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Le viol lors de l'émission "ça se discute"
27 10 1999
Avec Gérard Berrubé
49 ans - psychothérapeute - Paris

Origine http://www.casediscute.com/1999/11_viol/invites/specialiste_02.shtml

Gérard Berrubé

Il exerce depuis une vingtaine d'années. La majorité de ses patients sont des personnes maltraitées et violées.

Identité

Le viol vient s'immiscer dans l'histoire de la personne. Les conséquences psychologiques sont lieés a la structure, à l'identité de la personne avant le viol.

La personne violée vit deux effractions : une effraction psychique et une effraction corporelle. Elle perd une partie de son identité. C'est un cambriolage. " Je ne suis plus maître à bord " de ma personne.

Il faut distinguer deux cas : les femmes agressées par un inconnu ou par une personne connue.

Violée par un inconnu

Ces femmes se font souvent agresser dans un lieu public. Elles ont peur de mourir. elles " acceptent " d'être violées pour ne pas être tuées. Elles sont totalement passives, les bras ballants, les jambes flageolantes. Elles n'ont plus de réaction, plus d'énergie. Leur corps ne leur appartient plus. Ces femmes sont souvent surprises par leur faiblesse.

Violée par une personne connue

Les femmes violées par une personne connue ne prennent pas conscience tout de suite du danger. Dans leur esprit, si elles disent non, ça doit être entendu. L'acte est perçu comme une trahison. Elle est déstabilisée dans sa vision du monde. Je n'ai plus d'ami. Le lien de confiance au monde est remis en question. Je n'ai plus confiance en personne.

Dans les deux cas de figure, ces femmes ne sont plus dans leur corps. elles entament une dissociation.

L'entourage

L'entourage est déterminant. Malheureusement souvent l'entourage rejette la personne après le viol. C'est dramatique parce que les victimes ressentent un abandon. Cette trahison est peut-être encore plus douloureuse que l'agression.

Ces femmes ont besoin d'humanité, de soutien, d'une écoute et non d'une condamnation. Il faut dire à la victime qu'elle n'a aucune responsabilité dans cette histoire. Il faut qu'elle explique ce qui lui est arrivée sans se juger. Il faut lui expliquer que ce viol n'a rien a voir avec elle. Il faut traiter la personne comme une sinistrée. Il faut également la rassurer sur son image. Il faut la prendre dans ses bras si c'est son désir et la laisser sangloter, pleurer, hurler. Il faut que l'entourage accompagne la personne dans toutes ses démarches ; au commissariat, à l'hôpital, au procès, à la confrontation...

Parfois, le mari ne peut plus toucher sa femme après un viol. Le viol renvoie à sa propre histoire. la sexualité est un lien menacé. Cette réaction est dramatique pour la femme parce qu'elle se sent dépossédée de ce qu'elle a vécu. L'homme règle égoïstement un problème d'amour propre.

Souvent j'entends mes patientes dire que leur mère trouve cela normal " tu l'as cherché, tu rentres trop tard le soir ", ou encore, " c'est bien fait pour toi, tu as vu comment tu es habillée ". Ces réactions sont inadmissibles. Personne n'a le droit de juger une victime qui vient de subir un tel préjudice et surtout pas de la part de son propre entourage qui est sensé protéger, accompagner. La personne violée ressent une grande solitude et s'enferme dans un silence et une souffrance encore plus grande. elle est alors la victime de plusieurs viols.

Phases psychologiques

Ces phases correspondent à un système de défense acquis dès la petite enfance et programmé par la famille.

Il est très important de comprendre que les violeurs sont des prédateurs et non pas des séducteurs. Ils érotisent la haine et non l'amour.

Ce qui est primordial, c'est de comprendre quel édifice chez la femme violée, a été ébranlé par cette agression : 3 axes :

-la représentation du monde

-l'axe corporel

-l'axe familial

Après le viol, ces axes sont forcement touchés et la personne peut vivre des réactions très fortes comme le déni, la culpabilité, l'agressivité...

