PANNES DE DÉSIR
Le Viagra, c'est d'abord une motivation
La pilule bleue a un an. Elle a aidé des millions d'hommes en les incitant
à affronter leur problème. Bilan chiffré.
Réservé uniquement aux Américains pendant plusieurs mois, il a fait fantasmer,
l'an dernier, des millions d'hommes en proie à la débandade. Une fois
arrivé sur le marché, approuvé par la Commission européenne le 15 septembre
1998, on n'en a quasiment plus entendu parler. Alors, une année après,
comment se porte le Viagra, annoncé comme le médicament miracle de la
décennie ? Et comment a réagi, finalement, la
clientèle potentielle de la pilule bleue ?
Bilan chiffré.
A en croire les données rendues publiques la semaine dernière par la firme
américaine Pfizer, le Viagra compte parmi les médicaments qui ont le mieux
marché dès leur lancement sur le marché européen: près de 27 millions
de comprimés ont été vendus en un an, générant pour l'entreprise un chiffre
d'affaires de 132 millions de dollars (788 millions de dollars pour l'ensemble
de la planète). Mais la grande réussite du Viagra, premier traitement
par voie orale de l'impuissance ou dysfonction érectile, est d'avoir motivé
des hommes par millions à se faire soigner.
Depuis l'apparition du petit losange bleu dans les officines, le nombre
d'hommes souffrant d'impuissance qui ont entrepris un traitement a augmenté
de 60%. Champions toutes catégories, les Allemands (derrière les Américains,
évidemment): le nombre de mâles soignés pour impuissance a connu une augmentation
de 100%. Suivent les Anglais (61%), les Français (40%) et les Espagnols
(35%). Les Suisses dans tout ça? Si l'on prend en compte le nombre de
comprimés vendus pour 1000 hommes de plus de 35 ans, la Suisse décroche
la troisième place derrière la Suède et la Finlande.
La victoire du Viagra, c'est sans doute cela: aider les hommes à surmonter
leur difficulté, voire leur gêne ou leur embarras, à aborder frontalement
la question de l'impuissance. A les pousser, surtout, à franchir le seuil
d'un cabinet de consultation médicale. «Je vois de plus en plus d'hommes
venir à mon bureau avouer un problème d'érection, constate le docteur
Andreo Larsen, de l'Université d'Helsinki. Ce qui me donne également
une chance supplémentaire de diagnostiquer et de traiter d'autres dysfonctionnements
en relation avec l'impuissance.» Pour le docteur Ian Osterloh, directeur
médical chez Pfizer, le Viagra «représente un changement gigantesque
d'attitude vis-à-vis d'un problème marqué par la honte et l'embarras.
Que les hommes soient motivés à rechercher un traitement médical indique
que le Viagra est déjà un énorme succès.»
Changement d'attitude
En Suisse, dès l'introduction du Viagra en juin 1998, les hommes ont foncé
chez les spécialistes. A la Clinique d'Urologie des Hôpitaux Universitaires
de Genève, par exemple, le nombre de consultations pour dysfonction érectile
a augmenté de 42% lors du deuxième semestre 1998. Puis, au début de cette
année, les choses se sont restabilisées:
«La vague Viagra a été endiguée en six mois, remarque le professeur
Christophe Iselin. Les gens sont maintenant pris en charge.»
(En Suisse, 80 000 pilules bleues sont vendues chaque mois).
«L'année dernière, c'était la ruée, confirme Georges-Antoine de
Boccard, docteur en urologie à Genève. Aujourd'hui, ça s'est stabilisé.
Une certaine population riche en fantasmes a réalisé que le Viagra n'agit
pas sur le désir. Les autres, ceux qui souffrent d'impuissance, ne demandent
pas le Viagra, ils attendent une aide. Le Viagra n'est plus un médicament
que l'on vient demander à son médecin, mais que le médecin choisit parmi
une palette de produits.»
Si grâce au Viagra, d'avantage d'hommes réclament de l'aide sur le plan
sexuel, c'est désormais non seulement l'urologue mais également le généraliste
qui est consulté. Un généraliste qui possède enfin une arme qui lui a
manqué pendant longtemps. Car le Viagra est une arme efficace, à véritable
«effet traitant»: beaucoup d'hommes connaissent une simple panne qui
va devenir une impuissance vraie, par anxiété de la performance, par peur
de ne pas être à la hauteur. Bien souvent, dans ce cas, quelques comprimés
suffisent à faire disparaître le problème en redonnant confiance à l'homme.
Qui se passe dès lors de Viagra en rangeant la boîte dans le tiroir de
la table de nuit. Restent les autres, ceux souvent âgés de plus de 60
ans, qui souffrent de fatigue, de dépression, d'hypertension. Ceux pour
qui le Viagra reste une pilule à avaler une heure «avant», qui coûte 20
francs l'unité et qui, en Suisse, n'est toujours pas remboursée par les
caisses maladie.
PANNES DE DÉSIR, Le Viagra, c'est d'abord une motivation
Florence Duarte, 14 octobre 1999
L'article "La fonction de l'orgasme" a été
publié en Suisse sur le site Webdo le site du journal "L'hebdo".
Le lien d'origine http://www.webdo.ch/hebdo/hebdo_1999/hebdo_41/viagra2_41.html
Le lien de cette publication http://www.webdo.ch/index.html
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