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[atsx] «La violence contre les femmes ne connaît aucune limite» (La Liberté en Suisse)

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«La violence ne connaît aucune limite»

Date: 06 Mars 2006 Subject: [atsx] «La violence contre les femmes ne connaît aucune limite» (La Liberté)

Claudia Meyer · Elle est une des responsables de Solidarité Femmes à Fribourg, qui vient en aide aux victimes de persécutions conjugales. Avant la Journée internationale de la femme, petit état des lieux édifiant.

Pascal Bertschy

Lundi 6 mars 2006

Au début était Cro-Magnon, qui empoignait sa bien-aimée par les cheveux pour l'entraîner dans sa grotte. Las ! Depuis, la situation s'est dégradée.
Car, à l'homme des cavernes, il faut au moins laisser ça: de son temps, la nécessité d'organiser une Journée internationale de la femme - c'est mercredi - ne s'imposait pas. Et il n'existait pas non plus d'institutions telles que Solidarité Femmes.

A Fribourg, Claudia Meyer est une des responsables de Solidarité Femmes - qui a vingt ans d'existence - et du centre LAVI (aide aux victimes d'infractions). Elle côtoie à ce titre toutes sortes de femmes qui, elles-mêmes, en voient de toutes les couleurs. Calvaire quotidien de celles qui subissent des violences conjugales. Pour échapper à ces persécutions, la plupart n'ont pas d'autre recours que Solidarité Femmes.
A savoir un refuge qui se révèle souvent providentiel, avec son équipe d'une vingtaine de personnes à temps partiel et sa maison d'accueil d'une capacité de dix-sept lits...

Claudia Meyer, les femmes qui s'adressent à vous viennent-elles plutôt de milieux défavorisés? Non, nous recevons aussi des femmes aisées. Ces dernières viennent surtout en consultations, il est vrai, mais la violence conjugale n'a aucune limite. Elle peut toucher toutes les femmes. Leur moyenne d'âge se situe entre 20 et 40 ans. Il arrive pourtant que nous recevions des femmes de plus de 50 ans. Par ailleurs, depuis 1993, nous assurons le mandat que l'Etat nous a confié dans le cadre de la Loi d'aide aux victimes d'infractions (LAVI). Là, nous soutenons également des dames âgées.

Victimes de brigandage, le plus souvent, avec col du fémur cassé.

Pas de clivage, non plus, entre victimes suisses et étrangères? Je dirais que nous avons plus de Suissesses en consultations, tandis qu'il y a plus de migrantes parmi les victimes que nous hébergeons dans notre maison d'accueil. Ce qui s'explique: les migrantes ont très peu de droits, sont plus vulnérables, donc plus en danger, et ont besoin de davantage de sécurité. Il faut toutefois savoir que le séjour chez nous, qui peut durer jusqu'à deux ou trois mois, n'est pas gratuit. Mais, selon les cas, il peut être pris en charge par la LAVI ou l'assistance sociale.

Quelles sont les violences que subissent les victimes? Il y a beaucoup de violences physiques, qui vont de la gifle à la tentative d'étranglement, en passant par des membres brisés. Il y a aussi les insultes, les menaces, le contrôle permanent et le dénigrement causés, d'ordinaire, par une folle jalousie. Grand classique: «Si tu me quittes, je te tue!» Ou: «...je me suicide!» Il y a enfin les violences d'ordre sexuel. Les viols et les chantages. Par exemple l'homme qui refuse de donner l'argent du ménage à sa femme, tant qu'elle ne couchera pas avec lui...

Lorsqu'une victime arrive, quelle est votre mission prioritaire? La protection, ainsi que l'information sur le cycle de la violence. La victime a besoin de connaître ses droits. Besoin aussi de respect, bien sûr, d'autant qu'elle n'a en général plus guère d'estime de soi. Le respect, chez nous, est un principe de base. Nous sommes là pour aider, écouter, parler, soutenir. Ce n'est pas à nous de dire aux femmes ce qu'elles doivent faire. Leurs choix leur appartiennent. Tout ce que nous faisons, c'est de leur conseiller de prendre le temps de réfléchir et de reprendre leur vie en main.

