir du Sud pour exploiter leur travail déqualifié dans les usines. Mais là encore, l’extraction de la force de travail ne doit pas nuire à l’ostracisation sociale. Le ghetto est le mécanisme qui permet de concilier ces deux impératifs.
C’est en trainant mes guêtres à la salle de boxe et en suivant mes camarades de salle dans leur vie quotidienne que j’ai pu toucher du doigt, pour ainsi dire, cette réalité du ghetto comme instrument d’enfermement ethnique qui produit un monde clos et claustrophobe. Et revenir, par le détour du travail ethnographique, à l’histoire sociale du ghetto depuis son origine pour construire un concept analytiq ue du ghetto qui ne se réduise pas à l’acception indigène, au folk concept que les élites urbaines se forment à chaque époque des populations et territoires dits « à problèmes », ce qui réduit la sociologie à une projection inconsciente de l’inconscient social des dominants (comme on peut le constater aujourd’hui en France à la lecture de certains travaux sur les « violences urbaines » et le « multiculturalisme »).

Votre sociologie de la boxe est aussi une sociologie du corps, qui révèle la façon dont l’organisme est socialement conditionné . Pourriez-vous élaborer ?

L’un des problèmes que j’aborde dans mon ouvrage est celui de savoir comment on « fabrique » un boxeur. Cette question renvoie à une problématique plus générale, qui est de savoir comment se produit un agent social compétent et appétent, c’est-à-dire doté des capacités d’agir, de sentir et de penser adéquates à l’univers dans lequel il se trouve , qui font qu’il veut en être et qu’il y est connu et reconnu. Comment produit-on une sage-femme, un politicien, un mathématicien, une écrivain, un plombier, un militaire de haut rang ? L’avantage de prendre la boxe comme terrain d’expérimentation pour disséquer la production sociale de la compétence et de l’excellence sociales est qu’on ne peut pas, dans ce cas, passer à côté de la dimension corporelle puisque le savoir pugilistique se réduit peu ou prou à un savoir incorporé, tacite, prédiscursif, chevillé au corps au sens fort. Je peux vous expliquer sur le papier comment on éxécute un crochet du gauche suivi d’un uppercut du droit, mais si je vous mets sur un ring, cela ne vous servira strictement à rien. Entre les cordes, il faut que votre corps sache pour vous à quel moment décocher le bon coup, au bon angle, à la bonne vitesse, au bon moment, et qu’il trouve dans son registre propre , sans passer par la médiation de la conscience et du calcul, les réponses adéquates aux problèmes stratégiques que vous pose votre adversaire. Ce savoir n’est pas transmissible par la parole ou par la seule maîtrise mentale. L’apprentissage se fait « par corps» (comme le dit Pierre Bourdieu dans le chapitre des Méditations pascaliennes qui s’intitule ainsi), par le biais d’une pédagogie silencieuse impliquant une manipulation intensive de l’organisme socialisé qui instille au boxeur les schèmes d’action et d’appréciation adéquats.
L’argument que je propose dans l’ouvrage est que, si ce mécanisme vaut dans le cas du boxeur, il vaut aussi pour tous les agents sociaux, y compris ceux qui participent d’univers en apparence peu « corporels » comme les métiers intellectuels -- à commencer par la sociologie ! Ce qui veut dire que le sociologue doit aussi, dans toute la mesure du possible, « comprendre par corps » l’univers qu’il analyse et donc initier en première main de sorte à le comprendre intus et in cute. On devient membre d’un univers social déterminé en acquérant des formes de désirs et de compétences viscérales, ancrées au tréfond de l’organisme , qui sont opaques à la pensée pensante et lui servent en quelque sorte de socle. Ce qui fait de nous des êtres sociaux c’est une expérience charnelle sur laquelle vient ensuite se greffer le langage.
Faire une sociologie charnelle, c’est prendre au sérieux le fait que l’agent social est incorporé, un être de chair qui avant tout « souffre », comme dit bien le Marx des Manuscrits philosophiques de 1844, et cela est vrai aussi du chercheur en tant qu’agent social. Et se donner les moyens de saisir le corps non seulement comme « construit social », produit de la société et de la culture, mais aussi comme constructeur social, comme matrice génératrice de connaissance et d’action dans le monde.

En quoi une telle approche permet-elle de renouveler la compréhension des rapports de genre, dans lesquels la dimension corporelle est cruciale ?

