http://www.ac-versailles.fr/PEDAGOGI/ses/themes/violences-sexuelles/donnees.htm
LES DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
Il s’agit d’étudier l’ampleur du phénomène
des violences faites aux femmes et son effet sur la santé.
De nombreuses publications sont parues dans le domaine des sciences
sociales mais elles sont beaucoup plus rares en médecine
ou santé publique, du moins en Europe. Aux Etats Unis, de
nombreuses données quantitatives ont été enregistrées
dans les années 80, les données de santé publique
datant surtout du début des années 90.
Ces études ont tenté de préciser la fréquence
des violences envers les femmes, de caractériser des groupes
de population où elles sont plus élevées, de
parvenir à une approche psychologique et sociologique du
problème, de cerner les réponses apportées
par les institutions concernées : police, justice, services
sociaux.
De manière générale, il est difficile de
mesurer ce phénomène et de comparer les différentes
études tant les limites sont difficiles à définir,
qu'il s'agisse de la nature des violences (jusqu'où doit-on
prendre en compte la violence ? violence physique et/ ou violence
verbale, harcèlement, …), ou du cadre dans lequel elles
s'exercent (violence intrafamiliale commise par le conjoint, le
partenaire, les parents, voire les enfants…). La difficulté
découle aussi de la façon d'effectuer les études
: réponses téléphoniques, autoquestionnaires,
questions en vis à vis.
Quoiqu'il en soit, quelques grandes lignes apparaissent dans toutes
les études :
* les séquelles traumatologiques sont importantes ;
* les violences constituent un risque pour la santé mentale
des victimes : dépressions, suicides, conduites addictives
pour le tabac, l'alcool, les drogues ou les médicaments psychotropes
;
* les femmes enceintes sont particulièrement exposées.
Les gynécologues-accoucheurs sont parmi les plus impliqués,
ce qui ressort des études sur les violences faites aux femmes
parues depuis 1995. Cependant, les effets sur la grossesse et le
risque périnatal devraient être étudiés
plus précisément ;
* les femmes ne parlent pas beaucoup aux soignants des violences
qu'elles subissent et ceux-ci ne posent pas beaucoup de questions
ou ne posent tout simplement pas les bonnes questions.
Les études réalisées en France
En 1993 / 1994, une enquête a été réalisée
en France sur les violences conjugales subies après une naissance
(Saurel-Cubizolles et coll, 1997).
Dans 3 maternités , l’étude a porté
sur les violences subies pendant les 12 mois qui ont suivi la grossesse
de femmes primipares ou secondipares. L'enquête concerne 761
femmes avec un taux de réponse de 93 % .
* la fréquence des violences est de 3 à 6 % des
cas, les violences de la part du conjoint représentant 4
% ;
* les violences sont plus fréquentes si le couple est instable,
et le conjoint sans emploi ;
* il n'y a pas de différence significative selon l'âge
de la femme, son niveau d'études, qu'elle ait ou non un emploi,
qu'elle soit primipare ou secondipare ;
* les femmes victimes de violences ont plus souvent déclaré
des fausses couches antérieures (31 % contre 17 % pour celles
qui n'ont pas subi de violences) ; elles consomment plus de psychotropes
(7 % contre 2 %).
En 1996, une étude a été menée en
Loire-Atlantique sur la prise en charge de la violence conjugale
en médecine générale (Chambonet et coll, 2000).
L’objectif était d’analyser la prise en charge
en soins primaires à partir d’un recueil de données
rétrospectif effectué auprès de 917 médecins
généralistes de Loire-Atlantique : 419 réponses
ont été exploitables.
* en moyenne, les médecins sont confrontés à
cette situation 2 fois par an, les médecins femmes déclarant
être plus souvent sollicitées ;
* les motifs des consultations sont pour 83 % des blessures, ecchymoses
ou hématomes, pour 79 % des troubles psychologiques, pour
16 % des insomnies, pour 6 % l’enfant est le prétexte
à consulter, 7 % correspondent à des motifs divers
;
* les déterminants le plus souvent évoqués
sont l’alcoolisme (93 %), le conjoint connu comme violent
( 57 % ), les problèmes sociaux ( 52 % précarité,
48 % milieu défavorisé) ;
* 2/3 des médecins gèrent seuls le problème,
82 % considèrent que c’est une situation difficile
à gérer ;
* 45 % donnent des informations ou des brochures, 81 % effectuent
une prescription médicamenteuse (anxiolytiques 76 %, antalgiques
71%, antidépresseurs 69 %, hypnotiques 63 %). Ils ont demandé
une hospitalisation dans 10 % des cas.