Votre équipe est formée de femmes. Jamais d'homme? L'an dernier, nous avons eu un stagiaire qui s'occupait d'activités pour les enfants et ça s'est très bien passé. Ainsi les enfants ont eu un modèle masculin qui n'était pas violent. Mais, dans l'ensemble, une femme reste plus indiquée pour suivre les victimes. Elles seront plus à l'aise, plus en confiance.

Avec tout ce que vous voyez, vous devez avoir une vision plutôt sombre des hommes, non? Non, parce qu'ils ne sont pas tous violents. Il y a d'ailleurs des hommes avec qui nous avons d'excellents contacts et qui sont d'une aide précieuse pour les victimes. Je pense à de très bons avocats, à des policiers, à certains juges sensibilisés par la violence conjugale. Et puis, il y a les hommes qui font des dons à notre association!

N'y a-t-il jamais eu de moment où votre travail vous a désespérée? Quand j'ai affaire à une situation lourde, j'en parle avec une collègue avant de quitter le bureau. Façon de ne pas emporter le «paquet» à la maison. Pour le reste, je me sens privilégiée. J'ai la chance de combiner travail et idéal féministe. Ce qui me plaît, c'est de voir comment ces femmes qui traversent des crises graves se recentrent peu à peu sur elles-mêmes, comment elles se découvrent de formidables ressources et se remettent. Accompagner de tels renouveaux, vous savez, est quelque chose de gratifiant...

Solidarité Femmes/centre LAVI, Fribourg. Tél.: 026 322 22 02.

Claudia, goûts et couleurs

Un trait de caractère: «L'indépendance.» Un défaut: «Je suis trop impulsive et, parfois, je peux avoir des opinions très tranchées.» Un loisir: «Cuisiner, car ça me défoule.» Un luxe: «Depuis une année, environ, j'achète chaque semaine un bouquet de fleurs pour moi.» Une gourmandise: «Cuisine indienne ou méditerranéenne, mais toujours végétarienne.» Une boisson: «J'aime bien le vin rouge. Avec un faible tout particulier pour un vin bio du Penedès, en Catalogne...» Une fleur: «La calla.» Un animal: «L'hippopotame.» Un pays: «L'Espagne.» Une ville: «Barcelone, où je vais d'ailleurs me ressourcer plusieurs fois par année.» Une île: «Minorque.» Une chanson: «Unbeschreiblich weiblich, de Nina Hagen.» Un livre: «Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir. Je l'avais lu quand j'avais une vingtaine d'années et en français, s'il vous plaît...» Une héroïne: «Fifi Brindacier.» Un bel homme: «Bob Dylan à ses débuts.» Une belle femme: «Isabella Rossellini.» Un souvenir d'enfance: «Quand j'étais à l'école primaire, je rêvais de jouer au football et au hockey sur terre. Mes parents m'ont quand même envoyée faire de la danse, pensant que ce serait préférable. Comme j'étais très grande, je crois pourtant que j'aurais été mieux en foot...» Sur son féminisme: «Il m'est venu naturellement. J'ai grandi dans une famille classique, avec des parents qui s'aimaient et se respectaient.
Enfant, pourtant, j'observais les choses et il y en avait certaines que je ne comprenais pas. Pourquoi par exemple était-ce à la femme d'adopter le nom du mari? Voilà ce qui a fait naître en moi un sentiment d'injustice, très vite, et l'idée que les femmes devaient se tenir les coudes.» Une corvée: «La lessive.» Une joie quotidienne: «Rentrer chez moi, me poser et décider à quoi je vais occuper ma soirée.» Une peur: «Celle que m'inspire le dentiste.» Un espoir: «Voir la conscience humaine, les mentalités et les lois progresser pour que la violence envers les femmes disparaisse. Ce serait alors pour moi un joli motif de chômage.»

PBy