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Message Internet
25 Mai 2006
Dans des manuels d’histoire, de 1885 à nos jours,
des écoliers découvrent l’histoire enseignée
à leurs arrières-arrières grands- parents,
arrières grands-parents, grands-parents et à leurs
parents. Ils comparent l’histoire de l’invasion et de
l’occupation de l’Algérie, de l’Indochine
et de l’Afrique avec ce qu’en disent aujourd’hui
les historiens. Ils réalisent l’ampleur de ce qui a
été caché aux écoliers d’autrefois.
D’un côté, une Histoire à la gloire de
la France, de courageux soldats français apportant les bienfaits
de la civilisation à des barbares incultes.
De l’autre, une histoire revue et corrigée, des civilisations
millénaires détruites, des villages et des récoltes
brûlés, des paysans massacrés, d’autres
déportés, des régions décimées
par la famine sciemment organisée, des palais et des villes
rasées, des bibliothèques incendiées.
Cependant, comme un démenti aux idées reçues,
laissant croire à l’unanimisme de l’époque,
les enfants découvriront que la République était
divisée par l’existence d’un fort courant anticolonialiste
et humaniste. En classe, on mettra en scène la fameuse séance
du 28 juillet 1885 à l’Assemblée Nationale,
où face à un Jules Ferry théorisant les concepts
de races supérieures, de races inférieures, et d’espace
vital, on voit un Clémenceau montant à l’assaut
de la tribune pour dénoncer solennellement les crimes de
masse commis par l’armée française au nom de
la civilisation. Des textes d’Anatole France décrivant
les crimes de la colonisation seront aussi étudiés.
On fera de même pour le lieutenant-colonel de Montagnac, dont
les lettres, par contre, revendique par le détail les cruautés
théorisées et exercées sur les Arabes.
Les écoliers vont découvrir un Jules Ferry méconnu
qui, chef du gouvernement, promulgue en 1881 le Code de l’indigénat,
corpus de lois raciales imposé aux vaincus : les punitions
collectives, les représailles écrasent les populations
civiles. Le travail forcé, avec de forts relents d’esclavagisme,
est de rigueur ainsi que les châtiments corporels. La déportation
vers le bagne provoque l’extermination par le travail. Le
Code de l’indigénat interdit toute citoyenneté
à des millions de Français.
D’abord appliqué aux Arabes des départements
français d’Algérie, le Code fut ensuite étendu
aux colonies.
Lorsque Hitler promulgue en 1933, les premières lois anti-juives,
les écoliers vont découvrir que des lois raciales,
les lois anti-arabes en l’occurrence, étaient déjà
en vigueur, depuis 52 ans, en France. Mais dans les manuels d’histoire,
on ne trouvera aucune référence explicite à
ce racisme d’Etat. A son tour, en 1940, la France du maréchal
Pétain édictait ses propres lois anti-juives. Après
les Arabes, était venu le tour des Juifs…
Les élèves enquêteront auprès de personnes
âgées pour interroger leurs souvenirs d’enfance,
à savoir les représentations qu’on leur a données
de la colonisation, du maréchal Bugeaud, de Jules Ferry,
de la France républicaine et de celle du maréchal
Pétain.
Les écoliers chercheront à comprendre comment et pourquoi
les programmes ont-ils pu passer sous silence des faits aussi graves,
en l’occurrence les racines républicaines du racisme.
Comment cela a-t-il été possible ? Des historiens
invités dans la classe pourront les aider à répondre
à ces interrogations.
Pour la fête de l’école de la Fraternité,
ce travail de recherche et d’investigation débouchera
sur une exposition, sous forme de panneaux. Des textes défendant
ou condamnant la colonisation seront mis en scène et interprétés
par les enfants. Au final, un recueil devrait être édité.
Ce projet doit faire comprendre aux élèves que la
démarche historique consiste à chercher, à
fouiller, à creuser, à remettre en question certaines
idées reçues et certitudes solidement ancrées.
Au risque de déranger, l’objectif, entre autre, est
de montrer que l’histoire se doit d’éclairer
les zones d’ombre en n’acceptant aucun interdit. L’histoire
devant dire ce qui a été, mais en traçant une
frontière, entre, d’une part, la relation des faits
et des événements, et d’autre part, les jugements
qu’on peut porter par ailleurs. La condamnation ou l’apologie,
la repentance ou la vengeance, n’étant pas du domaine
de l’historien.
Dans un deuxième temps, ce travail pourra être utile
dans le champ de l’éducation au civisme, afin de comprendre,
notamment, que la lutte contre le racisme exige de connaître,
sans tabous, les causes historiques qui l’ont engendré.
Vous êtes historiens, enseignants, étudiants…
vous pensez que des pages laissées blanches par les programmes
officiels restent à écrire. Vous vous posez des questions,
ce projet vous intéresse, contactez nous.
Mai 2006
Alain Vidal, professeur des écoles, classe de CM1, école
de la Fraternité, Nantes
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