L’enquête conclut sur la nécessité d’une
plus grande sensibilisation des médecins généralistes
pour appréhender ces dysfonctionnements relationnels.
En 1989, puis en 1999, une enquête sur les violences conjugales
a été menée par le service de médecine
légale du centre hospitalier de Rangueil à Toulouse
(Thomas et coll, 2000).
Par un questionnaire soumis aux femmes accueillies à la
consultation de coups et blessures volontaires, il s’agissait
de réaliser une étude descriptive et comparative à
dix ans d’intervalle.
* deux fois et demie plus nombreuses qu’en 1989, les femmes
victimes sont légèrement plus jeunes (37 ½
ans vs 36 ½ ans), leur durée de vie commune est plus
courte, elles ont des enfants beaucoup moins âgés .
Les emplois ouvriers ne sont plus représentés mais
les inactifs ont doublé. L’agresseur est plus âgé
de 4 ans par rapport à 1989 avec également un accroissement
des inactifs ;
* l’ITT nulle est moins fréquente, l’ancienneté
des violences est moins alléguée, le médecin
est plus souvent au courant (58 % contre 30 %) ; l’alcool
a toujours la même importance (29 %), la prise de drogue est
rapportée par une femme sur dix (non rapportée en
1989) ;
* la séparation est envisagée dans 50 % des cas, la
violence sur les enfants, exceptionnelle en 89, concerne 10 % des
cas en 99 ; la violences devant les enfants est présente
dans 68 % des cas. Toutes les catégories sociales sont concernées.
* Le nombre de consultations concernant la violence a triplé,
les femmes consultent plus facilement, plus tôt.
En 2000, le service des urgences de l’Hôtel-Dieu de
Paris a étudié la situation des victimes d’agressions
(Espinoza et coll).
L’objectif poursuivi était de décrire la population
victime d’agressions accueillie aux urgences générales,
établir le bilan lésionnel, recenser ceux qui ont
porté plainte, déterminer les motifs qui expliquent
le refus ou l’absence de dépôt de plainte.
* sur une polulation de 116 patients, les victimes de violences
conjugales représentent 7 % des cas ;
* seulement 1 femme sur 11 a porté plainte.
Il est donc nécessaire d’améliorer les articulations
entre les urgences générales et l’UMJ, de prévoir
un soutien en relation avec les associations, de développer
la formation des soignants et l’information des patients,
notamment par la distribution d’une fiche technique.
L’Institut médico-légal de Paris a étudié
les situations d’homicides subis par des femmes (Lecomte et
coll, 2001).
Une étude menée de 1990 à 1999 concerne 652
femmes âgées de plus de 15 ans, victimes d'homicides.
Leur moyenne d'âge est de 45,5 ans. L'auteur de l'homicide
est le mari dans 31 % des cas, un autre partenaire dans 20 % des
cas, un proche pour 4 %, une connaissance de la victime dans 30
% des cas. 15 % des auteurs étaient inconnus de la victime.
La plupart des agresseurs étaient connus comme violents ou
alcooliques chroniques ; ces violences se sont déroulées
dans un contexte de violence durant depuis longtemps. En ce qui
concerne le moyen employé, 33 % des victimes ont été
poignardées, 30 % ont reçu des coups de fusil, 20
% ont été étranglées et 10 % sont décédées
des suites de coups. 7 % des victimes avaient été
violées.
Par ailleurs, dans une étude réalisée en
1998, un profil des auteurs d'homicide de leur conjointe a pu être
précisé : en dehors des cas d'alcoolisme, il s'agit
d'hommes psychopathes, ayant une certaine notoriété,
bénéficiant par leur fonction d'un certain pouvoir
pour lequel le sens de l'autorité est perçu comme
une qualité professionnelle de prise de responsabilité.
On remarque une proportion très importante de cadres (67
%), de professionnels de santé (25 %), de représentants
de l'armée, la police…
L’enquête nationale sur les violences envers
les femmes en France (ENVEFF)
Devant la dispersion de ces différentes enquêtes
et les résultats très préoccupants qu’elles
dévoilent, la nécessité s'est imposée
en 1997 de réaliser en France une grande enquête nationale
: l'enquête nationale sur les violences envers les femmes
en France.
Pilotée par le Secrétariat d'Etat aux droits des
femmes, cette enquête a été confiée à
un groupe de 9 chercheurs (1 épidémiologiste et 7
spécialistes en sciences sociales sous la responsabilité
de Maryse JASPARD). La collecte des données a été
réalisée de mars à juillet 2000.