Le déni

Si on est dans le déni, on évacue la culpabilité. C'est un refoulement organisé. La personne est prostrée. Elle se replie sur soi-même. Elle nie totalement l'agression. Ce déni peut durer des années. Tout ce qui peut évoquer l'agression est à supprimer, à éliminer. Un jour ou l'autre, je suis obligé de m'en rappeler souvent a partir d'un détail : une couleur, une odeur, une musique... cela parait fou mais le souvenir peut réapparaître 28 ans après.

Le déni est très dangereux. C'est une bombe à retardement. La personne perd son désir sexuel. Elle n'accepte plus son corps et perd les signaux d'alarme qui lui font reconnaître le danger. J'ai rencontré des patientes qui se sont fait violer plusieurs fois et qui sont dans ce cas de figure. elles ne reconnaissent plus les situations menaçantes et les violeurs reçoivent des signaux de détresse corporelle.

La culpabilité

C'est le sentiment le plus répandu après un viol. La femme n'a pas pu refuser l'acte sexuel et se sent responsable de ne pas avoir dit non. C'est l'incapacité de se reconnaître en tant que victime. On trouve une bonne raison, on justifie son viol. " c'est de ma faute, je suis rentrée tard ". La personne doit se réapproprier une position de personne et non pas d'objet.

On peut dire que la femme pourra se reconstruire, si et seulement si, elle admet qu'elle a été victime.

Ce système de défense détruit l'image de la femme violée. On voit souvent des femmes qui prennent 5 douches par jour, qui se coupent les cheveux, qui se mutilent, qui font des tentatives de suicide, qui deviennent obèses ou anorexiques. Elles lancent un message au monde. Ce qu'on m'a fait, se voit maintenant. Elles n'ont pas d'interlocuteur à qui le dire. Elles prennent conscience de la notion de victime et de réparation par la haine de soi. Le corps les a trahi.

La situation est catastrophique quand leur sexe a répondu. Le vagin se lubrifie, elle a un orgasme. Je leur explique que c'est normal. C'est mécanique. le sexe est programmé pour ça.

Agressivité

Certaines femmes après le viol deviennent très agressives, voire meurtrières. Elles ont besoin de se venger. Elles se situent à l'opposé de la culpabilité. Elles ne sont pas responsables et peuvent devenir très dangereuses. Il faut absolument faire sortir la haine, la violence extrême qu'elles ressentent.

Elles ont plus de chance de s'en sortir. Elles auront moins de séquelles parce que leur réaction est saine : " ça n'aurait pas du m'arriver ".

Peur et souillure du corps

Toutes ces femmes ont deux points communs malgré leurs réactions différentes : la peur et la souillure du corps.

Toutes ses femmes sont terrorisées. Elles ont toutes eu peur de mourir. la mort les hante au quotidien. D'ailleurs beaucoup ont l'impression d'être des mortes vivantes, de ne plus être dans la réalité. C'est normal, elles ont survécu à un choc énorme. Ce choc va s'exprimer de différentes façons ; par la peur de sortir dans la rue, par la peur du noir, ne plus supporter quelqu'un derrière soi... c'est un système de défense qui leur permet de s'exprimer car elles n'ont pas pu être agressives. Il est fondamental d'en parler. c'est normal.

Toutes également détestent leurs corps. elles se sentent souillées. Elles refusent les rapports sexuels équivalents au viol. Par exemple, si elles ont du faire une fellation, après le viol elles ne peuvent plus l'imaginer avec leur partenaire. D'autres ne peuvent même plus se toucher. Elles se lavent avec un gant. On peut parler de dissociation entre la tête et le corps. Tout le travail va être de leur faire accepter un corps vivant et actif afin de retrouver le désir et le plaisir.

Viol des hommes

Pour un hétérosexuel, son identité masculine est détruite. Il se sent être une femme. Il a beaucoup plus de mal à en parler. Il est humilié au plus profond de lui-même, dans sa virilité. Il doit reconstruire son identité par l'image qu'il a des hommes autour de lui, à savoir son père. Il ne deviendra pas homosexuel pour autant. Il est aussi très important de dire que ce n'est pas un violeur potentiel. Seul les cas d'inceste peuvent reproduire le schéma.

S'en sortir

Il est important de dire qu'on peut se sortir de ce cauchemar. C'est long et douloureux. Il restera une cicatrice à vie, mais on peut reconstruire sa vie familiale, professionnelle, sentimentale et sexuelle.