La dimension de genre est essentielle dans ce travail même si, pour des raisons tactiques, je l’ai laissée en partie à l’état implicite, encastré dans le « va-de-soi », au niveau de l’écriture.
Tout d’abord, l’univers du ghetto est dominé par des valeurs viriles d’honneur et d’affrontement. Ensuite, l’univers de la boxe lui-même est un univers hyper masculin : son moyeu est l’affirmation de la force physique et de la capacité à infliger et à subir la violence corporelle sans frémir ni fléchir, qui est la forme spécifiquement masculine du capital corporel. La bataille pugilistique est, sous un certain angle, une forme hyperbolique des « rites » de masculinisation qui traversent le ghetto comme l’ensemble des univers populaires depuis la révolution industrielle. Quand on travaille à l’usine ou à la mine, il faut être capable d’encaisser et même de trouver gloire dans la souffrance physique. D’où l’affinité historique entre les classes ouvrières -- et particulièrmeent leurs fractions immigrées -- et la boxe ainsi que les autres sports qui s’appuient sur l’idéal de virilité, rugby, football, cyclisme plutôt que tennis, escrime et judo.
Il existe par ailleurs, en l’état de la division sexuelle du travail, un capital corporel spécifiquement féminin, basé non sur le corps violent mais sur le corps érotisé. Dans La passion du pugliste , j’analyse le moment où une hotesse -- généralement jeune, plantureuse et en bikini échancré -- arpente le ring lors de l’interlude entre deux rounds pour y exhiber un panonceau indiquant le numéro du round à venir, car il matérialise l’opposition entre capital corporel féminin et capital corporel masculin. Bien que techniquement superflu, cet épisode est essentiel à la dramatisation de l’affrontement pugilistique. J’analyse également pourquoi et comment les boxeurs arguent que les femmes peuvent boxer mais ne doivent pas boxer : si elles étaient reconnues comme aptes à monter sur le ring et à y affronter des hommes, cette épreuve ne certifierait plus publiquement la masculinité des boxeurs. C’est pour cette raison que la boxe féminine est tolérable tant qu’elle reste une espèce de numéro de cirque en marge de la « vraie » boxe, celles des hommes – ainsi l’affrontement récent entre les filles de Mohammed Ali et Joe Frazier, qui montent sur le ring non pas pour elles-mêmes mais en tant que substitut et prolongement généalogique de leurs pères.
Le profit symbolique de masculinité que procure l’affrontement ritualisé entre les cordes mais aussi, plus largement, la reconnaissance et la sociabilité dense accordées aux boxeurs par les pairs sont d’autant plus valorisée que c’est la seule attestation positive de soi que la plupart d’entre eux reçoivent. La seule valeur qu’ils ont en tant qu’être social, c’est celle que leur confère le statut de pugiliste qui a « payé son dû » et qui a obéit à la morale guerrière de la profession. Même ceux qui perdent, s’ils ne se sont pas « couchés » dans une attitude féminine de soumission, s’ils sont restés droits, rigides, comme en érection entre les cordes , se voient accorder le statut d’homme viril, de membre à part entière de la confrérie des vrais hommes. A l’évidence, ce n’est pas des emplois précaires et mal payés, où ils sont humiliés quotidiennement, ainsi que de l’ordinaire des classes inférieures (que les romains appellaient humiliores , par opposition justement aux honestiores ) qu’ils peuvent tirer une telle reconnaissance, pas plus que de l’école, dont ils ont été écartés très tôt, ou de leur milieu familial le plus souvent instable.

Vous évoquez dans l’ouvrage la dimension « homoérotique » de l’univers pugilistique.
Qu’entendez-vous par-là ?

Les boxeurs vivent dans un monde dont l’organisation temporelle et sociale se divise en une phase homosexuelle et une phase hétérosexuelle. Quand ils sont dans leur univers quotidien, ils peuvent manger, sortir, s’amuser comme les jeunes de leur classe d’âge et notamment se livrer à la chas se et au commerce érotique s. Mais dès qu’ils rentrent en période de préparation pour un combat, ils doivent se soumettre à un canevas de règles très strictes que résume la notion de « sacrifice » (c’est le titre du nouveau chapitre inclus dans l’édition augmentée de Corps et âme). Débute alors une phase intense de continence alimentaire, sociale et sexuelle qui exige qu’ils remodèle nt toutes leurs pratiques corporelles de sorte à réserver leurs énergies physiques, morales et émotionnelles pour le ring. En se privant de nourritures riches mais aussi de sorties et de tout contact sexuel pendant des semaines avant leur match, les boxeurs se séparent des « profanes » et s’investissent -- au double sens de l’économie et de la psychanalyse -- dans l’univers clos du pugilisme au sein duquel ils communient avec les autres boxeurs qui partagent avec eux ce « programme de vie » (comme disaient les Bénédictins). L’immersion dans cet univers sacré au sens de séparé du mondain les élève audessus du quotidien et de ce qu’ils sont d’ordinaire – selon une logique très bien décrite par Emile Durkheim dans Les Formes élémentaires de la vie quotidienne.
Quand il se soumet aux commandements du catéchisme pugilistique du « sacrifice », le boxeur entre dans ce qui présente tous les traits d’un « cycle homoérotique » durant lequel il convertit son désir pour les choses ordinaires, et notamment son désir hétérosexuel, en un désir pour le corps d’un autre homme -- celui de son adversaire-- qui s’est lui-même préparé à l’affronte r en s’abstenant de tout commerce avec le monde d’ici-bas. Il existe dans de nombreuses sociétés des formes de masculinité jugées supérieures parce qu’elles exigent de sublimer le désir pour les femmes en les excluant notamment des pratiques et des institutions réservées aux (vrais) hommes, religion, guerre, politique, science. Le monde pugilistique fait appel à un mécanisme de ce type pour produire une masculinité purifiée et magnifiée. Et c’est cela qui en dernier ressort fait tourner la planète de la cogne.


Avertissement

Mail de Loïc Wacquant septembre 2010

Merci de retirer toute mention de l'ouvrage PUNIR LES PAUVRES de votre site: il s'agit d'une version contrefaisante, version truquee et tronquee de mon travail publiee sans contrat ni bon a tirer par Agone, contre ma volonte explicite et expresse. Cet ouvrage est une tromperie; ce n'est pas le mien; il ne figure pas a ma bibliographie, merci de ne pas me l'attribuer. Vous pouvez lire la version complete et conforme de mon travail en anglais, PUNISHING THE POOR, Duke University Press, 2008.
Cordialement,
Loïc Wacquant

Professor, University of California, Berkeley
Chercheur, Centre de sociologie européenne, Paris
http://sociology.berkeley.edu/faculty/wacquant/
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Department of Sociology
University of California-Berkeley
Berkeley CA 94720 USA
fax 510/642-0659



Propos recueillis par Razmig Keucheyan à Paris en juin 2003
A paraître dans Solidarités (Bruxelles)

Origine : http://www.solidarites.ch/journal/index.php3?action=4&id=998&aut=80