Les objectifs peuvent se résumer ainsi :
* cerner les divers types de violences personnelles qui s'exercent
envers les femmes à l'âge adulte, dans leurs différents
cadres de vie, quels que soient les auteurs des violences ;
* analyser le contexte familial, social, culturel et économique
des situations de violence ;
* étudier les réactions des femmes aux violences subies,
leur recours auprès des membres de leur entourage et des
services institutionnels ;
* appréhender les conséquences de la violence sur
le plan de la santé physique et mentale, de la vie familiale
et sociale, et de l'usage de l'espace privé/public.
La population étudiée est constituée par
un échantillon représentatif de 7000 femmes, âgées
de 20 à 59 ans révolus, résidant en France
métropolitaine, dont les noms ont été tirés
au sort ; la confidentialité de l'entretien a été
assurée. Certaines femmes appartenant à des populations
spécifiques (détenues, SDF, hospitalisées en
long séjour, communautés religieuses…) ont échappé
à cette enquête.
Une phase préalable a consisté dans la mise au point
du questionnaire et du protocole de collecte des données,
la mise en œuvre de l'appel d'offres européen, des démarches
pour obtenir un avis favorable du CNIS (Comité national des
informations statistiques) et de la CNIL. Après une période
de tests, le questionnaire a été soumis à la
population de mars à juillet 2000.
L'enquête est conduite par voie téléphonique
(méthode CATI). La réponse à chaque questionnaire
a duré en moyenne 40 minutes. Les situations sont évaluées
sur les 12 derniers mois, puis sur toute la vie.
Le questionnaire comprend 9 modules :
* caractéristiques démographiques, sociales et économiques
de la personne
* aspects épidémiologiques
* actes et situations de violences subis dans les espaces publics
* actes et situations de violences subis dans la sphère professionnelle
et étudiante
* actes et situations de violences subis à l'occasion de
contacts privés avec des professionnels
* actes et situations de violences subis dans la vie de couple
* actes et situations de violences subis dans les relations avec
un ex-conjoint
* actes et situations de violences subis avec la famille et les
proches
* agressions physiques ou sexuelles subies depuis le 18ème
anniversaire ou depuis l'enfance.
Le module épidémiologique s'intéresse à
l'état de santé des femmes : état de santé
perçu, existence de maladies chroniques, de handicaps, recours
aux soins (consultations, hospitalisations…), antécédents
de traumatologie, de MST, hépatite , VIH (tests de dépistage),
questions sur la santé mentale (confiance en soi, dépression,
tentative de suicide…), consommation de médicaments,
de tabac, d'alcool, de drogues, comportement sexuel, recours à
une IVG…
Des premiers résultats de l'ENVEFF ont été
publiés en décembre 2000. Nous nous limiterons au
domaine des violences intra familiales, les premières statistiques
apportent d’ores et déjà des informations précieuses
:
* au cours des 12 derniers mois, l’indicateur global de
violences conjugales concerne 10 % des femmes ;
* les violences conjugales se répartissent comme suit : 4,3
% d’insultes, 1,8 % de chantage affectif, 24,2 % de pressions
psychologiques (dont 7,7 % d’harcèlement moral), 2,5
% d’agressions physiques, 0,9 % de viols et autres pratiques
sexuelles imposées ;
* la fréquence des violences subies est homogène selon
les catégories socio-professionnelles ;
* les violences conjugales sont liées à l’âge
: les femmes les plus jeunes (20 / 24 ans) sont environ deux fois
plus exposées que leurs aînées ;
* de nombreuses femmes ont parlé pour la 1ère fois
à l’occasion de l’enquête : les violences
conjugales sont les plus cachées ( plus des 2/3 des femmes
contraintes par leur conjoint à des pratiques ou rapports
sexuels forcés avaient gardé le silence ; 39 % avaient
caché des agressions physiques) ;
* le recours des femmes victimes de violences au sein du couple
se porte dans 24 % des cas sur les médecins ;
* les personnes qui, enfants ont supporté des sévices,
ont 4 fois plus que les autres été victimes d’agressions
sexuelles ou physiques dans leur couple au cours des 12 derniers
mois ;
* la probabilité d’avoir été hospitalisée
est significativement plus élevée lorsque les femmes
ont subi des agressions ; elles sont plus nombreuses à prendre
des médicaments psychotropes, leur appréciation de
leur santé est moins bonne.
C’est dans la vie de couple que les femmes adultes subissent
le plus de violences physiques, psychologiques et sexuelles ; tous
les groupes sociaux sont exposés, les inégalités
socio-économiques étant cependant des facteurs aggravants,
notamment le chômage.
Il ne s’agit que d’une étape de ce travail
qui, en se poursuivant, va permettre d’approfondir certains
aspects : analyse des éléments qui conduisent à
la précarité, étude du problème de l’alcoolisme,
analyse des contextes, des éléments biographiques,
comparaisons régionales…
Les études réalisées à l’étranger
:
Certains pays ont réalisé des enquêtes nationales
sur des échantillons représentatifs de la population
:
- violences physiques ou sexuelles dans le couple (au sens de
partenaire sexuel régulier) :
- Pays-Bas en 1986 : 26 % de femmes de 18 à 60 ans déclarent
avoir subi des violences au cours de leur vie
- Canada en 1993 :
3 % des femmes ont subi des violences au cours des 12 derniers
mois
25 % de femmes de 18 à 60 ans déclarent avoir subi
des violences au cours de leur vie
- Suisse en 1994 :
6 % de femmes de 18 à 60 ans déclarent avoir subi
des violences au cours des 12 derniers mois
21 % de femmes de 18 à 60 ans déclarent avoir subi
des violences au cours de leur vie
- Finlande en 1997 :
9 % de femmes de 18 à 60 ans déclarent avoir subi
des violences au cours des 12 derniers mois
22 % de femmes de 18 à 60 ans déclarent avoir subi
des violences au cours de leur vie.
- violences au cours de la grossesse :
entre 3 et 8 % des femmes sont victimes de violences au cours
de leur grossesse.
Une enquête européenne a été réalisée
en 1995/1996 sur prématurité et violence familiale.
Elle concerne 59 maternités situées dans 16 pays.
C'est un enquête cas-témoins portant sur 5035 femmes
ayant accouché de prématurés (22 à 36
semaines) et 7780 ayant eu leur enfant à terme (37 semaines).
* 2,7 % des femmes ayant accouché prématurément
ont déclaré avoir subi des violences alors que c'est
le cas pour 1,7 % des femmes ayant accouché à terme
(odds ratio = 1,6)
* la fréquence des violences augmente en ordre croissant
de l'Europe du sud-ouest (0,9 %) à l'Europe du nord (1,2
%) puis à l'Europe de l’est (3,6 %) ;
* la fréquence augmente avec le jeune âge de la femme,
l'inactivité du conjoint, l'instabilité des couples,
leur non-cohabitation. Elle est très liée à
la séparation des couples pendant la grossesse.
Enfin récemment, les autorités anglaises et espagnoles
se sont inquiétées de l'ampleur prise par les violences
conjugales dans leurs pays respectifs. En Angleterre, c'est un rapport
de la police métropolitaine qui, le 25 octobre 2000, a annoncé
qu'un "crime domestique" était perpétré
toutes les six secondes, chaque jour, dans un foyer du Royaume Uni.
En Espagne, c'est la Secrétaire d'Etat aux Affaires Sociales,
qui le 3 février 2000, a révélé qu'à
l'issue d'une enquête portant sur plus de 20000 femmes âgées
de 18 ans ou plus, 14,2 % avaient été victimes de
"violences domestiques" au moins une fois au cours de
leur vie et que pour 4,2 % d'entre elles, les violences avaient
été répétées. Le terme de terrorisme
conjugal a été utilisé.
Aux Etats Unis, les études sont nombreuses.
Une mise au point de l'Association Médicale Américaine
(1992) suggère que :
- 20 % des femmes adultes et 12 % des adolescentes ont été
victimes d'actes sexuels accompagnés de violences durant
leur vie et que ces actes étaient plus souvent le fait de
leur partenaire ou ancien partenaire que d'autres membres de la
famille ou d'étrangers ;
- 20 % à 30 % des femmes ont été victimes de
violences conjugales durant leur vie, le nombre de victimes étant
estimé à cette époque à 4 millions.
D'après R. Jones (1993), toutes les 12 secondes, une femme
est battue par son mari, son ami ou un parent.
Dans une autre mise au point d'Eisenstat et Bancroft datant de
1999, les auteurs rapportent qu'une femme sur trois se présentant
aux urgences, une femme sur quatre consultant les médecins
généralistes, une femme sur quatre ayant consulté
en psychiatrie pour tentative de suicide ou syndrômes psychiatriques
variés, une femme sur six consultant en obstétrique
ont été victimes de violences de la part de leur partenaire.
D'autre part, ils estiment que 50 % à 70 % des mères
d'enfants frappés l'ont été également
et que 3,3 millions d'enfants sont chaque année témoins
de violences conjugales.
Dans une étude encore plus récente de décembre
1999, Kyriacou et coll notent que les violences domestiques sont
la cause la plus fréquente des blessures non mortelles observées
chez les femmes. Elles sont à l'origine de 22 % de toutes
les formes de blessures, de 9 % des blessures graves et de 30 %
des homicides de femmes.
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